Tsukimi, regardez les lapins sur la lune !
Tsukimi est un festival d’automne durant lequel on contemple la lune. Autrefois destinée à remercier l’astre lunaire pour les récoltes et à contempler la pleine lune qui apparaît à cette période, cette tradition a évolué et est désormais l’occasion de passer un moment en famille, avec des mets traditionnels préparés pour cette fête. Et les plus jeunes en profitent pour essayer de voir les lapins qui vivent sur la Lune…
Le festival de la pleine lune au Japon
Tsukimi – qui s’écrit 月見 – signifie littéralement « regarder la Lune ». On désigne par ce terme un événement qui se tient au Japon au début de l’automne, généralement entre la mi-septembre et début octobre de notre calendrier, durant lequel on se réunit pour admirer la pleine lune (満月, mangetsu).
Cette tradition remonte à l’époque de la dynastie Tang (618-907) en Chine. On y célébrait la pleine lune durant ce qu’on appelle encore aujourd’hui la Fête de la mi-automne ou la Fête de la lune, au soir du 15e jour du huitième mois lunaire (qui tombe entre septembre et octobre sur notre calendrier solaire), pour ce qui constitue aujourd’hui encore le second événement majeur du calendrier chinois, après les célébrations du Nouvel An. C’est à cette date que la lune atteindrait sa luminosité et sa taille maximales. La coutume a d’abord été introduite auprès des nobles japonais par l’élite chinoise, durant la période Heian (794-1185). Les participants à cette célébration rendaient alors hommage à cet astre en jouant de la musique ou en composant des waka (un genre de la poésie japonaise) depuis des bateaux, ce qui leur permettait de contempler le reflet de la lune sur l’eau et d’y puiser une source d’inspiration certaine. L’astre lunaire a inspiré de très nombreux haikus ou tanka chez les maîtres du genre. Par exemple, Matsuo BASHÔ a écrit notamment :
De temps en temps, les nuages
Nous reposent
De tant regarder la lune.
雲をりをり人をやすめる月見かな (kumo oriori hito o yasumeru tsukimi kana)
(Matsuo BASHŌ)
Dans la tradition chinoise, la pleine lune est le symbole de l’unité familiale et du rassemblement, mais sa période d’apparition coïncide également avec l’époque de récolte du riz. On parle d’ailleurs de Chuushuu no Meigetsu, la lune de la récolte ou plus littéralement la pleine lune de mi-automne pour désigner cette pleine lune en particulier. En toute logique, lorsque cette célébration du Tsukimi (ou Otsukimi) se répand dans les classes populaires au Japon pendant la période d’Edo (1603-1868), on l’associe à des bonnes récoltes. La fête devient donc un événement célébrant la fin de la récolte du riz et une prière pour des récoltes abondantes à venir. Il faut savoir que de 862 à 1683, le calendrier japonais faisait tomber la pleine lune au 13e jour de chaque mois, mais que dès 1684, une modification a fait coïncider la pleine lune avec le 15e jour de chaque mois C’est pour cela que le Tsukimi est également appelé jûgoya, soit la 15e nuit du calendrier lunaire.
De nos jours, il n’est pas rare que les célébrations familiales s’étendent sur plusieurs de ces jours qui suivent les différentes étapes de la formation de la pleine Lune, qui rappelons-le se déroule sur 15 jours. Une manière de profiter des festivités, à la maison ou dans les temples, de savourer les quelques mets spécialement préparés lors de cet événement et surtout, pour les plus jeunes…de chercher les lapins sur la Lune.
Pourquoi des lapins sur la lune ?
Tous les petits Japonais ont vu leurs parents ou leurs grands-parents désigner la Lune un soir de Tsukimi et leur dire « tu as vu les lapins ? ». Une tradition amusante, qui veut que des lapins soient présents sur la Lune et qu’ils fabriquent des mochis. Et il est vrai qu’en regardant la surface de la Lune et plus particulièrement ses ombres, on peut distinguer la forme d’un lapin avec un brin d’imagination. Mais quelle est l’origine de cette histoire de lapin lunaire ?
