Persona 3 Portable & Persona 4 Golden : des remasters de velours ?
Longtemps boudée en Occident, notamment en France, la saga Persona a réellement commencé à s’imposer avec son 5e opus sorti en 2017. Ce premier épisode a bénéficié d’une traduction française, rendant enfin accessible au public non anglophone cette saga culte mélangeant adroitement visual novel et J-RPG. À l’occasion de la sortie pour la première fois en français, des épisodes Persona 3 Portable et Persona 4 Golden en version remaster, nous vous proposons aujourd’hui un tour d’horizon de ces deux épisodes cultes !
Le long chemin de la reconnaissance
À l’origine, la saga Persona est un spin-off de la franchise Shin Megami Tensei. Assez méconnue en Europe jusqu’à très récemment. Le seul jeu de la licence ayant réussi à obtenir une localisation européenne étant Shin Megami Tensei III : Nocturne. Mais depuis le succès international de Persona 5, puis de sa version améliorée Persona 5 Royal, cet oubli appartient au passé. En effet, plusieurs titres de la série originale font leur grand retour au sein de nos contrées en commençant par Shin Megami Tensei III : Nocturne, initialement sorti en 2005 et qui a connu un remaster sur PS4 en 2021, puis de Shin Megami Tensei V, dont la sortie fut mondiale en 2022 sur Nintendo Switch.
Cependant, tout le mérite n’est pas à attribuer uniquement à Persona 5. Aux premières heures de gloire de la série, citons Persona 3 qui a permis de s’octroyer les faveurs des joueurs de J-RPG en 2008 ; en ajoutant ce qui deviendra le point fort de la série : les liens sociaux. De ce succès découlera le retour de Persona 1 en 2010 sur PSP, 14 ans après sa sortie au Japon et de Persona 2 : Innocent Sin qui sortira en Europe en 2011 également sur PSP (son jumeau Persona 2 : Eternal Punishment, quant à lui ne sortira pas hors des frontières japonaises.)
En 2009, Persona 4 sera localisé en Europe sur Playstation 2 et connaîtra à nouveau un vif succès auprès du public. Deux portages voient alors le jour : Persona 3 Portable sur PSP en 2011 et Persona 4 Golden sur PS Vita en 2013. Et depuis ce 19 janvier 2023, leurs remasters sont disponibles sur PC, Xbox One/Series, PlayStation 4 et Nintendo Switch.
Aux origines du mythe
Les jeux Persona puisent leur origine au sein de la mythologie occidentale et particulièrement grecque. À l’instar de Persona 3 qui s’inspire du mythe d’Orphée, fils du roi Oeagrus et de la muse Calliope. Lors de l’invocation de ce dernier par le joueur, la carte du tarot La Mort, jaillit de la tête d’Orphée, le déchirant dans le processus pour reprendre finalement la forme d’Orphée, qui devient alors la persona du protagoniste. Son introduction n’est pas sans rappeler le sort qu’il aurait subi il y a longtemps. Selon la mythologie, il aurait été déchiré par les Ménades pour ne pas avoir honoré Dionysos, ne laissant que sa tête intacte.
Autre référence mythologique, une nouvelle fois grecque, celle faite aux Moires (les divinités du destin) représentées par Igor qui officie le rôle de guide. La chambre de velours et le pouvoir de l’inconscient jouent un rôle prépondérant sur le pouvoir de sa Persona et le développement de celle-ci ainsi que sur la capacité spéciale du protagoniste à suivre le fil du destin et à contrôler son cœur. Selon Igor : « La Persona étant une manifestation de soi et du cœur. Or le cœur pour être renforcé a besoin de tisser des liens sociaux. C’est le pouvoir de ces liens qui détermineront les capacités de ses Personae. »
Bas les masques
Persona qui vient du latin Personare, signifie « parler à travers » et désigne avant tout les masques que portaient les acteurs durant les pièces de théâtre, leur permettant ainsi d’intégrer plus facilement leur personnage. Ce terme prendra un aspect plus psychologique avec notamment les travaux du psychiatre Carl Gustav Jung et de son concept d’inconscient collectif dans la psychologie analytique.
