La bibliothèque des rêves secrets – L’envie d’exister
Vous n’êtes pas sans savoir qu’à Journal du Japon, on apprécie des romans qui savent faire voyager, faire réfléchir ou au contraire, qui font se sentir bien pour tout lecteur qui se respecte. Le titre dont on vous propose un petit focus, n’y fait pas exception ! La bibliothèque des rêves secrets devrait en effet ravir tout un chacun. Retour sur un livre feel good par excellence qui fait du bien au moral.
La bibliothèque des rêves secrets : une ode aux rêves
Ce premier roman écrit par Michiko AOYAMA fait sens dès la lecture des premières pages. La bibliothèque des rêves secrets, finaliste du Prix des Libraires au Japon en 2020-2021, se hisse très vite en tête des ventes japonaises à sa sortie, en novembre 2020 avant d’obtenir son propre succès à l’international. Depuis le 17 mai dernier, on a la chance de pouvoir retrouver ce titre feel good par excellence aux éditions NAMI sur le sol français.
Ce roman offre aux lecteurs une parenthèse à prendre pour ce qu’elle est : une bulle hors du quotidien si stressant. Par sa construction ce titre n’a rien d’extraordinaire, les chapitres se répétant en effet sur un même modèle, mais c’est justement cette construction répétée qui fait la force du titre, en comptant également sur les personnages-mêmes du livre. Chaque chapitre se positionne sur une personne : un adulte, homme ou femme, jeune ou moins jeune, qui se retrouve à un instant de sa vie dans une situation inextricable ou qui semble l’être. Entendre par là, une situation presque de non-retour pour la personne concernée, qui se sent dès lors soit proche de la dépression, d’une certaine démotivation, ou encore d’une forte solitude. Mais pour chacun d’eux, un point commun les rassemble pourtant : une femme, à la corpulence certaine, Sayuri Komachi. Cette personne travaille en tant que bibliothécaire au sein d’un centre social de quartier, celui de Hatori à Tokyo.
Pour entrer dans ce dernier, la seule règle est d’habiter le quartier et de renseigner ses arrivées et sorties. Et dans ce centre social qui propose diverses activités se trouve l’antre de Sayuri Komachi qui est le point d’orgue du fil conducteur entre chaque chapitre. Mais avant d’arriver vers cette dernière, l’auteure sait amener la situation de chaque personnage en prenant le temps d’expliquer le contexte de chacun tout au long des 5 chapitres. Afin de mieux saisir les tenants et aboutissants de La bibliothèque des rêves secrets, on peut prendre l’exemple du premier chapitre.
Tomoka, une jeune femme de 21 ans, travaille depuis quelques temps dans un grand centre commercial, nommé EDEN, dans une boutique de prêt-à-porter. Très vite, le lecteur saisit qu’elle ne s’y épanouit pas et qu’elle semble l’une des rares employées fixes du magasin. Elle ne semble pas avoir non plus de bons rapports avec son supérieur, se plaignant même de ne pas avoir de pause déjeuner parfois. Ses seuls moments de joie seraient ses pauses déjeuner avec un autre employé du centre commercial, un jeune homme reconverti opticien, ayant travaillé auparavant dans l’édition. Sa vie est tellement morne à son esprit qu’elle ne prend pas réellement soin d’elle, entendre par-là qu’elle mange peu voire mal, ce que lui fait remarquer son ami qui lui se fait à manger chaque midi.
Un peu déprimée par sa vie, la jeune femme se triture les méninges chez elle, regrettant presque d’être montée à la capitale pour trouver du travail. Ayant idéalisé sa vie à la capitale, la jeune femme se sent totalement déboussolée, jusqu’au jour où elle décide de se rendre dans ce centre social de quartier afin d’y prendre des cours d’informatique, pour qui sait, tenter autre chose dans sa vie. C’est à la fin d’un de ses cours, où elle se sent par ailleurs nulle, qu’elle découvre que ce centre possède une bibliothèque. Souhaitant s’améliorer en informatique, elle décide de s’y rendre pour y trouver des livres sur le sujet. C’est à ce moment-là qu’une apprentie bibliothécaire la dirige vers un paravent, au-dessus duquel est écrit « Conseils », et y découvre la fameuse Sayuri Komachi.
À chaque lecteur venu la questionner, Sayuri pose une seule et unique question, déstabilisante par sa simplicité : « Qu’est-ce que tu cherches ? ». La question posée, un semblant de dialogue s’installe.
Dès lors, totalement prises au dépourvu, les personnes s’épanchent de façon presque mystérieuse, et Sayuri finit par leur sortir une liste d’ouvrages demandés sur le sujet recherché ainsi qu’un dernier livre totalement en décalage avec les autres voire sans aucun rapport. Pour la jeune Tomoka, il s’agit de Guri et Gura, un album pour enfants avec deux rats des champs. Et chose incongrue, Sayuri sort alors un petit objet en feutrine, qu’elle leur offre, pour Tomoka il s’agit d’une petite poêle. Très vite, on comprend que la bibliothécaire, en écoutant Tomoka, lui a trouvé un moyen d’évoluer, mais en la poussant à chercher par elle-même la réponse au plus profond d’elle-même.
