Japon, abécédaire d’un amour contrarié par Florence Costa !
Les éditions AKINOMÉ continuent d’explorer le Japon sous toutes ses facettes et proposent ainsi depuis le 16 septembre dernier, un nouvel ouvrage à leur catalogue déjà bien fourni : Japon, Abécédaire d’un amour contrarié par Florence Costa ! Après les beaux livres illustrés façon carnet de voyage, après les imagiers pour petits et grands, et les contes traditionnels japonais, l’éditeur offre à ses lecteurs un témoignage franc et droit d’une française ayant vécue près de vingt-cinq années au Japon avant de rentrer en France en 2016. Pour cela, l’alphabet sera le fil conducteur de l’ouvrage en présentant à la fois des mots japonais du quotidien mais aussi son expérience. Et afin d’en apprendre encore davantage sur la démarche derrière ce titre, l’équipe a pu s’entretenir avec l’autrice pour un entretien aussi riche que passionnant. Bonne lecture et bonne découverte !
Critique du livre Japon, Abécédaire d’un amour contrarié
Comme présenté ci-dessus, les éditions AKINOMÉ, qu’on vous a déjà présenté dans d’autres articles sur le site dont l’un sur des ouvrages autour du voyage, décident à nouveau de proposer une autre approche du Japon à ses lecteurs. Depuis le 16 septembre dernier, vous pouvez, en effet, retrouver un nouvel ouvrage à leur catalogue, ayant pour sujet le Japon, mais différent de ce qui a pu être réalisé jusqu’ici.
Cette fois, l’éditeur offre à ses lecteurs un ouvrage qui casse les barrières et les faux-semblants grâce au témoignage édifiant de Florence Costa dans son livre Japon, Abécédaire d’un amour contrarié. Un ouvrage simple de prime abord par sa forme, mais riche de par son contenu. L’autrice a véritablement décidé d’offrir un pan entier de sa vie, à l’écrit, mais également illustré par son frère. Un fil conducteur en effet présenté par l’alphabet français, soit sous forme de 26 lettres. Chacune d’entre elles est alors illustrée, et représente même un mot du quotidien japonais pour ceux qui vivent sur place au pays du soleil levant.
C’est ainsi un bon moyen d’apprendre de nouveaux mots, pour certains connus, pour d’autres peut-être moins à retrouver sous forme d’un glossaire en fin d’ouvrage, ou en note de bas de page sur les pages concernées. On ne peut alors qu’être transporté dans la vie vécue par l’autrice puisque cette dernière écrit par ailleurs à la première personne du singulier, en toute franchise et honnêteté, et surtout sans faux-semblants. Ceci afin de rendre son récit d’autant plus authentique et retranscrire le plus fidèlement possible ses émotions, son ressenti et sa vie tout simplement sur place. Florence Costa décide surtout avec ce livre de remettre en place certaines idées reçues afin de prévenir ceux et celles qui souhaiteraient aller vivre au Japon et se confronter à une culture si profondément ancrée dans ses habitants.
Elle exprime ainsi totalement le désarroi qu’elle a pu vivre à la suite du tremblement de terre de Kobé en 1995, et les heures et jours ayant suivi, faisant qu’aujourd’hui, tout tremblement de terre rappelle en elle cette peur ressentie ce jour-là, mais elle exprime aussi son énervement face à tous ces bento qu’elle devait penser et réfléchir durant des années pour ses enfants alors même que la cuisine était difficile à appréhender… Mais aussi la vie courante auprès d’un véritable salaryman et ce que tout cela implique : vivre dans une résidence appartenant à l’entreprise (shataku) avec les autres collègues de son mari avec leurs épouses, le qu’en dira-t-on presque omniprésent, le paraitre, l’implication dans la vie de la résidence et ce que cela pouvait comporter de reports sur son mari. Et au-delà de ces différents points de tension, Florence Costa offre également un regard bienveillant sur la nature japonaise et ce qu’elle apporte : notamment ces différents onsen à ciel ouvert, le mont Fuji, les traditions autour des insectes (par exemple la fameuse chasse aux yago, les larves de libellule), les matsuri, les différentes saisons japonaises…
En somme, à travers son vécu et son expérience, parfois difficile et compliquée, surtout lorsqu’elle a dû prendre la décision de divorcer, l’autrice dépeint un Japon réel et fidèle au quotidien que peuvent vivre de nombreux occidentaux dès lors qu’ils s’investissent davantage dans ce pays très codifié. Un ouvrage donc riche en informations et en explications qui ne laissera personne indifférent. Et pour compléter ce dernier, l’équipe de Journal du Japon a pu questionner l’autrice le temps de quelques questions qu’on vous invite à retrouver ci-dessous.
