Back to Japan : l’aventure en bulles d’une femme et de sa moto
Mélusine Mallender est une aventurière et exploratrice française dont la première aventure en solo fut de retourner avec sa moto Honda au Japon. Ce périple de plusieurs milliers de kilomètres à moto entre l’Europe et l’Asie, Mélusine l’a d’abord raconté en vidéo puis en roman et enfin sous format BD. Cette dernière, publiée chez Nathan, narre tout en rondeur et en touches colorées un récit extrêmement riche en rencontres et en joies mais aussi en galères et stress. Car l’aventure, c’est partir volontairement vers l’inconnu en s’y préparant mais aussi en acceptant de ne pas savoir tout maitriser. Et cette BD le rappelle brillamment. À découvrir dès 14 ans.
L’aventure malgré tout
« J’ai peur évidemment, j’ai peur d’échouer, peur de me tromper… Mais plus que tout, j’aime sentir cette force quasi invincible à l’intérieur de moi, savoir que ma propre force suffit à me porter en avant. »
D’entrée de jeu, la BD débute sur quelques pages d’avant le départ de Mélusine et expose les quelques remarques formulées par ses amis.es. C’est une introduction qui paraît logique tellement l’inconnu inquiète car, nourris aux informations et autres récits de mauvaises expériences, nous réalisons que, fondamentalement, nous avons tendance à croire que tout est dangereux au-delà des frontières du notre monde connu. D’autant plus, quand il s’agit d’une femme qui part seule. De plus, Poupy, la moto de Mélusine, n’est pas des plus en forme, ce qui rajoute un argument à l’inconscient qui nous crie « ça part plutôt mal, c’est de la folie ». Mais en même temps, le scénario montre aussi une protagoniste déterminée et positive, qui ne se démonte pas. Parce qu’elle a envie et besoin de croire en elle, parce qu’elle veut grandir et se développer par elle-même.
Et dans le sens de cette positivité affichée par notre héroïne, les exemples ne manquent pas pour démontrer combien de personnes vont la soutenir de par leurs actions et leurs paroles. Du garagiste français et de son équipe qui réalisent le check up complet de la moto à celui de Vladivostok, des rencontres avec des habitants aux kilomètres de route en compagnie d’autres motards. Ici, cela parle de cultures, celle de la communauté des motards qui lie naturellement les personnes voyageant en deux roues, comme celle des peuples de l’Europe de l’Est et d’Asie centrale dont la célèbre hospitalité se dévoile au fil des pages.
Alors, certes, une aventure se prépare, et l’auteure insiste sur toute la phase de préparation, primordiale pour minimiser les risques et les galères lors d’un voyage solo dans des pays parfois assez déserts. Que ce soit l’itinéraire, les papiers administratifs, le planning, la gestion du danger…tout est évoqué dans le scénario même mais également sur une double page dédiée. Et à coté de cela, les phases d’imprévus et de galères sont aussi présentes pour démontrer que tout ne peut pas être maitrisé, mais elles restent bien inférieures aux moments de joies et de surprises que cette préparation et la détermination et le caractère de Mélusine ont rendus possibles.
Une femme au guidon
« Back to Japan raconte l’exploit inédit de Mélusine Mallender, la seule aventurière à avoir parcouru en solo et à moto 22 500 km jusqu’au pays du Soleil-Levant. »
Voilà la phrase d’accroche que l’on peut lire sur la page de présentation de la BD sur le site de Nathan. Sachant que Mélusine est parti en juin 2010, cela en dit peut-être plus long sur la dégradation de l’état du monde que sur le fait qu’aucune autre femme ne se soit lancée dans l’aventure depuis. Allez savoir. Dans tous les cas, être une femme qui voyage et s’aventure seule dans des territoires quasi inexplorés ou du moins non touristiques, reste une interrogation pour beaucoup, femme comme homme. Clairement, voyager seule reste plus dangereux pour les femmes que pour les hommes parce que le monde est tel qu’il est. D’ailleurs, le danger est relaté dans cette BD avec 2 scènes dont l’une incroyablement anxiogène dont Mélusine se tire in extremis. Y est aussi consacré une double page avec les conseils de l’aventurière pour minimiser les risques. Mais comparé à toutes les scènes d’entraide entre motards, uniquement des hommes qui ont toujours considéré Mélusine comme l’une des leurs sans se référer à son genre, aux scènes de rencontres avec les familles, les hommes et femmes de toutes générations, l’hospitalité, la générosité et l’amour qu’elle a reçue durant son périple, même au fin fond de la Mongolie – et sous la pluie – on se dit qu’elle a bien fait de partir et que le monde est fait de bien plus de belles personnes qu’on ne l’imagine, des gens comme nous, curieux et bienveillants et ravis de prendre le risque de parler à l’autre, cet ou cette inconnu.e.
Cette BD a pour volonté de participer à faire évoluer les mentalités sur le sujet des femmes qui voyagent seules, ou sans homme, et se veut un exemple qui démontre de manière réaliste aux femmes et filles qu’il n’y a pas de raison de se priver de vouloir voyager et explorer ou de faire de la moto, ou même les deux à la fois. L’expérience du voyage en moto que s’est forgée Mélusine depuis lui a permis de consacrer une partie de son travail d’aventurière sur le sujet de la liberté et des femmes, preuve que cela est une interrogation récurrente dans le monde. Le consulter nous enrichit, rend visible la passion et les rêves parfois secrets de certaines femmes, motardes ou non, la peur et l’inquiétude de leur entourage masculin. Il nous surprend, nous secoue ou nous fait réfléchir, il nous éclaire et en cela, il est important.
