Les éditions Akinomé publient de beaux petits livres format carré qui permettent de partir à la découverte du Japon. Après Kisetsu qui peignait avec délicatesse les quatre saisons japonaises et Balade zen qui évoquait avec sérénité et poésie les rituels et traditions du pays, Umami nous plonge dans les saveurs japonaises pour des découvertes gourmandes souvent déconcertantes. Journal du Japon s’attarde sur le titre en vous proposant une interview avec l’auteur afin de comprendre sa réflexion autour du titre. Bonne découverte !
Umami : tomber amoureux d’un pays par les papilles
Plonger dans ce livre c’est partir à la découverte du Japon par ses saveurs et voyager dans différentes régions du pays, découvrir leurs spécialités, leurs traditions. C’est aussi rencontrer des passionnés de cuisine qui proposent des mets délicieux, du plus simple au plus élaboré, de la cuisine de rue à la cuisine de ryokan.
C’est ce voyage qu’a fait Adrien Osselin, accompagné de celle qui deviendra sa compagne et qui l’a initié aux saveurs japonaises en commençant par l’umeboshi d’un onigiri qui lui fit faire une belle grimace !
Le livre est découpé par « saveurs » : acide, amer, sucré, salé. L’umami qui veut littéralement dire « goût délicieux » et que l’on appelle parfois la cinquième saveur n’a pas de partie dédiée dans l’ouvrage, mais transparaît au fil de la lecture comme ce goût japonais qu’on ne sait définir mais qu’on reconnaît après avoir vécu quelques temps au Japon.
Le livre s’ouvre sous les sakura avec un verre de saké et l’acidité de l’umeboshi puis c’est un ramen au yuzu, des tsukemono, des huîtres au vinaigre ou un vin blanc japonais qui font voyager le lecteur au pays de l’acidité, de Tokyo à Okinawa en passant par le Mont Fuji.
Puis l’amer arrive autour d’okonomiyaki à Ibaraki, de légumes fermentés et de tofu à Kyoto et de cérémonie du thé au jardin Hamarikyu de Tokyo.
Le sucré se découvre dans les belles couleurs d’automne de Nikko ou du Mont Takao. Manju, dango, sucreries colorées de Harajuku ou patates douces bien chaudes du marchand ambulant, le Japon est aussi le pays du sucré. On vit également dans cette partie le repas du nouvel an en famille.
Puis vient le salé à la fin de l’hiver : cuisson à la vapeur de onsen, shiokara (calamar conservé dans un mélange de malt de riz et de sel), avec des visites d’Izu à la péninsule de Noto (connue pour ses fermes de sel) en passant par Shirakawago. Puis retour à Tokyo avec ses yakitori, tempura et shio daifuku.
Le livre se finit dans les sakura, comme il avait commencé… sauf que plusieurs années ont passé et que c’est la plus jeune fille de l’auteur qui grimace en mangeant un onigiri à l’umeboshi !
Les illustrations très colorées d’Anne Buguet accompagnent à merveille le livre, nous plongeant dans les paysages, les scènes de rues ou les scènes familiales avec des traits francs et joyeux. Il s’en dégage un plaisir renouvelé de page en page. Les paysages sont très joliment croqués, les plats font saliver, les commerces sont animés et beaucoup de bonheur de vivre (et de manger) se dégage de ces images d’un Japon du quotidien, beau comme une estampe, gourmand, convivial, attachant…
Un livre gourmand et coloré !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Le Japon d’Adrien Osselin
Journal du Japon : Pouvez-vous vous présenter ?
Je suis
Adrien Osselin, ingénieur informatique originaire d’une petite ville de seine et Marne appelée Brie-Comte-Robert, Tokyoïte depuis 10 ans et Papa depuis 5 ! Passionné d’écriture et de dessin j’ai ouvert un blog au moment de mon installation au Japon en 2012 (
http://www.le-roux-tard.com/blog) pour y partager mes voyages et expériences. Aujourd’hui j’y parle principalement de ma vie de famille avec mon épouse Keiko et nos 2 filles : 愛芽梨 et 愛音 (prononcer Amélie et Manon!).
Pourquoi le Japon ?
Je suis venu m’installer au Japon un peu par hasard, ayant eu la chance à la fin de mes études que l’entreprise dans laquelle je finissais mon apprentissage me parraine pour participer au programme V.I.E (des missions de 6 à 24 mois à l’étranger dans des entreprises / filiales d’entreprises françaises). À l’époque, je n’avais pas vraiment de destination privilégiée en tête, souhaitant simplement pouvoir bénéficier d’une première expérience hors de France pour parfaire mon anglais. L’Inde fut un temps envisagé mais ce fut finalement Tokyo, pour une durée initiale d’un an, finalement étendue à deux, et aujourd’hui 10 (ayant entre-temps été embauché par mon entreprise). Il faut dire que j’ai eu un véritable coup de cœur pour cette culture totalement inconnue pour moi, mes seules rencontres « virtuelles » avec ce pays se limitant alors aux films d’animation des studios Ghibli et à quelques photos prises par mon père lors d’un voyage d’affaire qui remonte aux années 90’s. Clichés qui m’ont fasciné à l’époque (le Japon pour moi c’était le bout du monde !) et qui témoignent de la rapidité de transformation de la capitale nippone sur ces 30 dernières années. Un coup de cœur rapidement transformé en coup de foudre suite à ma rencontre avec Keiko !
