Les Fleurs du Nord – un univers nippon pour une histoire unique
S’il y a une chose que l’on apprécie à Journal du Japon, c’est bien celle de lire et de découvrir de nouveaux auteurs, de nouveaux ouvrages… Ceux-là mêmes qui sauront vous transporter dans leur propre univers, tout en restant proche de l’ambiance japonaise. On vous propose donc un voyage similaire avec le livre de Valérie Harvey, une québécoise amoureuse du Japon. Nous avons eu l’occasion de lire le premier livre d’un univers qui lui tient à cœur, et on espère bien voir la suite bientôt en France. Afin d’en apprendre davantage sur son cheminement et son parcours, vous pourrez découvrir un entretien privilégié après notre chronique.
Bonne lecture et bonne découverte !
Les Fleurs du Nord – un univers japonais qui fédère
Si vous recherchez un livre dans un univers très proche du Japon par bien des aspects, écrit par une personne non-japonaise mais bel et bien ancrée dans la culture nippone… Alors on ne peut que vous recommander Les Fleurs du Nord, l’ouvrage de Valérie Harvey à retrouver aux éditions Québec Amérique ! C’est le premier livre d’une série de trois, pour l’instant, dans un monde proche du Japon puisque de nombreux lieux et noms s’en rapprochent.
Ainsi, l’histoire et l’action se passent sur l’île d’Hokkaido avec un climat, une nature, et des montagnes proches du Japon d’aujourd’hui, et pourtant bel et bien différent. L’inspiration est forte car l’autrice est originaire du Québec, mais vit au Japon en ce moment-même. Elle y a par ailleurs fait de nombreux voyages et découvertes, avec une certaine attirance pour l’île du Nord nippone. Dans son récit, des similitudes existent, mais bien vite oubliées tant les informations s’entremêlent, offrant un univers réellement unique. Seul les noms subsistent, et des références à des lieux… mais c’est bien ce qui attend les héros de son histoire qui prend le pas sur le reste.
Ici, on vous parle magie, histoire, guerre, amour et voyage. On nous dépeint le quotidien et la vie d’un héritier du Feu, indépendant, combatif et énergique qui verra son destin totalement chamboulé par la rencontre d’une jeune femme guérisseuse, en provenance d’un pays lointain. Sa vie d’alors en sera bouleversée à jamais, tout comme sa propre lignée !
Résumé éditeur : Sur une île aux allures japonaises, le désir et les combats déchirent la famille Kagi.
La famille Kagi gouverne les monts Sounkyô de génération en génération. Dernier héritier du pouvoir du feu, Tatsuké tente de préserver la paix en faisant la guerre. Mais l’amour pour une femme forte, combattante et guérisseuse, venue d’un pays lointain, chamboule son destin.
Au fil de trois chroniques combinant romantisme, action et exotisme, le roman présente des femmes qui osent secouer les normes et les grands hommes qui les épaulent. Ruse, magie et savoir sont mis à profit dans un climat évoquant l’univers du manga.
L’autrice, qui maitrise la langue japonaise, a d’ailleurs fait appel à une calligraphe pour écrire certains textes en langue originale, afin d’appuyer la force de caractère et le savoir qui se véhicule au fil des générations des personnages de son récit. La jeune femme guérisseuse écrit en effet sa vie sous forme d’un journal intime, apportant des clés de réflexions mais aussi de l’intensité au récit. Par la même occasion, Valérie Harvey a créé deux chansons, mis en musique, pour son propre livre et que vous pouvez retrouver ici pour Moshimo (et qui se situerait aux alentours des pages 149-150 de l’histoire) et celle-ci, My love (qui se retrouvent aux pages 384 et 525 du livre). Une très belle façon de continuer le récit et de s’immerger. Pour y parvenir, l’autrice partage également ses différentes pistes écoutées lors de l’écriture, permettant de revivre certaines scènes.
