THE FIRST SLAM DUNK – Le basket comme jamais
25 ans après la fin de sa publication dans le weekly shônen Jump, Slam Dunk fait à nouveau phénomène au Japon, au cinéma cette-fois, avec THE FIRST SLAM DUNK. Depuis sa sortie le 3 décembre de l’année dernière, le long-métrage est resté huit semaines consécutives à la première place des films les plus rentables au Japon, dépassant ainsi le second opus de Avatar de James Cameron, mais également Suzume le nouveau film de Makoto SHINKAI sorti un mois plus tôt en novembre.
Du manga au film : un quart de siècle plus tard
Le manga de sport parmi les mangas de sport
« Les dessins du manga s’animent tel quel à l’écran ». Cette simple phrase d’accroche, écrite au début du livre re:SOURCE THE FIRST SLAM DUNK, pourrait suffire à vous présenter ce film. S’il est aujourd’hui facile d’arguer que Slam Dunk représente une des formes abouties du manga de sport, THE FIRST SLAM DUNK, de son côté, serait son équivalent en film d’animation. Deux prouesses portées par le même homme, mangaka, illustrateur et maintenant réalisateur et scénariste : Takehiko INOUE.
Avant de parler du film, il nous faut évoquer son origine : le manga Slam Dunk paru de 1990 à 1996 dans le weekly shônen Jump. Il est écrit et dessiné par Takehiko INOUE qui se fera également connaître ensuite avec Vagabond ou Real. Le manga narre la trajectoire de l’équipe de basket du lycée de Shôhoku, en se concentrant notamment sur le personnage de Hanamichi Sakuragi, un voyou qui décide de rentrer dans l’équipe du lycée dans le but avoué de plaire à la coach, également petite sœur du capitaine. Slam Dunk démarre sur un ton comique qui est très vite rattrapé par la tension des matchs et le déroulement du tournoi inter-lycées. Le lecteur suit principalement Hanamichi Sakuragi, Takenori Akagi, capitaine intègre et surnommé « Gorille » dû a son apparence, Kaede Rukawa, jeune génie du basket et surtout très bel homme, Hisashi Mitsui, tireur de talent blessé devenu voyou repenti, ainsi que Ryôta Miyagi, joueur de petite taille qui mise tout sur son habilité au dribble. Ils composent l’équipe de Shôhoku pour qui la victoire au tournoi inter-lycée représente aussi bien un miracle qu’un rêve à réaliser.
Si en France, Slam Dunk est reconnu, à juste titre, comme un classique du manga de sport sans pour autant connaître une popularité monstrueuse, son aura est toute autre au Japon. Il remporte, au milieu de sa parution en 1994, le prix du manga Shôgakukan et est régulièrement classé en tête des sondages des mangas préférés des Japonais. Encore récemment, il arrive troisième en 2021 selon le sondage manga sôsenkyo de Asahi TV, juste derrière One Piece qui occupe la première place, et Demon Slayer en deuxième position. Slam Dunk, c’est également un programme de bourse mis en place depuis 2006 par la maison d’édition Shûeisha selon la volonté de Takehiko INOUE, dans le but de supporter financièrement les espoirs du basket japonais après le lycée. Une nouvelle œuvre Slam Dunk, même 25 ans après la fin du manga, n’étonne donc pas particulièrement.
Un projet longuement mûri
Annoncé en début 2021, THE FIRST SLAM DUNK est en réalité un projet dont l’origine remonte à plus de 10 ans, lorsqu’en 2009 Takehiko INOUE, reçoit, depuis le studio de la Tôei Animation, une proposition d’adaptation de son manga de basket en film accompagnée d’un film pilote. Ce dernier ne convainc pas le mangaka qui fit part de son avis au studio. La Tôei, malgré les réticences de l’auteur, envoya un second pilot, qui ne fit toujours pas mouche, puis un troisième… qui cette fois-ci, plus que de persuader Takehiko INOUE, lui fit comprendre qu’un film Slam Dunk ne pouvait voir le jour tel qu’il l’imaginait que s’il le réalisait et l’écrivait lui-même. C’était en 2014, Takehiko INOUE débuta la production d’un nouveau film Slam Dunk : une expérience nouvelle pour quelqu’un qui, jusqu’ici, avait toujours travaillé seul ou entouré de quelques assistants sur ses planches de manga.
Par la Tôei, nous entendons surtout 3 animateurs/réalisateurs spécialisés dans la 3DCG : Toshio Ôhashi (réalisateur de l’introduction du jeu Street Fighter IV), Yasuhiro MOTODA (animateur sur cette même introduction), et Naoki MIYAHARA (responsable de la 3DCG sur Dragon Ball Z : Battle of Gods) qui a rejoint l’équipe lors du deuxième film pilot. Ces derniers resteront tout au long de la production du film, assistant Takehiko INOUE à la réalisation, et seront ensuite entourés d’autres animateurs tels que Yasuyuki EBARA (Kabaneri the iron fortress, l’Attaque des titans saison 1) au chara-design et à la direction de l’animation ou bien Daiki NAKAZAWA (Mazinger Z infinity, Pop in Q), responsable de la 3DCG. Vous l’aurez compris, et vous le saviez déjà si vous avez regardé les quelques teaser de THE FIRST SLAM DUNK, le film est produit en animation 3DCG. Cette annonce, lors du premier teaser, a pu refroidir certaines attentes, mais qu’en est-il finalement ?
