L’alpinisme au Japon : la quête des sommets
Randonnée et alpinisme sont deux sports de loisir populaires au Japon. Rien d’étonnant : le pays est composé à 75% de montagnes, elles sont accessibles où que vous soyez !
A l’occasion de la sortie d’un nouveau manga sur le sujet, L’appel des Montagnes de Tetsuo UTSUGI aux éditions Soleil Manga, nous nous sommes donc intéressés à ces deux sports de grimpes par le prisme du manga mais aussi pour eux-mêmes, en tant que sport mais aussi comme partie intégrante de la culture japonaise… Sans oublier de finir par un peu de tourisme et de rêve, avec les plus beaux sites à découvrir !
Une ascension par le manga
Si vous êtes de complets néophytes de ces sports, le manga est une excellente porte d’entrée sur cet univers méconnu sur des sports de montagne comme l’alpinisme. D’excellents mangas l’ont pris pour thème, chacun sous un angle différent.
Il y a eu tout d’abord Le Sommet des dieux du grand Jirô TANIGUCHI dans les années 90 au Japon. On retrouve un alpiniste, Fukumachi à la recherche de la vérité autour de la première personne à avoir gravit l’Everest. Un thriller à suspens qui retrace l’histoire de cette quête des plus hauts sommets sur Terre. Cette série est éditée en 5 volumes, disponibles dans la collection Made In des éditions Kana.
Ensuite, autre classique du genre et auteur renommé : la série Vertical de Shin’ichi ISHIZUKA paru entre 2003 et 2012. On suit à travers les 18 volumes Sanpo SHIMASAKI secouriste de montagne dans ses interventions. Avec beaucoup de respect pour la montagne et sa beauté, il met en garde sur l’humilité nécessaire face à cette dernière, démontrant les difficultés et les risques qu’il y a à gravir des massifs. Le risque zéro n’existe pas, et les destinées narrées dans Vertical seront parfois heureuses, parfois funestes.. mais toujours marquantes. A découvrir chez Glénat Manga.
Plus tard, entre 2008 et 2011 a été publié un manga scénarisé par Yoshio NABETA et dessiné par Shin’ichi SAKAMOTO : Ascension. Dans cette série le lecteur se retrouve dans la peau de Buntaro Mori, un jeune homme renfermé qui se découvre une passion pour l’escalade et qui ne rêve que d’escalader les plus hautes montagnes. Elle met en avant les bienfaits qu’apporte ce sport sans l’idéaliser pour autant. 17 tomes vous attendent, aux éditions Delcourt.
Enfin, commencé en 2018 et arrivant ce 14 avril aux éditions Soleil Manga, il y a L’appel des montagnes dessiné par Tetsuo UTSUGI. Ce manga nous fait découvrir cet univers au travers des nouvelles recrues du club d’alpinisme à l’université. Cette série à vocation pédagogique est parfaite pour s’initier au vocabulaire alpin, à comment bien pratiquer, la popularité en dent de scie de la discipline chez les jeunes japonais, les bases pour débuter comme les essentiels d’un bon équipement, en plus de dispenser de bons conseils et de découvrir de très beaux lieux en compagnie de personnages aux tempéraments fougueux et assez marqués. La montagne forge le caractère et dans ce manga comme dans les autres, se confronter aux efforts intenses de l’alpinisme c’est bien souvent se confronter à soi-même !
Résumé officiel : Kanada, Kusaba et Kuroki sont trois étudiants férus de montagne, mais surtout, les seuls membres du club d’alpinisme de leur université. Il va donc falloir trouver de nouveaux membres, même novices, sinon le club fermera. Heureusement, trois nouvelles recrues se présentent à eux pour découvrir ce sport en pleine nature. Il faut sauver le club d’alpinisme de l’université de Santama ! Alors inscrivez-vous et venez découvrir avec les personnages les plus beaux spots de Montagne du Japon !
Là où se rejoignent ses mangas c’est dans le sens de l’effort : des personnages pour gravir les montagnes, qu’ils soient seuls face à eux-mêmes ou en équipe, mais aussi du mangaka pour y dessiner des paysages et une nature à couper le souffle. Les montagnes, à la fois belles, exigeantes et dangereuses, sont au cœur de chaque récit. L’auteur a voulu transmettre, à sa façon, ce sentiment d’humilité que l’on peut ressentir devant ces imposants reliefs ainsi que leur majesté perçant les nuages et le ciel. Rien qu’en lisant ces quatre mangas vous aurez un bel aperçu de cette discipline, de l’état d’esprit qui l’accompagne, de ses points forts comme la beauté du panorama, mais aussi des risques mortels qui l’accompagne.
Après cette initiation en bulles, rentrons maintenant dans le cœur du sujet : pourquoi alpinisme et randonnée en montagne sont-ils des pratiques si ancrées au Japon ?