La suite du chapitre se déroule alors sur les réflexions de la jeune femme qui cherche à comprendre pourquoi on lui a fourni un livre pour enfant. On comprend que par une certaine clairvoyance, Sayuri a su diriger vers la bonne direction la jeune femme pour l’aider à y voir plus clair. Cette dernière ouvre alors les yeux sur son travail, sur elle-même et finit par trouver sa propre voie, sans forcément changer énormément. Et chaque chapitre se termine ainsi de la même façon : la personne totalement perdue au début revient transformée et remercie la bibliothécaire pour son aide précieuse.
En somme, chaque histoire individuelle devient alors un tout, et forme un livre au fil conducteur plus relié qu’on ne le pense. Et chaque fois Sayuri Komachi intervient de façon bourrue mais toujours à l’écoute et sans jugement. Une attitude qui indique à quel point les livres ont leur importance, mais aussi le fait qu’une personne ouverte peut apaiser tout un chacun.
Entretien privilégié avec l’auteure Michiko AOYAMA
Journal du Japon : Bonjour Mme Aoyama et merci de prendre le temps de nous répondre.
Pourriez-vous vous présenter à nos lecteurs en nous expliquant un peu votre parcours professionnel et personnel ?
Michiko AOYAMA : Après avoir été diplômé de l’université, j’ai travaillé en tant que journaliste en Australie. Je suis rentré au Japon deux ans plus tard et je suis devenu écrivain indépendant après avoir été rédacteur en chef d’un magazine tokyoïte pendant un temps. Je rêve de devenir romancier depuis que j’ai quatorze ans, et j’ai continué à écrire tout au long de ma vie pour finalement faire mes débuts à quarante-sept ans.
Pourquoi cette envie d’écrire un livre avec en trame de fond une bibliothécaire qui distille ses conseils avisés ?
Mon éditeur m’a dit qu’il tenait à ce que j’écrive un roman sur l’une des professions que j’ai exercée, et je voulais moi aussi que mon histoire se base sur mon expérience personnelle.Ce n’était qu’un petit boulot, mais j’ai été libraire, et c’est une profession pour laquelle j’ai beaucoup de respect.
Avez-vous pioché dans votre propre expérience du milieu des bibliothèque pour l’écrire ?
Mes protagonistes ne partagent ni mon genre, ni mon âge, ni ma position sociale, mais chaque chapitre est inspiré de mon vécu, oui. Surtout l’ami de Hiroya, Seitarô, qui apparaît dans le chapitre quatre. Je partage beaucoup de similitudes avec ce personnage.
Pensez-vous que les gens se prennent un peu trop la tête ces derniers temps et devraient au contraire se recentrer sur eux-mêmes ?
Les gens du monde entier vivent actuellement une époque très dure. Il est extrêmement difficile de prendre de bonnes décisions quand on ne sait pas ce que l’avenir nous réserve et qu’il est impossible de démêler le vrai du faux. Traverser chaque journée sans heurts, c’est déjà quelque chose de fabuleux, de mon point de vue, et je pense qu’il est important d’être fier de soi. Il faudrait aussi qu’on puisse tous se tourner vers quelqu’un, n’importe qui, pour pouvoir lui proclamer « tu as fait de ton mieux, aujourd’hui, et c’est génial ! », de façon à ce que nous nous soutenions tous les uns les autres ! Ce n’est probablement qu’un petit geste sans importance, mais cela pourrait tous nous rendre très forts, pour peu que nous arrivions tous à nous lier les uns aux autres de cette façon, vous ne croyez pas ?
Quel personnage préférez-vous dans votre ouvrage : la bibliothécaire charismatique ou l’un des personnages rencontrées ?
Yoriko, la femme de Masao qui apparaît dans le chapitre 5, représente pour moi l’idéal féminin. J’ai beaucoup d’admiration pour les femmes fortes qui travaillent avec énergie et générosité.
Quel message souhaiteriez-vous offrir à vos lecteurs français ?
Je suis très heureuse que les mots de Komachi, « Ce que vous cherchez se trouve à la bibliothèque », aient réussi à atteindre la France avant moi ! J’espère que vous prêterez l’oreille à ces paroles, et que nous nous rencontrerons un jour !
Un grand merci à Michiko pour cette interview.
Vous l’aurez compris, ce premier roman totalement feel good, fait un réel bien à la lecture et offre une véritable bouffée d’air frais. Et à travers ce personnage de Sayuri, l’auteure offre un peu de sa propre expérience puisqu’elle travaille dans une bibliothèque depuis 2020. Un titre qu’on recommande volontiers à tous les amoureux de la littérature japonaise, et à ceux qui souhaitent découvrir un livre bonbon comme il en faudrait plus souvent.