Les Secrets de beauté de la Maison de la Culture du Japon à Paris
Après 7 mois de fermeture, les musées ont enfin rouvert leurs portes le 19 mai dernier. L’occasion pour Journal du Japon de se rendre à Paris pour découvrir 2 expositions très attendues par l’équipe : « Secrets de Beauté » de la MCJP (Maison de la Culture du Japon à Paris) et « Voyage sur la route du Kisokaidō » du musée Cernuschi. Ces visites, initialement prévues en octobre dernier, donneront lieu à 2 articles : le premier, celui-ci, présente tous les Secrets de Beauté des femmes de l’époque Edo. Le second, qui sortira prochainement, vous présentera les œuvres de Hiroshige et Kuniyoshi le long de la route du Kisokaidō.
Secrets de Beauté à la MCJP
La Maison de la Culture du Japon (MCJP) est le grand incontournable de la capitale pour tout ceux qui s’intéressent de près ou de loin au pays du Soleil-Levant. Née de la rencontre entre François Mitterrand et le premier ministre japonais Zenko Suzuki, la MCJP a été inaugurée en 1997 par Jacques Chirac et la princesse Sayako. Le désir au travers de ce projet d’envergure : diffuser la culture japonaise à travers des expositions, des ateliers, des cours, des conférences, des projections cinématographiques et divers évènements ou activités. C’est un lieu d’apprentissage et de découverte, en perpétuelle évolution, qui a d’ailleurs récemment ouvert une boutique d’artisanat et d’épicerie japonaise. Leur événement du moment : l’exposition « Secrets de Beauté » !
Débutée le 7 octobre 2020, l’exposition « Secrets de Beauté » de la MCJP nous envoie directement dans les années 1600 à la découverte des us et coutumes des Japonais de l’époque Edo et plus précisément à la rencontre des rituels de beauté de ses femmes. Découpée en deux volets, l’exposition présente pas loin de 150 estampes : une première moitié a quitté la MCJP en janvier dernier, et la deuxième moitié est présente jusqu’au 10 juillet 2021. C’est cette dernière que nous avons découvert et dont nous vous parlons ici. Au programme : les pratiques et les codes du maquillage et de la coiffure des femmes de l’époque Edo qui nous en apprennent bien plus sur elles que ce que l’on pourrait croire.
Le maquillage : 3 couleurs, chacune son rôle
« De la contrainte naît la créativité » : cette phrase que l’on entend régulièrement dans l’art et l’Innovation prenait déjà tout son sens il y a plusieurs siècles, et les femmes japonaises en sont un parfait exemple ! Trois couleurs, pas une de plus, pour se maquiller et transmettre aux autres les informations voulus. Du noir, du blanc et du rouge.
Commençons par la plus connue aujourd’hui : le blanc. Cette couleur est le signe de pureté par excellence dans la culture asiatique. Au Japon, c’est le premier critère de beauté d’une femme. Utilisé sous la forme de nombreuses poudres différentes, plus ou moins onéreuses, le blanc se posait non seulement sur le visage mais également sur la nuque et le décolleté. Chaque détail compte : si la peau était recouverte d’une manière assez uniforme et épaisse, les oreilles étaient à peine poudrées et le haut du crâne devait se marier avec le reste du visage malgré la présence des premiers cheveux, sans laisser de peau apparente.
Les sourcils étaient rasés afin de ne pas montrer les émotions : et c’est avec une poudre noire que l’on venait les redessiner, de manière différente au cours de l’époque Edo. Le noir est d’ailleurs lié à la tradition du passage à l’âge adulte. Une fois mariée, la femme se peignait les dents en noir. Symbole de fidélité, c’était également un très bon moyen de prévention des caries, et c’est l’une des raisons pour lesquelles cette tradition a perduré dans le temps !
Quant au rouge, il s’agit de la seule couleur éclatante du maquillage japonais. Symbole de féminité, on s’en servait pour mettre en valeur les lèvres et les paupières.
