TSUBOMI éditions et son application de pré-publication numérique inédite
TSUBOMI éditions n’est peut-être pas inconnu pour nombre d’entre vous, puisque cette maison d’édition a pu voir le jour grâce à une campagne de crowdfunding fin 2020. Auréolé de succès, l’éditeur a travaillé d’arrache-pied afin de sortir officiellement la bêta de son application de lecture fin 2022, deux ans plus tard. Depuis décembre 2022, vous pouvez donc découvrir une nouvelle application de lecture, en mode streaming, avec des mangas 100 % inédits en France !
Avec ses 11 titres disponibles actuellement, l’éditeur se veut ambitieux et motivé. Journal du Japon a souhaité s’entretenir avec l’éditeur et ses deux co-fondateurs : Yassine Laalmi et, plus connu, l’Ermite morderne. Afin de comprendre les tenants et aboutissants de ce projet découvrez donc nos deux interviews afin de vous en apprendre d’avantage. Bonne découverte !
TSUBOMI éditions, le bourgeon en quête de floraison !
Nouvel arrivant dans le milieu du manga français, TSUBOMI éditions décide de se placer un peu à contre-courant des autres éditeurs mangas. Ayant sollicité ses premiers lecteurs par une campagne de crowdfunding en 2020, cette jeune maison d’édition compte particulièrement sur ces derniers pour l’aider à grandir et à se faire connaître ! TSUBOMI, qui pourrait se traduire par « bourgeon« , en est effectivement à ses balbutiements.
Néanmoins, cet éditeur décide de fonctionner un peu différemment du reste du milieu, et se lance directement par le biais numérique plutôt que par le papier. Une belle initiative alors qu’on sait à quel point le prix du papier et son marché restent très fluctuant, en tendant plutôt vers une hausse. Ici l’éditeur a aussi choisi de proposer son propre magazine de pré-publication numérique afin de faire connaitre au grand public de nouveaux auteurs japonais indépendants !
Chez TSUBOMI pas forcément d’auteurs connus puisque la maison d’édition s’évertue à démarcher des artistes japonais en marge du circuit habituel, ou qui peinerait à percer… Et ceci afin d’apprécier leur travail et de le mettre réellement en avant : l’éditeur privilégie de cette manière le circuit court.
Lancé en décembre 2022, un peu plus tard que prévu initialement, l’application de lecture propose un chapitre par semaine, ou toutes les deux semaines ou par mois. Les histoires se déroulent à un rythme lent mais appréciable pour le lecteur afin que ce dernier puisse savourer comme il le souhaite sa lecture. On peut alors lire les chapitres en scrollant, à la manière d’un feuilletage à la webtoon, ou de droite à gauche comme une lecture plus traditionnelle. Cette adaptation est l’une des fonctionnalités à laquelle l’éditeur tient car il souhaite offrir l’application la plus fidèle aux attentes de ses lecteurs, fluide et efficace. Une belle façon de partager ces récits aussi variés puisque différents genres sont représentés : science fiction, romance, action, aventure…
L’équipe est pour le moment assez réduite puisqu’elle est représentée par le co-fondateur Yassine Laalmi – et sa sœur, en charge du juridique – ainsi que le youtuber L’Ermite moderne ! L’idée est donc de distribuer dans un premier temps les premiers artistes retenus en leur offrant une plateforme qui leur correspond également. Artistes avec lesquels ils font néanmoins un véritable travail éditorial, n’hésitant pas à les encourager à aller vers telle ou telle direction dans leurs récits.
Enfin, pour avoir testé l’application, on peut dire que même si cette dernière est encore perfectible et améliorable – il s’agit pour le moment d’une bêta – elle reste fluide et fonctionne parfaitement ! Les nouveaux chapitres s’affichent bien et se repèrent facilement, et on arrive à savoir exactement où l’on en est dans les lectures. On peut choisir d’en mettre en favori, et surtout le bonus non négligeable : les chapitres peuvent être lus en français, version originale japonaise et en anglais ! Autant de façon de redécouvrir une œuvre. On sent que l’application, à terme, sera personnalisable et avec un environnement qui ira à tous. Bonne idée ambitieuse de la part de l’éditeur que nous décidons donc de suivre avec attention !
Entretien avec Yassine Laalmi, l’un des fondateurs de TSUBOMI éditions
Journal du Japon : Bonjour Yassine !
Merci de nous accorder de votre temps alors que vous êtes en ce moment-même au Japon.
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter tout simplement à nos lecteurs ?
