Le manga à l’honneur cette année au festival d’Angoulême
La 50e édition du Festival International de la Bande Dessinée (FIBD) d’Angoulême s’est tenue du 26 au 29 janvier 2023. Cette année, pas moins de deux bandes dessinées japonaises figuraient au palmarès du festival : Les liens du sang et Fleurs de pierre, sans compter trois belles expositions qui mettaient à l’honneur cette dernière. En parallèle, certains éditeurs ont pu faire venir des mangaka, en dehors de ceux prévus pour le festival : le manga et la japanimation commenceraient-ils donc à percer enfin dans ce festival aux auteurs très contemporains ? Petit retour des membres de l’équipe qui ont pu vivre le FIBD de l’intérieur !
Le petit plus non négligeable de ce festival : ses expositions !
Qui dit Festival International de la Bande Dessinée d’Angoulême, dit souvent expositions ! Et cette année, pour sa 50e édition, les lecteurs de bandes dessinées ont pu se faire plaisir, car il y avait pas moins de 9 expositions dont 3 portaient essentiellement sur des œuvres japonaises ! Autant dire qu’il y en avait pour tous les goûts et toutes les envies surtout. Et que le manga était plutôt mis à l’honneur car les œuvres choisies n’étaient pas anodines. Comme l’équipe a pu venir lors de la journée professionnelle, elle a pu profiter d’une faible affluence dans chaque exposition afin de pouvoir vous en faire un retour. Lors du festival, ouvert au public, ces dernières ne désemplissaient apparemment pas et semblaient même jouir d’un beau succès : une belle revanche pour le milieu du manga s’il en est !
On vous propose donc un focus sur chacune d’entre elle, photos à la clé afin de vous offrir un morceau de ces dernières pour ceux qui n’auraient pu être présents cette année sur le festival. Pour chacune d’entre elle, de nombreux hors textes étaient disposées afin de pouvoir saisir un contexte, une mise en scène, une décision stylistique ou autre et ces derniers étaient vraiment riche en informations et d’un apport non négligeable ! Un grand merci à ceux qui les ont mis en place parce que cela permettait de mieux comprendre et appréhender certaines œuvres !
L’exposition horrifique de Junji Itô !
On débute ce premier focus avec une exposition en mode immersive de l’œuvre dans son ensemble du mangaka Junji ITÔ. Si vous ne connaissez pas ou peu l’auteur, on vous invite à découvrir les différents articles écrits par l’équipe de Journal du Japon, notamment celui-ci traitant de ses séries chez l’éditeur Mangetsu, qui permet de bien résumer le trait de l’auteur et ce qu’il recherche dans ses récits. L’exposition, réalisée dans le cadre d’Angoulême, intitulée « Junji Itô – Dans l’antre du délire« , a en effet été mise en place avec la collaboration des éditions Mangetsu. Cette dernière avait une belle mise en scène, en reprenant certains décors que l’on peut retrouver dans les histoires du mangaka. Ainsi, vous débutiez par entrer dans une maison ancienne, avant d’aller progressivement vers l’extérieur et une série de pierre tombales grandeur nature, représentant un petit cimetière d’âmes errantes avant de devoir passer sous un véritable torii et découvrir l’œuvre majeure de l’auteur : Tomié afin de terminer le cheminement dans son art.
En somme, l’exposition était là pour représenter certaines thématiques propres aux récits horrifiques proposés : le rapport au corps et à la recherche de la beauté parfaite absolument, les rapports humains, le surnaturel, l’absurdité, les émois amoureux, le mystique… Vous aviez sous vos yeux de nombreuses planches originales qui permettaient de rendre un bel hommage au talent de narrateur de Junji Itô et à son trait si reconnaissable et qui peut rendre mal à l’aise tout un chacun. Le lecteur venu visiter l’exposition pouvait ainsi découvrir des planches couleurs de Tomié, de l’Amour et la Mort, tiré de l’artbook même de l’auteur en vente sur le festival, ou alors redécouvrir des planches uniques en grand format de Gyo ou encore de Remina – La planète de l’enfer. Durant votre déambulation, vous pouviez entendre des bruitages et une musiques qui n’étaient pas sans rappeler ce qu’on peut entendre dans la version animée de ses récits ou autre livre horrifique. La lumière tamisée à certains endroits de l’exposition, et les murs de cette dernière tapissée parfois par des scènes clés de certains mangas achevaient de transporter le lecteur dans un autre monde le temps d’une heure ou deux.
L’Attaque des titans et ses murs enfin exposés !
L’une des expositions qui faisaient certainement bien parlée d’elle avant même l’ouverture du festival ! Depuis la rentrée de septembre dernier et l’annonce de la venue de Hajime ISAYAMA en France pour le FIBD, la toile et la communauté du manga s’étaient en effet bien échauffées ! Il faut noter que c’est la première fois que le mangaka venait en France alors même que sa série s’est terminée en octobre 2021, autant dire que c’était juste inédit et inespéré de pouvoir l’approcher sur le sol français ! L’exposition, intitulée « L’Attaque des Titans – De l’ombre à la lumière« , ainsi dédiée à son histoire attisait tous les regards et la curiosité.
