Famicom Detective Club, plongée dans le polar made in Nintendo

Vous êtes fan de Nintendo et vous recherchez quelque chose d’original ? Vous reprendrez bien une part de classique obscure de la NES ? Garanti sans plateformes, points d’expérience ou autre double-saut, Nintendo invite pour la première fois pour les joueurs en Occident à jouer le détective dans le remake des deux jeux de la série classique oubliée Famicom Detective Club.

famicom detective club

Les vieilles cartouches au fond de la ludothèque

Singularité dans la matrice

Il y a maintenant fort fort longtemps, en 1988, sortait sur Famicom (l’équivalent au Japon de la NES) le jeu d’énigmes sobrement intitulé Famicom Detective Club : The Missing Heir. Au moment de sa sortie, il est alors séparé en deux parties au vu de sa longueur et de ses nombreux textes. Dans le contexte de l’époque, The Missing Heir semble passer pour une anomalie dans la matrice de Nintendo. Là où dominait les jeux d’arcade et de plateformes, big N tente de proposer, en s’inspirant de The Portopia Serial Murder Case (jeu scénarisé par Yûji HORII qui écrira plus tard la mythique saga Dragon Quest), une expérience avant tout narrative plus que ludique !

Et c’est seulement une année plus tard en 1989 que sort le deuxième opus de la saga, The Girl Who Stands Behind, lui aussi séparé en deux parties sur Famicom. Il aura cependant le droit à peu près dix ans plus tard, en 1998, à un remake complet sur Super Famicom (Super NES donc) avec les deux parties cette fois réunies en un même jeu.

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Jaquettes des deux parties de Famicom Detective Club The Missing Heir  ©Nintendo

Ces deux opus sont aujourd’hui connus pour leur singularité dans l’histoire de Nintendo, par leur approche narrative mais également par leurs thèmes et scénarios, tournant, naturellement pour une histoire de détective, autour de meurtres parfois plutôt sordides. On retrouve derrière le jeu certains noms connus des amateurs de l’histoire de Nintendo comme le producteur Gunpei YOKOI (créateur du Game & Watch et de la Game Boy) ou le game designer Yoshio SAKAMOTO (créateur de la saga Metroid), ce qui fait de la série des Famicom Detective Club une série importante dans l’histoire de la société japonaise, si bien qu’on peut retrouver Ayumi Tachibana, un de ses personnages principaux, comme trophée dans Super Smash Bros Melee et esprit de Ultimate et a même été, paraît-il, en discussion pour devenir un personnage jouable de la série pendant Melee.

Des histoires de cases

Au Japon, les Famicom Detective Club sont rangés dans la case des adventure games, et plus précisément dans celle des graphic adventure, c’est à dire des jeux qui demandent au joueur d’avancer dans une histoire illustrée par du texte et des graphismes, plus ou moins sommaires à l’époque, en résolvant des énigmes. En Occident, dans un souci de simplicité, nous avons tendance à ranger tous ces jeux à l’allure japonaise contenant de nombreux textes et dialogues dans la catégorie englobante des visual novel, mais les catégories japonaises révèlent tout à fait les différences subtiles ou évidentes de ces jeux que nous mettons tous dans le même panier.

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Jaquette des deux parties de Famicom Detective Club The Girl Who Stands Behind  ©Nintendo

En effet, il est important de comprendre que l’expérience de jeu diffère grandement entre un jeu comme Muv Luv proposant une histoire linéaire ponctuée de choix menant sur différentes routes, Higurashi avec une histoire (presque) sans aucune interaction se rapprochant donc plus d’un roman classique et un Phoenix Wright dont l’histoire avance par l’interaction avec le décor, l’interrogatoire des suspects et la présentation de preuves. Entre ces trois exemples, il ne fait aucun doute que la série des Famicom Detective Club se rapproche plus d’un jeu Phoenix Wright : le joueur doit constamment dialoguer, observer, penser, prendre des objets pour enclencher des textes, généralement plutôt courts, pour faire avancer le scénario…

Nous sommes donc loin de la passivité à laquelle nous sommes habitués avec d’autres jeux du genre, s’il en est réellement un, du visual novel. Et nous voilà, 30 ans plus tard avec la sortie sur Switch du remake de ces deux titres vendus dans le même pack. Et ce n’est pas rien ! C’est la première fois qu’ils sont traduits officiellement dans une autre langue que le japonais. De quoi ouvrir deux-trois bouteilles de champagnes (au moins) !

Refaire, mieux faire ?

Les petits meurtres de Famicom Detective Club

Les histoires restent les mêmes. Dans le premier opus, The Missing Heir, le protagoniste se réveille amnésique sur le bord d’une falaise, un lieu de suicide tristement célèbre. Il ne lui faudra pas bien longtemps pour se rappeler de son travail, détective de l’agence Utsugi, et de son contrat passé avec le majordome de la famille Ayashiro concernant la mystérieuse mort de la matriarche Kiku Ayashiro, à la tête d’une grande entreprise et d’un héritage conséquent. Intrigues d’héritage, jalousie, légendes urbaines (ou plutôt rurales), amnésie… Qui en a après après la fortune de la famille maudite des Ayashiro ? Accompagné de votre assistante Ayumi Tachibana, c’est à vous de résoudre cette enquête !

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Ayumi Tachibana retrouve le protagoniste, alors amnésique ©Nintendo

Famicom Detective The Girl Who Stands behind

©Nintendo

Le second opus, The Girl Who Stands Behind, est en réalité un préquel à The Missing Heir. Quelques années plus tôt, le protagoniste est recueilli par Shunsuke Utsugi dans son agence de détective. Plus tard, vous vous retrouvez chargés de résoudre le mystérieux meurtre d’une lycéenne retrouvée dans la rivière. Vous faites la rencontre de Ayumi Tachibana, amie proche de la victime, qui vous apprend que cette affaire est sans doute liée à une légende de leur école ! Si vous entendez des bruits de pas dans les couloirs et que vous jetez un œil derrière vous, alors une fille ensanglantée apparaîtrait derrière vous, dit-on.