Yassina Laalmi : Je suis Yassine Laalmi, le cofondateur de Tsubomi éditions. J’ai créé cette société avec l’Ermite moderne ainsi que Meriem Laalmi… en 2021 de mémoire vu que le temps passe vite : j’en perds la notions du temps ! Nous avons commencé notre activité commerciale il y a un peu plus d’un mois. Moi, initialement, je suis issu de l’univers de la couture ; j’ai été tailleur pendant quelques années et c’est lors d’un voyage au Japon – enfin plutôt lors d’un retour de voyage au Japon – que j’ai eu l’idée de créer une maison d’édition et d’embarquer avec moi ma sœur et l’Ermite moderne qui est un ami d’enfance.
Pourriez-vous nous en dire davantage justement au sujet de TSUBOMI ? Vous indiquez dans le dossier de presse que vous avez sillonné durant un an environ le Japon pour trouver les artistes dont vous vouliez partager le travail, mais pourquoi créer TSUBOMI éditions et son application de lecture ?
En réalité, nous avons un peu synthétisé le dossier de presse car les artistes ont été repérés et suivis avant même l’idée de la création d’une maison d’édition. J’ai eu personnellement l’occasion de vivre au Japon à plusieurs reprises sur différentes périodes, 3 mois voire davantage… jusqu’à ce qu’à un moment j’y vive pendant un an. Pendant cette période, j’ai eu la chance de rencontrer des auteurs, au début de manière un petit peu incongrue, dans des cafés, des Guest-House… Et petit à petit j’ai été intéressé par les conventions amatrices de doujin comme le Comitia ou le Comiket que j’ai pu visiter et explorer.
J’ai eu un choc en découvrant autant d’auteurs talentueux qui avaient du mal à se faire éditer. Finalement, au départ, cela s’arrêtait là : je récoltais des contacts parce qu’initialement et personnellement j’étais intéressé par le manga amateur et j’avais aussi l’envie peut-être de mieux me lancer… mais quand je voyais les talents de ces personnes, je cherchais à comprendre où cela bloquait de leur côté.
Je suis issu d’Angoulême, et cela a son importance car je suis entouré depuis mon enfance d’auteurs de bandes dessinées : j’ai été touché de voir la précarité du milieu de la bande dessinée franco-belge et j’ai été encore plus surpris de constater que c’était sensiblement la même chose au Japon… peut-être même pire encore, surtout quand on ne respecte pas tout un tas de conditions pour avoir la chance d’être édité au Japon. Alors, en rentrant en France, je me suis posé la question de comment faire, et c’est de cette manière que TSUBOMI est né, pour présenter ces auteurs avec une solution qui puisse avoir un impact en termes de communication et de diffusion, en constatant notamment la nouvelle forme de consommation des produits culturels via les réseaux sociaux, par l’utilisation des smartphones ou encore des tablettes… mais aussi de l’importance de la consommation et des scantrad.
Je me suis inspiré évidemment du système de pré-publication qui existe au Japon et je me suis dit que, peut-être, la solution serait de créer un magazine de prépublication destiné à ces auteurs et donc à ces créations originales afin de leur permettre une visibilité internationale avec une grande force de communication. J’en ai très rapidement parlé à ma sœur qui est juriste en propriété intellectuelle et qui se charge aujourd’hui de la chaîne des droits afin de sécuriser les droits des auteurs avec des contrats intéressants. J’en ai parlé également à L’Ermite moderne parce que je savais que pour un projet de cette ampleur il nous fallait une force de communication qui puisse être pertinente aussi par rapport à la cible destinée : les lecteurs de mangas amateurs du Japon, de la culture japonaise… c’était tout à fait approprié. Pour moi, il fallait absolument qu’il accepte parce que, s’il ne l’avait pas fait, le projet n’existerait pas. Cela faisait partie de notre stratégie globale donc je suis allé le voir et j’ai réussi à le convaincre. Aujourd’hui, nous nous sommes tous lancé dans cette aventure qui est surtout une aventure éditoriale avant d’être une aventure de diffusion numérique.
Le choix du parti-pris du numérique est-ce finalement pour essayer de coller à l’aspect de la pré-publication japonaise ?
