Gaming Memories #40 – Gunstar Heroes
Bienvenue pour ce quarantième rendez-vous rétro mensuel. Après avoir erré dans les méandres d’une mémoire perdue, nous allons cette fois-ci retourner terrasser le mal : on court, on tire, rien ne nous arrêtera ! Nous sommes de retour en septembre 1993 sur Mega Drive pour rendre honneur à l’un de ses softs les plus explosifs et impressionnants : Gunstar Heroes ! Alors si vous êtes prêts à aller détruire les forces du mal avec nous, c’est parti : la paix n’attend pas !
Un pari loin d’être gagné
Treasure, la société à l’origine de notre jeu du mois, est composée d’une petite équipe de chez Konami dont la direction a refusé un projet, et qui quitta par conséquent leur place pour aller fonder leur prendre firme. Ils souhaitaient créer une nouvelle licence, dans un milieu où celles déjà posées leur semblaient s’embourber dans un cycle de suites et portages vers l’arcade… Ce petit studio indé naissant, intéressé par le hardware de la Mega Drive et en particulier son processeur Motorola 68000, plus propice à l’action qu’ils voulaient créer, se dirigea vers le constructeur au hérisson bleu.
Avec cette volonté de créer du neuf, le petit studio dirigé par Masato MAEGAWA leur proposa leur jeu. Mais là encore, l’idée fut rejetée, cette fois par manque de preuves de la qualité du travail de l’équipe de Treasure. SEGA leur demanda donc, de prouver leur valeur en produisant un jeu à licence : McDonald’s Treasure Land Adventure. Treasure s’occupa des deux projets en parallèle et malgré cela, c’est grâce à un SEGA impressionné devant ce travail, que Gunstar Heroes put enfin débuter pour de vrai.
Le développement du jeu prendra environ dix mois à une équipe minuscule de six personnes (sur dix-huit au total, les autres étant sur l’autre jeu). Celui-ci passa par plusieurs idées de noms (Lunatic Gunstar, Blade Gunner) qui furent refusés (on se doute bien de pourquoi concernant le seconde… !). A vrai dire, malgré le potentiel qu’avait montré le soft McDonald, Gunstar Heroes continuait à être un projet sur lequel peu de monde fondait un gros espoir : seulement dix-mille copies ont été fabriquées à l’origine…
Après tous ces problèmes et plusieurs mois de développement à tenter de surpasser le hardware de la console, Gunstar Heroes sortit le 10 septembre 1993 dans le monde entier, sur une cartouche de 16 Mo compressés en 8 (ce qui en faisait une cartouche plus puissante que la majorité de base).
provider: youtube
url: https://www.youtube.com/watch?v=PD3JK3tkFVY
src: https://www.youtube-nocookie.com/embed/PD3JK3tkFVY?feature=oembed&wmode=opaque
src mod: https://www.youtube-nocookie.com/embed/PD3JK3tkFVY?wmode=opaque
src gen: https://www.youtube-nocookie.com/embed/PD3JK3tkFVY
Le vilain méchant cliché veut semer la zizanie
Le monde est en danger ! Un empire aux mauvaises intentions, dirigé par un tyran (qui ressemble beaucoup à Bison de Street Fighter et qui a probablement un petit frère qui s’est échoué dans Metal Slug…), dont le but est de retrouver des gemmes d’une puissance sans précédent… et ainsi tenter de conquérir le monde… encore un.
Le joueur prendra donc le contrôle de l’un des deux Gunstar, Blue ou Red, afin de traverser les différents lieux emplis de soldats de leur empire, et tirer à tout va pour tous les éliminer, ainsi qu’une tempête de boss qui seront eux aussi de la partie.
Les héros des étoiles
Gunstar Heroes étant un run’n’gun, on se doute immédiatement qu’il va falloir courir et tirer sur tout ce qui bouge. Mais au contraire de Metal Slug, dont nous avons déjà parlé il y a quelques mois, ici pas besoin de massacrer son poignet et sa manette pour tirer : on dispose d’un auto-fire dans la plupart des tirs disponibles.
On avance de niveau en niveau, que l’on pourra choisir à la manière d’un Mega Man pour les faire dans son ordre de préférence. Des hordes d’ennemis viendront tenter de mettre des bâtons dans les roues de votre personnage, mais un seul tir suffit à les éliminer – sauf en cas de boss ou mid-boss, qui ponctuent la progression assez régulièrement. Votre Gunstar, quant à lui, dispose d’une jauge de vie et peut parfois récupérer des bonus de soin (donc pas besoin de craindre le oneshot).