Des sports qui s’imposent d’eux-mêmes
La présence de ces 75% de montagnes du territoire nippon est due à la situation géographique du Japon. Le pays est à la rencontre de 4 plaques continentales : la plaque eurasienne, nord-américaine, pacifique et philippine. Leur collision a formé la totalité du relief japonais. Une grande partie du relief japonais est composé de volcan pour la plupart éteint, mais quelques-uns sont toujours actifs comme le Sakurajima. Ce volcan en face de la ville de Kagoshima dans le Kyushu rejette de temps en temps des panaches de cendre.
Des lieux chargées d’histoires
Les montagnes ont toujours eu une importance dans la culture japonaise. Au cours de l’Histoire du pays les montagnes, toujours très boisées, ont été vénérées comme des lieux sacrés ou des divinités et sont des endroits qui attiraient les pèlerins dans les monastères. Les mont Hiei et le mont Kôya sont par exemple deux lieux emblématiques du bouddhisme japonais. De nos jours les pèlerinages se font plus rares, mais les religieux se sont effacés au profit des touristes. En témoigne la fréquentation du mont Inari à Kyoto avec son sanctuaire qui enregistrait pas moins de 11 millions de visiteurs en 2019 !
La randonnée en montagne est toujours quelque chose de très ancrée culturellement. C’est une activité pratiquée en famille ou avec des amis. Il est parfois difficile de toujours faire la différence entre ce qui relève de l’alpinisme comme on l’entend en France et ce qui relève de la randonnée. En japonais ces deux mots sont très liés et c’est le contexte qui permet de distinguer l’un de l’autre. Néanmoins si l’on se penche sur le nombre de pratiquants de plus de 15 ans, on en dénombre près de 10 millions en 2016. La randonnée en montagne est particulièrement appréciée par les seniors. Ils représentent plus de 30% des randonneurs. Cette surreprésentation a deux raisons : tout d’abord les plus de 65 ans représentent la génération des baby-boomers d’après-guerre et sont donc nombreux. Puis avec l’âge ces personnes ne peuvent plus faire de sport trop physiques et s’orientent vers la randonnée ou le yoga. Cette population reste très active et de nombreuses associations de randonneurs ont vu le jour.
Ce sport à encore de beaux jours devant lui. Il reste la 5e activité pratiquée par les Japonais actifs. La randonnée a pas mal d’avantages : elle peut se pratiquer dans tout le pays lors des jours de repos. Comme il y a une grande variété de montagne plus ou moins raide, chacun peut trouver une ascension qui lui correspond. Ainsi les plus fougueux alpinistes adoreront gravir des sommets escarpés comme le mont Kitadake, second plus haut mont du Japon derrière le mont Fuji, tandis que d’autres profiteront de leur journée pour gravir tranquillement le mont Kurama, en banlieue de Kyoto.
Notons enfin un constant intéressant de l’auteur de L’appel des montagnes, Tetsuo UTSUGI : selon lui la majorité des Japonais ne connaissent réellement que 25% du territoire et il les encourage à visiter ces endroits. Cela permet aussi de promouvoir le tourisme dans des villages reculés et ainsi revitaliser des espaces qui ont été déserté par l’exode rural.
Avant chaque ascension : la préparation !
Cette activité ne requiert pas tant de matériel. En plus de l’équipement de base (chaussure de randonnée, sac à dos, vêtement de sport) il est vivement conseillé de prendre au moins 1.5L d’eau par personne voir 2 litres en été où le mercure avoisine les 35°C avec une très forte humidité. On peut rajouter une lampe torche ou frontal, car au Japon la nuit tombe très tôt comparée à la France et il peut être dangereux de descendre une pente sans voir où l’on met les pieds. De plus, comme le climat est très humide avec 1750 mm/an de précipitation, beaucoup de guides recommandent d’avoir toujours sur soit un vêtement coupe-pluie.
Enfin une consultation de la météo sur Japan Meteorological Agency est nécessaire pour éviter la mauvaise surprise d’être sous un orage ou pire, un typhon.
La randonné ou l’alpinisme sont des sports qui demandent quand même une préparation en amont mais qui ont de multiples vertus. Se renseigner sur les conditions météo, savoir si les lieux sont accessibles, s’il y a des passages difficiles… tout cela est nécessaire pour garantir une certaine sécurité. Pour des sorties de plusieurs jours un guide n’est pas de trop : en plus d’avoir des informations sur la faune et la flore vous aborderez l’excursion plus sereinement. Ce qui est sûr c’est que quel que soit votre niveau vous trouverez toujours une montagne qui vous convient !
Des efforts qui en valent la peine
Vous l’aurez compris, si durant votre séjour au Japon vous souhaitez découvrir des panoramas à couper le souffle, vous êtes au bon endroit. Voici six montagnes à gravir au Japon, dans un mix entre symboles nationaux et découverte de la faune et flore japonaise. Cette sélection ne comporte que des randonnées abordables pour tous et permet tout de même de découvrir des paysages envoutants.