Exactement, nous avions la possibilité de le faire en travaillant avec des traducteurs, en français et en anglais, tout en ayant aussi le contenu japonais : il nous fallait donc un moyen de rendre accessible nos créations à l’international. Nous n’allons pas le cacher, c’est aussi très important pour notre modèle économique. Il faut savoir que le modèle de pré-publication, que ce soit en numérique ou en format papier, est aussi un moyen de récupérer des moyens financiers et des ressources pour permettre la création des auteurs. Ensuite, quand arrive la publication papier d’un manga relié c’est un autre modèle économique qui vient et qui prend place mais entre-temps dans cette intervalle-là, il faut pouvoir gagner de l’argent de manière à payer les auteurs… donc c’est pour ça que le modèle de la pré-publication nous paraissait important.
Comment fonctionne-t-on justement en termes de travail avec ces auteurs et ces autrices pour récupérer les chapitres et les partager ?
Ce n’est pas toujours évident car c’est un vrai travail d’édition. Nous sommes en contact avec les auteurs assez régulièrement, beaucoup en visioconférences, mais aussi par mails. Nous essayons d’avoir une implication réelle et de les aider quand ils ont des doutes. Cela peut concerner le character-design de leurs personnages ou des directions scénaristiques à prendre : nous leur faisons un retour systématique sur les storyboards qu’ils nous envoient quand nous avons le sentiment que le message n’est pas assez impactant ou que cela pourrait être dit autrement, que certains messages sont inutilement polémique ou bancals…
Nous avons cette chance d’avoir des auteurs qui nous font confiance même si nous débutons dans l’édition et ils nous soutiennent vraiment. Ils ont commencé à travailler avec nous et à nous soutenir alors même que nous avions juste des promesses à leur apporter, quand l’application n’existait pas. Nous les avions approchés avant d’avoir lancé notre campagne de financement participatif et ce sont des auteurs avec qui, aujourd’hui, nous avons un rapport qui tient à l’esprit d’équipe… une sorte de grande famille même. C’est pour cela que c’est très important pour nous de les représenter.
Cela veut donc dire qu’ils ont plutôt bien accepté dès le départ cette approche d’une maison d’édition numérique vu le soutien qu’ils vous accordent déjà ?
Nous avons réussi à les convaincre, pour ne rien vous cacher, grâce à notre proposition de contrat. Nous faisons de la création originale et cela débloque pas mal de choses. Certes, c’est un énorme risque éditorial car c’est vraiment l’éditeur qui prend un risque en « misant » sur des titres et en espérant fédérer autour, de manière qu’il y ait le succès escompté. En revanche, nous aurions très bien pu aussi faire du rachat de droits, ce qui est généralement le modèle utilisé le plus couramment aujourd’hui. Je dis un chiffre au hasard mais je pense que plus de 90% des mangas qui sont publiés en France sont des mangas issus de rachats de droit. Je ne sais pas si vous connaissez un peu la manière dont ça fonctionne mais je peux le préciser car c’est important de définir quel est notre combat derrière la création originale.
Pour nos lecteurs, cela peut être en effet intéressant de refaire un rappel, donc je vous en prie.
Le rachat de droits consiste à approcher des maisons d’édition et les ayants droit, du moins des mangas que l’on souhaite publier. L’idée est de regarder ce qu’il se passe à l’étranger, en l’occurrence ici au Japon. Généralement on approche une maison d’édition : souvent ce sont les trois grandes maisons d’édition japonaise que l’on connaît et on leur demande les droits. On essaie de négocier avec eux de manière à pouvoir exploiter une licence sur un territoire donné et sur une période donnée : on engage des négociations. Le problème pour nous, dans cette manière de faire, c’est que d’une part il y a ce qui s’appelle une chaîne de droits qui se crée derrière et d’autre part ce n’est pas la manière la plus pertinente pour mettre l’auteur au centre du projet.
Souvent quand un auteur signe avec une maison d’édition, on lui offre 10% voire 8% de droits d’auteur sur la vente d’un manga ou d’une bande dessinée en version papier. Cela représente, sur un manga vendu à 10€, environ 0,80€ ou 1,00€ : plus la chaîne des droit est longue, plus la part de l’auteur diminue parce qu’initialement il y a une répartition entre la maison d’édition qui a racheté les droits, la maison d’édition japonaise, la part des ayants droits et ensuite l’auteur. À la fin de cette chaîne clairement l’auteur touche beaucoup moins d’argent et cela vaut aussi lorsque la chaîne de droit est encore plus allongée quand une maison d’édition française travaille avec un diffuseur ou en coproduction avec un studio d’animation ou des produits dérivés… Tout dépend des contrats et des négociations.
