Manga : Des animaux, des dragons et des Hommes
Voici déjà la 3e épisode notre série centrée sur les animaux dans les mangas. Des animaux et des Hommes (épisode 1, puis 2) : voilà un un vaste sujet que l’on retrouve tout naturellement dans de nombreux mangas. S’il y a eu une vague de mignons petits chats, la mode semble s’estomper en même temps que le genre tranche de vie, pour redevenir une thématique comme les autres. Avec le succès grandissant de l’isekai, des mangas-RPG et du monde de la fantasy en général, c’est un autre type de créature qui est (re)venu sur le devant de la scène : les monstres fantastiques et, en première ligne, les Dragons !
Alors, à poils ou à écailles ? Tranches de vie ou fantasy ? Il y en a pour tous les goûts, alors voici notre sélection !
Les chats & les chiens : nos amis pour la vie
C’est bien connu, nos animaux de compagnie sont nos amis pour la vie. Ils ont pour la plupart une place particulière parmi nous : ils font partie de la famille, pour ainsi dire. Même s’ils sont petits, qu’on ne se comprend pas toujours, ils sont près de nous et nous avons autant besoin d’eux qu’ils ont besoin de nous. Dans Avec toi de Keiko NISHI aux éditions Akata l’autrice nous propose de voir l’évolution d’une famille avec ses joies et ses peines, pas forcément à travers les yeux de leur chat, mais tout au long de la vie de celui-ci. Cette famille va évoluer, se déchirer, se ressouder, le tout sous le regard de leur animal de compagnie. Il ne juge pas, ne prend pas parti, tout comme son autrice. Il est plus spectateur qu’acteur… pourtant, l’idée même qu’il soit absent déstabiliserait leur univers. Ce dernier n’a pas le rôle central de l’histoire, mais il est le liant de cette famille.
Souvent humanisé, le chat est aussi un animal singulier et à ses propres légendes : les Égyptiens sont les premiers à domestiquer les félins, qui permettent de sauver bien des récoltes. Selon eux ils portent chance à leur propriétaire et, de plus, ils auraient neuf vies, un chiffre porte bonheur ! Dans Le chat aux sept vies de Gin SHIRAKAWA (Trois tomes chez Glénat Manga), notre petit ami à moustache est, là encore, un acteur essentiel. Si le mari de Yoshino n’avait pas aidé ce chat, notre héros ne serait pas mort. Mais si il n’avait pas sauvé le chat c’est la boule de poil qui serait morte, dans la rue, sans nourriture. La jeune femme doit faire son deuil avec ce félin à ses côtés, un travail difficile quand on perd l’être aimé. Là encore le chat sera l’âme de ce manga incroyablement touchant. Sauvez pour être sauvé par la suite, nos compagnons sont importants… aussi important que des êtres humains.
La légende des vies multiples est d’autant plus vraie dans Walking cat qui va utiliser cette idée de façon différente et originale. Ce seinen en trois tomes édités par Kana nous emmène dans un monde post apocalyptique où les zombies ont réduit la marge de survie des humains. L’auteur va donc nous présenter la vie des humains survivants à travers l’existence d’un chat blanc. Lui semble ne jamais devoir mourir sous les dents des zombies, contrairement à ses propriétaires temporaires. Il passe d’humains en humains, mais est-ce qu’il porte chance ou malheur ? Est-ce qu’il épuise ses vies au fil du temps ?
Enfin, comme nous le disions en introduction, quoi de mieux quand on parle de chats et de chiens que la tranche de vie ? Même si c’est éculé, qu’on la lu mille fois, on se reconnait dans les petites histoires du quotidien on y revient quand même. Nos souvenirs resurgissent. Ces titres touchent à notre corde sensible, et ils sont toujours efficaces.