L’écriture est fluide et directe. L’action est suffisamment visuelle et agréable à suivre, et les personnages ont des caractères puissants : on s’attache à eux de façon simple et irrémédiable. On se prend à trembler aux côtés de Tatsuké lorsqu’il a peur de perdre sa dulcinée Midori à un moment du récit. On se prend d’affection pour cette dernière à l’énoncé de son passé et sa volonté de vivre… On prend conscience à la fois de la force d’Aki mais aussi de sa faiblesse de par sa jeunesse, mais on admire sa volonté d’indépendance. On prend plaisir à suivre avec humour et bienveillance le rôle de Koji, bon vivant, et on a le cœur serré au sujet du destin de Jiro et des émois qui le maintiennent éveillés. Chacun à leur manière, par leur force et leurs désirs, essaient de marquer l’histoire et de vivre comme ils le souhaitent au plus profond d’eux. On se prend à retenir son souffle face à certaines situations, tandis que dans d’autres on se surprend à esquisser un sourire bienvenu.
Découvrir la lignée des Kagi est un réel plaisir et on se surprend à se demander ce qu’il pourra bien se passer pour tel ou tel membre de la famille. On sait qu’il existe deux autres ouvrages, relié à l’histoire des Fleurs du Nord, et on espère les avoir bien vite en France afin de compléter l’arbre généalogique de cette lignée aux fortes promesses dans un univers en proie aux désirs les plus sincères.
Afin de ne pas vous laisser sur votre faim, nous avons pu nous entretenir avec l’autrice afin de revenir avec elle sur son ouvrage et apporter des clés de réponses sur ses origines. Retrouvez également un extrait du livre sur le site de l’éditeur.
Entretien avec Valérie Harvey sur son travail
Journal du Japon : Bonjour Valérie, et merci de nous offrir un peu de ton temps ! En premier lieu, pourrais-tu te présenter à nos lecteurs et nous dire ton parcours ? Et particulièrement ton lien avec le Japon ?
Valérie Harvey : Je suis Québécoise, j’ai grandi dans une région de mer et de montagnes. C’est pour cela que Les Fleurs du Nord décrit les froids des grands monts, le climat de mon coin de pays m’a inspirée. 😉
Le fleuve de ma région était, pour moi, un chemin vers les voyages. Je voulais devenir capitaine de bateau pour découvrir le monde. Je ne suis pas devenue capitaine, mais je suis bel et bien partie à l’aventure. Je partage mon temps entre le Québec et le Japon (je vous réponds de Kyôto où je vis en ce moment), j’ai appris le japonais et je continue d’être fascinée par ce pays.
D’où te vient ton envie d’écrire exactement ? D’autant que, de ce qu’on a vu sur ton site, tu as publié de nombreux livres aux sujets et formats bien variés !
J’aime raconter des histoires. Dès que j’ai su écrire, je faisais corriger mes premières compositions à ma professeure. J’en ai relu une dernièrement, ce n’était pas très bon : l’histoire d’un chat qui se chamaillait avec un ami et qui, rapidement, s’excusait en lui offrant un collier en perles de roses…! 😅
Je n’ai jamais cessé d’écrire. Sur mon blog, avec des fanfictions, des paroles de chansons, des contes, des carnets de voyage, de la poésie, des reportages aussi… Bref, j’ai exploré plusieurs formes d’écriture.
Comment l’histoire Les Fleurs du Nord a-t-elle fait son chemin dans ton esprit ?
Quand j’ai commencé à apprendre le japonais, j’ai découvert aussi les mangas. J’ai toujours adoré la lecture, alors ça m’a rapidement happée. Mais j’étais parfois insatisfaite des personnages féminins, il y avait peu de modèles : soit la fille fidèle qui prend soin des autres, un peu naïve, mais adorable (Sakura dans Card Captor Sakura, Orihime dans Bleach) ; soit la fille puissante, mais célibataire car elle a perdu son amoureux et ne passera jamais au travers (Erza dans Fairy Tail, Tsunade dans Naruto). Bien sûr, je sais qu’il n’y a pas que cela, mais comme je les voyais revenir souvent, ça m’a agacée. Je voulais raconter une histoire où les filles seraient aussi intéressantes et diversifiées que les personnages masculins.
