5 nouveautés 2021 pour finir l’année en beauté
Comme chaque année, le mois de décembre témoigne d’une certaine pause dans l’édition, les maisons d’éditions de mangas proposant surtout des coffrets spéciaux ou des éditions Deluxe, plus que de nouvelles séries… sans oublier que les problèmes de papier repoussent actuellement pas mal de sorties. L’occasion, donc, de jeter un œil dans le rétroviseur de cette année manga, manwa, etc. Comme chaque année Journal du Japon vous propose de revenir sur quelques titres, cinq, qui nous ont particulièrement marqué en 2021.
The witch and the beast (Pika éditions)
La dark fantasy, nous ne vous apprenons rien, désigne des œuvres dans lesquelles l’ambiance est très sombre, avec un air de fin du monde ou pas loin. Le mal y est omniprésent et les héros sont souvent seuls contre tous, accablés d’épreuves. Surfant sur la vague des sorcières et de la magie, The Witch and the Beast appartient sans aucun doute à ce genre pas si fréquent parmi la pléthore de manga publié chez nous, et n’est pas sans rappeler les célébrités du genre comme Berserk :
Synopsis : Dans ce monde où des événements surnaturels entraînent parfois des ravages, Ashaf et Gido sont tous deux envoyés par l’Ordre de l’Écho Noir, dont la mission est d’éviter les débordements causés par la sorcellerie. Si Ashaf, magicien affable et chevronné, accomplit ses tâches de bonne grâce, Gido semble nourrir un dessein plus personnel lié à une sorcière en particulier… Avec la vengeance pour moteur, cette bête enragée ne pourra être entravée dans sa chasse !
Ce seinen d’action de Kôsuke SATAKE, toujours en cours avec 8 tomes au Japon, propose heureusement bien davantage qu’une thématique à la mode et s’approprie la chasse aux sorcières avec brio, à travers un duo de chasseurs très mystérieux, mystiques même, et avec un charme fou, bien aidé par la traduction bien incarnée d’Anaïs KOECHLIN. Ashaf est l’homme raisonnable, posé et aguerri, tout semble lui glisser dessus mais son flegme, mi-british, mi-vampirique (peut-être les deux, on n’en sait rien pour le moment), cache un homme déterminé et protecteur de la jeune et impétueuse Guido, une vraie ado rebelle qui jure à tout bout de champ et qui est totalement dominée par ses émotions et sa soif de vengeance.
Observer ce duo déambuler dans un monde qui ne tourne pas vraiment rond est le premier plaisir du lecteur, qui est également comblé par les phases d’action. Elle ne manque nullement d’ambition avec des sorcières d’une puissance bien au-delà du commun : ces femmes détruisent des immeubles au petit-déjeuner, si l’envie leur en prend. Mais leur envie de perturber violemment l’ordre établi n’est jamais anodine et chaque sorcière, que l’on va suivre pendant un tome ou deux, nous permet de plonger progressivement dans l’univers assez complexe du manga, avec ses clans et ses ordres au pouvoir, ce qu’ils veulent et ce qu’ils cachent… Le duo n’est pas en reste côté baston, avec une puissance et des sorts en parfaite adéquation avec leur personnalité, et le tout monte à merveille en tension pour chaque mini-arc, jusqu’au Climax où le cercueil que porte Ashaf et la malédiction de Guido dévoilent tout leur potentiel. On ne vous en dit pas plus mais c’est alors un pur régal de baston fantastique, dans une jouissive démesure, porté par un graphisme et une mise en scène assurément maîtrisée.
Bref, c’est d’la bombe aux éditions Pika, et 4 tomes sont d’ores et déjà disponibles.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
& and (éditions Kana)
Parmi les nouveautés 2021, c’est avec cet ancien titre de Mari OKAZAKI (Déclic amoureux, Complément affectif, …) que l’on tient l’un des shôjo les plus sensuels de l’année… mais c’est aussi celui où la recherche du bonheur est un chemin des plus compliqué, surtout avec des personnages aussi entremêlé dans leurs contradictions…
Synopsis : Un changement de carrière pour un changement amoureux.
Une employée administrative dans un hôpital décide d’accomplir son rêve et de démarrer une activité professionnelle parallèle. Elle veut ouvrir un salon de manucure qui n’ouvre que le soir, pour les femmes actives qui veulent rester coquettes. Mais se lancer comme indépendante n’est pas une mince affaire, surtout quand les autres, et surtout les hommes, tentent de vous décourager jugeant l’entreprise trop compliquée pour “une petite femme inexpérimentée”. Pourtant, elle va s’accrocher et, petit à petit, trouver sa place dans ce monde fort différent de l’univers des employés de bureau.