Dans La Gameuse et son chat aux éditions Doki-Doki, ce ne sont pas seulement des références à la vie quotidienne d’un maître et son matou qui jalonne le récit, mais surtout des clins d’œil à la vie de gameuse ! Kozakura, 29 ans, est célibataire et ça lui convient très bien : elle consacre la moindre minute de son temps libre aux jeux vidéo, l’occasion pour le lecteur geek et passionné de jeu vidéo de retrouver toutes les références les plus pointues de la vie de gamer : on détruit des mob en one-shot sans se faire os, on rêve de dégoter la gemme ultime même avec un taux de drop au raz des pâquerettes… Le lexique parfait et les tranches de vie se succèdent pour notre hardcore gameuse, un brin asociale, mais voilà qu’un nouveau joueur fait son apparition dans sa vie : un petit chat tout ce qu’il y a de plus réel (et de mignon, avec un superbe coup de crayon) et qui va bien l’occuper entre deux parties… Car cohabiter avec un félin plein de vie, ce n’est pas pour les petits joueurs, quand ils jouent avec votre manette en pleine partie ou se rapproche du bouton off de la console avant que je vous n’ayez pu sauvegarder… Kozakura va le découvrir à ses dépens !
Enfin, si la tranche de vie est un récit qui fonctionne toujours bien avec les chats, terminons avec un clin d’œil à leur ennemi de toujours…Mon shiba ce drôle de chien, par la mangaka AIKO KUNINOI nous raconte son quotidien avec son chien, un shiba trop mignon qui va bouleverser sa vie. Si vous avez déjà eu des chiens les anecdotes racontés par l’autrice vont vous rappeler des souvenirs. Ce n’est pas toujours facile de posséder un chien au Japon : ils sont souvent chers, et surtout les immeubles acceptent rarement les animaux aussi petits soient-ils. Mais ça tombe bien, car Momo, la canidé de l’histoire, va tomber dans une maison avec un jardin. Elle va donc avoir sa propre niche toute belle. Momo a une belle vie de chien avec une famille aimante et plein de petites histoires rigolotes.
Les animaux imaginaires : here comes the dragons !
Véritable emblème de la fantasy et symbole clé de l’engouement pour cette dernière ces dernières années (Games Of Thrones, Le seigneur des anneaux, Les films et séries Dragons, Les cycles de l’Assassin Royal et de la Cité des Anciens de Robin Hobb, etc.) le Dragon est une créature légendaire représentée comme une sorte de gigantesque reptile ailés, aux pattes souvent armées de griffes, que l’on retrouve dans toutes les mythologies, à cette différence qu’il tient plus souvent un rôle protecteur en Asie, là où il est beaucoup plus maléfique en Occident.
Dans les mangas, et pour son retour notable dans la BD japonaise, les rôles sont très variables. Dans Drifting Dragons, le seinen de Taku KUWABARA, le dragon conserve son statut de mythe méconnu mais se voit complètement revisité dans la forme. Dans ce manga, édité chez Pika édition en France, on suit l’équipage du Quin Zaza, l’un des rares dirigeables dragonniers encore en activité. S’ils doivent donc tuer des dragons pour vivre, l’animal devient ici un vrai Mobby Dick des airs, un « monstre » qui n’est pas vaincu aisément et contre qui l’on peut facilement mourir. Mais comme évoqué précédemment, physiquement, l’animal tient plus de la phantasmagorie ghibliesque que du reptile volant : il vole et il a des ailes, certes, mais il y en autant de sortes et d’allures que de poisson dans l’océan, avec un physique qui peut se rapprocher de la Raie Manta, de la pieuvre, de la murène… Ou de créatures totalement alien et inclassables. Son aspect qui semble souvent venu d’ailleurs contribue énormément à établir et renforcer son aura de mystère qui est l’un des nombreux charmes de cet excellent seinen.
