Gaming Memories #42 – Rez
Bienvenue dans ce 42ème et avant-dernier rendez-vous rétro de 2021. Cette fois-ci, après un jeu de course survolté, nous vous emmenons dans un univers étrange, entre shoot’em-up et jeu de rythme : Rez, production signée SEGA sortie en fin de vie de la Dreamcast. Soyez prêts à remuer en rythme, c’est une aventure comme vous n’en avez encore jamais vues qui vous attend !
Toute tour débute par un rez… de chaussée
Projet imaginé par Tetsuya MIZUGUCHI entre 1994 et 1995, Rez prend ses inspirations dans la musique européenne, découverte par le game designer lors d’un voyage en Europe pour des repérages destinés à Sega Rally Championship 2, et plus particulièrement pendant un évènement nommé Street Music. Voir les visiteurs profiter à fond de la musique de cette sorte lui a fait réaliser que c’était le genre de jeux qu’il voulait créer, alors qu’il était jusqu’alors porté sur la course. Malheureusement, les consoles de cette époque n’avaient pas encore la puissance nécessaire à produire ce qu’il souhaitait visuellement.
En 1998, alors que la Dreamcast succédant à la SEGA SATURN arrivait, il fut approché par la direction de la firme pour former une unité, dont le but serait de créer de nouvelles idées, de nouveaux titres innovants pour la diffuseuse de rêves. Space Channel 5, le premier titre musical de la console concocté par MIZUGUCHI et son équipe United Game Artists, était né. Pendant la production de ce soft, le designer prit le temps de réfléchir à ce que serait son prochain jeu, qu’il avait en tête depuis des années. Ses tentatives d’expliquer le concept à SEGA ne l’aidèrent pas à faire avancer les choses tant cela semblait compliqué, jusqu’à pouvoir proposer du concret : un prototype.
A cause de désaccords dans l’équipe, qui avait accueilli des membres de la Team Andromeda (un studio interne de SEGA), la production du soft dura un an. Il passa par plusieurs titres différents (The Sound Project, Vibes, Project Eden, The K-Project), avant de terminer sur Rez, nom qui a plusieurs significations : diminutif de resolve ou de resolute, il aurait peut-être même été inspiré par le film Tron (Deresolution).
Rez, de fait, est un jeu historique pour la firme au hérisson bleu… mais pas spécialement pour de bonnes raisons. En effet, à cette époque, les échecs commerciaux successifs qu’ont essuyés Shenmue et sa suite l’ont laissée passablement affaiblie. Le titre qui nous intéresse ce mois-ci est apparu en pleine transition entre deux époques de SEGA : c’est d’une part le dernier titre d’abord créé pour une de leurs consoles, et aussi le premier à être sorti sur la machine d’un « concurrent ». Il a ainsi été commercialisé simultanément sur Dreamcast et PlayStation 2 le 22 novembre 2001. Sauf mention du contraire, les images dans ce numéro sont issues de la version DC.
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Le trailer étrange d’un jeu qui ne l’est pas moins. Issu de la version PS2.
Un scénario dans un jeu musical ?
Le joueur incarne ici un hacker dans un futur où la population, ainsi que les informations inondent le monde par leur nombre, corrompant le cyberespace. Pour corriger cela, un nouveau réseau K-Project a été créé afin de gérer les données, avec en son centre l’intelligence artificielle nommé Eden.
Noyée par ce flot d’informations, Eden finit malgré tout par être surchargée. Elle se retranche alors dans un mode sommeil au cœur du système, confrontée à toutes ses questions, à son utilité pour le monde, et la nature de l’humanité à détruire. Le hacker que nous sommes plonge ainsi dans le système au travers de pares-feux et virus pour atteindre Eden et la réveiller.