Entretien avec Florence Costa au sujet du livre
Journal du Japon : Bonjour Florence et merci tout d’abord de nous accorder de votre temps pour répondre à nos questions. Pour commencer, pourriez-vous raconter à nos lecteurs votre parcours et ce que vous faites dans la vie ?
Florence Costa : Alors mon parcours, pourquoi le Japon ? Surtout je suppose ? Quand j’étais petite, j’ai eu la chance de vivre à Rome, de 5 ans à 9 ans ; les deux premières années j’étais à l’école italienne et les deux dernières années à l’école française. Dans ma classe à l’école française, je me suis liée d’amitié avec des petites filles jumelles franco-japonaises, Sachiko et Miyoko, qui ont été le point de départ de ma passion pour le Japon. Je suis tombée dans la « marmite » Japon à cette époque.
À partir de ce moment-là, en écoutant Sachiko et Miyoko parler, j’ai été fascinée par la langue japonaise et sa mélodie. Je les voyais écrire des hiragana et des kanji. Je me disais que l’italien et le français étaient deux langues très proches, mais qu’il y avait un pays très différent à l’autre bout de la planète, avec une écriture qui n’était pas celle que je connaissais. J’ai eu très envie de découvrir le japonais.
En rentrant à l’âge de 9 ans à Paris pour y vivre de nouveau, j’ai dit à mes parents que ma passion, c’était le Japon et que je devais apprendre le japonais. Je leur ai demandé de chercher des cours de japonais pour enfants. On a cherché mais c’était difficile. À l’époque, il n’y avait rien, mais le Japon commençait à être à la mode ; il y avait des cours du soir ou des cours à l’INALCO, mais pour les adultes seulement. Ma mère a cherché un peu partout. Finalement, on connaissait une petite boutique de jouets dans le 15ème, tenue par une asiatique. J’ai dit à ma mère : « Demande-lui si elle est Japonaise ! » : c’était le cas, on lui a demandé si elle pouvait me donner des cours.
Elle, elle n’avait pas le temps, mais elle m’a présentée à l’une de ses amies et j’ai commencé les cours de japonais. En cours privé, mes sœurs allaient faire du piano ou de la danse. Moi, j’allais à mes leçons de japonais une fois par semaine. J’ai donc démarré ainsi à l’âge de 10 ans et j’ai continué jusqu’au lycée, avec trois professeures différentes parce qu’elles rentraient au Japon au bout de 2 ou 3 ans. Mon but était de rentrer à l’INALCO afin d’avoir un bagage suffisant pour aller vivre au Japon. Mon rêve au départ, c’était d’apprendre le japonais afin de pouvoir correspondre en japonais avec Sachiko et Miyoko, en leur écrivant des lettres. D’ailleurs, j’ai tous mes brouillons de lettres, au début en hiragana, ensuite avec des kanji. Je les ai encore chez moi : voici mon départ pour le Japon. Cela s’est produit avec ces petites filles jumelles et mon rêve de partir au Japon s’est précisé après le lycée, après mon bac. Je me suis dit : « Je vais partir deux mois au Japon pour voir si ça me plaît ». J’ai habité dans des familles d’accueil à Tokyo, je suivais des cours de japonais à Shibuya 3 fois par semaine et en rentrant, je suis rentrée à l’INALCO. Après ma licence de japonais traduction/interprétation, j’ai postulé pour le JET PROGRAMME qui m’a envoyé au Japon pour un an, à Sabae, dans la préfecture de Fukui.
Au départ, j’ai renouvelé 1 an à Sabae, puis j’ai trouvé du travail à Osaka. Chaque année, je me disais que je ne resterais qu’un an de plus pour perfectionner la langue japonaise et la connaissance du Japon et de fil en aiguille, j’y suis restée 25 ans ! Je suis rentrée définitivement en France en juillet 2016. Mon travail actuel est toujours en rapport avec le Japon puisque je suis responsable de la boutique NISHIKIDORI qui est une épicerie japonaise haut de gamme, dans le quartier japonais de Paris, à côté de la rue Sainte-Anne. Je travaille donc sur mon « tatami » avec des produits japonais d’exception et j’ai l’impression d’être au Japon tout en étant à Paris !