Dans ce titre de 2010 qui sera en 8 volumes (le 5e vient de sortir chez nous), on suit donc le combat d’une femme, de plusieurs femmes d’ailleurs car les rôles secondaires ont aussi des histoires à raconter, mais qui sont avant tout des combats contre elles-mêmes, toujours tiraillées qu’elles sont entre un idéal plein de doutes et des pulsions, des besoins, des envies liés aux hommes qui croisent leur chemin… sans parler de la peur d’être dépendante et coincée par cette relation. Mais sentir sa peau sous ses doigts, sa chaleur contre soi, son soutien… un élixir ou un poison ? L’amour aurait-il un prix ? Est-ce avec la liberté ou des rêves sacrifiés que l’on doit payer en retour ?
Il est très difficile de tracer sa route, tout autant de garder le cap et Mari OKAZAKI dépeint avec merveille, et avec une mise en page et un graphisme ensorcelant, le combat permanent entre l’esprit et le corps, le destin et le quotidien, la réussite et l’amour. Tout se mélange, s’oppose parfois avec fracas… ou voluptueusement, sous les draps. Car la passion délivre des instants de bonheur si intenses qu’on ne peut faire autrement que de, parfois, tout lui abandonner.
Un titre qui en énervera sans doute plus d’un ou plus d’une, car ces personnages sont d’une inconstance qui peut s’avérer horripilante. Mais beaucoup y reconnaitront une connaissance, cette amie dont on ne comprend jamais les choix et que l’on juge, un peu… A moins qu’il vous rappelle un amant, ou encore des morceaux de votre propre histoire.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Un assassin à New York (Pika éditions)
Jirô TANIGUCHI, qui nous a pourtant quitté il y a presque 5 ans, a encore des choses à nous raconter. Dans Un assassin à New York, écrit avec feu (aussi, décidément) le scénariste Jinpachi MÔRI (Les Enfants de la Terre) nous nous envolons pour New York, celui des années 80-90, de la jungle urbaine cosmopolite, mais aussi de celui des artistes… et des criminels.
Synopsis : Benkei, mystérieux expatrié japonais à l’apparence débonnaire, s’est établi à New York en tant qu’artiste-peintre. Mais à l’ombre des gratte-ciels, il a aussi fait de la vengeance son fonds de commerce. Déterrant les secrets les plus sordides dissimulés par ses “clients”, ce personnage mutique n’a pas son pareil pour guérir les vieilles blessures, contrat après contrat… Froidement et définitivement.
Paru à l’origine en 1996, voici un one-shot qui ravira les amateurs de polar et du cinéma de gangster des années 90, avec ses mafieux complexes, sans pitié mais taciturnes et tristes, capable d’une âme d’artiste – d’un talent parfois bluffant – mais imperturbable dans leur mission de mort, quelque soit les excuses que peuvent lui servir ses cibles.
C’est ce qu’est Benkei, un assassin terrifiant, terriblement doué et déterminé, qui accomplit toujours ses missions, non sans les avoir soigneusement choisis avant de devenir, comme il le dit lui-même, un entremetteur de vengeance. L’homme est passionnant à plus d’un titre – parce qu’il est doué, déjà, en peinture comme en meurtre – et parce qu’il a battit une barrière infranchissable avec le monde qui l’entoure, ne laissant personne rentrer, mais ne laissant aucune émotion sortir… sauf à des rares moments, loin des regards, dans des cases que nous offre un Jirô TANIGUCHI au sommet de son art et de son style si cinématographique. Le dessinateur multiplie les techniques de mise en scène et graphiques, multiplie les genres graphiques et remplit son ouvrage de référence cinématographiques (Shining, Les Nerfs à vifs pour en citer deux).
Il fait de chaque histoire une raison de se procurer ce livre, qui plus est un bel objet, dans la collection Pika Graphic.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Hellbound, l’enfer (éditions Kbooks)
Impossible de passer à côté du phénomène webtoon cette année – nous lui avons d’ailleurs consacré un dossier, ce fut très instructif – mais on ne vous parlera pas ici de Solo Leveling, génial mais déjà évoqué ici et quasiment partout sur le web. On reste chez le label Kbooks des éditions Delcourt, mais pour une autre œuvre… qui nous a littéralement scotché…
Synopsis : Des hommes censés être honnêtes reçoivent la visite d’un être mystérieux leur annonçant qu’il leur reste 5 heures à vivre avant d’être conduits en Enfer. Ils tentent de fuir mais à l’heure dite ils sont emmenés, ne laissant que des corps calcinés derrière eux ! Certains y voient la volonté de Dieu de montrer les supplices qui les attendent, d’autres souhaitent découvrir qui tire les ficelles…
Hellbound est un webtoon écrit et réalisé par Yeon Sang-ho (Dernier train pour Busan) et dessiné par Choi Gyu-seok (Aiguille de Pin, Intraitable, …), tous les deux des artistes plusieurs fois primés que ce soit au format BD, cinéma et qui sait si l’adaptation live de Hellbound sur Netflix, qui a débarqué il y a deux semaines sur la plate-forme ne gagnera pas elle aussi un prix.