Et pour cause ! Là aussi, tout comme celle de Junji Itô, le lecteur avait le droit à une véritable mise en scène qui permettait une belle immersion, et ce, dès l’approche de l’exposition. Entendre par-là que de nombreux titans semblant tombés du ciel accueillaient les visiteurs dans le lieu où se passait l’exposition afin d’ouvrir la voie vers cette dernière. Et une fois à l’intérieur, vous vous retrouviez tout simplement entre les murs de Shiganshina and co ! Le visiteur déambulait ensuite au fil de l’exposition pour finalement sortir des murs, pour atteindre une sorte de bunker avant d’enfin voir la mer tout comme Eren, Mikasa et Armin la découvre. On passe ensuite à un aspect plus extérieur, comme le propose le récit en réalité, reprenant exactement le cheminement qu’a pu entreprendre le trio maintenant célèbre de ce manga. Néanmoins, il valait mieux avoir lu la série dans son ensemble, ou être à jour avec l’animé, pour ne pas se faire spoiler par les différentes planches originales proposées !
C’était enfin hypnotisant de découvrir certaines planches en grand format et de saisir encore davantage l’impact qu’elles pouvaient avoir et le travail réellement fort réalisé par Hajime Isayama ! Et pour celles et ceux qui souhaitaient ne pas terminer l’exposition simplement, une représentation en 3D des trois héros enfants, face à l’apparition du Titan Colossal la toute première fois était présente. Elle permettait à qui le voulait de se mettre à la place de ce titan et d’effrayer donc Eren, Mikasa et Armin ! Un bon moyen de se sentir tel un titan une fois dans sa vie ! Bonne pioche donc pour clore une belle exposition qui ne pouvait que plaire aux fans !
Un mangaka aux nombreuses facettes qui s’expose : Ryôichi Ikegami !
Un mangaka intriguait le plus grand nombre, aussi bien passionnés que non passionnés : on parle de Ryôichi IKEGAMI. Ce mangaka, toujours en activité alors même qu’il a dépassé les 80 ans, force le respect et pourtant, son dessin reste égal si ce n’est encore plus perfectionné au fil des années. Un trait sûr et appuyé, qui pourtant à l’origine partait de loin ! S’étant formé à l’école Onizuka, l’auteur peinait à trouver son public et à sortir des scénarios avec des intrigues suffisantes, son dessin étant encore à ses balbutiements. À force de persévérance, et après avoir rencontré les bonnes personnes, il finit par trouver son rythme et à déclencher un dessin qui fera par la suite l’unanimité !
L’exposition, intitulé sobrement « Ryôichi Ikegami, à corps perdus » retrace justement le périple parcouru par le mangaka durant sa carrière : de ses débuts un peu chaotique, avant de trouver ses marques stylistiques, et de comprendre finalement qu’il serait aux services des autres. Cela permit d’offrir des séries mythiques comme Sanctuary, en cours de sortie en France depuis 2022, et de revoir bientôt à nouveau dans les rayons Crying Freeman qui a été la série qui l’aurait fait réellement connaitre du grand public. L’exposition retrace donc son œuvre, de ses débuts jusqu’à aujourd’hui, mais surtout permet de mettre un coup de projecteur bienvenue sur son coup de crayon réellement bluffant et saisissant de réalisme ! On y perçoit à merveille toutes les recherches graphiques qu’il se permet, notamment celle au sujet de l’esthétique des corps, mais aussi de la mode et des tatouages, et le rendu des émotions. Ryôichi Ikegami a mis son crayon au service du plus grand nombre afin de transmettre toujours plus aux autres et cela se ressent.
L’exposition, certes un peu moins immersive que les deux précédentes, n’en restait pas moins très intéressante par le nombre d’anecdotes, de planches originales et d’explications du contexte derrière chacune d’elles ! Une exposition qui a agréablement surpris et plu à beaucoup par ailleurs. À noter que le festival a pu faire venir l’auteur mais aussi l’un des scénaristes avec qui il a collaboré plusieurs fois. C’était vraiment une bonne manière de rendre hommage à une si grande carrière !
