Elles nous racontent leur Japon #25 Angélique Mariet
Angélique alias TOKIMEKI est traductrice et créatrice de contenus sur le Japon. Elle a surtout été ma prof de japonais pendant quelques mois.
Je la retrouve chez elle à l’occasion de la sortie de Susume !, sa méthode pour apprendre le japonais. Avec enthousiasme et sincérité, elle me parle de ses passions et de ses rêves de vie.
Une rencontre solaire avec une jeune femme brillante au parler bien trempé.
Sophie Lavaur : Bonjour Angélique, qu’aurais-tu envie de dire sur toi pour te présenter ?
Angélique Mariet : J’ai 26 ans, je suis traductrice, autrice et créatrice de contenus sur le Japon. Depuis toujours, je partage ma passion sur les réseaux sociaux, notamment sur Youtube, via ma chaîne TOKIMEKI.
Pourquoi le Japon ?
C’est une longue histoire ! Quand j’étais en primaire, je suis tombée amoureuse de la chanteuse Airi Suzuki. J’ai voulu apprendre le japonais pour pouvoir lui parler. Et comme pour moi, apprendre une langue, c’était aussi s’intéresser à la culture du pays, je m’y suis intéressée. Bref, tout cela m’a plu et cette passion ne m’a plus quittée.
Il faut préciser que mon parrain était fan de Dragon Ball et d’anime, il écoutait beaucoup les musiques de génériques. C’est grâce à lui que j’ai découvert la J-pop, notamment les Morning Musume, un groupe très connu. Il se trouve que Airi Suzuki était dans la même agence qu’elles.
Il n’y avait pas encore Dailymotion ni Youtube, on s’échangeait des fichiers via les serveurs. Un jour, je suis tombée sur la vidéo d’audition de Airi Suzuki pour entrer dans cette agence et j’ai kiffé. Elle chantait bien, elle avait confiance en elle, et de fil en aiguille, j’ai voulu devenir comme elle.
Toute ma vie s’est mise à tourner autour d’Airi. J’ai voulu comprendre ce qu’elle disait dans son blog, ses chansons, ses interviews. J’utilisais tout simplement le dictionnaire pour essayer de traduire mot par mot. J’ai appris par bribes, au début beaucoup de vocabulaire, puis la grammaire via des sites de mini leçons de japonais, Le défi d’Erin par exemple. De plus, certaines vidéos étaient sous-titrées en anglais, cela rendait la tâche plus facile. Traduire ses interviews m’a beaucoup aidé à maîtriser l’oral.
J’ai commencé à apprendre sérieusement la langue en 2013, à la fac, en licence de japonais. Pour ne rien te cacher, je m’y suis ennuyée, il n’y avait pas assez de cours de japonais et je parlais déjà bien la langue. J’ai arrêté au bout de dix-huit mois et je suis partie seule au Japon, en PVT (Programme Vacances Travail) le temps d’une année.
J’ai fêté mes vingt ans là-bas. J’ai travaillé dans un karaoké et en même temps, j’étais traductrice pour une enseigne de onsen. J’ai été égérie de ces deux marques, après avoir passé une audition un peu par hasard (ndrl : histoire racontée par Angélique en vidéo). Depuis, j’y retourne régulièrement plusieurs semaines, tous les deux ans environ, quand c’est possible.
Du PVT à aujourd’hui, quel a été ton chemin ?
J’ai officiellement lancé TOKIMEKI l’été 2015, avant le départ pour mon PVT. J’étais déjà très active en ligne, je postais des vidéos sur Dailymotion depuis 2008, toutes en rapport avec Airi Suzuki. Je suis sur Youtube depuis 2010, j’y parlais J-pop, expliquais la culture des idols et comment cela fonctionnait.
Au début, la chaîne s’appelait Furansu Go !, mais les gens ont fait un raccourci et m’ont appelé Furansugo. C’était pas top, surtout en conventions, alors j’ai cherché avec mon copain une onomatopée plus sympa. Tokimeki sonnait bien et collait avec ce que je faisais : c’est le bruit du battement du cœur quand on voit quelque chose qui nous plaît et qui nous donne du bonheur.
Avec TOKIMEKI, j’avais envie de documenter cette expérience, de partager mon ressenti et de montrer à des jeunes comme moi qu’il était possible de réaliser son rêve, et de partir seul avec peu d’argent.
