[Live report] Le jiu-jitsu brésilien en France ? Un sport qui rassemble !
À l’occasion d’un open mat 100% féminin de jiu-jitsu brésilien le jeudi 11 novembre dernier, l’équipe de Journal du Japon vous propose de revivre l’événement et d’en apprendre plus sur ce sport et cette déclinaison latine du jujitsu.
Environ soixante-dix filles de tous horizons s’étaient en effet données rendez-vous pour combattre ensemble dans la bonne humeur afin d’apprendre, échanger, combattre dans de bonnes conditions : de nombreuses ceintures noires étant présentes !
Voici un compte rendu en compagnie de son organisatrice, à qui nous avons pu poser de nombreuses questions.
Bonne découverte !
Un après-midi de tous les possibles
S’il y a bien un art martial dont on entend, en réalité, peu parler, c’est le jiu-jitsu… alors découvrir du jiu-jitsu brésilien, autant dire que c’est encore plus intrigant !
Cet événement, après renseignement, représente la saison 7 de ces rassemblements entre filles autour de cet art martial japonais qui s’est exporté au Brésil. Et, très vite, en assistant à cet open mat*, on comprend pourquoi c’est important de souligner que c’est déjà la 7e saison. On sent en effet l’ambiance bon enfant et conviviale qui règne dès qu’on s’approche de ce dojo, où pourtant de nombreuses filles, courent déjà pour s’échauffer, parlent entre elles comme s’il s’agissait d’une grande bande d’amies qui se retrouvent après des mois. Un événement qui survient à un moment de la pandémie où cela fait du bien d’aller.
Très vite, nous voilà encadrées par les différentes ceintures noires présentes, au nombre de 9, alors que seules 4 étaient prévues au départ (à une époque où on enchaîne les annulations et déconvenues, un autre signe d’engouement qui fait plaisir !)
Puis l’effervescence redescend pour laisser place au sérieux et à l’écoute. On sent que chaque personne présente boit les paroles de l’organisatrice, Claire-France Thévenon, et se prépare à la suite de l’après-midi. Les règles sont redites : ici, le but est de partager, de rencontrer d’autres filles, d’oser aller vers l’autre pour apprendre et combattre dans de bonnes conditions. Pas de blessures, le plaisir avant tout ! En somme, les exercices se mettent en place et les combattantes, dociles, se regroupent par deux et commencent à enchaîner les techniques les unes après les autres dans des combats d’environ 6-7min. Et dès lors on ressent une véritable tension, mais parsemée de sourire en tous genres.
Les filles adorent, on le ressent et très vite, et ces échanges effrénés deviennent hypnotiques. On comprend certains mouvements, certainement tirés du judo ou de la lutte pour la plupart, mais le sujet n’est pas là. On enregistre simplement ces échanges musclés car même si la bonne entente règne, les personnes présentes dans ce dojo, à ce moment précis en veulent et utilisent leurs tripes !
Et ça faisait bien longtemps qu’un moment sportif de la sorte n’avait pas eu lieu (hors J.O. récemment) et ça fait du bien ! Raison de plus pour Journal du Japon d’obtenir alors les mots de l’organisatrice pour comprendre sa propre lutte : permettre à toutes ces combattantes de pratiquer les unes avec les autres, de se rencontrer, et de continuer de redorer un sport un peu trop discret, peut-être, qui mérite pourtant d’être mis davantage sur le devant de la scène… Au point que le week-end spécial jiu-jitsu qui se déploie en ce moment, en deux parties dans nos colonnes est né, alors qu’il n’était pas du tout prévu avant l’événement… Une passion et une énergie communicative que nous vous laissons découvrir ci-dessous, après une première vidéo de l’événement, pour vous immerger dans l’ambiance !
Interview de Claire-France Thévenon, ceinture noire de jiu-jitsu brésilien
Bonjour et merci de prendre sur votre temps pour nous répondre.
Pour commencer, pourriez-vous vous présenter afin de vous faire connaitre à nos lecteurs ? Et votre rôle dans cet open mat de jiu-jitsu brésilien aujourd’hui ?
