7 Jours, une guerre de collégiens
Plus d’un an après sa participation au festival d’Annecy édition 2020 et deux ans après sa sortie japonaise en 2019, le film d’animation Bokura no Nanokakan Sensô, traduit sobrement en français en 7 jours arrive finalement dans les salles obscures hexagonales le 6 octobre. Alors, de quoi retourne-t-il ? Voici une rapide critique et une introduction à une franchise qui s’est faite bien discrète jusqu’ici en dehors du Japon.
Des romans jeunesses plus que trentenaires
Nos aventures
Si 7 jours à l’air de débarquer de nulle part en France, ce n’est pas du tout le cas au Japon. Il s’agit en fait d’une adaptation ou réactualisation du premier tome d’une série de romans à succès au Japon : les Bokura. Bokura signifiant « notre » en japonais, chaque tome commencera par cet adjectif possessif, décrivant ainsi brièvement une aventure différente pour chaque opus. On peut par exemple citer Bokura no Daibouken (Notre Grande aventure), Bokura no Deathmatch (Notre Deathmatch) ou bien Bokura no Mystery Ressha (Notre train mystérieux). Malgré un premier volume publié en 1985, des romans estampillés Bokura continuent encore à voir le jour aujourd’hui, toujours écrits par Osamu OSADA, auteur attitré de la franchise depuis son commencement, pour un total de plus d’une cinquantaine de volumes (rééditions et différentes collections comprises). « Roman à succès » est peut-être léger pour parler d’une série s’étant vendue tout de même à plus de 20 millions d’exemplaires ! Avec un nombre aussi important de livres, difficile d’écrire une histoire continue et cohérente, mais pas de soucis, la série des Bokura raconte des histoires indépendantes partant toutes d’un concept similaire : un groupe d’enfants, de la primaire au lycée, se confronte à des adultes rongés par le cynisme. Vous pouvez donc attaquer 7 jours sans crainte d’être perdu.
Une exceptionnelle absence sur grand écran
De par sa popularité et son concept simple, il est surprenant de voir que la série n’ait pas tant été adaptée sur d’autres formats que le roman. Certaines rééditions des livres contiennent bien des illustrations mais aucun manga n’est à l’horizon et les adaptations en films et en animés font figure d’exception. La première de ces exceptions est le film live sorti en 1988 avec en tête d’affiche la jeune actrice Rie MIYAZAWA s’illustrant notamment dans Le Samourai du Crépuscule une dizaine d’années plus tard, et TM Network à la musique, groupe célèbre pour l’ending Get Wild de City Hunter ou pour le superbe générique de fin du film Gundam Char’s Counter attack.
Une seconde exception voit le jour (plus de 30 ans plus tard !) en 2019 avec la diffusion du film d’animation au Japon, projet établi pour fêter les 10 ans d’une des collections de la série des Bokura. Cette adaptation est confiée au studio Ajia-dô et voit à son poste de réalisateur le jeune Yûta MURANO, occupant récemment la même place dans l’animé et le film Kakushigoto. Keishin, illustrateur méconnu chez nous mais avec une certaine renommée sur internet, est quant à lui en charge du character design, remanié par Hiroshi SHIMIZU, animateur et character designer derrière entre autres Michiko & Hatchin et Megalobox.
Notre guerre de 7 jours
La sortie camping tourne mal
7 jours raconte l’histoire de Mamoru SUZUHARA, garçon timide passionné d’histoire et amoureux depuis sa tendre enfance de sa camarade de classe Aya CHIYONO, fille du député local. Alors que Mamoru apprend que cette dernière est sur le point de déménager, il lui propose, dans une dernière tentative de conquérir son cœur, de fuguer tous les deux dans une usine abandonnée de la ville. Malheureusement pour le jeune homme, cette fugue en amoureux se transforme bien vite en session de camping entre amis, Aya invitant plusieurs camarades de classe à y participer. Ces six collégiens découvriront cependant bien vite qu’ils ne sont pas les seuls à occuper le lieu, et que cette personne à l’air d’avoir du monde à ses trousses. Le groupe d’enfants devra ainsi résister à la pression des adultes pendant 7 jours. 7 jours durant lesquels ils mèneront, à leur façon, leur propre guerre.
Une guerre, des conflits
Comme tous les romans de la saga, 7 jours se centre donc sur l’affrontement entre une bande de jeunes, collégiens en l’occurrence, contre des adultes bien souvent malintentionnés. 7 jours se révèle donc très distrayant : on s’amuse à assister aux nouveaux stratagèmes que vont mettre en place les enfants pour déjouer les assauts des adultes comme on pourrait le faire en voyant les pièges se déclencher un par un à la fin d’un bon épisode de Scooby Doo. La progression de l’intrigue et le dénouement sont tout aussi satisfaisants dans leur déroulement : le film a un chemin bien tracé et sait où il emmène son spectateur.
Une sensation de satisfaction qui s’accompagne par le concept même du film : quel bonheur de voir des enfants avec des idéaux positifs tapant sur des adultes (très) souvent pourris et rongés par la société. L’auteur des romans d’origine avoue lui même écrire ces romans dans cet objectif, et si c’est là l’objectif du film, on peut tout à fait le féliciter pour y être parvenu.
Les conflits ne s’arrêtent cependant pas ici, et le film a la bonne idée de mettre en scène les tensions au sein des deux groupes (les enfants et les adultes), ainsi que dans l’intériorité des personnages au passé parfois sombre. Les thèmes abordés seront par conséquent assez larges : du harcèlement scolaire, à l’hypocrisie du monde adulte, en passant par les mauvais côtés des réseaux sociaux. Si l’ambition de vouloir aborder de cette manière un ensemble de problématiques est louable, on sort du film sans trop savoir où voulait en venir 7 jours mais en gardant en tête quelques thématiques rarement abordées comme le traitement des réfugiés internationaux au Japon ou bien d’un autre retournement final que nous nous gardons de révéler.
C’est trop, c’est tropico
Ce souci des thématiques trop nombreuses se répercute sur le développement des personnages, tout aussi nombreux et servant bien souvent à développer un thème en particulier. Pire, il arrive que certains ne soient là que pour servir l’histoire et n’ont donc pas le droit à un semblant de développement. C’est notamment le cas à l’intérieur du groupe de collégiens. Avec leur nombre relativement élevé de sept, il est logique que certains aient du mal à avoir leur moment de gloire à l’écran.
Si les illustrations de Keishin sont en elles-mêmes très jolies, son travail en tant que character designer se montre un peu trop banal à l’image : on a du mal à trouver une identité particulière aux personnages. Cet aspect se reflète aussi sur le traitement de la lumière et du mouvement des personnages. Si le tout est de bonne facture, rien de particulier ne s’en dégage, même dans les scènes se voulant les plus impressionnantes.
Pour conclure, il ne fait aucun doute que vous passerez un bon moment devant 7 jours. Si le film pêche par quelques endroits comme son identité visuelle ou sa trop grande ambition thématique, il reste un très bon divertissement pour tous les âges. Et pourquoi pas espérer une prochaine adaptation de cette série à potentiel sur grand écran qui s’est jusqu’ici faite malheureusement trop rare.