L’Interview à distance de Mélusine Mallender, en mission en Guadeloupe.
JDJ : Bonjour Mélusine, merci de prendre quelques instants pour nous répondre. Après le format nouvelle et le format vidéo, pourquoi avoir décidé de compléter le récit de votre voyage jusqu’au Japon en moto avec le format BD ? En quoi sont-ils complémentaires selon vous ?
Mélusine Mallender : La bande dessiné permet de raconter d’une autre manière, de justement parler de chose dont je n’avais pas les images. Clémentine (Ndlr : Clémentine Fourcade) a su donner corps à ma famille et à des histoires plus personnelles. La bande dessiné touche aussi un public plus jeune qui ne lira peut-être jamais mon récit, et qui, pourtant, a besoin de rêver. Pour Karine mon éditrice il était important dans cette collection que les personnages soit des gens réels, contemporains et non inventés et mort il y a plusieurs siècle.
JDJ : Même si elle s’adresse à toutes et tous, cette BD est une histoire de femmes : l’équipe qui l’a créée est 100% féminine et, en soi, elle s’adresse avant tout aux femmes et filles. En quoi, cela est important pour vous, de parler d’aventure et d’exploration au féminin ?
MM : C’est une aventure écrite et conçue par une forme collective de femmes issue de mon aventure et de mes propres récits. Elle s’adresse aux femmes, aux filles mais pas que… Ce récit dit : vous pouvez le faire ! C’est possible, pas forcément facile, mais possible. Mais pour que ce soit possible il faut aussi que les compagnons, les pères, les frères, les amis y croient aussi donc elle s’adresse aussi à eux. On a le droit de tous-tes rêver et d’essayer de les réaliser. C’est toujours important de rappeler que l’aventure et l’exploration est ouvert à tous-tes.
JDJ : Qu’est-ce qui vous plaît tant dans votre activité d’exploratrice/aventurière, que ce soit en mode baroudeuse ou en mode plus scientifique (au sein de l’Adaptation Institute) ?
MM : J’aime l’inconnu, j’aime être surprise. Cela me remet en question, et de continuellement apprendre.
JDJ : Quelle serait votre définition de l’aventure et celle de votre métier d’exploratrice ?
MM : L’aventure pour moi est quelque chose de personnel, c’est relever un défi mais à l’aune de son propre soi et cela nous fait évoluer individuellement. L’exploration a pour but d’aller vers quelque chose d’inconnu (évidemment à l’aune de son propre savoir), mais dont la recherche sera partagé pour aider les suivant-e-s. L’exploration finalement c’est très large, ce n’est pas territorial, c’est un esprit, un état d’être avec une volonté de partage.
JDJ : Pourriez-vous nous parler de vos projets actuels et prochains ?
MM : Je travaille actuellement sur Deep Climate. Notre institut HAI essaye de mieux comprendre le changement climatique sur l’humain. Pour cela nous avons envoyé un groupe qui revient tout juste de Guyane et qui ira ensuite en Laponie et en Arabie Saoudite pour tester leur capacité à s’adapter à un milieu. Nous les monitorerons avant, pendant et après pour essayer d’observer et trouver des marqueurs de l’adaptation.
JDJ : Revenons à votre BD et brisons tout de suite le suspens : votre moto et vous n’êtes jamais arrivées jusqu’au Japon ensemble, ce qui n’est pas bien grave puisque votre BD rappelle en beauté que le voyage est plus important que la destination. Mais depuis, y êtes-vous allée ? Avez-vous traversé le Japon en moto ou y avez-vous imaginé un futur itinéraire en deux roues ?
MM : Ma moto en effet n’a jamais vu le Japon. Elle est restée sagement en Russie, mais moi j’ai eu tout de suite l’opportunité de visiter l’usine Honda à Kumamoto et de visiter le Japon en remontant grâce au train jusqu’à Tokyo. Ce fut un vrai choc culturel pour moi, et je rêverai d’y retourner à moto. J’ai été fascinée.
JDJ : Au-delà de la marque japonaise de votre moto, y-a-t-il des choses qui vous plaisent dans le Japon et sa culture ?
MM : Je pense que ce que j’aime c’est nos différences. J’ai connu un réel dépaysement sur tous les plans. La manière de se comporter, la langue, la nourriture, l’architecture. En plus, je venais de traverser beaucoup de pays qui peuvent être assez durs. La politesse, le respect presque extrême des règles, le sentiment de sécurité était assez déroutant. J’ai eu l’impression que tout était mignon, que je me retrouvais dans tous les décors des mangas de mon enfance. Et les personnes que j’ai eu la chance de rencontrer était très gentilles, même si elle ne me comprenaient pas toujours.
JDJ : Quels étaient – et sont – les points forts de votre moto japonaise de l’époque, la Honda 125 Varadero ?
MM : Le point fort de cette moto est/était (elle n’est plus construite) sa fiabilité, sa hauteur, son confort de route pour une 125. Elle ne consommait rien et se réparait facilement. C’est sûr, elle n’allait pas vite, mais était-ce nécessaire ? Elle était vaillante. Tiens en disant tout ça je me demande si je ne vais pas m’en trouver une autre, et repartir !
Retrouvez la BD sur le site de l’éditeur Nathan
1 réponse
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