On peut donc courir, sauter, et votre héros peut user de son corps pour aller toujours plus loin dans la destruction des forces du mal : il est capable de double saut, qui non-content de permettre d’aller un peu plus loin, fera du multi-hit aux adversaires qu’il touche. Il peut aussi glisser au sol, pour éviter des assauts ennemis (une mécanique indispensable pour appréhender et maîtriser une « danse » parfaite pour détruire les boss en minimisant les risques). Et de manière encore plus originale, il est possible d’attraper un soldat de base et le jeter au loin pour s’en débarrasser. Cette capacité est aussi possible à deux joueurs et permet d’aider son camarade en difficulté… ou bien de s’en servir comme projectile ! Un ennemi, s’il vous attrape à son tour, pourra être contré en appuyant plusieurs fois de suite rapidement sur la touche d’action.
Si l’on tire avec la touche B, que l’on saute et effectue tout ce qui est en rapport avec C, il reste un dernier bouton utile : A. Les Gunstar Heroes peuvent porter deux types de tirs sur eux parmi un choix différents, et même les cumuler à loisir. Il est possible de changer à volonté entre les deux tirs en stock ou les cumuler pour faire un plus gros effet, plus ou moins utile selon les situations. Par exemple, le tir vert est à tête chercheuse ; si l’on en équipe un second, il sera encore plus puissant mais si l’on a un tir bleu en stock à coté, on pourra soit l’utiliser tout seul ou le cumuler à la capacité chercheuse du tir vert. Comme on trouve régulièrement des tirs différents au cours de l’aventure, il y a de quoi tous les tester pour savoir ce qui nous convient le mieux ; mais au final, cela donne une quantité de choix qui peuvent rendre le challenge différent d’une partie à l’autre. Le choix du personnage que l’on joue a son importance, car il déterminera si l’on a un tir fixe, ou si l’on préfère pouvoir se déplacer pendant que l’on canarde des vagues d’ennemis. De quoi réfléchir encore plus à ses couleurs…
Les débuts de la pâte Treasure
Une première chose marque dès le lancement de la cartouche : le logo SEGA qui bondit dans tous les sens, puis celui de Treasure, qui se développe en 3D. Le jeu démarre, et il semble être dans la norme des softs de l’époque sur Mega Drive ; bien sûr, des titres majeurs et explosifs comme Phantasy Star IV allaient débarquer trois mois plus tard, et s’apprêtaient à s’inscrire parmi les meilleurs jeux de la machine. Gunstar Heroes, avec ses décors aux fonds peut-être un peu vides, peut-être un peu baveux par moments, semble être juste dans la norme. Les sprites des personnages ne sont pas si grands que cela…
Mais bien vite, rien qu’à voir les tirs dont notre personnage dispose, tout change : c’est fluide, c’est rapide, coloré et les trajectoires en courbes des attaques sont parfaites. Le jeu ne ralentit pas, peu importe leur nombre et celui d’ennemis. Le déroulement rapide du jeu, à courir à toute vitesse en dégommant tout est très plaisant. Par moments, bien sûr, on peut s’y perdre un peu au vu de tout ce qui est affiché, mais on s’y retrouve bien vite, et là, la baston continue. Si certains niveaux sont un carnage pur sans avoir à réfléchir, dans la plus pure tradition du run’n’gun, d’autres demandent de se calmer un instant et faire un peu de plate-forme, qui réagit par ailleurs très bien.
Jusqu’au moment où des boss arrivent… et où l’on pensait jusqu’à lors qu’il s’aghissait d’un jeu « joli, mais il doit y avoir mieux ». Ces confrontations, qui d’une part demandent la concentration nécessaire pour vaincre son opposant en apprenant ses comportements et les patterns de ses tirs, sont régulièrement l’occasion d’en prendre plein les yeux. Console 16 bits ? Jeu en 2D ? Quelle blague. Gunstar Heroes explose littéralement les limites connues de la Mega Drive en proposant des effets encore jamais, ou en tous cas très rarement (et donc supposés impossibles) vus sur la machine de SEGA (et de l’aveu de MAEGAWA, aussi impossibles chez la concurrence…). Effets 3D, rotations et autres mouvements fluides, boss impressionnants (comme le très marquant Seven Forces, qui deviendra une marque de fabrique de la firme), ces affrontements ne se contentent pas d’être impressionnants, ils sont aussi tous variés et ne se ressemblent quasiment jamais.
En effet, que l’on soit sur le sol, sur un wagon qui file à toute vitesse ou confronté à la représentation d’une IA dans une salle tournant en 3D comme jamais vu auparavant ; toutes les situations sont différents et offrent un renouvellement permanent. Doublé d’une originalité qui ne cessera de faire lâcher un « waoh » au joueur qui s’y essaiera pour la première fois.
Si les boss sont un très gros morceau du jeu, il reste plus purement un run’n’gun qu’un Alien Soldier plus proche d’un boss rush pour autant. On évolue dans différents décors, parfois plus naturels, d’autres plus urbains, jusqu’à même aller dans l’espace (« Gunstar », quoi). Tout est fait pour qu’un niveau ne ressemble pas à un autre.