Carl Gustav Jung reprend le terme « Persona » pour parler du rapport de l’individu dans la société ou comment chaque être humain s’intègre dans la société en jouant un certain rôle selon son interlocuteur. Les jeux Persona 3, 4 et 5 reprendront cette idée avec le concept de Social Link où l’on tisse des liens avec différents personnages du jeu. Selon nos réponses, les relations peuvent s’améliorer comme se dégrader. Le joueur devra faire le bon choix pour augmenter le rang de relation, jouant ainsi un rôle pour plaire au personnage en question. Ce concept deviendra le thème central du jeu, les relations pouvant avoir des conséquences sur le déroulement de l’intrigue mais surtout débloquent de nouveaux Personae que le joueur peut utiliser en combat.
Persona 3 : éveillez vous à l’Heure sombre
Dans Persona 3, le joueur incarne un(e) lycéen(ne) transféré(e) au Lycée Gekkoukan qui a récemment intégré(e) le dortoir de son école. Quelques jours après son arrivée, des entités fantasmagoriques appelées dans le jeu « Ombres » attaquent leur pension. S’ensuit une révélation pour notre jeune héros/héroïne qui voit s’éveiller en lui/elle un pouvoir mystérieux, sa « Persona », afin de protéger ses nouveaux camarades. Par la suite, le/la jeune homme/femme rejoint la SEES « Section d’Exécution Extrascolaire Spécialisée », dans l’optique de pouvoir éliminer définitivement ces Ombres ; qui apparaissent pendant l’Heure sombre, la 25ème heure de la journée (comprenez après minuit) et perçue seulement par une poignée de personnes manifestant des pouvoirs psychiques.
Un double gameplay
À partir de Persona 3, le gameplay de la série Persona innove en créant deux environnements distincts, la phase d’exploration type dungeon-crawler et la simulation de vie étudiante. Deux univers qui à première vue s’opposent, mais qui au final arrivent à coexister ensemble et font de Persona, le succès que l’on lui connaît aujourd’hui.
Dans Persona, vous êtes maître de votre propre emploi du temps. Au fil de l’histoire, de nombreuses zones, activités, relations se débloquent et il faudra choisir comment gérer son temps pour améliorer ses statistiques qui vous permettront de débloquer davantage de Personae ou des nouvelles relations jusque là inaccessibles. Serez-vous plus studieux pour obtenir les grâces de la présidente du conseil des élèves ou déciderez-vous de profiter à fond du karaoké pour améliorer votre charme ?
La journée, vivez votre vie de lycéen dans votre nouvelle école. Développez vos relations avec les différents personnages qui peuvent être vos camarades de classe, comme les membres de votre équipe ou des personnes extérieures.
La nuit, gravissez les différents étages du Tartarus, cette même école qui prend des allures de labyrinthe lors de l’Heure sombre. C’est ici que la dimension dungeon-crawler prend tout son sens avec des donjons qui sont générés aléatoirement et où notre héros devra affronter de nombreux dangers avec parfois des mini-boss, dans l’optique de remporter de précieuses pièces d’équipement. En outre, une fois par mois, selon le calendrier scolaire, un boss apparaît et les combats deviendront encore plus tactiques. À vous de faire preuve d’ingéniosité pour réussir à triompher de vos ennemis. Combattez les Ombres, gagnez de l’expérience, découvrez et fusionnez de nouveaux Personae. Attention cependant à l’humeur de votre équipe qui déterminera ou non l’accès au Tartarus. Les personnages peuvent refuser d’y aller s’ ils sont trop fatigués et cela peut avoir un impact sur les combats.
L’aspect social est ici prépondérant. En effet, au travers des liens sociaux vous pourrez développez l’arcane du tarot du Fou vous permettant de gagner de nombreux bonus d’expérience, mais également de lever le passé mystérieux de vos compagnons. Des personnages attachants, tous avec une personnalité différente mais qui, en équipe, sont en parfaite harmonie et se battent pour le même but. Persona offre la possibilité de constituer sa propre équipe comme la plupart des JRPG. De plus ils peuvent, en combat, agir de leur propre gré ou suivre des directives précises comme s’attarder sur les soins, être concentré sur l’attaque… Ou vous pouvez tout simplement commander chacune de leur action ! Adoptez la stratégie que vous souhaitez.