Tout ce maquillage avait un coût ! Leurs utilisations apportaient donc des informations directes sur la classe sociale de la femme et son statut. De nombreux ustensiles d’époque sont présentés aux côtés d’estampes mettant en valeur le maquillage des femmes. Parmi celles-ci, on découvre différentes scènes vie au château de Chiyoda, inaccessible aux communs des mortels, au travers des 40 estampes de Yoshu Chikanobu dont une partie est présentée dans l’exposition « Secrets de Beauté » à la MCJP. Au delà de l’aspect artistique, ces œuvres sont des documents précieux sur la vie à l’intérieure du château. On y découvre le quotidien de ses habitants, mais surtout ce qui nous intéresse ici : les rites de beauté de ces femmes de la noblesse, du maquillage à la coiffure.
La coiffure : le signe distinctif des classes sociales
Autre attribut de la beauté féminine de l’époque Edo : la coiffure ! Nul doute que vous avez déjà remarqué les incroyables et tentaculaires coiffures des geisha au travers des nombreux représentations dont on dispose. C’est d’ailleurs ce qui marque le plus les esprits, en plus de la couleur blanche et de l’habit. Après les nombreuses guerres civiles qu’a connu le Japon, l’époque Edo vient installer la paix au sein du peuple (la fameuse « Pax Tokugawa »). C’est à cette époque que les femmes commencent à remonter leurs cheveux et à dévoiler leur nuque, après que les danseuses de kabuki et les prostituées aient popularisé la pratique. La coiffure des femmes de l’époque Edo se distingue par sa diversité. Elle est constituée de 4 parties : le bin qui correspond aux côtés droit et gauche de la coiffure ; le tabo, la partie qui démarre de la nuque et remonte jusqu’au chignon (le mage) ; et pour finir, la frange appelée maegami. Ces 4 parties évoluent au cours de l’histoire, changeant progressivement de forme et s’imposant petit à petit comme des signes sociaux. Bien que toutes ces parties soient distinctes, c’est le chignon qui donne généralement le nom à la coiffure. On dénombre quatre types de chignons : le hyogo-mage, le katsuyama-mage, le kôgai-mage et le shimada-mage. Les noms viennent des lieux d’où ils ont été popularisés ou des personnes qui les ont créées, comme le katsuyama-mage qui trouve son origine chez une prostituée du nom de Katsuyama avant de devenir la coiffure traditionnelle des mariées.
Pour réaliser de telles coiffures, il faut de la masse capillaire, ou des postiches que l’on rajoute à la coiffure, notamment aux niveaux des bin et du maegami bien qu’une certaine longueur de cheveux reste tout de même nécessaire. La réalisation de ces coiffures demande une grande dextérité et une profonde expertise. Les visiteurs peuvent admirer à l’exposition « Secrets de Beauté » une vidéo montrant toutes les étapes de réalisation d’une de ces coiffures. Le travail est long et minutieux, mais le final est incroyablement prestigieux, notamment lorsque les ornements viennent apporter une touche de couleur dans ces cheveux de jais ! De l’or, de l’argent, de l’ivoire, du nacre, du bois… Il y en a pour tous les goûts, et pour toutes les bourses. Quelle que soit leur statut, les femmes de l’époque Edo sont inventives et élégantes !
Si vous pensez avoir appris déjà pas mal de choses à travers cet article, vous serez étonné de tout ce que vous réserve encore l’exposition « Secrets de Beauté » à la MCJP. En tout, plus de 60 objets viennent témoigner de l’art japonais, et plus d’une centaine d’estampes sur le thème de la femme viennent exposer les différentes beautés de l’époque et des différentes classes sociales. Les nombreuses coiffures, exposées sur des mannequins, permettent de mieux se rendre compte de leur complexité et de leur diversité, ainsi que de l’importance des ornements dans la distinction sociale. Un bond dans une époque particulièrement fantasmée du Japon dont on a encore beaucoup à apprendre !
Initialement prévue jusqu’au 6 février, l’exposition a dû s’arrêter momentanément pour reprendre le 19 mai. La nouvelle date de fin est malheureusement bien proche : c’est le 10 juillet prochain que les « Secrets de Beauté » ne vous seront plus accessibles. Alors nous espérons que cet article vous aura donner envie de profiter de ce dernier mois de présence pour découvrir cette merveilleuse exposition que nous vous recommandons chaudement !
La réservation est obligatoire pour l’exposition qui coûte 5 euros (plein tarif) et 3 euros pour e tarif réduit. Informations et réservations par ici.