Si le scénario du jeu n’est pas révélé explicitement, il se fait comprendre au fil des niveaux et en particulier du dernier, qui assaille le joueur de questions sur la nature humaine, la création et l’intérêt de ses actes. Une narration des plus abstraites qui se dévoile au fil des performances du joueur à l’avatar désincarné…
Rythm’em-up
Rez est, à première vue, un rail shooter tout ce qu’il y a de plus simple et basique. On avance automatiquement, en voyant son personnage de derrière, et des hordes d’ennemis viennent nous faire face en permanence. Bien sûr, il faut les éliminer en évitant de se faire soi-même toucher car on n’est pas immortel, et certains entre eux peuvent subir plusieurs attaques avant d’être détruits. Un boss vient conclure chaque niveau, si tant est que l’on ait survécu jusqu’à là. On ne peut encaisser que deux dégâts avant de perdre mais aussi regagner un point de vie en cours de niveau en tirant sur des bonus pour les attraper. Au bout d’un certain nombre, on évolue pour devenir plus fort, les sons, tirs et apparence du personnage évoluent. Si l’on se fait toucher, on reperd un point de vie.
Il n’y a qu’un bouton pour tirer, et un autre pour lancer une sorte de « bombe » qui élimine ce qu’il y a aux alentours lorsqu’elle est prête (on peut en gagner selon sa performance). Le personnage, d’apparence simpliste que l’on incarne va prendre consistance à force de ramasser des bonus sur sa route, qui le rendront plus fort à chaque nouvelle forme. En somme, du classique, du déjà vu, et revu dans les années à suivre. Pourtant, ce shooter tire son épingle du jeu sur plusieurs points.
Déjà, à la manière d’un Panzer Dragoon (de la Team Andromeda) dans lequel il était possible de tirer et cibler plusieurs monstres à la fois puis lâcher un laser qui les éliminera tous, ce soft propose de tuer ses ennemis en rythme à coup de largage de tirs groupés. Cela suffit à toucher, il faut juste savoir jusqu’à quand marquer ses victimes et quand les allumer, mais si le shoot dans sa plus pure tradition vous plait plus, il est possible aussi de matraquer ses boutons pour dégommer « à l’ancienne ». Parfois, on pourra se retourner pour regarder derrière soi et continuer à s’occuper des menaces qui viendraient de ce coté.
Si le jeu a un fond de musique fixe différent dans chaque niveau, c’est bel et bien au joueur de composer la mélodie à son goût : en effet, et c’est là la plus grande originalité de ce titre, chaque appui simple sur la touche de tir, chaque ennemi ciblé et détruit, toute action fait un son qui permet, de créer une mélodie qui rapproche donc ce jeu d’un jeu de rythme par la même occasion. Sachant en plus qu’attraper les upgrades trainant par-ci par-là améliorent son avatar, rajoute des tirs et des sons différents…
Chaque niveau terminé ouvre le suivant, permettant ainsi de découvrir progressivement le background et une nouvelle mélodie électronique, ou plutôt, un nouveau voyage étrange et rythmé à souhait…
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Le premier niveau du jeu.
« Quand la musique est bonne, bonne, bonne, bonne… ♪ »
Vous l’aurez compris au travers de ces lignes et vidéos, Rez est un jeu orienté musique à fond. Il propose une bande-son composée par des artistes japonais et européens comme Ken Ishii ou Adam Freeland, sur laquelle viennent se greffer des bruitages qui donnent la possibilité de la modifier à sa guise en fonction de ses actions. Bien sûr, il faut apprécier la musique électronique et ceux pour qui ce n’est pas le cas au moins un peu, auront sans doute bien vite fait de trouver ce jeu « saoulant ». Et on ne peut pas leur reprocher vu l’avalanche de sons que l’aventure propose… il est d’ailleurs fortement conseillé de jouer avec un bon casque sur les oreilles pour en profiter plus amplement, chose encore assez rare à une époque où gérer la stéréo n’était pas encore primordial.