Ce point pour vous dire que ça peut être très compliqué pour l’auteur. Pour un auteur qui a du succès c’est très bien mais pour un auteur qui débute ça veut dire qu’il lui faut atteindre les 5000 voire les 10000 ventes pour être considéré comme solide, ce qui n’est pas toujours facile en France. J’entends qu’au Japon c’est encore différent, c’est-à-dire que la maison d’édition est en droit de stopper une création parce qu’elle considère qu’elle n’atteint pas les objectifs de succès escomptés.
Nous nous engageons avec les auteurs de manière systématique pour qu’il y ait une véritable fin si vraiment on voit que l’un d’eux ne rencontre pas le succès. Nous attendrons car nous nous sommes engagés de toute façon à ne pas interrompre le manga : nous lui laisserons toujours le temps de conclure son histoire car il n’y a rien de plus frustrant pour l’auteur et pour les lecteurs d’avoir une collection incomplète. Nous leur laissons aussi la possibilité de nous proposer leur rythme de prépublication donc nous avons des auteurs qui peuvent produire un chapitre par mois, d’autres tous les 2 mois, d’autres tous les 3 mois et il y en a certains qui ont besoin de 4 mois.
Cela va dépendre également de leur situation personnelle : certains peuvent travailler à côté ou mener un travail de manga en auto-édition ou avec une autre maison d’édition en parallèle… C’est à nous ensuite de gérer un planning de diffusion entre tous ces auteurs avec un système de groupement de manière à proposer sur notre application un minimum de 10 nouveaux chapitres par mois. C’est pour cela que le nombre d’auteurs est aussi important : 10 chapitres par mois cela veut dire qu’on a plus d’auteurs qui travaillent dessus.
Nous sommes très contents, également, de travailler avec nos traducteurs et traductrices, les lettreurs aussi. Nous voulions absolument travailler avec des professionnels parce que sans, ça n’a aucun sens et nous sommes ravis de leur travail. Et puis voir une double page voire le jour, une proposition du storyboard finalisé, lettré et traduit…cela donne un sentiment de devoir accompli. C’est quelque chose de très gratifiant et je pense que c’est vraiment ce qui nous procure le plus de plaisir en tant qu’éditeur.
Comment s’est passée justement l’approche des traducteurs et des lettreurs pour pouvoir permettre que ce soit joli et fluide sur l’application ? Ont-ils dit oui tout de suite pour travailler avec vous ?
Je dirais que ceux qui nous accompagnent ont dit oui assez rapidement. Ce sont des traducteurs ou des lettreurs qui connaissaient le projet et qui sont sensibles aussi à notre démarche. C’est un peu comme les auteurs : ceux avec qui on travaille en ce moment ne sont absolument pas représentatifs du nombre d’auteurs que j’ai pu contacter. Idem pour les traducteurs et les lettreurs, ça a été tout un travail car c’est beaucoup de prise de contact, mais nous avons constaté que ceux qui nous suivaient assez rapidement le faisaient pour accompagner et pour soutenir notre démarche, donc soit ça s’est fait très rapidement soit pas du tout.
On vient de l’aborder un peu, mais comment fonctionne exactement votre business model ?
Le business model est très simple : plus nous avons d’abonnement plus nous générons des ressources et c’est avec ces ressources que nous payons directement les auteurs. Plus nous avons de ressources, mieux nous paieront nos auteurs et nous pourrons davantage faire de la création originale, donc du nouveau contenu. Aujourd’hui j’ai envie de vous dire que pratiquement la totalité de ces ressources vont dans la création de nos titres originaux et pour le paiement des auteurs mais aussi pour le paiement des traducteurs et des lettreurs qui nous accompagnent.
Il faudra que nous ayons un certain nombre d’abonnés pour être rentables évidemment et pour que notre société soit pérenne. Ensuite, nous avons dans l’idée de proposer davantage de titres encore et tenir sur les années qui viennent. Nous n’avons pas envie non plus de devenir une grosse industrie, ce n’est pas notre but car notre maison d’édition reste à l’échelle humaine, indépendante et ce que nous proposons sur l’application est consacré à notre catalogue exclusif. Cela sous-entend qu’il nous faut aussi les moyens humains et financiers pour accompagner nos auteurs dans cette démarche éditoriale, et c’est dans cet esprit que nous ne nous voyons pas travailler avec plus d’une vingtaine d’auteurs par an.