L’analogie avec l’océan se retrouve aussi Sky Wars de AHNDONGSHIK, où les sauriens sont ici domestiqués et nommés lindbergh (en hommage à Charles Lindbergh, pionner de l’aviation lors de la première moitié du 20e siècle). Ils font désormais voler des navires dans les airs. Comme le titre l’indique, les cieux sont le théâtre de guerres sans fin entre de puissants Empires, et les lingbergh y sont la matière première pour de puissants vaisseaux, même s’il semble que la lignée originelle de cette espèce se soit perdue à travers les âges. Le dragon conserve son aspect reptilien, avec une bonne touche d’influences dinosauresques même, mais il est désormais asservi par l’homme, voir même l’objet d’expérience pour en faire une machine de guerre démoniaque. Une bonne façon de révolter le lecteur, surtout s’il est amateur de fantasy : impossible de ne pas bondir face à la déchéance imposée de l’iconique dragon… D’autant que le héros de cette histoire, un jeune berger qui va quitter son tout petit monde, est accompagné de ce qui pourrait être le dernier dragon de la lignée légendaire, offrant espoir et un vent de liberté pour cette aventure en 8 tomes (dont 5 déjà parus d’ailleurs, aux éditions Sakka / Casterman).
Le dragon en manga s’appuie donc sur sa popularité et l’extraordinaire richesse de sa légende pour en faire un compagnon de nouvelles aventures aériennes, dans Sky Wars, où renouveler le genre en y ajoutant des thématiques plus actuelles pour ceux qui le connaissent déjà bien. Ainsi, même si le vent de l’aventure souffle dans les voiles de ces deux ouvrages, Drifting Dragons débute comme un manga tranche de vie et, en parlant de tranches, s’amuse régulièrement à devenir culinaire avec des recettes très généreuses (à base de dragons, évidemment) qui vous mettent l’eau à la bouche.
Mais on peut pousser l’originalité encore un cran plus loin. Les chroniques d’Azfaréo, par exemple, chez Akata, reprennent la thématique de la malédiction et de le romance interdite. Dans le royaume d’Azfaréo, protégé par le pouvoir du Dragon Bleu, tout semble aller de travers : il ne pleut plus sur les terres et l’équilibre est menacé… Le pouvoir du dragon serait-il en train de s’affaiblir ? La jeune Rukul, héritière d’une famille de prêtres, est envoyée pour servir la créature mythique, mais elle va progressivement y découvrir bien plus que ça : des secrets royaux… Et peut-être plus. On y retrouve quelques éléments des grandes romances disneyennes comme la belle et la bête, avec un dragon au lieu d’un fauve, comme la jeune fille simple de Cendrillon qui va séduire l’être le plus puissant du Royaume… Les détournements que l’on a déjà connu chez d’autres créatures mythiques, comme les vampires qui ont été moult fois utilisés dans des romances fantasy, se font donc, tendance oblige, à dos de dragons.
On peut aussi citer, encore plus loufoque car cette fois-ci parodique, l’amusant Le puissant Dragon Vegan, où l’imposante créature qui terrifie toute l’humanité, un Dragon de 5000 ans, excusez du peu, est en fait un gros trouillard qui n’a jamais tué personne et se nourrit de graines, terré dans sa caverne. Dans ce manga des éditions Soleil, qui compte pour l’instant deux tomes en France et 5 au Japon, il va être sorti de sa torpeur par Reiko, pourtant élevée pour servir de sacrifice au dragon mais qui, aveuglé par son idolâtrie du mythe va lui mener la vie dure sans le savoir, pour qu’il l’aide à vaincre les créatures qui menacent son village !
Comme toute ce qui fut mythique et qui revient à la mode, le dragon est donc à découvrir ou re-découvrir de plusieurs façons, même si notre liste non-exhaustive n’est pas non plus le fruit d’un tri drastique : on doit compter tout au plus une dizaine de séries actuellement en cours où le reptilien est à l’honneur. Peut-être que ces premiers titres en inspireront d’autres ou encourageront les éditeurs français à fouiller plus avant dans les catalogues japonais ?
En tout cas chat, chien et dragon se déclinent donc à plusieurs sauces, du récit classique qui en reprend les codes, associé à la tranche de vie pour les chats ou à la fantasy pour les dragons, ou en jouant le contre-pied avec du zombie chat ou de la romance dragonesque, du chat gameur ou du dragon vegan. Le dragon a l’avantage d’avoir été moins utilisé et usé dans le format manga, mais son potentiel de séduction n’attendra sans doute jamais celui du félin, surtout pour les amoureux des matous. Dragon ou chat, les deux types de manga sont donc très différents. Ne seraient-ils pas complémentaires, finalement ?
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