Le boss Seven Forces en difficulté Expert. Pensez-vous
pouvoir y survivre ? (la vidéo lag un peu vers la fin…)
Les contrôles aussi sont bons, réactifs et dynamiques, on a rarement du mal à enchaîner ses mouvements et si finalement on devait reprocher un petit quelque chose à la prise en main du jeu, c’est qu’il faut se baisser et appuyer sur un bouton pour ramasser un objet. Cela peut paraître anodin comme détail, mais lorsqu’il s’agit de vie à récupérer dans un décor qui avance trop vite pour avoir le temps d’y réagir, on risque de juste perdre l’objet. Pour le reste, courir, sauter, s’accrocher et remonter ou descendre, faire une glissade, tout est bien précis et réactif.
Le jeu a une durée de vie en soi assez courte, ou tout du moins dans la moyenne de l’époque (environ une heure), mais il est aussi assez fourni en choix : ce ne sont pas moins de quatre niveaux de difficulté, dans lesquels les patterns, formes et résistance des boss augmenteront (le fameux Seven Forces ne dévoile pas tous ses aspects dans les niveaux les plus bas, par exemple). Cela a pour effet de rendre le jeu clairement accessible à tous (il faut savoir qu’à deux joueurs, celui qui perd une vie peut être remis sur pieds par l’autre contre la moitié de son énergie) et permet une prise en main bien plus facile que dans, par exemple, Alien Soldier de la même équipe. On regrettera peut-être l’absence de mots de passe, mais ce n’est nettement pas le plus indispensable.
Toute cette aventure folle est bien forcément soutenue par une bande-son, qui suit parfaitement ce qui se passe à l’écran. Dynamique la plupart du temps, ou un peu inquiétante et menaçante lorsqu’un boss approche, cet ensemble s’avère dans tous les cas des plus héroïques du début à la fin. Elle a été composée par Norio HANZAWA et comporte vingt-trois morceaux. Les héros ont une voix (la même) qui semble crachoter un peu par moments, au contraire du vilain qui a un magnifique rire de casserole (attention Kefka, tu n’es pas seul !) mais qui résonne très bien dans les oreilles… et qu’on a totalement envie de faire taire !
Même à deux, la console ne même pas avoir le moindre mal. Par contre,
on ne peut pas nier que c’est un peu compliqué de tout comprendre par moments.
Succès critique
Gunstar Heroes est ce que l’on peut appeler un succès complet totalement sous-estimé par SEGA Japan : si seulement dix mille copies ont été mises en vente à sa première sortie, son score a été multiplié par sept ; au-delà du Japon, ce sont carrément deux-cent mille unités qui se sont écoulées… la presse de l’époque n’a jamais tari d’éloges à son sujet, si ce n’est peut-être en notant des personnages un peu petits à l’écran. Pourtant, c’est une moyenne de quatre-vingt dix pourcents d’évaluations positives qui s’est versée sur le jeu (à part des évaluations très moyennes assez surprenantes de la part certain Famitsu et Edge…). Dans tous les cas, ce fut un succès que même Treasure n’avait pas imaginé.
Cela valut au jeu une conversion tardive, bien qu’assez réussie, sur Game Gear (la console portable de SEGA) en mars 1995. Différents portages ont été effectués au fil des années, par exemple dans la collection Sega Ages 2500 sur PlayStation 2, ou encore dans Sega Forever plus récemment. Il a aussi eu droit à sa place dans la lignée 3D Classics sur Nintendo 3DS, dans laquelle des titres sortis sur la 16 bits étaient modifiés pour profiter des atouts 3D de la machine portable. Ce jeu est désormais disponible sur la compilation SEGA la plus récente en date (PS4, Xbox One, Steam…).
L’un des « meilleurs jeux de la Mega Drive », ou même l’un des « meilleurs jeux de tous les temps » comme certains l’ont qualifié, a eu une descendance des plus modestes. S’il ne faut pas confondre avec Guardian Heroes (de Treasure, sorti en 1996 sur Sega Saturn), c’est plutôt vers Gunstar Super Heroes (Gunstar Future Heroes) sorti en 2005 qu’il faut se tourner. Bien moins impressionnant, car depuis le monde du jeu vidéo avait vu nombre d’avancées techniques, cet opus apparu sur GameBoy Advance exploitait particulièrement bien le mode 7 de la console, qui permettait des niveaux assez fous pleins de rotations.
Bien qu’étant le premier jeu officiel de Treasure, Gunstar Heroes s’est avéré être une production d’une grande qualité, exploitant finement le hardware sur lequel il est né en montrant un potentiel jusqu’alors peu exploité dessus. Si de nos jours il ne paie pas tant de mine que cela pour qui ne le connaîtrait pas, il reste pourtant un jeu défoulant, jouable, quelque peu exigeant et surtout, particulièrement fun. Si jamais vous avez un compte sur Steam et que ce que vous venez de lire et voir vous a tenté, n’hésitez pas à aller le chercher : pour à peine un euro, il n’y a pas de quoi se priver
Captures d’écran prises par JDJ. Crédits des autres visuels : Tous droits réservés ©SEGA ©Treasure Co. Ltd