Des thèmes très sérieux sont abordés comme la thanatophobie qui est la peur de la mort et l’acceptation de celle-ci. L’aspect psychologique de ce jeu est important et chaque lien social sublimera le scénario. L’intrigue ne fait que monter en puissance et on est facilement pris dans l’histoire jusqu’à ne plus se rendre compte que l’on joue déjà depuis plus de 4 heures.
Persona 4 : branchez-vous sur la Chaîne de minuit
Dans Persona 4, le joueur se retrouve transporté dans la ville d’Inaba où le protagoniste principal est contraint de vivre chez son oncle, suite à la mutation professionnelle de ses parents. Cependant un climat de terreur règne sur place. En effet, des meurtres ont lieu chaque nuit de brouillard et la police est rapidement dépassée par les évènements, dans une petite ville où il ne se passe habituellement pas grand-chose. Le jeune homme se lie d’amitié avec des camarades de sa nouvelle école. Ils découvrent alors très vite le pot aux roses : un monde parallèle où les Ombres règnent en maître, connecté à partir des écrans de télévision. Fort heureusement, ils se retrouvent dotés de la faculté de pouvoir y pénétrer grâce à leurs moi intérieur, leurs « Personae ». Souhaitant sauver les futures victimes apparaissant à la télé, à minuit toutes les nuits de brouillard, nos héros tenteront coûte que coûte de résoudre le mystère autour de ces morts tragiques.
Un gameplay similaire mais moins linéaire
Dans Persona 4, exit les phases d’exploration d’un seul et unique donjon, aussi immense soit-il. Et bienvenue dans le monde de la télévision et de la multitude de donjons qu’il renferme. Nous restons sur ce qui a fait le succès du précédent opus – à savoir les phases d’exploration, l’aspect simulation de vie et la possibilité au protagoniste masculin de ravir le cœur de toutes ses prétendantes féminines… Même si Persona 4 apporte une atmosphère plus sombre et plus oppressante que Persona 3, notamment avec son aspect « thriller psychologique », une thématique se dessine en toile de fond, celle du « moi ». Thème d’ouverture de la série : « Pursuing my true self » est ici beaucoup plus présente avec l’acceptation de sa part d’ombre (qui a dit que le côté obscur était une mauvaise chose en soi ?) et le renoncement sont des éléments propres au gameplay. Cet aspect de Persona 4 est déterminant pour les sidekicks de notre personnage principal afin de révéler leur Persona. Chaque compagnon ne pouvant manifester leur Persona qu’à la condition d’entrer dans le monde de la télévision, faisant au passage apparaître un donjon qui reflète leurs propres démons intérieurs et réflexions personnelles. Deux choix leur sont proposés : vivre et accepter sa part d’ombre ou renoncer et mourir dévoré par son double maléfique. Pour la première fois, nous sortons de la vision manichéenne de la série, où le mal est opposé au bien, mais où les deux sont une composante d’un tout.
Les phases de vie quotidienne ont également été modifiées rendant impossible l’exploration du monde parallèle la nuit, probablement pour que le lycéen n’ait pas une vie dissolue, les développeurs ayant voulu se rapprocher de la réalité sur ce point. La météo constitue un élément de gameplay où les jours de brouillard, les Ombres sont plus nombreuses et plus agressives.
Persona 3, Persona 3 Portable, Persona 4, Persona 4 Golden : quelles différences ?!
Persona 3 Portable diffère de ses prédécesseurs en donnant la possibilité au joueur de choisir un protagoniste féminin, de nouvelles possibilités de gameplay avec une phase de déplacement via un système de curseur et d’influer sur le changement d’un évènement tragique du jeu. Ce nouveau système de gameplay constitue le point faible du jeu empêchant le joueur de parcourir le titre d’un bout à l’autre. Seul point positif, l’ascension du Tartarus qui est rendue plus aisée.
Persona 4 Golden quant à lui offre des graphismes modernisés et de nouveaux ajouts scénaristiques avec l’apparition d’un nouveau personnage : Marie ; ainsi que la fonctionnalité « aide en ligne » permettant au joueur d’être épaulé durant les phases d’exploration des donjons.
Véritables remakes ou simples remasters ?
Les deux portages ne sont pas à considérer comme des remakes à proprement parler, mais plutôt comme des versions améliorées, des remasters. Outre des graphismes modernisés, ces deux remasters offrent surtout la possibilité pour la première fois aux joueurs depuis la sortie de Persona 5 Royal de profiter du jeu en version multilingue. En effet, les jeux Persona n’étaient disponibles auparavant qu’avec une version sous-titrée anglaise. Désormais, les joueurs français peuvent profiter pleinement de la langue de Molière.