J’étudiais la littérature à l’université, au même moment. J’avais arrêté d’écrire parce que j’étais intimidée de lire des grandes œuvres classiques ; je me disais que jamais je ne pourrais créer un livre comme cela… Mais l’amour des mangas m’a donné le goût de poursuivre les histoires : je me suis donc trouvé un nom de plume et j’ai écrit de longues fanfictions. Je recevais des commentaires qui m’ont beaucoup aidé à m’améliorer, et ça m’a motivée à continuer d’écrire. Les Fleurs du Nord, c’est cette première fanfiction que j’ai réécrite plusieurs fois et qui a été publiée, 15 ans plus tard, complètement détachée de son manga d’origine (Fushigi Yuugi).
Elle a un petit côté Clan des Otori de Lian Hearn dans l’idée, puisque tu reprends des facettes du Japon médiéval mais reprises à ta manière, notamment avec des noms et lieux fictifs proche de la réalité. Sauf que dans ton livre, au final, tu mets très fortement en avant les rôles féminins. Pourquoi ce choix d’un Japon médiéval à la fois fictif et si réaliste ?
Le réalisme, parce que j’ai été marquée par mes différentes explorations du Japon. J’ai visité Hokkaidô, l’île du nord, et j’ai été surprise de retrouver le climat du Québec. Je me suis donc amusée à dépeindre ces paysages-là, avec une météo que je connais bien. J’espère que le roman permet de voyager dans ce monde !
Le côté fictif (la magie, j’ai redessiné une île, je n’utilise pas le nom « Japon ») parce que ça me permet de mélanger différents événements historiques du Japon, en comblant à ma manière les choses qu’on ignore toujours malgré les recherches historiques (sur le peuple des Émishis par exemple). Je peux également faire apparaître des kamis (les dieux japonais) ou ne pas m’inquiéter si les katanas n’étaient pas encore inventés à l’époque fictive que je décris !
Comment met-on en place une histoire avec des personnages aux caractères si bien marqués dans un Japon similaire ? Notamment au sujet de ces personnages féminins…
Je commence toujours mes histoires par les scènes d’action. J’écris en premier tout ce qui est plus intense : l’amour, la mort, les combats, les séparations. Parce que ce sont les moments que je vois en premier dans mon esprit, et je veux les transmettre tout de suite. Ensuite, je vois apparaître un moment qui se déroule avant, je l’écris… Puis une scène bien plus tard… C’est embêtant car je suis quelqu’un de bien organisée dans la vie, mais pour l’écriture, c’est un désordre complet ! Quand les scènes fortes sont écrites, je fais les liens entre elles. Et je suis souvent très surprise de constater que tout s’attache facilement. Je me demande si un kami s’amuse avec moi ! 🦊
Pour les personnages féminins comme masculins, après avoir écrit les dialogues, il m’arrive souvent de me les répéter pendant la nuit, pour vérifier si ça sonne juste. Quand ils ont des personnalités très fortes, il arrive qu’un personnage me fasse clairement sentir que jamais il n’aurait dit cela, ou pas ainsi… Je vais donc corriger ! Aki, Jirô aussi, ont des caractères bien trempés, ça m’est arrivé souvent avec eux.
Est-ce que j’ai dit que je ne dormais pas beaucoup, et jamais très bien, quand j’écris ? 😅
Pourquoi utiliser la magie des éléments comme base de certains conflits de l’histoire de la famille Kagi ? Par exemple certains éléments sont réellement secondaires face à celui du feu…
Au début, c’était lié à la fanfiction d’origine : dans le manga Fushigi Yuugi qui m’a inspiré, un des personnages utilise un éventail de feu. Je me suis demandé si j’allais changer cela, mais j’ai préféré au contraire créer une famille magique, dans un monde où les pouvoirs disparaissent.
On voit donc apparaître la famille de l’eau, la famille du vent très brièvement, et bien sûr, la famille de la terre, qui est un élément-clé du roman !
Tu indiques à la fin du livre une playlist suivie lors de l’écriture. Penses-tu que cela apporte une valeur ajoutée au récit et conseilles-tu aux lecteurs de la lancer lors de leur lecture ? Rien qu’à l’énoncé de certains titres, même sans les avoir écoutés, on comprend d’ailleurs très bien de quelle scène il s’agit !
