Cyberpunk 2077, la révolution du genre cyberpunk ?
Annoncé depuis de nombreuses années, repoussé plusieurs fois, Cyberpunk 2077 est enfin disponible depuis le 10 décembre dernier sur PC, Stadia, PS4 et Xbox One. Grâce à la rétrocompatibilité, les possesseurs de PS5 et de Xbox Series X peuvent tout de même y jouer mais devront attendre la version nouvelle génération qui n’arrivera au mieux que courant 2021. Les bugs et graphismes ont fait coulé assez d’encre pour que ce test se focalise sur l’histoire, l’immersion et le gameplay. Les patchs corrigent progressivement les bugs et pour des graphismes plus actuels, on recommande grandement la version PC, ne sachant pas ce que donnera encore la version next-gen.
Après avoir conquis les fans d’heroic fantasy de The Witcher, CD Projekt Red explore un nouveau genre, le cyberpunk avec son nouveau RPG. Adieu le monde médiéval et fantastique de Geralt et bienvenue dans la ville futuriste et post-apocalyptique de Night City ! Incarnez V, mercenaire hors-la-loi à la recherche d’un implant unique qui serait la clé de l’immortalité ! Choix moraux, infiltration et piratage, fusillades, baston au corps à corps, courses poursuites en voiture… Que vaut ce nouveau monde ouvert ?
Sous les néons, la rage
Le scénario, sous son aspect bateau, est un peu plus profond qu’il n’y parait. Nous sommes en 2077 et les guerres entre les corporations ont ravagé les États-Unis d’Amérique. La cité-état de Night City est dirigée par la méga corporation Arasaka (アラサカ社), elle, brille de mille feux sur la côte ouest. Nous incarnons un citoyen de cette cité, avec au choix trois factions :
- Le/La gosse des rues : Votre origine est trouble, orphelin de naissance, vous avez grandi dans les rues de Night City et vous excellez dans les petits boulots. Tant qu’il y a des Eddies à empocher, vous répondez présent (les Eurodollars sont la monnaie du jeu ; ici, le mot « Eddies » est une contraction argotique).
- Le/La corpo : Vous êtes un agent plutôt bien placé, votre réseau est optimal et vos contrats sont honorés sans fautes.
- Le/La Nomad : Ce sont les plus laissés-pour-compte, on y trouve d’anciens soldats des milices corpo gentiment remerciées, d’anciens bureaucrates, et autres exploitants de fermes. Ils vivent hors de la ville car ils n’y sont plus la bienvenue. Ces hordes pratiquent la guérilla comme dans Mad Max mais sont équipés comme des T-800.
Lors d’un contrat qui nous missionnait de voler une biopuce classée secrète, nous assistons au meurtre du chef suprême d’Arasaka. Pris en tenaille, suite à un guet-apens de la milice, notre marchandise est compromise. Notre coéquipier s’implante la biopuce pour éviter de perdre le butin qui nous mettrait en sécurité pour le restant de nos jours. Devenu exsangue, il succombe à cette mission. C’est désormais à vous de la guider jusqu’à votre commanditaire. Lors de la livraison, vous êtes sauvagement tué, mais la biopuce s’active et vous ressuscite. La vérité est que cette biopuce est une relique, un transcript de Johnny Silverhand (personnage joué par Keanu Reeves), un anarcho-terroriste ayant sévit 50 ans auparavant. Maintenant, votre psyché lutte pour ne pas être supplantée par celle de Silverhand. Votre seule échappatoire : trouver la bonne personne qui va vous permettre d’enlever la biopuce sans endommager votre cerveau ou vous tuer.
The Neon demon
Night-City est une cité-état et ce n’est pas une première dans un jeu-vidéo de pouvoir jouer en milieu urbain. C’est d’ailleurs pour cela que Cyberpunk 2077 est souvent comparé à tort à l’étalon GTA. Oubliez totalement vos expériences vidéoludiques à Liberty City ou Los Santos, Night City en a que quelques traits mais vous avez entre les mains un véritable RPG en mode ouvert. L’architecture de la ville cyberpunk y est incomparable : vous pourrez y reconnaître de nombreuses influences dont Enki BILAL, Blade Runner de Ridley SCOTT et Brazil de Terri GILLIAM. Ainsi, nous avons une cité gigantesque et écrasante toute en méandres et verticalité, où chaque quartier et chaque faction a son ambiance propre.
- Le Maelstrom : leur QG est un ancien abattoir de porcs, ses membres sont vêtus de cuirs et ont leur prothèse apparentes et généralement chromées. Ces brutes sanguinaires sont des cyberpsychos sans foi ni loi : croisez leurs regards rouge écarlate et c’est la mort.
- Les Valentinos : généralement inoffensifs sauf pour les femmes, ce sont de virulents séducteurs. Ils représentent la communauté latine de Night City.
- Les Animals : boostés aux stéroïdes en plus de leurs implants privilégiant la force brute, les combattre n’est pas une partie de plaisir.
- Les Mox : ils représentent les intérêts des travailleurs du sexe, et autres travailleurs invisibles. C’est le plus récent des gangs de la ville.
- Les Voodoo-Boys : c’est la communauté haïtienne de la ville et ils pratiquent une forme de magie à base de drogues et d’exploration sensorielle.
- Les désosseurs : comme le nom l’indique, ce sont des trafiquants d’implants arrachés à leurs hôtes : ils recyclent le matériel cybernétique de façon sauvage.
- Les Tiger-Claws : c’est la communauté japonaise et les membres de ce gang sont plus particulièrement les yakuzas de Night City.