C’est donc là trois expositions majeures mises en place par le festival que nous tenons à saluer. Il est cependant rageant de se rendre compte à quel point il peut être compliqué de pouvoir en profiter, même si cela est inhérent à la structure du festival. Les différents lieux du FIBD étant dans des bâtiments éloignés de la ville d’Angoulême, il est nécessaire de se déplacer. Vous trouviez ainsi l’exposition Ryôichi Ikegami au musée d’Angoulême, alors que celle de l’Attaque des titans était à l’Alpha Médiathèque, à plus de 20 minutes à pied. Comme nous l’avons dit, toutes ces expositions ont rencontré beaucoup de succès, et c’est tant mieux, mais cela signifiait également qu’il fallait parfois faire plus d’1h30 de queue, dans le vent glacial du week-end le plus froid de l’hiver (les queues étaient tellement grandes qu’elles serpentaient longuement dans les ruelles) pour espérer les voir. Dans un festival qui ponctue son programme de conférences, rencontres et dédicaces, le visiteur ne peut pas tout faire et doit faire des sacrifices dans ce qu’il compte faire. La mise en place de l’exposition l’Attaque des titans à également fait des malheureux : les visites se faisant par vague de petits groupes, les places étaient précieuses. Les 10€ à rajouter en plus du prix du billet journalier pour voir cette seule expo n’auront pas découragé les fans. Bien au contraire ! Quasiment tout les créneaux étaient réservés bien avant l’ouverture du salon. Quand on sait que cette scénographie était unique à cette édition, beaucoup de fans resteront sûrement frustrés de ne pas avoir pu y assister.
Des artistes à rencontrer
Le cœur du festival d’Angoulême, c’est bien sûr aussi ses invités et les interactions qui en découlent. Parmi celles-ci, nous pouvons compter sur les nombreuses séances de dédicaces organisées par les différentes éditeurs, mais également beaucoup de séances riches en contenu.
Il y avait notamment les rencontres, qui sont des sortes de conférences dédiées à un artiste. Parmi les artistes disponibles, il y avait : Riichiro Inagaki, scénariste de Trillion Game, Dr. Stone et Eyeshield 21 ; Jérôme Alquié pour nous parler de sa version de Saint Seiya : Les Chevaliers du Zodiaque ; les frères Reno et Romain Lemaire pour leurs œuvres respectives Dreamland et Everdark ; ou encore Akane Torikai pour une séance intitulée « C’est compliqué » où les relations homme-femme étaient passées à la loupe et une autre sur son parcours générale.
Nous avons pu assister à cette dernière, et cela a été un vrai plaisir.
D’autres conférences sur différents aspects du manga avaient lieu, voyez plutôt :
– Manga et patrimoine : une mission culturelle ? Avec Christophe Geldron (naBan), Benoit Maurer (IMHO) et Vincent Bernière (Revival)
– La traduction de manga, avec la fondation Konishi, Frédéric Toutlemonde, Fédoua Lamodière et Thibaud Desbief
– Le shôjo en France : enjeux, défis et passions, avec Laura Negro (Akata) et Timothée Guédon (Kana)
– Traduire, adapter, lettrer : comment faire la version française d’un manga ? Avec Black Studio et Sullivan Rouaud
– Assistant mangaka : dans l’ombre d’un maître ? Avec Geo (assistant de Reno Lemaire)
– Manga et numérique : de nouvelles perspectives, avec Yun Inada (Mangas.io)
Enfin, des masterclass avec Junji Ito, Ryôichi Ikegami et Hajime Isayama ont fait salles combles (sur réservation) et ont fini de montrer le talent des mangakas présents.
Manga City
Si certains auteurs français publiant du manga étaient au Festival dans les espaces alloués à la BD (comme Jeronimo Cejudo dont le manga Ripper est publié chez Ankama), l’essentiel des activités nipponnes était à l’espace Manga City, non loin de l’exposition de l’Attaque des titans. C’est dans ce pavillon de 2 000 m² que les invités japonais et les éditeurs manga sebtrouvaient. L’entrée se faisait par un couloir entièrement habillé de décors noirs et blancs représentant des hauts lieux urbains de Tokyo. Un spot à photocall idéal qui débouchait sur la salle de conférence au planning chargé durant les 4 jours. Passé ce sas, c’est la zone manga à proprement parler qui s’ouvrait à nous, chaleur humaine et allées « collé-serré » au programme, la routine d’un festival en somme… L’Asie dans son ensemble est représentée. La toute jeune maison d’édition Komogi est présente pour le lancement de leur premier titre The Lion in Manga Library. L’artiste taïwanaise Xiaodao a fait le déplacement et est à l’écoute des visiteurs qui peuvent échanger avec elle. Cette mini salle d’expo ouverte jouxte les stands d’écoles de manga et la salle d’enregistrement Twitch du festival. Viennent ensuite les éditeurs mangas ayant répondu à l’appel ainsi que d’autres marques qui pourraient surprendre de prime abord. Celio était de la partie, avec sa collection L’Attaque des titans basée sur les planches du manga. Quelques activités étaient aussi proposées sur leur stand.
Vous l’aurez donc compris mais en définitive, le manga ne cesse de prendre petit à petit une place plus conséquente au sein du Festival International de la Bande Dessinée ! On peut donc imaginer que l’an prochain aussi, le festival mette autant en avant des artistes japonais comme ce fut si bien le cas cette année : entre exposition, masterclass et conférence ! N’hésitez pas à nous parler à votre tour de la manière dont vous avez perçu le salon cette année.