Le conte bouddhiste
Si les Japonais voient un lapin sur la Lune, c’est en grande partie liée à une légende bouddhiste qui s’est répandue de Chine à travers différents pays asiatiques, notamment au Vietnam, au Cambodge, en Inde, en Corée ou encore au Japon.
Elle raconte l’histoire d’un dieu bouddhiste, Sakra, descendu sur Terre en prenant la forme d’un vieil homme affamé pour tester la gentillesse de différents animaux. Il croise la route d’un singe, d’un renard et d’un lapin et leur demande de lui apporter à manger. Le singe lui apporte des fruits qu’il a cueillis sur un arbre, et le renard lui offre quelques poissons qu’il a attrapé dans le fleuve. Le lapin, qui n’a rien à offrir, demande au vieil homme d’allumer un feu. Alors que le feu brûle, le lapin se jette dans les flammes afin de s’offrir en repas à l’homme affamé. Stupéfait par la bonté de l’animal, l’homme révèle sa nature divine et sauve le lapin des flammes.
Le dieu Sakra envoie, en guise de récompense, le lapin vivre sur la Lune et dessine la forme de ce lapin sur la surface, afin que tous les êtres vivants puissent connaître la gentillesse de cet animal et se remémorer son sacrifice.
Un mot à double sens
En japonais, le terme Mochizuki signifie pleine lune, mais il rappelle également le mot Mochitsuki, qui désigne la cérémonie durant laquelle on prépare les mochis avant les célébrations de la nouvelle année.
Par association des deux termes, on a fait du lapin sur la Lune un fabricant de mochis, qui s’évertue à battre cette pâte de riz gluante jusqu’à lui donner la consistance souhaitée. C’est la raison pour laquelle il est parfois représenté avec un habit traditionnel, en train de travailler au-dessus de son usu (臼), le mortier japonais utilisé par la préparation des mochis.
Dans cette chanson populaire, on nous explique d’ailleurs que si les lapins sautillent, c’est pour être en mesure de voir la Lune… et donc leurs compères lointains en train de faire des mochis !
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La faute à Son Goku ?
En 1986, c’est Akira TORIYAMA qui nous donne sa propre version de la légende du lapin fabricant des mochis sur la Lune. Dans les chapitres 16 et 17 de Dragon Ball (ou dans l’épisode 9 de la série animée), Son Goku fait face au terrible gang des lapins, dirigé par un lapin anthropomorphe capable de transformer les gens en carotte. Bulma se fait capturer et transformer en carotte, mais Goku, avec l’aide de ses nouveaux compères Yamcha et Puerh, parvient à vaincre sans trop de mal ces ennemis. Il décide alors de les envoyer sur la Lune, en les déposant directement dessus à l’aide de son bâton magique. Et il leur promet de venir les récupérer quand ils auront confectionné assez de mochis pour tous les enfants du monde…
Dans le Tome 11 de Dragon Ball Super, on aperçoit très brièvement le gang des lapins, quelque part dans l’univers 7, certainement condamnés à errer sans fin puisque d’une part, Goku a certainement oublié ces ennemis de sa jeunesse, et que d’autre part, la Lune a été détruite plusieurs fois depuis leur transfuge !
Les Tsukimi Ryôry, ces plats évoquant la pleine lune
Les Japonais adorent manger en contemplant de belles choses, comme l’illustrent au printemps Hanami ou Tsukimi à l’automne, au cours desquels on déguste souvent des dango en admirant les fleurs de cerisiers ou la pleine lune. Si les dango font partie des grands classiques du Otsukimi, d’autres spécialités permettent de se régaler au cours de cette période et tous ont le même point commun : leur forme évoque celle de la pleine lune. Découvrons ces Tsukimi Ryôri (月見料理).