Lorsque nous aurons assez de contenu, de chapitres notamment, nous pourrons produire un tome en version papier car c’est prévu : nous le proposerons, peut-être sous forme de précommande, et à ce moment-là la version papier sera également dématérialisée pour être accessible en PDF sous forme d’une version augmentée avec des mises à jour, des illustrations exclusives, peut-être des interviews, des croquis… Nous avons des idées pour créer de beaux livres plutôt axés pour les collectionneurs et clairement, sur ce modèle-là, nous sommes plutôt sur une opération blanche parce que c’est vraiment pour le bénéfice des auteurs et des collectionneurs. Le centre de notre modèle économique est donc basé sur le système d’abonnement à l’application.
Pour le moment, le lecteur qui souhaite suivre le catalogue de TSUBOMI peut lire les premiers chapitres de 11 séries. Y a-t-il déjà un planning bien défini voire un objectif en tête pour faire vivre le catalogue même si on vient d’aborder un peu le sujet ?
Je pense que notre objectif est d’atteindre, pas cette année mais sur les 3 ou 4 années à venir bien sûr, une vingtaine de nouveaux chapitres par mois tout en sachant que ce qui est présent et ce qui va arriver sur l’application va rester sur cette dernière. Encore une fois, nous ne sommes pas diffuseurs donc nous ne pouvons pas fonctionner comme une interface à la Netflix par exemple, qui est tributaire des périodes de diffusion qui leur est accordées. Nous avons la garantie de toujours avoir le contenu sur notre application, je dis « toujours » mais j’imagine que dans 70 ans ou 90 ans cela peut disparaître surtout si l’application est menée à fermer… on ne sait pas ce qui peut arriver après tout !
En tout cas nous n’avons pas, par exemple, une licence qui va rester 3 mois sur l’application et disparaître plus tard ou réapparaître dans 4 ans : non, cela va rester ainsi sur l’application et notre force se situe là, entre autres.
Avec le temps, nous aurons de plus en plus de contenus et nous ferons notre possible également pour ne pas augmenter notre abonnement. Nous avons déjà dû l’augmenter un petit peu par rapport à ce que nous avions annoncé initialement, mais nous savons qu’il y a un seuil acceptable en guise d’abonnement mensuel et annuel, donc l’idée c’est de rester sur cet abonnement-là. En revanche, nous devons travailler sur notre communication de manière à générer de plus en plus d’abonnements et susciter davantage d’engagements. Nous avons lancé 11 titres, mais un 12e arrive : on peut s’avancer en disant qu’à la fin « de notre première année commerciale » nous aurons atteint entre 17 et 20 nouveaux titres en création originale. L’année suivante nous en aurons lancé autant, donc en 2e année nous aurons 40 titres sur l’application, en 3e année 60 peut-être un peu plus. Cela dépendra encore une fois de nos moyens financiers, et de nos moyens humains.
Notre objectif c’est de toujours aller plus loin et de toujours essayer d’être dans cet état de veille et cette prospection de nouveaux talents à révéler.
Comme on parle du fait qu’il y aurait potentiellement une vingtaine de nouveaux titres par an, cela ne peut-il pas perdre un peu le lecteur ?
Vous pensez que cela pourrait le perturber et qu’il y en ait trop pour lui ?
Oui, tout à fait.
J’aurai tendance à penser un peu comme vous mais nous voyons bien qu’il y a une tendance à être dans une recherche constante d’un contenu très vaste pour amoindrir le coût. Nous l’observons avec ce que peut proposer justement des services de VOD comme Amazon, Disney+, etc. Nous percevons que les utilisateurs sont toujours à la recherche de nouveau contenu malgré le fait que, en toute honnêteté, il y a quand même pas mal de choses à regarder. C’est sur ce constat-là que nous nous sommes dit qu’il était essentiel pour nous d’apporter encore plus de nouveautés… car c’est ce qui va nous rendre aussi plus attractif. Nous savons que cela fait partie d’une grosse attente des lecteurs. En revanche nous avons mis en place 11 mangas qui sont lancés mais aussi un système de marque-page et de favoris sur l’application pour permettre aux lecteurs de continuer à lire les mangas en cours, de les classifier par affinité.
Ce sera assez facile pour lui de reprendre une lecture d’un titre qu’il pourrait arrêter au bout de 3, 4 mois, d’en découvrir de nouveau et d’y revenir. Notre objectif c’est vraiment de faire en sorte que le lecteur ait au moins un, deux, trois, quatre voire cinq coups de cœur dans notre catalogue pour que ce soit assez important pour lui pour continuer à nous suivre en souscrivant un abonnement. C’est ce qui est important pour nous : cette régularité de soutien, cette régularité d’abonnement parce qu’encore une fois c’est le cœur de notre modèle économique.
