Gaming Memories #51 – Alex Kidd in Miracle World
Bienvenue dans ce 51e numéro de Gaming Memories. Cette fois-ci, nous allons revenir sur une console assez peu présente dans la rubrique jusqu’à présent : la Master System ; et plus particulièrement sur le premier jeu de sa petite mascotte oubliée : Alex Kidd in Miracle World. Si vous êtes prêts à (re)découvrir le héros voué à être un concurrent direct à Mario, c’est parti ! Retour en novembre 1986.
Avant Sonic, il y avait Alex
SEGA, au cours des années, a eu plusieurs mascottes. Si Sonic the Hedgehog la plus connue d’entre elles et désormais le personnage iconique de la firme, d’autres ont pris ce rôle avant lui. La plupart sont tombés dans l’oubli : qui a déjà entendu parler de Professor Asobin (personnage apparaissant dans la plupart des notices japonaises de SG-1000, l’une des toutes premières machines de SEGA commercialisée en 1983) ou Mr.Games ? On peut aussi éventuellement nommer NiGHTS et Segata SANSHIRO en tant que mascottes de la Saturn mais cette fois-ci, c’est bel et bien le premier vrai représentant officiel qui nous intéresse.
Si Alex Kidd se veut être un concurrent au plombier de Nintendo, il faut savoir que son jeu, Alex Kidd in Miracle World, était tout autre à la base. En effet, notre titre du mois était originellement un jeu Dragon Ball ! Mais les droits d’exploitation de la licence pour SEGA touchent à leur fin pendant le développement. Le président de SEGA à cette époque, Hayao NAKAYAMA, ordonne de reprendre le projet à zéro pour en faire un autre jeu. Mais peut-être que tout n’a pas été perdu… Alex s’apparente peut-être un peu à un petit homme-singe et se trouve être un pratiquant d’arts martiaux…
C’est le prince de la famille Ossale (OSARU). Saru signifie singe en japonais et bien entendu, le « o » est le préfixe de respect. Chose amusante, le créateur du jeu Kotaru HAYASHIDA a participé à plusieurs jeux de l’éditeur dont Phantasy Star et son pseudonyme était… King Ossale ! Rien à voir avec de l’eau salée, en revanche (pardon pour cette blague facile). HAYASHIDA souhaitait en faire un jeu plus « horizontal », au contraire d’autres platformers où il faut sauter sur la tête de ses ennemis. Alex dispose donc d’une caractéristique différente pour arriver à ses fins… ses gros poings !
Alex Kidd in Miracle World était originellement disponible en cartouche comme n’importe quel jeu. Il est sorti le premier novembre 1986 au Japon, le mois suivant aux États-Unis, puis carrément en septembre 1987 en Europe. La Corée du Sud a attendu jusqu’en octobre 1988, et d’une manière quelque peu surprenante, le Brésil a eu le jeu en 1988 (la Master System était très populaire là-bas, elle a même eu droit à une version exclusive). SEGA a eu par la suite l’excellente idée d’incorporer le jeu directement dans la machine ainsi que dans les Master System II – même pas besoin d’acheter un jeu avec la console, il était déjà fourni dedans !
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Le prince karatéka
Dans ce jeu, on incarne bien forcément Alex Kidd, jeune homme légèrement à l’allure de singe. Il vit dans le royaume de Radaxian. Un vil personnage nommé Janken the Great a kidnappé le roi, son fils et la petite amie de ce dernier ! Alex décide alors d’intervenir et de sauver le souverain en traversant la contrée.
Alex Kidd in Miracle World est un jeu de plate-forme en 2D assez conventionnel, dans lequel on avance de gauche à droite (parfois de haut en bas, comme dans le premier niveau par exemple). Il se déplace à une seule vitesse (contrairement à Mario ou Sonic). Il peut sauter à plusieurs hauteurs et se baisser, mais surtout, pour se défendre, il utilise donc ses très gros poings !
Il peut aussi détruire des blocs grâce à cela, et il est possible de trouver des objets au cours de la progression, comme une bague envoyant des boules de feu. Cela ne sera pas de trop car la moindre incartade tuera immédiatement notre pauvre petit héros. Il a trois vies et pas une de plus (on peut en récupérer par moments), et bien sûr, pas de codes pour garder sa progression ! Chaque niveau se termine par un affrontement contre un sbire de Janken, dans un duel de… pierre-feuille-ciseaux. Oui, ça n’a pas l’air comme ça mais c’est un jeu super violent ! Enfin… surtout dans ce royaume, en fait.
Jan ! Ken ! Pon !
Alex Kidd in Miracle World démarre sur un écran titre plus que simple et direct. Les graphismes y sont de bonne qualité, plutôt beaux pour l’époque et surpassent nettement la concurrence directe. L’animation est elle aussi de bonne facture, fluide, rapide et globalement détaillée pour un soft de l’époque et loin devant ce qui se fait chez la concurrence, là encore. On passe beaucoup de temps avec un ciel bleu ou une caverne noire en fond d’écran, mais le nombre d’environnements différents est satisfaisant pour une production de cet âge.
