Annecy 2021 : édition hybride
Après une édition 2021 uniquement en ligne du fait de la pandémie, le festival d’Annecy revient sous un format hybride, avec des projections de films en présentiel d’une part et une multitude de conférences, présentations et événements accessibles directement en ligne. Une formule ayant l’avantage pour ceux (comme nous) ne pouvant se rendre sur place, d’autoriser l’accès aux auteurs et d’avoir un avant-goût de leurs méthodes et œuvres à venir … Et comme c’est souvent le cas, le Japon était fort bien représenté !
Un festival en ligne …
Work in Progress, Preview, Focus … Toute une batterie de noms barbares pour désigner les différentes présentations proposées par le festival en ligne permettant la découverte de quelques futures pépites, mais aussi pour écouter animateurs, producteurs et réalisateurs partager leur expérience.
Inu-Oh : la danse endiablée de Masaaki YUASA se dévoile un peu plus
L’année dernière, nous avions pu découvrir les premières images de Inu-Oh, prochain long-métrage de Masaaki YUASA marquant ses retrouvailles avec Taiyo MATSUMOTO (au design des personnages). Cette année, l’avant-goût se précise, puisque le réalisateur lui-même présentait le prologue du film. Un prologue permettant d’en cerner un peu plus le style (ou plutôt, la profusion stylistique) et le ton de ce film qui s’annonce singulier, comme son auteur. En nous faisant remonter le temps avec la plasticité qui lui est propre, YUASA nous projette au 14e siècle, 200 ans après la bataille de Dan-no-ura qui vit s’affronter les Heike et les Genji (en 1185). Une époque où devenir artiste ou samurai étaient les seuls moyens de s’élever socialement. Le réalisateur va ainsi nous conter l’histoire de Inu-Oh, enfant difforme qui trouvera sa place grâce à la danse, et de l’amitié qui le lie à Tomoari, joueur de biwa aveugle. Une histoire d’amitié donc, et de symbiose entre danse et chant qui va amener ce duo au firmament et faire d’eux l’équivalent de rockstars pour l’époque. Une fresque qui s’annonce bouillonnante et dont le liant semble être une musique et une récitation Noh endiablée.
Fena : une princesse pirate pour nous faire voyager cet été
La série Fena, Princesse pirate devrait être visible dans l’été sur Crunchyroll. Produite par Production IG, elle est mise en scène par Kazuto NAKAZAWA. Le réalisateur et son producteur Rui KUROKI étaient justement au rendez-vous pour présenter cette série dans un work in progress riche en documents de travail, story-board, planche de design « settei », de décors, etc. Les deux compères étaient visiblement ravis de raconter la genèse de cette série qui leur tient à cœur, de leurs inspirations à la production parfois atypique.
L’idée de Fena trouve son origine d’une interrogation de son réalisateur sur le devenir des nombreux samouraïs pendant les 200 ans de paix consécutifs aux guerres de la période Sengoku (1600). En s’interrogeant sur le destin de ces guerriers sans emploi, NAKAZAWA découvrit de nombreuses sources attestant de leur envoi à l’étranger en tant que mercenaires, par exemple en Thaïlande ou aux Pays-Bas. C’est de cette constatation et de l’amour du réalisateur pour l’univers des pirates qu’est née la série.
En effet, Fena est une série originale, ce qui est assez rare pour être souligné, et si elle repose sur un background historique, elle reste cependant une œuvre de fantaisie dans laquelle les auteurs ont laissé libre court à leur imagination, tout en s’appuyant sur de nombreux repérages dans des villes autour du monde, comme Dubrovnik, Glasgow, Annecy et bien sûr le Japon. Les planches de décor présentées lors du WIP présagent d’ailleurs d’un soin impressionnant.
Une série de fantasy en 12 épisodes qui réunit pirates, samouraïs, ninjas, aventure, voyages et romance : un cocktail qui s’annonce fort réjouissant !
Kamen Rider Fuuto PI, la légende s’anime
Ce focus, organisé à l’occasion de la production d’une adaptation animée de la franchise de tokusatsu Kamen Rider, revenait d’abord sur les origines de cette légende maintenant cinquantenaire à travers un montage vidéo des plus instructifs, avant de laisser la parole au producteur Hideaki TSUKUDA et au scénariste Riku SANJO. Ce duo, à l’origine de la série live Kamen Rider W dont le manga et l’anime Kamen Rider FUUTO PI sont justement la suite, livrait la genèse de W et le processus qui avait accouché de cette suite dessinée. Le tout était accompagné de quelques designs et illustrations, notamment du célèbre mangaka Katsuya TERADA qui officie au design des monstres depuis Kamen Rider W. Malheureusement, la série étant encore en production, aucune séquence animée n’était présentée. A suivre donc !
Une masterclass pointue et passionnante
Un des événements les plus instructifs pour les fanas de technique d’animation ne concernait pas un film, mais une masterclass de Takeshi INAMURA, animée par Koji TAKEUCHI, à l’attention des animateurs. Dans une très belle volonté de transmission, Monsieur INAMURA s’est efforcé de transmettre sa considérable expérience d’animateur, à travers de nombreux exemples pratiques de poses issues de sa longue carrière (de Porco Rosso à Miraï en passant par Evangelion, Mononoke, Your Name, etc.). Qu’est-ce qui rend une pose convaincante ? Comment une pose peut-elle exprimer un mouvement ? Comment exprimer l’attitude d’un personnage dans un dessin ? Ce sont quelques un des points abordés avec générosité par ces deux pointures de l’animation japonaise qui se consacrent à la formation de nouvelles générations d’animateurs. Monsieur TAKEUCHI, producteur, a lui -même débuté chez Nippon Animation avant de rejoindre TMS dont il sera par la suite président et est maintenant le directeur du Tokyo Anime Award Festival.