On échange un peu en ce moment sur cette diversité de titres et on a remarqué qu’il y a un peu de tout en termes de genre : de la SF, du yuri, du fantastique etc. Y a-t-il une ligne éditoriale derrière TSUBOMI éditions et y aurait-il un public cible également ?
Pour le moment, il n’y a pas vraiment de ligne éditoriale définie. Nous nous sommes surtout concentrés sur des auteurs qui proposaient des univers qui nous correspondaient. C’est peut-être un peu problématique, mais j’ai été un peu comme tout le monde élevé avec Naruto, les années Dorothée et tout un tas de mangas comme Bleach, Fruits Basket… Même si à l’heure actuelle, de mon propre aveu je ne saurai dire ce qui peut être réellement intéressant et attirant.
Je n’arrive pas vraiment à me positionner, à part sur les titres qui me plaisent, ceux auxquels j’y trouve un intérêt et qui correspondent davantage peut-être à une tranche d’âge qui est la mienne, donc les 20-30 ans peut-être. Nous avons fait en sorte d’avoir des styles qui puissent correspondre à des plus jeunes mais par affinité disons que notre ligne éditoriale tend à se diriger vers un public de plus de 20 ans. Encore une fois, nous n’allons pas seulement nous contenter de notre ressenti. Grâce à l’application, et à nos statistiques, nous sommes capables de voir ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas… et cela nous permet d’avoir des indicateurs qui pourraient nous diriger vers peut-être plus de yuri, de shôjo ou de shônen… Cela peut aiguiller notre regard et notre direction pour notre futur catalogue.
Je vais quand même préciser une chose. Notre catalogue est né car, comme je vous l’ai expliqué, j’ai été très entouré d’auteurs de manga. Dans notre catalogue, nous avons également une autrice taïwanaise, un auteur à venir qui lui est chinois et notre objectif c’est de vraiment travailler la création originale en manga. Nous ne nous limitons pas au Japon, ni à l’Asie : nous souhaitons également travailler avec des auteurs du monde entier, tant que cela reste du travail de qualité et que ces auteurs nous font confiance. L’idée c’est d’internationaliser un manga tout en travaillant avec des auteurs de tous horizons. Nous nous questionnons également sur la manière de pouvoir travailler avec des auteurs non japonais, voire français tout simplement. Ce sera notre second objectif, d’autant que l’on sait qu’il y a déjà des auteurs français qui nous suivent.
Nous en avons déjà approché qui attendent de voir comment fonctionne notre application, notre maison d’édition et, s’ils sont convaincus, à terme, ils travailleront avec nous. Ils ont besoin d’avoir confiance parce que nous débutons. Je suis donc toujours en alerte, en fait, sur le travail des auteurs français car ce qui nous importe c’est le manga et des auteurs talentueux. C’est le principe de notre maison d’édition « pour que le talent fleurisse » c’est vraiment quelque chose qui fait partie de notre ADN.
Parmi les 11 titres déjà proposés, y a-t-il une série qui sort du lot ou qui serait un coup de cœur ?
J’ai un petit peu du mal à faire un choix. Je crois tellement dans tous les titres que nous proposons… Évidemment j’ai une petite préférence pour un titre, enfin non pour plusieurs : je dirais Weeping Moon, Eternal Blue ou encore Mariko et le château fantôme mais tous ont quelque chose à apporter. Ils ont un regard spécifique, une mise en scène aussi particulière et je pense aussi à Télomère qui est très intéressant avec un découpage quasi cinématographique. Cela se voit qu’il est très inspiré des films américains. D’ailleurs l’auteur est plutôt âgé et très ravi de nous accompagner dans cette aventure éditoriale car son âge faisait qu’il était encore plus compliqué pour lui de se faire publier au Japon.
Il y a aussi des problématiques comme celle-ci à prendre en compte : il a de la bouteille car il a beaucoup travaillé en auto-publication et dans des conventions. C’est quelqu’un qui a de l’expérience. En France, on aurait tendance à dire qu’un auteur qui a de l’expérience est un auteur respectable et de qualité. J’imagine que c’est la même chose au Japon, mais c’est un peu plus compliqué quand on est âgé. J’essaie de garder cet esprit de non-concurrence au sein de nos auteurs : c’est pour cela qu’il n’y a pas de système de notation ou de classement ou un système plus communautaire sur notre application. Cela me rendrait malheureux de ne pas donner la même chance à tous. Dans notre communication aussi, on essaie de traiter tout le monde de la même manière. Je pense en toute honnêteté néanmoins qu’en tant que lecteur, je serai davantage intéressé par la lecture de Weeping Moon ou de Télomère si je devais vraiment choisir.