Les Tsukimi Dango
Ces boules de riz gluantes qu’on retrouve fréquemment dans les festivals japonais (ou dans le An-Mitsu, un dessert 5 en 1) sont présentées comme des offrandes durant le Tsukimi. Souvent, on empile 12 dango (pour les 12 mois de l’année) ou 15 en référence au 15e jour du mois, synonyme de pleine lune. Leur rondeur rappelle évidemment l’astre lunaire !
Les Tsukimi Udon et Soba
L’œuf au plat, avec son jaune rond comme la lune, permet d’accoler le terme Tsukimi à de nombreuses préparations qu’on retrouve durant la période de l’Otsukimi ou au cours de l’année. Parmi les plus populaires, citons les nouilles udon et soba avec un œuf au milieu du bol, le Tsukimi burger où un œuf trône sur le steak, ainsi que les sushi et les temaki surmontés d’un œuf cru. Et si vous êtes un amateur de mets salés, cette recette de Tori Amazu spéciale Tsukimi devrait vous enchanter.
Le taro, les châtaignes, l’edamame et les patates douces
Ces différents aliments atteignent leur pic en automne et ils servaient donc d’offrandes à la lune, avec l’espoir d’une prochaine récolte abondante. Pour le taro, c’est sa propension à disposer de plusieurs pousses sur le même bulbe qui en fait un aliment placé sous le signe de la prospérité. Concernant les châtaignes et les patates douces, c’est leur abondance durant la période qui les a rendues si populaires pour le Tsukimi, à tel point que dans certaines régions, on désigne cette célébration par le terme de Imomeigetsu (芋名月), soit la lune de la récolte de patate.
Le 13e jour du mois lunaire (Jûsanya, 十三夜), une fête lunaire célébrant la récolte des châtaignes et des edamame permet aux amateurs de wabi sabi de contempler la beauté de l’imperfection avec une lune n’a pas encore atteint sa plénitude, et on parle cette fois de Mame Meigetsu 豆名月 soit la lune de la récolte de haricot.
Les wagashi en forme de lapins
Les friandises en forme de lapins qu’on nomme usagi wagashi sont disponibles durant toute l’année au Japon, mais l’Otsukimi est évidement une bonne occasion d’en acheter ou d’en confectionner. Il s’agit de mochis, souvent garnis de pâte de haricots rouges ou de crème de yuzu, et ils constituent un parfait snack à croquer en regardant la Lune.
On notera que les différents plats et offrandes préparées durant le Tsukimi sont souvent déposés à l’endroit d’où on contemplera la lune. Ce lieu est décoré avec des épis de susuki (une espèce de roseau du nom de Miscanthus sinensis, parfois appelée roseau de Chine), qui rappellent les épis de riz et qui sont synonymes d’abondance. Et le Tsukimi fait d’ailleurs l’objet d’un émoji qui comprend toujours les trois éléments suivants : le susuki, les dango et la Lune !
En cette année 2021, le Tsukimi est tombé le 21 septembre. Il aura lieu le 10 septembre en 2022, et vous pouvez d’ores et déjà noter cette date si vous désirez préparer les plats adaptés à cette célébration et lever les yeux vers le ciel, pour voir la pleine lune ou apercevoir un lapin en train de préparer des mochis !
3 réponses
[…] Puis après un repas de gyozas, j’avais prévu au départ de lire, en soirée, Contes merveilleux du printemps. Mais finalement, j’ai surfé sur Internet pour en savoir plus sur Tsukimi, la fête de la pleine lune et la légende japonaise selon laquelle la lune est habitée par un lapin. Cela m’a d’ailleurs fait penser à une estampe japonaise de Toshiyuki Enoki que Kiona a partagée sur le groupe FB. J’ai en particulier lu cet article fort intéressant sur cette fête: ici. […]
[…] sur le groupe FB. J’ai en particulier lu cet article fort intéressant sur cette fête: ici. J’ai ainsi repéré quelques prochaines lectures comme par exemple Le garçon de la Lune de […]
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