Bien qu’il se déroule avant le premier opus, il est fortement recommandé de respecter l’ordre de parution des jeux, d’autant plus que le premier joue sur l’amnésie du personnage principal, amnésie logiquement absente du second ce qui vous gâchera inévitablement certains éléments d’intrigues si vous choisissez de jouer selon l’ordre chronologique plutôt que selon l’ordre de parution. L’ordre de parution vous permettra également de mieux apprécier les jeux, tant on peut remarquer les améliorations de gameplay et de mises en scènes entre les deux opus. Ces deux histoires bien que classiques restent sympathiques à suivre, avec des retournements de situation, des fois convenus, mais parfois également très touchants, avec des pointes d’humour qui arrivent à faire sourire même si elles se révèlent parfois datées.

Remake en surface

Famicom Detective Club

©Nintendo

Comme déjà mentionné plus haut, Famicom Detective Club The Missing Heir et The Girl Who Stands Behind sont tous les deux des remakes, mais dans quelles mesures le sont-ils réellement ? En vérité, la partie remake concerne uniquement les graphismes et l’interface qui sont, bien heureusement 30 ans plus tard, beaucoup moins austères que les jeux originaux. Les sprites des personnages sont certes entièrement modélisés en 3D, choses rares dans ce genre de jeux, mais dans une approche 2D. Ils permettent des mouvements fluides ainsi que des transitions plus douces entres les différents états du sprite. Cet aspect est très bien réussi, les personnages ont un réel charme et la réduction du statisme grâce au sprite 3D leur donne un certain élan de vie !

A cela s’ajoute un doublage complet des dialogues avec quelques hautes pointures et par un chara-design classique, mais tout à fait dans l’esprit des mangas d’enquête comme Détective Conan ou, plus frappant, Kindaichi. En plus des sprites, les remakes font de très bons efforts de mises en scènes, avec des jolis cadrages sur certaines scènes-clés et des procédés de superpositions de plans qui font leur petit effet ! Les jeux laissent même à tout moment le choix de la musique originale (et celle du remake Super Famicom pour The Girl Who Stands Behind) ou celle réorchestrée à l’occasion des remakes. De quoi avoir un jeu réellement entre tradition (des musiques) et modernité (des graphismes) 😉

Famicom Detective Club

Interaction classique avec la case des actions disponibles en haut à gauche ©Nintendo

La partie remake s’arrête cependant ici : le système de jeu est en effet identique à celui des anciens. Le joueur dispose d’une boîte d’action lui servant à interagir selon le monde qui l’entoure et selon la situation. Il peut généralement : « parler », discuter avec un personnage sur différents sujets proposés par le jeu ; « interpeller », appeler et s’adresser à un personnage qui n’est pas sur l’écran ; « regarder », examiner précisément un objet ou bien le décor en y déplaçant son curseur ; « se rappeler/penser », le protagoniste pense, donne des indices sur la marche à suivre ou se rappelle d’un élément fondamental ; « arrêter l’enquête » qui est l’option de sauvegarde… ou bien d’autres actions contextuelles comme « prendre » ou « ouvrir ».

Les jeux demandent au joueur de réaliser tout un panel d’actions dans un ordre précis pour faire avancer l’intrigue. Tout d’abord, par exemple, « parler » d’un sujet pour en ouvrir un nouveau qui fera prendre conscience au protagoniste qu’il faut « se rappeler/penser ». Et ainsi de suite, en combinant toutes les autres possibilités qui sont assez nombreuses grâce à des décors biens fournis. Ce système se révèle malgré tout assez archaïque avec de nombreux moments où l’on se retrouve bloqué dans un segment du jeu, sans avoir accompli la bonne action qui permet de passer au suivant. D’autant plus que si certaines déductions de l’action suivante relèvent de la logique, d’autre sont bien plus aléatoires… Et il est parfois difficile de ne pas craquer et de regarder un guide sur le net. Le deuxième opus corrige heureusement certains de ces aspects mais il reste lui aussi très archaïque dans ses mécanismes. Par chance, il existe la sacro-sainte touche pour passer rapidement le texte déjà lu, ce qui vous gagner un temps non négligeable. Cet aspect un peu daté se comprend tout de même dans une volonté de préserver l’expérience originale.

Famicom Detective Club

Les plus curieux de l’histoire de Nintendo ou bien les amateurs de jeux d’enquêtes et d’énigmes ou de visual novel passeront, à n’en pas douter, un sympathique moment sur Famicom Detective Club The Missing Heir et The Girl Who Stands Behind. Mais restent, sous les jolis graphismes, des mécanismes archaïques pouvant faire fuir les nouveaux venus. Le plus malheureux dans l’histoire reste le prix auquel les deux jeux sont vendus : 60 €, soit le prix d’un jeu complet pour deux remakes de jeux textuels de l’ère 8-Bit d’une durée de vie d’une quinzaine d’heures ! C’est beaucoup trop court pour la moyenne des visual novel actuels même si c’est compréhensible pour l’époque, il y a 30 ans. Même si l’on peut comprendre avec le travail investi, la volonté de vouloir vendre ce jeu comme n’importe quel autre, ce prix assez élevé s’avère plus être un frein aux nouveaux venus et aux curieux. Cela risque de ne viser au final qu’une niche bien précise. Sans compter l’éternelle traduction française trop souvent absente de ce genre de jeu, fermant ainsi encore un peu plus la porte au grand public !

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