Alex répond bien aux commandes et rapidement, un peu trop même. La petite mascotte de la Master System souffre du même problème de chaussures savonneuses que nombre de personnages de cette époque, ce qui le rend quelque peu difficile à contrôler correctement en permanence. Faire des erreurs à cause de cette caractéristique est courant et mène régulièrement à perdre une vie. Il se voit souvent emporté bien trop loin dans son élan…
Si son poing dévastateur peut détruire quasiment tout, sa hitbox n’est malheureusement pas parfaite. On passe souvent à travers un élément du décor lorsque l’on frappe en plein saut mais la taille de son attaque est suffisante pour toucher un ennemi correctement s’il est au sol, du moins la plupart du temps. Il est difficile de dire si c’est un défaut ou juste une mode pour l’époque car la maniabilité est globalement très bonne et vive, et pour peu qu’il puisse ne pas perdre une vie au moindre contact, on aurait bien envie d’avancer et bondir à toute vitesse pour apprécier la progression encore plus.
De ce fait, on tente finalement de prendre le moins de risques possible pour aller le plus loin que l’on puisse. Cela tend à rendre le jeu un peu lent au final, du moins le temps de bien s’y faire. Il demande également, de ce fait, de souvent choisir son chemin dans les environnements pour rester le plus en sécurité possible. On ne peut pas qualifier cela de défaut et au contraire, donne la possibilité de jouer à son rythme et envie, sans être forcé de toujours se jeter en plein danger. Il n’y a pas de temps limité ici, ce qui reste un confort qui contrebalance le challenge – et c’est pour le mieux car une fois encore, Alex glisse beaucoup trop… !
Si l’on traverse plusieurs environnements différents, ceux-ci ne sont pas des plus « charismatiques » et n’ont pas particulièrement de charme. On appréciera cependant, encore une fois, de pouvoir les appréhender selon notre façon de jouer, et les quelques passages particuliers comme ceux dans cette sorte de petit hélicoptère sont amusants. Se faire toucher dans ces conditions n’est pas punitif et fera juste tomber dans l’eau, offrant un autre pan du niveau avec des ennemis différents aussi. Il est donc possible de traverser un stage à sa préférence de temps à autres.
Le coté sonore du jeu fait honneur aux oreilles du joueurs, techniquement parlant. La Master System dispose d’un meilleur son que la concurrence à cette époque et elle le montre avec Alex Kidd, mais il ne faut pas non plus oublier la date de sortie du jeu : le thème principal, que l’on entend à l’écran-titre, est aussi présent dans la presque totalité du jeu, hormis les passages aquatiques et quelques autres. Si cette mélodie est joyeuse et entraînante, elle va probablement rester en tête jusqu’à l’overdose… elle n’est pas mauvaise pour autant ! Les quelques autres thèmes ainsi que les bruitages sont de bonne qualité.
Sous ses airs guillerets, Alex Kidd in Miracle World est un jeu difficile. La moindre petite touchette avec un ennemi fera perdre une vie directement, ni plus ni moins et pas de champignons pour avoir une chance de survie. Tout n’est pas complètement du meilleur goût lorsqu’on regarde bien, en tous cas pour les enfants auxquels il pouvait être destiné, et est même plutôt dérangeant par moments.
En effet, lorsqu’Alex meurt, il ne disparait pas tout simplement de l’écran comme dans la plupart des jeux de l’époque, on voit son âme s’échapper de son corps pour s’envoler vers les cieux… certaines dalles au sol font apparaître un fantôme qui nous poursuivra jusqu’à être hors de portée pour lui, et lorsque l’on affronte les boss pour la seconde fois, ceux-ci ont une deuxième phase… et nous attaqueront avec leur tête détachée de leur corps ! De quoi donner des cauchemars à un enfant, en tous cas à l’époque…
Ce n’est pas dans les habitudes de Gaming Memories de spoiler le contenu d’un jeu. Alors pourquoi déroger à la règle cette fois-ci ? Hé bien, tout simplement parce que vous ne verrez peut-être tout simplement jamais ce que vous venez de lire. En effet, une fois encore, le jeu est difficile à moins d’arriver à le « dompter », et en voir le bout peut décourager. A tel point qu’il est quasiment impossible à terminer – il s’achève sur une dernière salle, après avoir vaincu le boss final, qui est une énigme dont on ne comprend le raisonnement que si l’on regarde un objet en particulier dans son inventaire, utilisant le mode d’écriture japonais. Et si l’on se trompe dans la séquence à suivre… un fantôme apparaîtra et vous éliminera… Alex Kidd in MIRACLE World ? On se demande…
L’aventure, quoi qu’il en soit, comporte dix-sept niveaux qui composent une aventure pouvant être terminée en un peu plus d’une demi-heure – lorsque tout se passe bien. Il faut apprendre le jeu et tâtonner plutôt que de foncer tête baissée, du moins jusqu’à bien le maîtriser. Le fait d’avoir plusieurs niveaux avec deux routes assure une replay-value au titre d’une durée de vie très satisfaisante pour son époque ! Il n’y a pas de sauvegardes ni de mots de passe comme on peut s’en douter… et cela entraine les habituelles questions « est-ce que je continue un peu ? »…
Alex Kidd in Miracle World, si l’on excepte ses quelques choix de gamedesign un peu étranges, n’est pas forcément le jeu ne plus charismatique au monde à cause d’un léger manque de personnalité peut-être. Mais il est doté d’un certain challenge qui soit donnera envie au joueur d’en faire toujours plus soit le découragera. Sa maniabilité trop réactive peut être punitive, mais elle est également de qualité, tout comme le coté technique (graphique et sonore) qui envoient les consoles concurrentes au tapis. Certes, il est difficile, certes, la maniabilité ne plaira pas à tout le monde, mais il est un ambassadeur de taille aussi bien pour SEGA que pour la Master System !