Cette reconnaissance et ces récompenses ne sont en aucun cas le fruit du hasard et ce manwa se montre à la hauteur de ses prédécesseurs en présentant une œuvre d’un incroyable réalisme malgré son pitch fantastique, avec ces monstres qui surgissent des enfers pour appliquer leur horrible sentence. Si la prophétie qui s’accomplit est à n’en pas douter extraordinaire, la société où elle se déroule est désespérément la nôtre. Comme le dit l’acteur Park JUNG-MIN, le livre révèle intelligemment l’anxiété de notre ère, sa capacité à créer des bourreaux et des victimes, des moutons et des idoles, puis à les intervertir dans un jeu de chaises musicales lapidaires qui finit toujours mal, mais pas forcément comme on l’avait prévu. Jamais même. En mettant en scène la peur de l’inéluctable, le sectarisme, la haine ou l’injustice, l’œuvre réveille toutes nos angoisses, les amplifie en utilisant à merveille toutes les ficelles du bon thriller.
Et la peur, l’angoisse qui nous étreint en fermant Hellbound, est que cet enfer soit déjà le monde dans lequel on vit…
Une terrifiante réussite.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Goldorak (éditions Kana)
C’est le come-back de l’année, un très bel hommage aussi : Goldorak a marqué toute une génération, avant même le célèbre Club Dorothée : le revoilà en one-shot, aux éditions Kana, avec un quintet d’auteurs : Denis Bajram, Brice Cossu, Xavier Dorisson, Alexis Sentenac et Yoann Guillo, tous marqués à vie par le légendaire robot aux fulguro-poings…
Synopsis : La guerre entre les forces de Véga et Goldorak est un lointain souvenir. Actarus et sa sœur sont repartis sur Euphor tandis qu’Alcor et Vénusia tentent de mener une vie normale. Jusqu’au jour où, issu des confins de l’espace, surgit le plus puissant des Golgoths, Hydragon. Un ennemi que seul Goldorak pourrait abattre…
C’est compliqué de revenir sur un mythe, de trouver l’équilibre entre l’hommage et l’appropriation, surtout sans écorner le vernis si fragile de la nostalgie. Mais en réfléchissant profondément à l’essence de l’œuvre, en cherchant à comprendre avant de recopier, en prenant le temps et en échangeant avec l’auteur d’origine on obtient ce one-shot incarné et mâture que nous a proposé cette année cette lecture d’un soir.
Actarus, Alcor, Venusia… tous ont vieillit, tous portent le poids de leur passé, et un regard un peu amer sur la lutte héroïque qu’ils ont autrefois mené. La guerre contre les forces de Véga, qui nous enthousiasmait tant enfant, reste une guerre. Quand un golgoth finissait en morceaux ou en flamme, nous exultions. Mais le pilote d’en face, lui, mourait sans doute dans d’atroces souffrances. Sa famille et ses amis, connaissait la tragédie, la mort, bien plus que la défaite.
Goldorak, comme les Golgoth, sont des engins de mort. 40 ans plus tard, les adultes que nous sommes le savent désormais, même si tout ceci n’est que fiction. Nous avons changé, grandi, vieillit et les auteurs ont donc pris le pari de garder l’esprit et les thématiques de l’œuvre mais de faire passer le temps, 10 ans, pour faire évoluer les destins et les points de vue.
Le résultat, colorisé avec brio dans un format entre bd et comics étonnamment efficace, fait office de belles retrouvailles avec le grand cornu, nous donnant l’impression qu’il a lui aussi vécu sa vie pendant que nous avons vécu la nôtre et que nos chemins se recroisent un peu par hasard, le temps d’une soirée où l’on regarde ce que chacun est devenu. Où l’on remonte à bord de ce grand vaisseau pour une nouvelle bataille, plus du tout aussi innocente qu’avant, mais qui n’en est pas moins passionnante pour autant.
C’était donc chouette de revoir un ami d’enfance, qui a changé… Mais pas tant que ça, finalement. Et chouette de voir ce qu’il est devenu.
Cette petite sélection n’est évidemment pas exhaustive, et nous ne résistons pas à l’envie de vous lister quelques autres titres pour étoffer vos lectures de fin d’année : le subtil Entre les lignes, le séduisant Kowloon, le terrifiant Appel de Chtulu, le mythique Eden, le génial Don’t Call It Mystery, l’envoutant En attendant Lundi, le percutant (et drôle) The Fable,…
Une année de mangas, vous pensez bien, nous pourrions vous en parler pendant des heures que nous n’en finirions pas !
Et vous, quelles ont été vos nouveautés préférées cette année ?
Très bon article. J’ai pour ma part acheté Goldorak, Un assassin à New York. Mais ensuite j’ai préféré l’intégrale de TO.MIE,
et GYO ainsi SENSOR de Junji ITO édité chez MANGETSU.