J’avais la chance de déjà bien parler japonais, alors j’ai mis des sous-titres en japonais, puis j’ai fait des vidéos directement dans la langue. Après la chaîne m’a servi à parler de la culture japonaise et ensuite, à donner des conseils pour apprendre la langue.
À mon retour du Japon, j’ai travaillé dans un restaurant japonais à Lille tout en continuant à être active sur les réseaux. J’ai été encouragée par ma communauté à donner des cours de japonais, alors en 2020, j’ai démissionné pour me lancer.
Mon objectif étant la traduction et l’interprétariat, j’ai commencé en parallèle à être sollicitée pour traduire des mangas, et de fil en aiguille, c’est devenu mon métier à plein temps.
Aujourd’hui, je travaille aussi bien sur des mangas, des animes, des jeux, de la non-fiction, et je m’éclate dans cette variété.
Je suis toujours Airi Suzuki, j’ai même eu la chance de la rencontrer à plusieurs occasions. J’anime encore chaque jour mon fansite où je partage tous les contenus que je trouve sur elle et que je traduis.
Combien de livres as-tu écrit ?
Trois, le quatrième est déjà en route.
Le premier, Étudier au Japon pour les Nuls est sorti en 2019 aux éditions First, et chez le même éditeur, le Guide de conversation visuel japonais pour les Nuls a suivi cette année.
Et puis il y a le dernier-né, Susume !, sorti le mois dernier chez Issekinicho, ma méthode pour apprendre le japonais.
Et quel est celui qui t’est le plus cher ?
Susume ! bien sûr. C’est LE livre que j’aurais aimé avoir quand j’ai commencé le japonais. Ayant appris en autodidacte, j’ai “bouffé” tous les manuels que j’ai pu trouver. Avec l’équipe de Issekinicho, nous étions complémentaires : eux avec leur regard de débutants et moi avec la connaissance des bons et des mauvais côtés de chaque méthode. J’ai aussi sollicité mes anciens élèves. Je crois que dans Susume !, il y a tout pour bien commencer à apprendre le japonais.
J’ai mis huit mois à l’écrire : j’ai galéré au début pour trouver le plan et le bon angle, et après, j’écrivais entre les cours que je donnais et mon travail de traduction qui commençait à décoller. À la fin, j’étais au bout de ma vie !
La genèse de Susume ! ?
Issekinicho m’a contactée avant le confinement, avec un message du genre “Nous aimerions faire une méthode de japonais, car nos lecteurs nous le demandent à chaque convention, ça t’intéresserait ?”. Grave que ça m’intéressait, j’avais même l’idée d’en créer une depuis longtemps. Comme ce sont des personnes cool et que j’aimais bien leur travail, j’ai accepté.
Entre la crise de la Covid et celle du papier, la parution a été reportée plusieurs fois, et depuis le 20 octobre, le livre est enfin dans les rayons.
La part du Japon dans ton quotidien ?
Le japonais, c’est tous les jours de ma vie ! Je continue d’étudier la langue en dehors de mon travail de traduction, je lis des romans japonais, j’écoute de la musique japonaise, je parle du Japon dès que j’en ai l’occasion, je ne fais que ça.
La seule chose que je ne fais pas, c’est de manger japonais au quotidien.
Et celle de l’écriture ?
Disons 15 heures par jour.
En quoi faire connaître la langue et la culture du Japon est si important pour toi ?
C’est lié à Airi Suzuki. La personne que je suis aujourd’hui, c’est grâce à elle. Ma passion pour elle a été un moteur de fou. Je trouve que le japonais est une langue formidable, j’aime le Japon alors j’ai envie de partager et de rendre la pareille par rapport à ce que j’ai reçu. Je me dis que si des jeunes de ma génération trouvent une passion ou du sens à leur vie au travers de ce que je fais comme j’ai pu en trouver avec Airi, alors c’est très bien.
S’intéresser à une autre culture que la sienne, que ce soit celle du Japon ou d’un autre pays, ça n’apporte que de bonnes choses !
De toutes tes activités, quel est ton plus beau souvenir ?
Quand les auteurs japonais de mangas me félicitent pour mon travail de traduction. Certains me suivent sur les réseaux sociaux, et leurs agents leur expliquent ce que j’y raconte. La plus belle des récompenses est quand ils me remercient d’avoir saisi leur intention, car ce n’est pas toujours simple de bien comprendre le message qu’ils veulent transmettre.
