Festival international de la bande dessinée d’Angoulême : notre sélection de BD
À l’occasion du Festival d’Angoulême, Journal du Japon vous propose une sélection de BD autour du Japon. Des thèmes, ambiances et artistes divers, pour que vous y trouviez votre bonheur !
Au pays de Nami, une enfance au Japon de Julie Blanchin Fujita : le quotidien d’une petite fille franco-japonaise croqué par sa maman
On connaît déjà Julie Blanchin Fujita pour son roman graphique J’aime le nattô, et pour ses adorables imagiers en carton présentant des mots japonais joliment illustrés dont plusieurs volumes sont disponibles aux éditions Hikari. Elle revient cette fois-ci avec un livre consacré à la vie au Japon de sa fille Nami.
Nami est née en France d’une maman française illustratrice et d’un papa japonais photographe et étudiant en France à l’époque. Elle a donc commencé sa vie en France où elle allait à la crèche française. Puis toute la famille repart s’installer au Japon. Et la fillette va désormais à la crèche japonaise !
C’est le quotidien japonais de Nami qu’on découvre, croqué avec amusement et tendresse par sa maman. Sa passion pour les dessins animés, sa créativité débordante, le terme hâfu qu’elle déteste (est-ce qu’un enfant métis est un demi quelque chose ?!), son rêve d’être pompier, ses goûters à la maternelle et à la maison.
C’est également le quotidien d’une maman qui est dessiné : ses angoisses sur le changement climatique (expliqué en version kawaii avec chat et lapin rose pour ne pas perdre de lecteurs qui finit sur l’emballage plastique des fruits et légumes dans les supermarchés japonais – on retrouve d’ailleurs plusieurs épisodes sur le plastique), le coronavirus bien sûr, mais aussi plus légèrement sa fille qui fait réveil-matin très matinal, la chanson de la Reine des neiges qu’on ne supporte plus, le décalage entre la famille idéale et la réalité de ce qu’on arrive à faire (constat universel !), ces petits mensonges qu’on dit pour se sortir de certaines situations, le mal du pays qui survient parfois, la vie de maman qui travaille à la maison, le doudou perdu (mais retrouvé, car on est au Japon !).
Les chapitres sont courts et présentent plein de petites anecdotes, tranches de vie, mettant en avant les spécificités de la vie d’une famille franco-japonaise au Japon : la langue de sa fille qui mélange joyeusement français et japonais, les voyages à Akita chez les grands-parents (et la fascination de Nami pour l’autel butsudan), à Izu, Hakone, Kamakura, au Cambodge, une passion très japonaise pour les insectes (l’occasion pour Julie de parler disparition des insectes ces dernières décennies).
Avec en bonus des petites photos, des stickers mignons et un petit journal de la résidence d’artiste à la Martinique, deux mois pendant lesquels Julie a travaillé sur ce livre.
Un livre drôle (beaucoup d’humour et d’auto-dérision), instructif, avec des petits dessins partout qui permettent de découvrir beaucoup de choses sur la vie au Japon. Bref une lecture plaisir !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Le printemps de Sakura de Marie Jaffredo : une petite fille tokyoïte chez sa grand-mère à la campagne reprend goût à la vie …
Attention, très très beau livre, délicat, poétique, émouvant ! Marie Jaffredo nous emmène dans le Japon du bord de mer, de la forêt, des maisons où l’on s’allonge sur les tatami, où le jardin a une rivière de galets, un sakura qui fait pleuvoir des pétales, où les enfants jouent dans les rizières, mangent des dangos et des dorayaki, où les potagers regorgent de délicieux légumes, où les esprits habitent les forêts, où les morts veillent sur les vivants. Le tout servi par des aquarelles d’une douceur infinie, créant une ambiance merveilleuse pour panser les âmes …
Car tout n’est pas rose dans ce livre. Sakura n’a que cinq ans lorsque sa mère meurt dans un accident de vélo. Son père français se plonge dans le travail et lorsqu’un voyage professionnel l’oblige à aller en Inde, c’est chez sa grand-mère maternelle que sa fille connaît peu qu’il va la déposer au printemps. Sakura est d’abord très anxieuse, elle ne parle que très mal japonais et a peur que le chat de la maison la griffe, que les enfants du village se moquent d’elle qui est hâfu (mère japonaise, père français).
Mais Masumi, sa grand-mère, est une personne douce autant que dynamique. Elle l’emmène faire des courses, rencontrer ses amis, ramasser des huîtres, se promener en forêt pour faire fonctionner ses sens (caresser la mousse, sentir la présence des kamis), prendre un bain au sento et tant de petites choses du quotidien qui les font se sentir vivantes !
Petit à petit, Masumi et Sakura cuisineront ensemble (tempura, gyoza, huîtres frites, dorayaki), se parleront, partageront leurs émotions, et vivront un printemps mémorable, imprégné de l’odeur de la terre, de la mer, du chant des roseaux dans le vent, de la pluie de pétales de sakura…
Un livre comme un baume pour les âmes tristes, endeuillées, en souffrance. Une prière devant le butsudan, un bain bien chaud, un dorayaki qu’on croque, une bataille de boue pieds nus dans la rizière avec les enfants du village… Se sentir vivante, aimée et accompagnée par ceux qui sont là ou qui nous ont quittés. Une leçon de vie, d’amour et de résilience.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
La concierge du grand magasin de Tsuchika NISHIMURA
Bienvenue au Hokkyoku, le bazar du cercle polaire, un grand magasin qui respire l’opulence et l’élégance. Dans cet équivalent de nos Galeries Lafayette, les animaux de tous horizons trouvent produits de luxe et mets délicats et peuvent demander de l’aide au personnel tout prêt à les aider.