Cela dit, on aura également bien vite fait, dans le cas contraire, de se mettre à fond dedans et se laisser porter par la musicalité forte du jeu. Oui, parfois l’enchaînement sonore entre les différentes parties d’un niveau est un peu étrange, mais peu importe ce que l’on fait, cela fonctionne très souvent et il ne faudra pas s’étonner de tapoter du pied ou remuer la tête en rythme… c’est bien simple, Rez divise totalement les joueurs mais pour ceux qui aiment, c’est une expérience unique et accrocheuse qui les attend. Chacun des cinq niveaux a une mélodie différente, qui change de sous-niveau en sous-niveau, tout en restant dans un domaine Electro pure. Jusqu’au tout dernier stage, à la saveur particulière mais toute aussi prenante…
Bien sûr, on parle pour une fois directement du coté musical d’un jeu dans Gaming Memories car c’est sans doute l’aspect qui aura le plus marqué les joueurs, et également l’un de ceux sur lequel l’équipe de développement aura mis le plus de soin. Mais le coté visuel n’a absolument pas à en rougir pour autant. En effet, son fond sombre et ses décors épurés quasiment de type fil de fer sont simplistes, mais les tirs et explosions des ennemis provoquent des feux d’artifice de couleurs flatteurs pour les rétines en toute circonstance.
La mise en scène d’apparition des boss les rend spectaculaires et malgré cette simplicité apparente, le jeu a bel et bien une identité propre, donne des sessions endiablées qui plairont aux joueurs les plus revanchards grâce à la possibilité de refaire un niveau déjà terminé en boucle pour s’améliorer à fond pour la suite. Si l’on devait le décrire, ça serait par les mots « faire son propre feu d’artifice ». La contrepartie de cela, et le jeu prévient d’ailleurs le joueur à chaque lancement, c’est qu’il est déconseillé aux personnes atteintes d’épilepsie photosensible. Ajuster la luminosité de son écran est donc plutôt nécessaire dans ce genre de cas, et fort heureusement cela ne rend pas les couleurs moins vives et belles, mais il faut sans doute y jouer avec parcimonie dans ce genre de cas…
Ce coté visuel est, d’autant plus, important car il ne sert pas qu’à faire joli. Rez est un jeu musical mais c’est également un rail shooter (sa perspective arrière le rend donc légèrement éloigné d’un shoot’em-up mais c’est sensiblement la même chose). La plupart des ennemis sont inoffensifs, et on peut les laisser passer sans s’en soucier, la fibre musicale se mélange à celle du scoring et si on affronte assez peu de dangers, il faut tout de même rester vigilant. L’apprentissage des niveaux est nécessaire et les boss peuvent être un vrai mur qui fait retomber l’adrénaline avec brutalité : on est fragile, et on ne sait pas toujours où se trouvent les points sensibles à viser, surtout lorsqu’il faut en plus s’occuper d’annuler les tirs ennemis au vol. On passe donc souvent son temps à bouger le curseur dans tous les sens pour attraper une cible au hasard jusqu’à bien comprendre ce qui est vulnérable.
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Le jeu prend ainsi aussi une dimension arcade certaine, offrant un challenge à ne pas négliger. Il propose de faire le premier niveau sans danger dans un mode « voyage » où aucun dégât reçu ne fait de mal, mais, peut-être, on aurait pu préférer qu’il soit un peu plus long (cinq niveaux qui se terminent finalement en à peine plus d’une heure au total) et moins « difficile » (surtout que perdre n’est pas une fatalité, on peut commencer une partie au début d’un niveau déjà débloqué, donc deuxième, troisième ou plus à chaque fois). C’est un voyage trop court auquel s’accrocher, tout en se laissant porter par la musique que l’on crée. Il n’a d’autant plus pas spécialement de replay value une fois qu’on a enfin réussi à le finir, si ce n’est éventuellement le mode scoring pur, et c’est bien dommage au vu de l’aventure singulière et entrainante qu’il propose.
La maniabilité du titre, des plus simplistes, demande tout de même un timing pour ses combos, à moins de vouloir tirer à tout va sans trop s’en soucier. Le jeu réagit très bien, bien qu’on ait parfois la mauvaise surprise de penser avoir bien ciblé un ennemi pour finalement se le prendre dans la figure. Il propose aussi, au passage, des vibrations qui vont au rythme de la mélodie si l’on branche un accessoire dans la manette de Dreamcast.