On comprend que votre affinité vous vient en réalité de l’enfance au final ?
Tout à fait.
Vous l’expliquez un peu dans votre ouvrage, mais quelle a été votre réflexion exactement pour arriver à l’idée d’écrire ce livre sur votre propre vie japonaise ?
En mars 2011, il y a eu la triple catastrophe de Fukushima qui a beaucoup inquiété ma famille et mes amis en France. À l’époque, à la différence de Kobe en 1995, où il n’y avait pas internet ni de moyen d’envoyer des mails, en 2011, j’ai pu envoyer régulièrement à mes proches des mails groupés pour leur donner des informations, des nouvelles de ma famille, de ce qui se passait pour mes enfants dans leurs écoles, dans notre quotidien. J’ai transmis des mails régulièrement pour les rassurer.
En août 2011, je rentrais en France en vacances, comme chaque année avec mes 3 enfants ; en Dordogne, au bord de la piscine, ma belle-mère Brigitte me dit : « C’est super les mails que tu nous envoies, mais si tu écrivais un livre ? ». Comme j’aimais écrire, je me suis dit, « Je me lance ». De retour au Japon en septembre 2011, j’ai commencé à écrire. Je me suis dit que j’allais raconter mes 25 ans de vie japonaise, mais pas uniquement Fukushima. J’ai commencé à me repositionner 20 ans auparavant parce que c’était en 2011 (je suis arrivée en 1991 au Japon). Je me remémorais mes impressions du début, parce qu’en fait, au bout de 20 ans, il y a des choses qui nous sont naturelles et d’autres qui sont toujours aussi bizarres. Il fallait me remettre à la place de la petite Française arrivant en 1991 à Sabae qui ne connaissait pas grand-chose du Japon, qui se retrouvait dans une ville où il y avait très peu de gaijin (je n’étais pas la seule Occidentale, mais il n’y en avait pas beaucoup). J’étais encore montrée du doigt, « gaijin, gaijin » par les petits enfants ! Il a fallu que je remette de l’ordre dans tous mes souvenirs. Je regardais régulièrement mes photos aussi pour pouvoir décrire les paysages, les petites rues avec les petites maisons comme j’essaie de les décrire. Je me suis beaucoup inspirée de mes photos, pour avoir les souvenirs en tête.
Et de fil en aiguille, on en arrive à l’ouvrage que vous avez écrit, d’après ce dernier, durant le premier confinement.
Tout à fait, je l’ai terminé pendant le premier confinement. Au départ, j’avais fait deux parties, un peu différentes : la première partie sur ma vie privée et la deuxième partie comprenant des petits chapitres. J’ai pensé le terminer lors du premier confinement puisque j’avais du temps : j’avais 2 mois pour écrire et je me suis mise à tout terminer pour l’envoyer à des éditeurs. J’ai fait pas mal de recherches sur les maisons d’éditions en rapport avec le Japon. J’ai envoyé mon manuscrit à une vingtaine d’éditeurs dont AKINOME, qui m’a répondu en mai 2020 qu’ils étaient prêts à m’éditer !
En fait, ce fut un cheminement de quasiment 9 ans.
C’est ça : 9 ans et 2 ans de plus, le temps de le mettre sous forme d’abécédaire parce que mon éditrice trouvait que…
C’était une de mes questions suivantes, justement, celle de pourquoi avoir choisi cet aspect de l’alphabet en guise de fil conducteur pour cet ouvrage ?
Mon éditrice n’aimait pas beaucoup les deux parties. Elle trouvait que cela faisait deux livres en un et que c’était peut-être trop.
La partie première était peut-être trop privée et n’aurait peut-être pas plu à tous les lecteurs, notamment ceux qui ne me connaissent pas et qui ne connaissent pas bien le Japon. Je lui ai alors proposé de réécrire mon livre sous forme d’abécédaire. J’ai pensé que cela ferait des chapitres bien distincts et qu’avec l’alphabet cela ferait 26 chapitres, ce n’était ni trop peu, ni trop. Je n’allais pas faire les hiragana, car il y a 51 lettres ! En réalisant de A à Z, j’ai trouvé « A » pour « Amour », « B » pour « Bento »… Tout est venu très naturellement.