Le Mont Fuji
Evidement, il y a en premier l’imposant Mont Fuji, plus haut sommet du pays, que l’on ne présente plus. Emblème national, il est un des lieux les plus visité du pays. Son ascension reste accessible à tous. La pente n’est pas trop raide ; en revanche comptez bien 7 à 8 heures de montée pour arriver en haut. Pour les plus motivés il est possible de le gravir en soirée pour se reposer à un refuge à mi-chemin et finir la route très tôt pour admirer le soleil levant. Le seul défaut est l’importante affluence qui peut entacher l’image de carte postale.
Le Mont Inari
Le Kansai n’est pas en reste de mont emblématique. Au cours d’un voyage dans la région on passe forcément par le mont Inari, lieu d’un sanctuaire les plus visités du pays le Inari Fushimi Jinja. Comme pour le mont Fuji, il accueille des milliers de touristes chaque jour. Il s’agit plus d’une ballade de deux heures que d’une randonnée ardue. En vous écartant du chemin principal le silence revient d’un coup et on peut contourner le mont et le gravir de l’autre côté. Cela offre une ballade très agréable où l’on trouve pas mal de petits sanctuaires annexes. Avec ces chemins moins empruntés, on retrouve le mysticisme particulier de ce genre de balade. Après cette petite ascension reprendra son souffle en admirant la vue sur la ville.
Le Mont Kôya
Parmi les montagnes les plus visités il y a également le mont Kôya, situé au sud-est d’Osaka. Bien qu’il existe un funiculaire conduisant directement au sommet, l’ascension à pied reste possible en empruntant le chemin qu’utilisaient les moines en pèlerinage. La randonnée dure environ 7h et fait à peu près 24km. L’intérêt est de suivre l’ancien chemin de pèlerinage et de se mettre dans la peau des milliers de moines des temps anciens venant vénérer Kûkai, un dignitaire bouddhique qui a créé la secte Shingon. Au terme de ce chemin on découvre une partie du complexe de 117 temples dont le mausolée de Kûkai. Désormais il est même possible de dormir dans des shukubô, les chambres de moine, dans certains temples. Une expédition culturelle qui vous plongera dans toute l’histoire de cette religion au Japon.
Des parcours de randonnées à la découverte de la faune japonaise
Après ces trois lieux populaires il est important de mettre en avant des lieux moins connus mais tout aussi uniques. Il existe des sentiers au cours desquels vous aurez peut-être la chance d’apercevoir des espèces endémiques au Japon. Il ne faut pas s’en approcher car cela reste des animaux sauvages, inaccoutumés au contact humain. Rien à voir avec les daims de Nara très friands de sucreries et de caresses, et il est interdit de les nourrir.
Les singes
Tout d’abord il y a un parcours à Kamichochi dans la préfecture de Nagano, au centre du pays, au cours duquel vous gravirez le mont Yakedake, un volcan des Alpes japonaises encore actif qui émet encore un peu de fumée. Les guides japonais parlent de ce lieu comme d’un endroit où l’on ressent que la Terre est vivante. Vous pourrez apercevoir des macaques japonais (Nihonzaru) souvent représenté dans des mangas ou anime comme des amateurs de sources thermales.
Les perdrix
Ensuite dans la préfecture de Toyama, pas très loin de la mer du Japon, il y a un sentier pour gravir le mont Oyama. Au terme de cinq heures d’effort on est accueilli par un sanctuaire très ancien ainsi qu’une vue à 360° sur toute la vallée. C’est dans ce cadre que l’on croiser des lagopèdes, des perdrix japonaises.
Les momonga et les musasabi
Enfin pour finir le mont Takao dans la préfecture de Tokyo. Une randonnée sans difficultés de 2 heures environ et se terminant par un beau panorama. C’est un lieu peuplé par des écureuils volants d’arbre en arbre les célèbres momonga et musasabi. Cette montagne a une histoire lié au surnaturel car il est dit qu’elle est le lieu de résidence d’un puissant tengu, un yôkai aimant tourmenter les humains.
Voici donc 6 lieux au panorama époustouflant chacun avec une longue histoire. En s’intéressant aux montagnes on comprend mieux pourquoi elles revêtent tant d’importance dans la culture japonaise et on touche à de nombreux aspects de sa civilisation. Berceaux de cultes et réserves naturelles, les montagnes sont le poumon du Japon.
Il existe tellement de montagnes à découvrir qu’il est dommage de ne se contenter que des lieux touristiques surpeuplés. Vous trouverez des lieux préservés, calmes et sauvages. Alors n’hésitez pas à vous aussi à vous aventurez un peu plus loin lors de vos futurs voyages. Renseignez-vous auprès des offices du tourisme.
Qui sait, vous découvrirez peut-être un lieu qui vous émerveillera !
Sources :
http://www.jfmga.com/index.html
https://www.stat.go.jp/data/shakai/topics/topi961.html
https://magazine.mercari.com/hobby/outdoor/mountain