Je m’appelle Claire-France Thévenon, mon surnom de combattant c’est le Panda. Je suis ceinture noire de jiu-jitsu brésilien comme assez peu de femme en France, on doit en effet n’être qu’une vingtaine à avoir cette ceinture noire. Et comme c’est un univers des arts-martiaux, de préemption, il y a beaucoup de contact, beaucoup de préjugés par rapport à la pratique des femmes… Pour aller contre ces derniers, j’ai décidé d’organiser des actions pour la promotion des femmes dans le jiu-jitsu brésilien. Aujourd’hui c’est donc tout simplement moi qui est organisée cet open mat* (n.b. : un open mat est une session d’entraînement où chaque participant monte sur le tatami pour combattre de façon amicale, tous les niveaux sont acceptés dans un but unique d’apprendre et échanger aux côtés des autres face à des gabarits différents).
Le jiu-jitsu est un sport à l’origine japonais, mais cet après-midi c’est bel et bien la version brésilienne mise à l’honneur. Comment cet art martial a évolué au point de s’être exporté au Brésil et d’en faire sa propre variante ?
Moi à la base je suis issue du judo, comme beaucoup de personnes pratiquant le jiu-jitsu en France, car c’est une école très forte. Mais il faut savoir que le judo est lui-même un descendant du jiu-jitsu traditionnel qui était lui-même l’art martial des samouraï. Il y a eu une école particulièrement développée, qui se nomme le kosei jiu-jitsu, qui a été englobée quand le judo a intégré les arts martiaux traditionnels au Japon. Jigorō Kanō, le créateur du judo, avait comme volonté d’exporter ce dernier à travers le monde : ce qui reste original comme démarche par rapport à la culture japonaise à la base. Il a donc décidé d’envoyer des personnes à l’étranger, car il avait une idée bien à lui de ce judo international. Il a donc envoyé des membres de son école de judo à travers le monde. Dans ceux qui sont partis à l’étranger, il y avait Mitsuyu MAEDA, un élève du kosei jiu-jitsu, une école davantage spécialisée au sol et de nombreux mouvements du jiu-jitsu brésilien sont issus de ce jiu-jitsu traditionnel. Mais il s’est développé au Brésil, par le biais de la famille Gracie qui ont mis en place tout un système et fait évoluer les règles et la discipline.
Justement, y-a-t-il de grosses différences niveau technique ?
En vérité, il y a des différences dans ce qu’on appelle maintenant le jiu-jitsu sportif. Ce sont bien deux disciplines à part à l’heure actuelle mais en provenance du même art martial. La problématique est plutôt sur comment on a développé chaque partie de ces techniques, c’est-à-dire que le jiu-jitsu traditionnel englobe de la frappe, de la projection et du sol. Le jiu-jitsu brésilien, évidemment, est un peu différent. Il englobe une partie de self-défense, c’est d’ailleurs par ce biais qu’on s’est fait connaitre dans le monde des arts martiaux, mais il y a aussi de la projection, des atemi mais finalement minime. On retient essentiellement la partie sol, très spécialisée. En vérité dans les arts martiaux mixtes, tel qu’on l’entend, le MMA par exemple, souvent les gens vont travailler en frappes avec le karaté, le taekwendo et la boxe thaï, ils vont peaufiner les projections avec des lutteurs et des judokas, mais le sol ce sera travaillé avec le jiu-jitsu brésilien car c’est plus affiné.
Au final, c’est un mix entre judo et jujitsu japonais ?
Oui c’est un peu ça. Cela ressemble à du judo au sol, mais pour ceux qui ne connaissent pas le jiu-jitsu brésilien, il y a assez peu de rapport à la chute, c’est beaucoup plus mobile et technique. Il y a très peu de rupture dans le combat, donc il y a tout un tas de stratégie qui se développent. On le compare souvent à des échecs car on va préparer ses pions à tel ou tel endroit et on en récupère les points. Souvent on appelle le jiu-jitsu brésilien le human chess, l’échiquier humain, car ça évoque cet aspect.
Pensez-vous qu’il faudrait d’abord apprendre le judo ou le jujitsu avant de pratiquer cette variante ?
Absolument pas. C’est d’ailleurs la grande force de cet art martial : on peut commencer à n’importe quel âge, n’importe quand. J’ai beaucoup voyagé au Brésil ou même aux États-Unis, et je suis toujours agréablement surprise de voir des personnes de cinquante ans commencer cette discipline en ayant jamais fait d’art martiaux auparavant. Ils peuvent prendre plaisir sans se blesser, c’est aussi pour cela que c’est populaire aux États-Unis, où il y a pourtant de grosses assurances maladies couteuses, ils ne peuvent pas se permettre de se casser quelque chose. Les arts martiaux demandent toujours une condition physique, moi-même venant du judo et de cet art de préemption, je le conçois. C’est pour cela que dans certains pays c’est plutôt développé, un art martial qui peut éviter les blessures, par exemple aux Émirats Arabes Unies, à Abu Dhabi particulièrement, où ils font tout pour que la discipline devienne olympique car c’est obligatoire par exemple de passer sa ceinture bleue de jiu-jitsu pour passer son bac, un peu comme l’EPS en France.