Persona 3 – la musique mise à l’honneur
Dans Persona 3 Portable (P3P), la maniabilité du jeu change très peu. Le menu est resté le même qu’à l’époque. Seules quelques fonctionnalités de gameplay ont été rajoutées pour faciliter la prise en main aux non-initiés. Comme par exemple, la possibilité d’effectuer une sauvegarde rapide à n’importe quel endroit ou de choisir le niveau de difficulté dès le début, fonctionnalité qui n’était disponible qu’à partir d’un certain point auparavant.
Malheureusement, les effets sonores dans Persona 3 Portable sont très souvent étouffés et ne sont pas à la hauteur d’un portage sur des consoles de nouvelle génération. Cependant, la bande-son de Shoji MEGURO sublime tellement le jeu qu’on en oublierait presque le premier aspect négatif proposant des musiques très pop provenant du registre de Yumi KAWAMURA et du rappeur Lotus JUICE. On ne se lasse pas des nombreux thèmes musicaux (qui d’ailleurs changent en fonction de si vous jouez la protagoniste féminine ou le protagoniste masculin !).
Persona 4 – Golden pour version Deluxe ?
La version « Golden » apporte d’autres composantes au jeu initial comme la possibilité de découvrir un nouveau pan d’Inaba, le prolongement du titre après fin décembre et quelques nouveaux personnages.
En outre, Atlus nous offre ici des textures plus lumineuses mettant en exergue le côté rural d’Inaba à la verdure luxuriante. L’éditeur insiste sur les petites échoppes alignées le long de l’allée centrale pour délaisser le côté moderne et plus technologique propre aux grandes villes afin de renouveler l’expérience de jeu pour le joueur, donnant l’impression de redécouvrir de nouvelles facettes du jeu à chaque nouvelle aventure.
La véritable nouveauté avec ce remaster est l’accès à une fonction « Album » permettant au joueur de voir ou revoir des cinématiques déjà visualisées. Cela lui octroyant au passage la possibilité de choisir une réponse différente de la première fois lors d’un échange avec un personnage pour débloquer de nouveaux dialogues ou de nouveaux éléments scénaristiques.
Enfin, comme dans P3P, la possibilité de choisir le niveau de difficulté dès le début et de sauvegarder quand on veut, ont été ajoutées.
Ma révolution porte le nom de Shoji MEGURO
Nous retrouvons une nouvelle fois aux manettes pour l’ambiance sonore, Shoji MEGURO qui sublime la série en accentuant l’ambiance de légèreté lors des phases de déambulation au sein d’Inaba et a contrario la tension palpable lors de la découverte du monde de la télévision et du mystère qui plane sur Inaba. Les musiques lors des phases de combat sont volontairement plus rock, électrisant les affrontements. Les chansons sont interprétées cette fois par Shihoko HIRATA qui vient remplacer Lotus JUICE et Yumi KAWAMURA qui n’ont pas quitté la série des Persona, puisque le premier à notamment collaborer aux thèmes musicaux de Persona 4 Arena Ultimax ou Persona 4 : Dancing All Night et la seconde aux arrangements musicaux de Persona 4 Arena ou Persona 4 The Animation.
Certes, Persona 3 Portable et Persona 4 Golden ne font pas dans la nouveauté et nous aurions aimé avoir un remake complet des deux jeux pour profiter pleinement des graphismes qu’offrent les consoles de générations actuelles ou même quelques ajouts mineurs tels que la suppression de la vue isométrique dans Persona 3 Portable et l’importance de travailler ses liens sociaux avec ses confidents, permettant aux joueurs de bénéficier de bonus précieux lors des phases de combats. Tant de petits éléments qui auraient permis aux deux jeux un nouvel essor et une renommée toujours plus grande. Mais peut-être n’est-ce que partie remise avec qui sait un véritable remake à l’horizon pour Persona 3 et pourquoi pas pour Persona 4 ? C’est en tous les cas, tout ce que nous pouvons souhaiter à ces jeux fondateurs d’une saga désormais bien implantée en France !
Article co-rédigé par Malvina Tournadre et Adrien Devaux