Rez est donc à mi-chemin entre jeu d’ambiance et arcade pure pour les plus revanchards qui veulent faire de leur mieux ; il est court, trop court, mais le feu d’artifice visuel et sonore détonnant devant ses yeux et oreilles en font un titre différent, original et à placer à coté d’ovnis vidéoludiques purs tels que Vib Ribbon. On aime ou on n’aime pas, c’est certain, mais dans tous les cas il fait son travail à la perfection : être un voyage immersif et étrange tout en proposant une unité unique entre image, son, et challenge ce n’est pas donné tous les jours.
Le voyage continue
Disons-le tout de suite, Rez n’a pas vraiment su trouver son public. Il a été salué pour son coté graphique et sonore, mais n’eut jamais de chiffres de vente exemplaires. Une moyenne globale de 8/10 est à signaler dans la presse d’époque, cependant à cause d’un genre assez particulier et d’une communication insuffisante autour du titre, il est vite devenu quelque chose d’assez confidentiel. En résultat, il a été déclaré échec commercial, avec à peine plus de cent-mille copies écoulées, et surtout aux Etats-Unis plus qu’au Japon.
Cela n’a pas fait baisser les bras à MIZUGUCHI pour autant. Rez est revenu dans une version HD en 2008, publiée par Q Entertainment (la société du créateur). Puis, plusieurs années plus tard, c’est un remake nommé Rez Infinite qui voit le jour, apportant avec lui plusieurs nouveautés intéressantes… le mode réalité virtuelle, par exemple !
Rez Infinite était effectivement jouable avec un casque de VR, sur PlayStation 4, PC et autres supports de VR. Ce jeu était un remaster d’une part, tout en proposant d’essayer cette fois les quatre premiers niveaux dans le mode « Voyage » (et plus seulement juste le premier). Entouré d’autres petits challenges, on pouvait y découvrir ce qu’aurait pu être une vraie suite à la production de 2001 au travers de la Zone X, un mini-scénario d’une vingtaine de minutes. Avec son rythme digne de l’original, et une certaine douceur touchante, ce mode montrait les difficultés de reproduire un tel soft en déplacement libre plutôt qu’en rail shooter, mais apportait une idée intéressante quant aux diverses possibilités qu’il offrait.
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L’auteur de cette rubrique s’adonne à la version Infinite pour comparer avec l’originale.
Si ce mode Zone X est considéré par le créateur du jeu d’origine comme un prototype d’un troisième épisode d’une trilogie, c’est qu’il y en a forcément eu un entre temps, et on parle ici bien de Child of Eden. Dans la forme, dans l’âme, cette production sortie en 2011 sur PS3 et Xbox 360 reprend un gameplay totalement similaire, une débauche totale de couleurs dans tous les sens, et une bande-son partiellement issue de Genki Rockets, le groupe de musique de MIZUGUCHI. On y joue donc sur fond de titres connus tels que Star Line.
Rez, ovni complet du jeu vidéo, n’a malheureusement jamais eu le succès qu’il mérite ; malgré le coté « casual » estimé par son créateur, il est finalement axé vers un public particulier et ne peut donc pas plaire à tout le monde. Cependant, pour qui aime les jeux de shoot et la musique, il est un très bon moyen de concilier les deux de façon plus qu’abordable via sa version Infinite. Un titre plus ou moins oublié de la Dreamcast mélangeant action rapide, douceur et démontrant amplement le coté créatif voulu pour cette machine, qui mérite le coup d’œil… et d’oreille.
Pour son dernier voyage de l’année 2021, Gaming Memories vous emmènera visiter un RPG des plus « différents » à être sorti sur PlayStation… A bientôt !
Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©SEGA ©United Game Artists ©Q Entertainment
Article intéressant qui comme d’habitude me laisse un goût de « zut encore un jeu que j’ai loupé « . Mais il est vrai que je suis plus shooter que musique, mais se faire sa propre opinion eût été bien..