Justement, la France, on le sait, est plutôt tournée judo. Comment le jiu-jitsu brésilien, est reçu sur le sol français et comment se développe-t-il ici chez nous ?
Alors, en vrai ça fait un moment qu’on est présent, et il se développait en opposition avec le judo. Moi-même je viens du judo donc c’est un peu paradoxal mais souvent il y avait une petite guerre entre les deux, notamment au sein des municipalités et ce genre de choses. Mais depuis cette année, le jiu-jitsu brésilien a intégré la fédération française de judo donc cela va aider à davantage de visibilité et à aller plus loin.
Comment l’apprendre et par qui se le faire enseigner ?
Pour l’apprendre il faut aller en club, faire des cours particuliers avec des professeurs qualifiés. Il y a beaucoup de club de jiu-jitsu brésiliens aujourd’hui en France, donc il faut réellement en profiter et les approcher. Aujourd’hui par exemple on est accueilli par Infinity Combat, mais il y a d’autres grandes académies en France à contacter.
Aujourd’hui, c’est un open mat 100% féminin qui est proposé, y a-t-il une raison précise derrière ? Ou est-ce parce qu’il y a beaucoup plus de pratiquantes de jiu-jitsu brésilien qu’on ne peut le penser en France ?
En fait, on est présentes, on est là dans les club mais de façon très éparses. Il y a encore pas mal de club où certains n’ont qu’une seule fille, donc elles sont éparpillées sans pouvoir forcément se retrouver face à des gabarits proches des leurs. Ou alors pour trouver des partenaires qui acceptent de tourner avec elle sur le tatami pour combattre pour différentes raisons : c’est des art-mariaux de préemption, où il faut s’attraper au sol, on va rouler au sol et cela peut poser problème. Donc c’est pour cela qu’un open mat pareil est nécessaire. Moi ça fait de nombreuses années que je pratique le jiu-jitsu brésilien, avec des hommes notamment, je suis pour la mixité, mais dans certaines mesures ce sport est plus technique avec les femmes. Ce sont des gabarits qu’on retrouvera en compétition mais peu en club, et la réussite de cet open mat montre justement qu’on est présente et qu’on en veut.
Oui en effet, vous étiez nombreuses.
Oui ! Mais on fera encore mieux la prochaine fois.
Comment vous avez réussi justement à regrouper autant de ceinture noire en un seul lieu ? Est-ce une envie de faire découvrir cet art martial au plus grand nombre ?
Je pense que c’est une envie de partage. Toutes les ceintures noires présentes ont eu le même parcours et se sont heurtées au même problème. On a toutes été confrontées au même mur et on a donc envie de partager et donner au ceintures blanches. On souhaite aussi obtenir de la visibilité, il faut le dire, moi par exemple le club d’Infinity m’a aidé pour aujourd’hui, mais ce sont bien les réseaux sociaux qui m’ont filé l’aide pour faire venir autant de filles. Et le fait d’avoir ces ceintures noires, cela favorise les venues. Les ceintures noires travaillent depuis de nombreuses années, on se connait quasiment toutes, donc il a suffit de sortir le téléphone et on appeler les copines, les retours ont été positifs. Et pourtant on a eu des désistements cause malade. Disons que ça peut montrer aux filles qu’il faut oser et venir, qu’elles ne sont pas seules et qu’on peut partager toutes ensembles.
Un petit mot de la fin pour nos lecteurs ?
Faites du jiu-jitsu brésilien, allez dans les clubs autour de chez vous. Si vous n’avez jamais fait de sport, ni de condition physique, osez vous lancer. L’idée n’est pas de se faire mal, mais de s’amuser et de passer un bon moment tout en retrouvant la forme.
Merci beaucoup !
Retrouvez et suivez Claire-France Thévenon sur les réseaux sociaux, via ses comptes Facebook ou Instagram. Un grand merci à elle pour son temps et cette belle après-midi !
Pour en savoir plus sur le jiu-jutsu ou son grand-frère le jujitsu, retrouvez la première partie de notre dossier dédié à cet art martial :