Donc, l’idée d’un alphabet, c’est vous et votre éditrice a validé l’idée ?
Oui, elle a aimé les lettres que j’ai proposé, ainsi que les thèmes, bien sûr.
Justement, comment vous avez réussi à choisir les mots qui ont donc illustré chaque lettre de cet alphabet, est-ce que c’est que de votre fait où est-ce que des membres de votre entourage vous ont peut-être suggéré quelques mots ?
Non, ce n’est que de mon propre chef. J’ai relu mes deux manuscrits, j’ai noté un peu les chapitres importants, les mots-clés. Par exemple, « bento » revenait souvent, la « femme » aussi, l’« amour » évidemment … ! Le D pour « divorce » était facile à trouver aussi, car c’est par mon divorce que je suis revenue en France. J’ai trouvé les lettres assez facilement, mais il y en avait de plus compliqués à trouver, comme le Q.
J’en profite pour vous demander quelles ont été effectivement les lettres les plus difficiles au final à trouver ?
Le Q. Le X pour xénophobie, c’est venu tout seul. Le W ce n’est pas difficile parce que Wabi-sabi, c’est un mot japonais qui revient souvent. Le Y avec le yin et le yang…
Finalement, je pense que c’est le Q, peut-être le V pour « valeurs ». C’est en relisant mon manuscrit que cela m’est venu à l’esprit.
Sur cet ouvrage, vous n’êtes pas seule. Il y a votre frère : comment s’est passée cette collaboration avec lui qui a donc illustré chaque lettre et qui a réalisé la couverture ?
Mon frère Mathias Costa est un artiste pluridisciplinaire. Je trouve qu’il est très talentueux et j’aime beaucoup son style et son travail en général. Petit, il aimait dessiner, suivait de cours de dessins, et voulait même faire des mangas ! Pour la première version de mon livre, je lui avais demandé d’en faire la couverture et il avait accepté bien sûr. Il m’avait fait un dessin très beau, avec un visage sans yeux, sans nez, sans bouche. Je voulais vraiment que ce soit Mathias qui fasse ma couverture, car je ne voulais pas une photo ou un dessin sans intérêt. Je savais que mon frère, connaissant le Japon et mon histoire, serait capable de faire quelque chose de très beau.
Mon éditrice n’a pas beaucoup aimé ce premier dessin de visage « vide ». Lors de notre première rencontre, je lui ai dit : « Je suis très heureuse que tu publies mon livre, mais je voudrais absolument garder mon frère pour la couverture. Si tu n’aimes pas ce qu’il a fait, il peut te faire autre chose, mais je veux que ce soit lui. ». Finalement, mon éditrice a accepté, et Mathias lui a proposé d’autres dessins. En ce début d’année 2022, en 2 mois, j’ai passé des heures pour remettre mon manuscrit de A à Z. Lorsque tout était terminé, en plus de la couverture, j’ai dit à mon éditrice que j’adorerais que chaque lettre soit également décorée par mon frère puisque j’avais vu dans d’autres livres d’AKINOME qu’il y avait des illustrations à l’intérieur. J’étais certaine que le style de Mathias irait très bien pour chaque lettre, même en noir et blanc, à l’intérieur du livre.
AKINOME a accepté le projet. Mathias a travaillé comme un fou, il est allé plusieurs fois à la bibliothèque faire des recherches. Le travail était énorme, et il y avait des lettres plus difficiles que d’autres à faire, comme la lettre V par exemple.
Effectivement, on le sent que sur certaines lettres, on peut se poser de prime abord, « mais comment l’illustrer » ? Sauf qu’au final, les illustrations choisies sont vraiment bonnes.
Oui, incroyable, elles sont magnifiques ! Ma préférée, c’est certainement la lettre C car c’est celle de mes trois enfants en kimono au shichigosan, la cérémonie pour les enfants de 7, 5 et 3 ans. La lettre M, je la trouve magnifique aussi, parce qu’elle représente la modernité d’un côté le shinkansen, et de l’autre les traditions, avec le katana. C’est aussi une de mes préférées. La lettre K me donne des frissons… La hiérarchie, représentée par le H est très bien aussi, avec les petits salarymen !
On comprend tout de suite effectivement, avec chaque lettre et les illustrations, le thème qui va suivre.