Il y a aussi toutes les rencontres que j’ai pu faire grâce à la création de mes contenus, en convention ou dans ma ville à Lille. Tellement de gens, des abonnés, des professionnels. Certains m’ont ouvert des portes et le regard sur plein de choses du Japon que je ne connaissais pas.
Le fait de voir mes livres en librairie, avec des gens qui les achètent, cela me fait quelque chose. On oublie souvent que le japonais est une langue rare et je trouve fou que tant de personnes soient motivées par ce que je fais.
Ton livre ou auteur préféré sur le Japon ?
Je reviendrai avec la pluie de Takuji ICHIKAWA est mon livre préféré. Ce titre m’a donné envie de faire mon métier. J’ai pleuré en le lisant, et la qualité de la traduction y est pour beaucoup. Je me suis dit que moi aussi, j’avais envie de transmettre ce genre d’émotions aux lecteurs.
J’aime aussi beaucoup Dans la barque de Dieu de Ekuni KAORI.
Et puis il y a Akira MIZUBAYASHI. Il parle extrêmement bien le français, au point d’écrire dans cette langue. Il est un exemple pour moi, j’ai envie de maîtriser le japonais aussi bien que lui maîtrise le français. Parmi ses livres, j’aime particulièrement Mélodie, Chronique d’une passion, un hommage à sa chienne. Cette histoire m’a bouleversée, probablement parce que j’aime les chiens moi aussi.
Et tes prochains projets ?
Un nouveau bouquin, une collaboration à quatre mains, à paraître au printemps 2023 mais chut, c’est secret.
Si tout le monde achète Susume !, j’écrirai le volume 2 pour les intermédiaires, mon but étant de faire une méthode complète jusqu’au niveau avancé, ce qui n’existe pas encore en France. Coûte que coûte, je le ferai, même si idéalement, j’aimerais que Susume ! se vende pour continuer avec l’éditeur actuel.
Je serai en signature à Paris début décembre, le 2 à la librairie du Renard Doré puis au Salon du livre et de la presse jeunesse à Montreuil. Le planning 2023 est en train d’être décidé, j’aimerais beaucoup faire le tour des conventions. J’irai aussi présenter le livre dans les lycées où il y a japonais en LV2, et je prévois aussi une présentation à la fac de Lille car mon ancien professeur me l’a demandé.
Dans ce planning bien chargé, j’espère trouver le temps de déménager et partir habiter hors de la ville.
As-tu un grand rêve ?
Mon rêve ultime, c’est d’être l’interprète de Airi Suzuki le jour où elle reviendra en France. Je n’y crois pas trop, elle ne sera jamais invitée, car elle n’est pas assez populaire ici. Alors j’aimerais avoir suffisamment d’argent pour l’inviter moi-même.
Mon autre rêve, c’est de publier ma méthode en entier. J’ai aussi plein de rêves de traductrice, par exemple un roman de littérature. C’est difficile de rentrer dans ce milieu mais ce serait grave cool, la boucle serait bouclée.
J’ai aussi des rêves plus personnels, comme avoir une grande ferme à la campagne pour recueillir des animaux abandonnés ou maltraités.
J’ai envie de te laisser le mot de la fin…
Si j’en suis là aujourd’hui, c’est grâce à ma communauté. J’espère que celles et ceux qui me suivent seront contents d’avoir Susume ! entre les mains, car j’y ai mis toutes mes tripes. J’espère continuer à avoir plein d’opportunités de traduction et à kiffer mon métier. Et continuer de donner un peu d’espoir aux gens comme moi qui partent de pas grand-chose et qui essaient de réaliser leurs rêves.
Et enfin, de rencontrer une nouvelle fois Airi Suzuki ! (grand rire)
Merci Angélique, je te souhaite tout le succès que tu mérites, garde ta belle énergie et ton optimisme.
Retrouvez le nouveau livre d’Angélique Mariet, Susume, sur le site des éditions Issekinicho.
Vous pouvez la suivre sur sa chaîne Youtube, sur Twitter et Instagram.
Ce qui ressort c’est un côté précoce car si la chronologie est exacte, elle avait 17 ans en licence si je respecte la détermination j’avoue que le côté fan transie me laisse froid surtout à 26 ans.
Cependant je lui souhaite la plus grande réussite possible.
Merci d’avoir pris le temps de lire l’article. Oui Angélique avait 17 ans quand elle est rentrée à la fac. Merci pour vos encouragements.