Un match, cinq vies
Un rêve inatteignable
Avant d’évoquer la technique, il nous faut tour d’abord parler de l’histoire du film. En effet, impossible de faire rentrer un manga de 31 tomes en un film de 2h et quelques. Des concessions ont dû être faites, et nous n’évoquerons pas en détail ces dernières : un synopsis du film suffit au fan du manga de les saisir sans trop en révéler aux nouveaux-venus.
Suite au décès prématuré de son grand frère, espoir de l’équipe local de basket à Okinawa, Ryôta Miyagi se donne corps et âmes dans le basket, malgré sa petite taille et son fort caractère qui lui attire plus d’un ennui. Ayant emménagé au Kantô depuis le collège, son rêve de remporter le tournoi inter lycée lui paraît maintenant aussi lointain que les îles où il est né. Pourtant, son équipe de basket du lycée Shôhoku s’est qualifiée pour le tournoi national inter lycée : son prochain adversaire est lycée de Sannô, reconnue comme l’équipe la plus forte du Japon. Le challenger a-t-il une chance de vaincre le roi ?
Le nouvel horizon de la 3DCG
Pour revenir à la technique, le film est en réalité hybride : les parties basket du film sont en 3D, alors que les scènes de la vie quotidienne sont en 2D. La différence ne choque pas lors du visionnage : le film fait preuve d’une constance graphique entre ses deux styles qui donnent l’illusion d’une continuité. Concernant les mouvements des modèles 3D, les parties basket ont été filmées en motion capture, puis les positions et les mouvements ont été retravaillés. Takehiko INOUE a notamment été très impliqué dans cette étape : son but étant de rendre le plus réaliste possible un match de basket en animation, les mouvements des joueurs sont donc cruciaux. L’attention du réalisateur était également portée sur l’expression des visages, un choix logique quand l’on connaît le talent du dessinateur a transcrire en un regard les états d’âmes et les personnalités des ses personnages.
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Quant au résultat de la 3D, il ne laisse pas de place au doute. Un film ou une série d’animation de sport n’a été que rarement aussi dynamique et crédible que THE FIRST SLAM DUNK ne l’est. La technique de la 3DCG dans l’animation japonaise pouvait repousser et a été parfois synonyme d’échec il y a quelques années, mais il faut se rendre à l’évidence qu’aujourd’hui la qualité des productions 3D n’a rien à envier à celle en 2D. Voire même plus : la 3DCG offre un tout nouveau domaine d’expression aux animateurs. Ici, les dribbles, le poids du ballon, la violence des contres, les jeux de pieds des joueurs, tout semble réel. THE FIRST SLAM DUNK réussit ainsi brillamment l’objectif que s’était fixé Takehiko INOUE lorsqu’il a choisi de réaliser le film : retranscrire le basket en dessin animé.
Tension, drame et basket
La dichotomie 2D/3D se reflète dans la narration. Le film couvre en effet un seul match, mais ce dernier est entrecoupé de scènes de flashback exposant le passé et les motivations des joueurs, en particulier centré sur ceux de l’équipe de Shôhoku. Contrairement au manga dont le personnage principal est l’imprévisible Hanamichi Sakuragi, THE FIRST SLAM DUNK met Ryôta Miyagi au centre du récit, lui qui était plus en retrait dans le manga, tout en développant par moment les autres joueurs de l’équipe. Ce changement de focus, mais aussi la brièveté du match contrairement aux différents affrontement de la série d’origine, confère au film une ambiance tout autre : en un match se cristallise tous les espoirs et toutes les peines qu’on traversé l’équipe de Shôhoku. Pour ce faire, une réorchestration du développement des personnages est évidemment nécessaire, et des éléments inédits, notamment liés au passé de Ryôta Miyagi, ont été ajoutés. Les différents récits des joueurs touchent juste, parfois jusqu’aux larmes, et ce peu importe la familiarité avec l’œuvre d’origine.
Finalement, la tension du match, ce qu’on attend peut-être le plus d’un anime de sport, est présente, grâce au sentiment de réel qui se dégage de l’animation comme nous l’avons dit plus tôt, mais également à l’aide de la bande sonore. Aux crissements des chaussures des joueurs s’accélérant au rythme du jeu s’ajoute une bande son rock, à l’image du générique d’introduction et du générique de fin. Le refrain de ce dernier, déjà utilisé dans les trailers, intervient dans les scènes clefs et libératrices du match et exprime parfaitement en musique le dynamisme du film. THE FIRST SLAM DUNK use également des silences d’une manière remarquable, créant ainsi chez le spectateur la même attente que celle du joueur qui ne peut qu’attendre que la balle rentre dans le filet une fois lancée.
THE FIRST SLAM DUNK est à l’évidence une réussite. Il montre à la fois la polyvalence artistique de Takehiko INOUE qui parvient à mettre à l’écran tout le talent de ses dessins ainsi que la tension et l’émotion des histoires, mais il est aussi un argument supplémentaire de poids concernant les possibilités futures de l’animation 3DCG au Japon. Le film fait phénomène au Japon, mais aussi dans les pays voisins de l’archipel où il est projeté, pourtant aucune sortie française n’est encore annoncée. Nous ne pouvons qu’espérer que le film arrive le plus tôt possible en salle, dans l’espoir que les fans du manga français, ainsi qu’un tout nouveau public puisse découvrir un film qui, sans doute, fera date dans l’animation japonaise.