Tout à fait : Mathias a fait quelque chose de très très beau.
À chaque fois qu’il m’a envoyé des lettres, j’en avais la chair de poule et je lui validais immédiatement. Je n’ai rien eu à redire car je savais que tout serait parfait.
La collaboration s’est très bien passée parce qu’il a compris tout de suite ce que vous recherchiez. En fait, il avait la bonne sensibilité pour chaque lettre ?
Oui, exactement. En plus, il avait lu mon premier manuscrit. Il connaît mon histoire, mes enfants, mon passé. Il est venu deux fois me voir au Japon. On est très proches, même si on a une grande différence d’âge. Je sentais que cela se passerait super bien.
De ce que je comprends, vos échanges avec votre éditrice se sont également bien déroulés ?
Très bien. Nous avons cherché le titre ensemble ; cela a été compliqué de le trouver car j’avais quelques idées, mais mon éditrice m’en suggérait d’autres. Je me souviens que j’ai passé un petit week-end à Strasbourg où j’avais eu le temps de tout regarder. Je me suis dit qu’il fallait mettre la notion d’abécédaire car cela attire un peu l’œil. Il fallait également mettre le mot « Japon » pour attirer encore davantage. Car le Japon attire. L’histoire de ma vie, c’est quand même un amour contrarié puisqu’il y a eu de l’amour, mais finalement, des contradictions aussi. Et voilà, c’était un amour difficile.
Résultat, on comprend à la lecture de votre titre que vous avez comme un goût doux/amer à l’esprit au sujet du Japon : quel est votre rapport aujourd’hui vis-à-vis de ce pays ? Lui pardonnez-vous certaines situations que vous avez vécues ? Lui en tenez-vous à l’inverse rigueur pour d’autres ?
Je ne suis pas rancunière donc si c’était à refaire, je le referais parce qu’à la clé, j’ai trois beaux enfants franco-japonais. Donc je le referais les yeux fermés même si ce n’était pas facile. Maintenant, je suis heureuse d’être de retour en France, avec toujours un pied dans le Japon par mon travail, et de façon à ne pas être trop éloignée pour pouvoir toujours continuer à parler japonais quotidiennement, à rêver en japonais parce qu’après 25 ans, forcément c’est toujours là !
Je n’en veux pas au Japon et aux Japonais : j’ai eu une belle expérience, un beau quart de vie là-bas. Mais je suis heureuse d’être ici, d’être une femme libre, indépendante, et d’avoir pu réussir ma carrière ici en France, ce que je n’aurais peut-être pas pu faire au Japon. Je suis heureuse de pouvoir me dire qu’avec mon travail actuel, je pourrais peut-être y aller de nouveau pour le travail. Le Japon rouvrant ses portes, ce sera sûrement possible. Pas de rancune, donc. J’aimerais simplement que le Japon s’ouvre, surtout pour les femmes, que le pays change et se modernise davantage pour que des femmes comme moi n’aient plus cette expérience.
C’est aussi pour cela que j’ai voulu écrire ce livre, c’est pour prévenir les femmes françaises, occidentales, en leur montrant que si elles vont au Japon, attention, il peut leur arriver ce qui m’est arrivé à moi, ce qui n’est pas toujours facile. J’en vois tellement des jeunes françaises qui veulent partir au Japon, qui rêvent, comme moi au début, du Japon idéal… Lorsque ce sont des hommes gaijin, ce n’est pas la même position, ce n’est pas du tout pareil. C’est moins dur pour eux. Pour nous les femmes, on est tout de suite un peu dans un carcan.
Cela rejoint totalement ma prochaine question, qui était la suivante : quel pourrait être votre message à l’attention de personnes souhaitant partir au Japon pour y faire leur vie ?
Alors méfiez-vous, le Japon est un pays merveilleux, merveilleux lorsque nous sommes des touristes. On restera la gaijin sympa qui admire le Mont Fuji et les onsen, mais dès qu’on y vit, c’est compliqué. On restera gaijin à vie même si au bout de 25 ans on parle japonais. Il y aura toujours un petit décalage et épouser un homme japonais, cela peut être merveilleux bien sûr, je ne veux pas généraliser, mais les codes sont vraiment très différents. Sachez bien là où vous allez tomber.
Oui, ce n’est pas du tout la même culture.