Alex survives
En son temps, Alex Kidd in Miracle World reçut d’excellentes notes. Majoritairement entre 7 et 9/10, certains lui attribuèrent carrément la notre parfaite de 10/10 ! Avec le recul, certains tests plus récents continuent à l’encenser… Ce succès, aidant massivement la Master System à se faire une place dans les foyers occidentaux à la place de la NES, fit naître plusieurs suites à cette première aventure, principalement sur cette même 8 bits.
Ainsi, Alex poursuivit son chemin en arcade et Master System en 1988 dans un nouveau jeu de plate-forme d’une difficulté légendaire (il fallait bien ça pour faire manger des pièces aux bornes d’arcade !)). Il revint ensuite dans un spin-off de course de BMX (ce qui aurait pu être le coté « tirage de licence à outrance » que de nombreuses séries de cette époque vécurent), puis il changea à nouveau pour devenir un jeu d’aventure-RPG. Ce dernier n’est sorti qu’en occident car il s’agissait en fait d’un soft à licence tiré d’un anime au Japon !
On pouvait penser qu’Alex deviendrait la mascotte de SEGA, ou en tous cas de la Master System, avec trois autres jeux et même un spin-off. Et il survécut à l’arrivée de Sonic avec un épisode sur Mega Drive entre temps, mais celui-ci était un gros ratage… le jeune prince au gros poing retourna donc sur sa console d’origine, la Master System, dans une dernière aventure – Alex Kidd in Shinobi World. Sous ses airs de parodie, Alex qui ne devait à la base pas être le personnage du jeu devenait un ninja dans une production de plate-forme action qui remontait le niveau après cet épisode Mega Drive méga-raté.
Alex refit surface en tant que caméo dans de nombreux jeux de SEGA au fil des années. On peut trouver son nom caché sur des tombes dans Altered Beast par exemple. Façon un peu triste de dire que sa carrière était terminée ? Blague de mauvais goût ? Humour noir ? Difficile à dire mais il faut sauver un Alex mourant au début de Golden Axe en arcade… le jeune garçon revint dans le RPG Segagaga où il incarnait parfaitement le rôle de la mascotte déchue (là ça tire à l’acharnement), et dans quelques autres softs de la firme comme Sega All-Stars Tennis ou Sonic & SEGA All-Stars Racing et sa suite. Des apparitions assez anecdotiques mais qui ont le mérite de signaler qu’il n’a pas été totalement oublié… il vit même toujours dans le cœur de ses fans car une nouvelle version du jeu est sortie en juin 2021. Si ça ce n’est pas une preuve d’amour !
Malgré quelques idées de design un peu étranges qui mènent à un léger manque de personnalité et des chaussures beaucoup trop glissantes, Alex Kidd in Miracle World est de ces jeux de plate-forme rétro qu’il faut voir essayé au moins une fois dans sa vie. Véritable et fier ambassadeur de la firme au hérisson bleu avant l’arrivée de ce dernier, il a su s’imposer et marquer les joueurs de l’époque à sa façon. C’est maintenant l’un de ces héros déchus sans doute à tout jamais, mais il méritait sa place parmi nos Gaming Memories. Et c’est désormais chose faite ! N’hésitez pas à vous y essayer si l’occasion vous en est donnée !
Et le mois prochain, on finit l’année avec un florilège de jeux différents !
Merci pour cet article!
Énormément de souvenir avec ce jeu, que les enfants adorent sur Switch (en mode rétro d’ailleurs).
Il fallait de la persévérance, de l’abnégation et beaucoup de temps libre pour terminer les jeux d’antan 🙂
Je suis ravi de savoir que des enfants de nos jours apprécient encore ce jeu! C’est clairement un autre monde, je ne pensais pas que les jeunes de nos jours seraient assez patients et tolérants…