On l’a brièvement abordé tout à l’heure mais on aura donc possibilité à terme de pouvoir obtenir un livre relié mais cela rentrerait dans quel type de production ? De l’auto-publication ? Comment cela fonctionnerait-il ?
Pas du tout. Ce sera de la publication standard étant donné que nous sommes une maison d’édition c’est-à-dire que nous avons la possibilité de publier, comme de diffuser d’ailleurs, à international. Au début, nous allons peut-être nous concentrer sur l’espace francophone, en France et peut-être la Belgique, à terme l’Angleterre et le Japon mais cela va nous demander de travailler avec plusieurs prestataires, des imprimeries nationales et aussi internationales… Nous avons la traduction, nous ne sommes pas limité géographiquement mais là où on casse un petit peu les codes de l’édition, c’est que nous ne travaillons pas avec des diffuseurs ou des distributeurs et ce n’est pas prévu. C’est précisément parce que nous ne travaillons pas avec ces derniers que nous pouvons nous permettre de proposer un pourcentage à la vente beaucoup plus important niveau droit d’auteur.
Est-ce qu’il y aurait un nombre limité par exemple d’ouvrages imprimés pour pouvoir le permettre ?
Non je pense que ce sera de la précommande. En réalité, nous aurons déjà du pré-stock pour être réactifs. Il n’y aura rien de limité en revanche, mais peut-être un système de session à la précommande sur lequel nous communiquerons. Nous ferons en sorte que tout le monde soit au courant pour pouvoir précommander son bouquin. Cela nous intéresse de pouvoir composer cette collection à partir de maintenant afin qu’elle puisse perdurer sur les années à venir. Nous avons un minimum contractuel de tirage, mais pas de maximum ou de limites de tirage.
Y a-t-il déjà des retours des lecteurs ou même des autres personnes du milieu peut-être sur l’application et le catalogue ? Comment TSUBOMI éditions est reçue pour le moment ?
Nous avons beaucoup de très bons retours. Mais aussi des retours négatifs concernant davantage l’application en elle-même donc, finalement, le produit-même qui peut présenter encore quelques bugs ou quelques petites problématiques. C’est tout à fait normal car nous sommes encore sur une version bêta.
Nous allons améliorer nos services : absolument tous les conseils, toutes les attentes et toutes les demandes des utilisateurs sont pris en compte. L’objectif c’est d’avoir une liseuse la plus fluide et la plus ergonomique avec les fonctionnalités les plus attendues également. Par ailleurs, nous proposons 2 fonctionnalités qui pour nous semblent être inédites. Comme nous sommes nos propres diffuseurs, au sein de l’application, nous avons la possibilité de proposer en plusieurs langues les titres : en quelques clics nous pouvons regarder et comparer un manga dans sa version originale à sa version française mais nous pouvons également comparer à la version du manuscrit final, le storyboard. C’est l’une des ressources que nous avons voulu exploiter parce que c’est super intéressant. C’est un peu comme si l’on pouvait voir à l’intérieur des coulisses de l’auteur et voir un petit peu comment il construit sa narration, sa double page… Nous avons apporté aussi la fonctionnalité à la fois de lecture horizontale et verticale pour les gens plus habitués à une lecture type webtoon. On doit rester très attentif au retour des utilisateurs pour améliorer l’application qui est essentiellement un service, et considérer comme un magazine de pré-publication numérique.
Concernant les titres, je pense que les lecteurs sont très contents de découvrir de nouvelles choses. Nous avons peut-être l’impression qu’il y a toujours plus de mangas, toujours plus d’acteurs de l’univers de l’édition mais quelque part il faut continuer à être auprès de tous ces auteurs. Il y aura toujours de nombreux auteurs qui auront plein de choses à raconter, vraiment fantastiques, et que nous avons vraiment envie de découvrir. Cet attrait de la nouveauté, je pense qu’elle est très bien reçue par nos utilisateurs.
Pour terminer, y aurait-il un message en particulier à donner à des futurs lecteurs ou utilisateurs de l’application et à ceux qui aimeraient suivre TSUBOMI éditions ?
C’est vraiment important pour nous d’être soutenu avec ce système à l’abonnement. C’est quelque chose sur lequel nous comptons énormément pour perdurer donc j’invite les lecteurs à s’abonner, à souscrire à un abonnement pour soutenir ces auteurs qui sont en pleine création de contenu actuellement, pour leur permettre de continuer à vivre sereinement de leur travail.