- Les 6Th Street : sont des paramilitaires, d’anciens corps d’armées régulières ou corporatistes toujours actifs.
Il faut toujours composer selon à qui on a affaire. Lorsque votre fixer vous donne votre contrat, certains devront se jouer dans la finesse ou l’infiltration et d’autres, dans la brutalité. Le choix est entre vos mains. Et pour cela, vous disposez d’un arbre de talents permettant de vous customiser de bien des manières pour coller à votre style de jeu ou celui que vous avez envie d’incarner. Augmentez vos talents de piratage pour semer la zizanie dans le camp adverse, couper les caméras, détourner les mitrailleuses automatiques, tout ou presque est possible. S’il vous prend une envie de combat au corps à corps, plusieurs voies s’offrent à vous : le découpage avec une lame à la main, des implants dans les bras pour les transformer en lames acérées. Distribuez des patates de forain avec vos poings en titane avec le dernier cri de bras de gorille. Si vous êtes un as de la gâchette, tout est là : grenades et fusils de tous calibres ! On vous souffle qu’un talent ultime transforme votre bras en canon à en faire jalouser Cobra, tant il dispense la destruction.
En bref que ce soit l’univers de la ville et les opportunités qu’elle vous offre, chaque faction vous enverra en mission plus ou moins risquée. En fouillant un peu et en lisant les éclats qui trainent dans le décors, vous en apprendrez plus sur l’univers très riche du jeu. Nous avons lu ici ou là que les contrats de fixer, c’était du Fedex. C’est un peu vrai et faux. Notre perspective est plus nuancée car chaque lecture d’éclats épaissit la trame plus profondément, et en cela, c’est un régal. Bien entendu, il y a de grands arcs secondaires, avec des personnages plus importants que d’autres qui deviendront (ou pas, selon nos choix) nos alliés au cours des dernières heures… Même si ne pas s’y intéresser est tout à fait possible, vous manqueriez alors tout le sel du propos du jeu. Une chose est sûre, c’est qu’une fois la manette en main, il est très difficile de la lâcher car la ville est vivante et remplie d’une ambiance jamais vue auparavant. Il n’est alors pas anodin de voir son compteur d’heures de jeu capitaliser la centaine en fin de parcours.
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Pour aller plus loin…
Pour en apprendre plus sur le cyberpunk, nous vous conseillons L’histoire du Cyberpunk – des origines littéraires aux dérivés vidéoludiques de Raphaël LUCAS aux éditions Pix’n Love. Ayant grandi dans les années 1990, le livre est une mine d’or pour s’immerger dans les prémices du genre, un retour aux sources avant que Hollywood ne s’en empare et trahisse son esprit rebelle !
Dans ce mook de presque 200 pages richement illustré, l’auteur commence par la création du mot « cyberpunk » par Bruce BETHKE qui le donna comme titre à l’une de ses nouvelles en 1980 mettant en scène un pirate informatique. Au début, il ne s’agira que d’un groupe générationnel de jeunes auteurs partageant une même vision, écrivant sur des thèmes communs allant jusqu’à utiliser des symboles identiques comme des lunettes à verres miroirs par exemple.
Dans son introduction à l’anthologie Mozart en verres miroirs (Mirrorshades: The Cyberpunk Anthology), Bruce STERLING mentionne William GIBSON, Rudy RUCKER, Lewis SHINER, John SHIRLEY ainsi que lui-même. Avec le succès critique et commercial de Neuromancien, le cyberpunk se fait un nom. Gibson réussit à synthétiser plusieurs thèmes et techniques en s’inspirant : du cut-up, expérimentation littéraire qui (dé)compose ou déstructure des phrases pour annihiler le sens premier et en créer de nouveaux par collage/montage/mutation ; des techniques de la Beat Generation sous drogues et psychotropes ; la science-fiction des années 60-70 (Ballard, Delany, Pynchon) ; le jeu vidéo et la salle d’arcade…
Du côté du cinéma, les années 80 ont donné leur lot de films cultes comme Blade Runner en 1982, Ghost in the Shell de Mamoru OSHII en 1987, Akira de Katsuhiro ŌTOMO en 1988. Dans les années 2000, la trilogie Matrix des sœurs WACHOWSKI relancera l’intérêt du public pour le genre.
Raphaël Lucas retrace enfin la longue histoire du cyberpunk dans l’industrie du jeu vidéo, des années 80 à nos jours, avec les premiers titres sur micro-ordinateurs, les productions arcades et consoles.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Pour avoir testé les versions PS4 et PC, nous vous déconseillons d’explorer Night City sur console à cause des nombreux bugs et soucis d’optimisation. Cyberpunk 2077 est une aventure vidéoludique qui s’apprécie sur ordinateur. Si son histoire ne révolutionnera pas le genre cyberpunk, mort à la fin des années 1980, l’architecture et la vie de la Cité-Etat vaut le détour, éclipsant les mondes ouverts de GTA. En bon RPG, tout un système de personnalisation (apparence et compétences) est intégré permettant de créer son personnage adapté à son style de jeu. On pourra reprocher à V de se faire piquer la vedette par Johnny Silverhand ! La star de Matrix n’était pas du tout une apparition marketing et sauve grandement le scénario. Il y a eu des soucis de communication et le jeu n’aurait jamais du sortir en l’état sur consoles certes. Mais Cyberpunk 2077, loin d’être le jeu parfait, et CD Projekt Red ne méritaient pas tout le torrent d’injures et de menaces qui leurs sont tombé dessus !