C’est cela. Les belles familles n’acceptent pas toujours, c’est compliqué. Les Françaises qui rencontrent leur mari japonais ici en France, eh bien il sera très ouvert hors du Japon, mais une fois retourné dans son pays, ce n’est plus pareil, il retrouve ses codes. Je veux qu’elles le sachent.
Pour le travail par exemple, qu’est-ce que vous pourriez conseiller ?
Qu’elles se battent pour travailler. Ce n’est pas grave s’il y a deux salaires et que le mari paie plus d’impôts parce qu’il y a deux salaires ! Oui, c’est ce qu’on fait en France. Battez-vous pour avoir un lave-vaisselle, une baby-sitter, une femme de ménage ! Essayez d’être sûre avant le mariage, de vraiment bien mettre tout au clair dans votre esprit et avec votre futur mari. Ne vous laissez pas faire.
Vous terminez finalement votre livre en signalant néanmoins que c’est par le Japon que vous avez saisi la valeur de la VIE et que vous aimez malgré tout ce pays, qu’aimez-vous donc dans le Japon d’aujourd’hui ?
Ce que j’aime encore aujourd’hui du Japon, c’est sa langue, ses idéogrammes, la calligraphie, car c’est merveilleux. Le rapport à la nature, aussi. Quand je dis la nature, c’est aussi le lien avec les saisons. Tout est marqué par tel objet, les maisons sont décorées par saison, les couleurs diffèrent, il existe des choses très belles dans l’esthétisme japonais qui me plaît beaucoup. Les rapports avec les anciens aussi, car les Japonais sont très attachés à leurs valeurs ancestrales et aux personnes âgées. La gentillesse des Japonais parce que quand on y va, ils sont adorables, ils nous accueillent super bien. Lorsque j’écris qu’on est rarement invité chez des Japonais, c’est vrai, parce que c’est trop petit. Mais leur gentillesse de prime abord quand on leur demande notre chemin, leur politesse, cela c’est agréable.
Mais ce que je préfère, ce sera toujours pour moi la langue japonaise, l’écriture japonaise, et cet esthétisme que je trouve merveilleux.
Et les savoirs vivre aussi ? Les us et coutumes ?
Les coutumes, oui, c’est très agréable. Les matsuri, par exemple, ce sont en effet des choses que j’aime beaucoup qui continuent même à exister de nos jours, avec de très anciens matsuri. Je trouve que c’est un patrimoine culturel très important qu’ils gardent et qu’ils préservent. Et je trouve cela extraordinaire.
On le ressent que vous aimez cet aspect-là, dans votre ouvrage, notamment quand vous faites allusion au Mont Fuji ou même les onsen que vous avez pratiquées pendant quelques temps, on sent vraiment que vous preniez plaisir à savourer ces moments un peu hors du temps.
Tout à fait, c’est le mot : quand on est dans un onsen, un petit rotenburo, en extérieur, et que la neige tombe sur nous, cela reste ancré à vie. J’en ai la chair de poule rien qu’en vous en parlant. Ce sont des moments magiques que l’on apprécie aussi bien en tant que touriste qu’en tant que résidant. Ce sont des moments hors du temps en effet merveilleux. Et pour moi, cela restera toujours ce Japon magique.
Vous y retourneriez en vacances ?
Tout à fait, en vacances et pour le travail aussi car j’ai laissé beaucoup d’amis là-bas, et forcément j’ai envie de les revoir. J’ai bien envie de me faire un petit onsen et d’admirer à nouveau le Mont Fuji que j’ai laissé derrière moi !
Enfin, auriez-vous un dernier mot à adresser à nos lecteurs ?
Tout d’abord merci d’avoir lu mon livre, car vous l’avez peut-être déjà lu avant de découvrir cet article. J’espère que ce livre vous a plu et vous donnera envie de découvrir ce Japon dont je parle, ce Japon de la nature et de ses merveilles, et en même temps ce Japon un peu différent de ce que l’on imagine. Malgré les petites choses négatives que j’énonce de ce pays, toutes les choses positives dont je parle vous donneront certainement envie d’aller vous prélasser dans un onsen ou bien d’aller découvrir le Mont Fuji à toutes les saisons !
Merci beaucoup.
Merci à vous Charlène.
Retrouvez les actualités des éditions Akinomé sur leur site internet, et celle de Florence Costa sur son instagram et sur le site de sa boutique.
Merci à Florence pour ce témoignage si authentique et émouvant.