On comprend très bien, n’est-ce pas ? Ah ah ! Fairy Tail, pour les combats de feu, c’est vraiment parfait ! En effet, c’est une suggestion que je trouvais intéressante à partager, car c’est facile de trouver les chansons. Et comme j’écris les scènes intenses en premier, j’ai besoin de musiques qui viennent amplifier mon émotion. Il peut arriver que j’écoute en boucle la même chanson des dizaines de fois, jusqu’à la fin de l’écriture de la scène, avant de changer. Pour les lecteurs qui écouteront la musique en même temps, j’espère que cela pourra également augmenter l’intensité de leur lecture. 😀
Il semble y avoir une suite à ce livre avec L’ombre du Shinobi et L’Héritage du Kami : faut-il les lire dans un ordre précis ? Combien de titres prévois-tu encore sur la fameuse famille Kagi et ses descendants ?
Les livres se suivent, mais il n’est pas obligatoire de les lire dans l’ordre, car les personnages principaux sont différents, et l’endroit où se déroule l’action n’est pas le même non plus.
C’est un peu comme pour les fans de Star Wars : on peut avoir commencer par le 2e trilogie (comme moi), avoir vu la trilogie plus récente avec Rey ensuite (la 3e) et se lancer dans l’histoire d’Anakin (la 1re trilogie).
Les Fleurs du Nord, ça se passe dans les montagnes, avec un homme qui manipule le feu et qui sort de la guerre, une femme qui veut se venger et apprendre à se battre pour ne plus jamais être faible. L’enjeu, c’est la place des femmes dans un monde où elles ne combattent pas habituellement.
L’Ombre du Shinobi, c’est dans la capitale du Nord, c’est plus urbain. Il y a un ninja qui se cache très bien (d’où l’ombre du titre), une jeune fille audacieuse qui vit dans un monde plus « égal », mais qui en teste les limites ; et un jeune homme qui apprend que les injustices peuvent aussi frapper les garçons.
L’Héritage du Kami, ça se déroule surtout dans la capitale du Sud ! C’est un tout nouvel univers, avec les anciens ennemis. Et j’inclus un kami dans l’histoire, un dieu qui vient s’amuser avec les humains. Il y a davantage de pouvoirs magiques dans cet ouvrage. Et il y a aussi une grande place faite à une ninja très proche du pouvoir.
Aurais-tu d’autres sujets d’écriture autour de l’univers nippon ?
J’aimerais beaucoup continuer à écrire des histoires sur mon île fictive. Dans la vraie vie, je continue de découvrir le Japon et ça nourrit mon imagination. J’ai plein d’idées pour parler des yôkais par exemple, ou du monde des morts et des différents kamis qui le fréquentent ! J’aimerais écrire au moins un autre roman, peut-être deux, dans cette série.
Je vis de la même manière que j’écris : je me laisse porter par l’intensité ! Alors j’ai des idées, je vois déjà des scènes que j’ai envie d’écrire, le personnage de Mikio m’inspire entre autres énormément, mais j’attends d’avoir le temps, et la passion, pour ouvrir la porte d’une nouvelle aventure. En attendant, je marche dans les montagnes de Kyôto, en visitant les sanctuaires millénaires et en laissant quelques pièces aux kamis, pour solliciter l’inspiration…
Pour finir, qu’aimerais-tu dire à nos lecteurs : un dernier mot ?
Si vous êtes des passionnés du Japon, de sa culture, de ses paysages, que vous aimez les aventures remplis d’émotions et de combats; on a beaucoup de points communs. Alors j’espère que vous aurez autant de plaisir à vivre ces romans que moi !
Merci beaucoup !
On espère que cet article vous aura donné envie de lire et découvrir l’univers de Valérie Harvey ! Pour Journal du Japon, c’est un petit coup de cœur et on espère lire bien rapidement la suite, a priori prévu pour 2023 pour l’un d’eux ! N’hésitez pas à donnez votre avis en commentaire !
Retrouvez les autres livres de l’autrice sur son site et suivre son aventure sur son instagram.
Remerciements à Valérie Harvey pour son temps.