Akino est l’une des dernières recrues du service de conciergerie et à fort à faire pour satisfaire les clients les plus exigeants parmi lesquels les VIA – Very Important Animals – une catégorie comptant les espaces en voie de disparition voir carrément éteintes.
Avec son dessin élégant et détaillé, son attention porté aux animaux et à leurs interactions avec une Akino aussi dévouée que soucieuse de bien faire, ce manga nous raconte des histoires étonnantes et touchantes. Nommé pour le prix Jeunesse du FIBD d’Angoulême, il s’adresse en réalité à tous les lecteurs curieux d’un univers chaleureux où les péripéties d’un quotidien palpitant se règlent avec beaucoup d’astuce et un grand sourire.
Darwin’s incident de Shun UMEZAWA : le singe est le futur de l’homme…
On a rarement – jamais – vu singe plus intelligent, plus vif… Plus inquiétant. Ce qui marque dans ce titre de Shun UMEZAWA primé par le prestigieux Manga Taisho c’est lui, Charlie, né en laboratoire à la suite d’expérimentations génétiques, d’un père humain et d’une mère chimpanzé ; il est un « humanzee ». Spécimen unique, Charlie est recueilli et élevé en famille par un couple formé par un scientifique spécialiste des primates et par une avocate.
À 15 ans, il intègre désormais le lycée et fait la rencontre d’une jeune fille du nom de Lucy. Mais l’humanité n’est pas prêt à accueillir l’hybride en son sein. Charlie, qui incarne l’évolution malgré lui, va se retrouver au centre de bien des enjeux : des activistes végan radicaux veulent en faire leur emblème et les bien-pensants estiment qu’il est la preuve vivante des dérives de la science ! Lui aspire juste à avoir la vie la plus normale possible…
C’est un être inédit qui évolue donc dans un des scénarios des plus intelligents, mixant véganisme, terrorisme et interrogeant la nature humaine avec brio, le tout très bien adapté en français par Frédéric Malet. Les discussions sont prenantes, et les prises de parole de Charlie mémorables : en quelque mots, il remet en cause la supériorité humaine sur le règne animal… avec un point de vue inédit, qui peut paraître froid mais qui est surtout difficile à balayer d’un revers de main. En plus de la pertinence de son discours, Charlie est capable de vous briser en deux, et à 10 coups d’avance en matière d’intellect… Il en devient inquiétant et ses propos tranchants questionnent sur son empathie.
Le tout servi par un chara-design – et plus globalement un trait – tout à fait maîtrisé qui porte à merveille les émotions et les introspections de personnages. Darwin’s Incident, aux éditions Kana et toujours en cours au Japon, présent dans la sélection officielle du FIBD, est donc un seinen à ne pas rater !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Ranking of Kings de Sôsuke TOKA
Ne vous fiez pas à sa nomination dans la sélection jeunesse : Ranking of Kings n’est pas réservé aux tous petits, mais se révèle plutôt universel. Reprenant une idée qu’il avait eu pour un concours jeunesse, l’auteur y ajoute les ingrédients d’une bonne série d’aventure.
C’est ainsi que démarre la vie compliquée de Boiji, le prince du royaume de Bosse, malheureusement sourd et muet, avec à peine la force d’un vers de terre et à la simplicité déroutante. Déjà que son avènement en tant que Roi s’annonce compliqué, son Royaume est en plus en péril. L’actuel roi, fondateur du royaume à la la force herculéenne est gravement malade. Handicapé et incapable de manier l’épée, tout le monde se moque et s’inquiète de l’avenir du royaume car la fortune d’un pays dépend directement du classement des rois, basés sur leur puissance. Daida, le frère cadet, pourrait bien prendre sa place.
Mais voilà, à l’image du sourire qu’il va susciter chez les lecteurs de la série, Bojji arbore un éternel sourire, et va toujours de l’avant. Quand une mystérieuse ombre comprend enfin ses paroles, la vie du petit prince s’éclaire : il y a enfin un espoir…Rien n’est perdu et rien ne l’arrêtera : il peut devenir le meilleur roi du monde !
Avec son design simple et cartoonesque sur les bords, avec son univers digne des contes de notre enfance, Ranking of Kings et son héros nous transmettent leur courage, leur bonne humeur et leur enthousiasme. Rarement on a autant encouragé un héros à garder espoir, à réaliser son rêve. Pour autant, ce titre encore en cours au Japon avec 14 volumes, ne se résume pas à une étiquette feel good et propose beaucoup plus que ça. Grâce à un récit bourré de mystères (magie, complots et forces obscures) et une galerie de personnage hauts en couleurs, jamais le titre ne tombe dans la mièvrerie et, au delà de l’optimisme qu’il nous confère, c’est avant tout un vrai plaisir de lecteur !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Vous l’aurez compris, pour l’équipe de Journal du Japon, il y a des titres bien sympathiques à découvrir au sein des sélections du Festival de la Bande dessinée de Angoulême avec en petit bonus la découverte de deux titres qui auraient pu en faire partie. On est curieux de connaître le résultat de chaque sélection, dont on connaitra bientôt le résultat ! En attendant, n’hésitez pas à partager vos propres coup de coeur de ce FIBD et de nous indiquer ceux qui vous intéressent ! Conclusion ? + lien sélection offficielle ?