… Et des projections sur place
Looking for Magical DoReMi
Surprise de la sélection hors compétition, nous vous en parlions déjà en détail dans un article consacré à ce film étonnant dans son rapport à Magical DoReMi.
Gyoko no Nikuko Chan, le retour d’Ayumu WATANABE
Le nouveau film du studio 4°C et seconde réalisation pour Ayumu WATANABE après le fantastique Les Enfants de la Mer, s’intéresse à un couple mère-fille surprenant. Nous n’avons malheureusement pas été en mesure de le voir, mais il faut souligner qu’on a terriblement hâte de le découvrir sur les grands-écrans français !
Josée, le tigre et les poissons : belle romance réaliste
Sortie dans la foulée de sa présentation en festival, Josée, le tigre et les poissons semble au premier abord s’inscrire dans la lignée de longs métrages comme A Silent Voice ou Je veux manger ton Pancréas, puisqu’il aborde la question du handicap dans le cadre d’une relation naissante entre un étudiant et une jeune fille paraplégique qui vit recluse.
On se rend cependant rapidement compte qu’il en prend le contre-pied, adoptant une approche bien moins sensationnaliste, ce qui fait justement le sel de ce film tout en subtilité. L’autre gros point fort de Josée, le Tigre et les Poissons vient de sa direction artistique tout bonnement magnifique. Un soin tout particulier a été porté aux décors, que ce soit les intérieurs (la maison de Josée) ou les extérieurs (le film se déroule dans la région d’Osaka). Le passage des saisons et les ambiances lumineuses sont véritablement magnifiques et utilisées à très bon escient par le réalisateur pour refléter les sentiments de ses personnages, leurs joies comme leur tumulte intérieur, renforcer l’intensité des moments les plus riches en émotion.
Le film est produit par le studio Bones et réalisé par Kotaro TAMURA dont c’est le premier long métrage en tant que réalisateur, mais qui a déjà occupé le rôle de story boarder sur le film My Hero Academia : Two Heroes ainsi que sur de nombreuses séries.
Un beau film au visionnage fortement recommandé !
Deer King : l’envol de Masashi ANDO
Deer King conte l’histoire d’un ancien rebelle longtemps réduit en esclavage qui va recouvrer sa liberté et se reconstruire au contact d’une enfant. Dans sa fuite, il va se retrouver au centre d’intrigue politique entre occupants, occupés, collaborateurs et combattants.
Le premier film réalisé par Masashi ANDO était le film à grand spectacle de cette sélection japonaise. Ce grand monsieur de l’animation a travaillé avec les plus illustres puisqu’il a officié à des postes comme directeur de l’animation, character designer ou animateur clé sur des chefs d’œuvre comme Pompoko, Princesse Mononoke, Le Voyage de Chihiro, Ghost in the shell 2 : Innocence, Amer Beton, Evangelion 3.0, Tokyo Godfathers, Paranoia Agent, Paprika ou encore Your Name, pour ne citer que certains des plus fameux !
Prenant son envol sous l’égide de Production IG, il adapte ici un roman de Nahoko UEHASHI dont certaines thématiques sont par ailleurs voisines de celles de Princesse Mononoke, notamment sa dimension de fantaisie panthéiste. Il s’en différencie cependant par un traitement un peu plus adulte, que ce soit dans sa manière d’aborder la violence sporadique, mais surtout en construisant un discours subtil et complexe avec un véritable refus du manichéisme dans ses considérations politiques, mais aussi humaines. En cela, il n’est d’ailleurs pas sans évoquer Vinland Saga.
Techniquement parlant, avec à la barre un animateur du calibre de Masashi ANDO, on ne pouvait s’attendra qu’à une animation de haut vol, et c’est exactement le cas. Le film est somptueux dans son animation comme dans son design et ses décors qui évoluent au gré des saisons !
Deer King est définitivement un très beau film humaniste, bouleversant d’émotion, en particulier quand il traite du renoncement à la haine et à la vengeance et du retour à la vie de son personnage qui va se reconstruire à travers un lien de filiation choisi.
Un film magnifique dont on ignore encore la date de sortie française puisqu’il est seulement annoncé pour septembre prochain au Japon, et qui sera distribué chez nous par All The Anime. On attend en tout cas cet évènement avec impatience pour redécouvrir ce film magnifique sur grand-écran, dans les conditions qu’il mérite !
Un format hybride durable ?
Une belle édition du festival d’Annecy donc, qui semble avoir trouvé ici un format hybride qui réunit le meilleur des deux mondes, si ce n’est qu’on regrette que des extraits des films présentés en projection ne soient pas disponibles en ligne comme c’était le cas lors de l’édition précédente. On se demande maintenant si le choix de ce format perdurera l’année prochaine, au retour espéré des nombreux invités internationaux sur place, et non plus en visio-conférence …