Comment est née l’idée de ce livre, et pourquoi avoir choisi le prisme du goût ?
L’idée du livre est venue alors que nous travaillions avec Anne Buguet (l’illustratrice du livre) sur une nouvelle illustrée ayant pour toile de fond la découverte de Tokyo par un jeune apprenti chef passionné de gastronomie japonaise. Une histoire inspirée par mon vécu, et c’est en échangeant avec les éditions Akinomé pour la possible création d’un projet de livre, que ces derniers nous ont suggérés qu’il serait intéressant que je témoigne directement de ma propre expérience au Japon sous forme d’un carnet de voyage.
Concernant le prisme du goût pour raconter cette histoire, il y avait l’envie de mettre en avant, tout comme la nouvelle à l’origine de ce projet, la richesse de la gastronomie japonaise. Je me suis aussi vite rendu compte, en replongeant dans mes souvenirs, que j’associais souvent une saveur avec un lieu visité. La principale raison à cela étant que ma découverte de la culture nippone s’était d’abord faite par la découverte de la gastronomie japonaise et ce, grâce à ma rencontre avec Keiko qui, tout comme moi, adore manger !!
On salive en lisant votre livre. Quel est votre plat, votre aliment japonais préféré ? Et à contrario, quel est le plat ou l’aliment japonais que vous détestez et n’arrivez toujours pas à manger ?
Il y a beaucoup de plats japonais que j’apprécie énormément, difficile de n’en sélectionner qu’un mais j’avoue avoir un faible pour les « fondues à la viande » japonaises : le Shabu-Shabu et le Sukiyaki. Le Shabu-Shabu pour ses sauces dans lesquelles on trempe les viandes (la sauce au Ponzu et la sauce au sésame ! Miam !), et le Sukiyaki, déjà parce que c’est délicieux, et aussi pour avoir été le premier plat dégusté dans la maison familiale de Keiko. Forcément ça vous marque…
Très peu d’aliments que je n’aime pas à contrario, par contre j’avoue avoir encore du mal avec un type précis d’Umeboshi : le Karikari Ume (pas celui qu’aime Keiko dans le livre heureusement !), dure et très acide et que l’on trouve souvent dans les bento achetés en supérette. Il y a aussi le Natto, aliment préféré de mes filles, dont le goût ne me dérange pas (on a des fromages bien pires en France !) mais dont je n’apprécie pas du tout la texture…
Chaque région du Japon propose un grand choix de spécialités, quelles régions et produits régionaux vous ont particulièrement marqués ?
Les Umibudo d’Okinawa, que l’on trempe dans une sauce au Ponzu (encore elle !). C’est d’ailleurs ce qui nous a valu un voyage à Okinawa avec Keiko (une anecdote présente dans le livre). Toujours à Okinawa, le bœuf de lîle d’Ishikaki, sûrement la meilleure viande de bœuf que j’ai eu l’occasion de manger. Enfin les fruits de mers et crustacés de Kanazawa (il y a une variété de crevette qu’on ne pêche que là-bas, « Gasu-Ebi » absolument délicieuse, j’en salive rien que d’y penser !) et les sushis de nodoguro légèrement flambés. Un régal !
Comment avez-vous travaillé avec l’illustratrice, lui avez-vous fourni des photos ? Les illustrations sont très réalistes, entre estampe et dessin naïf, c’est très joli !Principalement à partir de photos envoyées à Anne par email, qu’elle à parfois savamment combinées à des éléments repris d’estampes célèbres (poses de personnages, éléments du décor…) pour créer des compositions aux ambiances uniques ! L’idée de base était de faire quelque chose dans l’esprit des carnets d’estampes. Il se trouve qu’Anne a une très grande connaissance des arts picturaux et techniques de dessin utilisées au Japon, je lui ai donc donné carte blanche pour illustrer chacun des 48 tableaux du livre, ne la guidant qu’à de très rares occasions dans un souci de crédibilité.
Dans ce livre c’est votre femme qui vous « guide » dans les goûts japonais, avez-vous fait le même parcours dans les goûts français pour votre femme, a-t-elle aussi été surprise, dégoûtée ou enthousiaste face à la nourriture française ?
En grande amoureuse de la gastronomie Keiko apprécie également beaucoup la cuisine française ! Chaque visite en France étant d’ailleurs l’occasion de s’en mettre plein lapanse ! Dans les bonnes surprises, les escargots : assez étonnant pour des japonais mais dont elle a tout de même apprécié le goût ! Deux choses en revanche dont elle ne s’est toujours pas remise : l’andouillette de Tours (j’ai des grands parents originaires de Touraine et dans ma famille on adore ça), un plat qui, pour citer ma femme : « smells like shit and taste like it » (pardon mémé…), et le fromage de chèvre…
Enfin, avez-vous une bonne adresse tokyoïte pour découvrir l’umami ?
J’ai envie de citer notre restaurant préféré à Keiko & moi, « Ido Bistro », un endroit à deux pas de chez nous dans une vielle maison restaurée qui semble toute droit sortie d’un Ghibli, et dans lequel le chef Nori (ça ne s’invente pas) y sert une cuisine originale, parfait mélange entre plats typiques d’Izakaya et cuisine européenne :
https://www.ido-bistro.com/. C’est la rencontre des gouts japonais avec l’Occident, bref ça nous correspond bien =)
Un grand merci à Adrien pour ses réponses ! Et bon voyage à tous au pays de l’umami !