Merci beaucoup !
Second entretien TSUBOMI : le youtuber L’Ermite Moderne
Journal du Japon : Bonjour L’Ermite Moderne !
Merci de nous accorder un instant dans ton emploi du temps pour répondre à nos questions. Tu es notamment youtuber en temps normal, mais ton rôle de youtuber a-t-il une incidence sur le projet de TSUBOMI éditions ?
En tant que Youtuber pop-culture, j’ai eu l’occasion de parler de mangas à plusieurs reprises, Yassine (qui est un ami d’enfance) a tout de suite pensé à moi pour lancer le projet et l’accompagner dans cette aventure éditoriale. Ma première contribution fut de communiquer sur le projet au moment de son élaboration auprès de ma base de spectateurs pré-existante sur Youtube et mes réseaux. Un projet de publication indépendante de manga aurait eu du mal à décoller dans un environnement aussi compétitif et riche que le marché du manga français et je suis content que mon « incidence » en tant que youtuber ait été de faciliter l’exposition médiatique de TSUBOMI.
TSUBOMI a été lancé officiellement en décembre, mais comment partages-tu ton temps entre ta chaine youtube et cette maison d’édition ?
Nous correspondons régulièrement, Yassine et moi, afin de parler de stratégie éditoriale, nouvelles sorties, communication et nouveaux auteurs. Généralement, j’y consacre mes après-midi, tandis que j’essaye d’avancer sur mes projets Youtube le matin et le soir. Périodiquement, si j’avance suffisamment bien sur mon travail au sein de TSUBOMI ou si j’ai besoin d’honorer des sponsorships ou superviser un projet particulier, je peux m’éloigner de TSUBOMI l’espace de quelques jours avant d’y retourner. Si mon activité de vidéaste s’avère pour une raison X ou Y trop exigeante en termes de temps, j’essaye toujours de prévenir en avance : histoire de ne mettre personne sur le fait accompli, et de compenser plus tard.
Qu’apportes-tu en ta qualité de créateur de contenus au projet TSUBOMI ?
J’essaye au mieux d’utiliser mes recherches et connaissances cumulées sur la culture manga pour chercher de nouveaux talents avec mon ami Yassine, évaluer les candidatures que nous recevons de divers auteurs intéressés par notre maison d’édition, ainsi qu’observer les mouvements de l’industrie du manga de façon à tirer des leçons pour l’orientation de l’entreprise.
J’utilise aussi mes compétences acquises (et celles de mon cadreur/monteur Mathias) en production audiovisuelle pour élaborer des spots, des interviews et autres matériaux promotionnels afin de communiquer au mieux sur le web, en plus d’utiliser ma plate-forme/base de suivi pré-existante afin de partager des nouvelles sur TSUBOMI.
Ta communauté échange-t-elle à son sujet avec toi ? Partages-tu avec ta communauté les sorties des chapitres ou tout information afin de la fidéliser peut-être ?
Je partage les spots de présentations de manga TSUBOMI sur mon compte Twitter et en début de certaines de mes chroniques sur Youtube. Régulièrement, je fais aussi des stories sur ma page Instagram, où je commente et montre des planches de nos mangas, préalablement exposées sur le compte de TSUBOMI. Nous avons aussi prévu de faire des live régulièrement afin de commenter sur les nouveautés TSUBOMI (d’abord sur ma chaîne Twitch et peut-être d’autres plateformes comme Instagram) et je prépare de mon côté une série de vidéos courtes en format vertical (style TikTok/Youtube Shorts) pour présenter nos titres.
Nous avons hâte de consolider une communauté active qui échangera régulièrement sur nos mangas.
Merci beaucoup !
Nous souhaitons donc à TSUBOMI éditions de vivre longtemps et de faire sa place dans le milieu du manga ! Avec une approche donnant la part belle à la création originale uniquement à des auteurs méconnus, nous ne pouvons qu’espérer que le public suivra et que leur application deviendra bien vite une valeur sûre pour tous lecteurs. En attendant de découvrir les prochaines sorties des chapitres de leurs séries, vous pouvez vous renseigner via leur site internet, leur compte instagram, leur propre chaine youtube ou même leur compte twitter ! Et téléchargez l’application sur Apple Store ou le Play Store.
Nous remercions encore chaleureusement Yassine et L’Ermite moderne pour leur temps !