Rencontre avec Kichigaï Taïko, The drum’s energy
Le taïko est un art japonais, traditionnellement utilisé dans les matsuri (festivals) et dans les pièces de théâtre. Il fait vibrer l’audience grâce à un son grave qui résonne énormément. Rencontre avec les membres de Kichigaï Taïko : passionnés de musique et d’arts-martiaux, le trio français réalise des performances percutantes et hautes en couleurs. Ils transmettent également leur savoir lors de cours où la bonne humeur est de mise.
Vous avez commencé le Taïko il y a 15 ans, comment l’avez-vous découvert et appris ?
Hervé, Bruno et Lucie, les trois membres fondateurs, pratiquent depuis plus de vingt ans les arts martiaux (le sabre japonais de l’école Katori Shinto Ryu), et s’étaient pour cette raison rendus au Japon dans les années 90, puis 2000. Ils y ont découvert le taïko, parfait mariage à leurs yeux entre la musique et les arts martiaux. Bruno a eu l’occasion de vivre un an au Japon et d’y apprendre le taïko. C’est lui qui a ramené les premières bases de travail pour la création du groupe Kichigaï Taïko.
Qu’est-ce qui vous a poussé à créer un groupe de Taïko ?
L’envie de partager cette découverte avec un public français et européen qui ne connaissait pas, ou très peu, cette discipline. Quinze ans plus tard, nous ne sommes toujours que quelques groupes en France à pratiquer cet art et nous poursuivons notre mission de le faire découvrir autour de nous afin de partager notre plaisir de jouer et notre énergie.
Il y a de nombreux types de tambours dans cette discipline, sur quel(s) type(s) de tambours jouez-vous ? Pouvez-vous expliquer à nos lecteurs leurs spécificités de jeux et de postures ?
Nous commencerons par une précision : le terme taïko signifie tambour en japonais, sans précision d’origine. Si l’on veut évoquer les tambours japonais, on doit parler de wadaïko.
Il en existe effectivement de nombreuses sortes, différents tant par la taille que le son ou la façon dont ils sont fabriqués. En voici une liste non exhaustive :
Dans la grande famille des Miya Daïkos, il y a le gigantesque O Daïko au son grave et profond, qui peut mesurer jusqu’à 3 mètres de diamètre. Le plus emblématique se trouve au pied du Fuji-san et fait l’objet d’une compétition entre musiciens. Il est positionné en hauteur, face au taïkoka qui doit lever les bras très haut pour frapper sur la peau.
Le plus fréquemment utilisé sur scène est le Chu Daïko, de taille et de forme semblable à un tonneau. C’est celui sur lequel nous jouons le plus, sur scène ou pendant nos cours et stages. La particularité du Chu Daïko est de pouvoir être joué dans différentes positions :
Tate uchi : debout face au tambour posé verticalement
Naname uchi : le tambour est incliné à 45° et nous sommes de côté par rapport à lui (inventée par le groupe O Edo Sukeroku Taïko – les Tambours de Tokyo, il s’agit de la position que nous privilégions car elle permet une grande diversité de mouvements autour du tambour)
Yoko uchi : le tambour est posé horizontalement, souvent très bas, et nous jouons latéralement
Yataï Bayashi : il tire son nom du morceau éponyme, où le tambour est posé très bas, légèrement incliné, et le joueur se tient assis devant la peau. C’est la position idéale pour travailler ses abdos.
Enfin, pour en finir avec les Miya Daïkos, il y a le Hirado Daïko, de même diamètre que le Chu Daïko mais plus aplati. Posé à plat sur un support, on y joue de face en Tate uchi. C’est le tambour que nous privilégions pour l’étude lorsque nous avons beaucoup d’élèves et peu de place dans le véhicule !
La particularité des Miya est d’être creusés dans la masse d’un tronc d’arbre (on vous laisse imaginer la taille de l’arbre pour le O Daïko de 3 mètres de
diamètre !) et deux peaux sont tendues, puis clouées de chaque côté. La peau ne peut pas être retendue, elle vit à travers les concerts et les cours, modifiant le son du tambour au fil du temps. Lorsqu’elle est trop relâchée, elle peut être changée grâce à un processus long et fastidieux que Kichigaï Taïko maîtrise depuis quelques années.
Outre les Miya Daïkos, il y a le Shime Daïko, équivalent à une caisse claire, au son très aigu et sec. On peut y jouer debout en Tate uchi ou assis face au tambour. Il sert beaucoup pour les accompagnements, mais on le retrouve comme instrument principal dans certains morceaux emblématiques comme Yataï Bayashi ou Monochrome.
Enfin nous avons le Katsugi ou Okedo Daïko, plus léger que les autres, qui se porte en bandoulière et permet de se déplacer. Très prisé dans les défilés, il est également retrouvé sur scène dans des morceaux très festifs qui demandent beaucoup de mouvements.
Vous vous êtes produits pour différents événements, allant du dojo aux conventions telles que la Necronomi’con et Mang’Azur en passant par des concerts pour l’ouverture de la salle des fêtes de Belfort ou avec l’harmonie de Peugeot Sochaux. Avez-vous été marqués par l’un d’entre eux ? Préférez-vous un type de salle en particulier ?
Toutes nos prestations ont laissé des souvenirs dans nos esprits, chacune avec ses spécificités et ses rencontres. Nous adorons jouer dans les conventions dédiées à la culture pop japonaise, parce que nous y rencontrons un public totalement différent auquel nous sommes heureux de faire découvrir un pan du Japon qu’il ne connaît pas toujours. C’est souvent à ces occasions que nous pouvons laisser libre cours à notre esprit créatif en nous déguisant et en proposant des prestations plus modernes. Nous y sommes toujours très bien accueillis, à la fois par les organisateurs et le public, et nous y retournons avec grand plaisir à chaque fois.
Jouer avec l’orchestre de l’Harmonie Peugeot a été une aventure magnifique, et une belle rencontre avec des musiciens de talent qui nous ont fait l’honneur de la superbe scène du théâtre de la Mals.
Nous jouons également souvent dans les dojos, lors de manifestations telles que les Kagami Biraki (Nouvel An), anniversaire de club, compétitions, etc. Nous sommes invités par des pratiquants d’arts martiaux désireux de renouer avec la tradition et nous sommes toujours ravis de leur proposer des prestations plus solennelles et plus martiales, qui nous rapprochent de notre formation de départ. Nous avons eu la chance de jouer sur la grande scène du Palais des Congrès au festival des Arts Martiaux à Paris. Jouer devant 5000 spectateurs était un vrai challenge et nous avons relevé le défi avec plaisir.
Dans vos spectacles vous avez des temps de démonstrations de sabres ou de danse, pouvez-vous présenter ces pratiques ? Quels sont les points communs et les différences entre le taïko et les arts martiaux ? Vous pouvez également porter des masques, que représentent-ils ?
Le groupe Kichigaï Taïko est né sous l’impulsion de trois personnes, toutes pratiquantes d’arts martiaux. Nous étudions, pratiquons et enseignons le sabre japonais depuis plus de 20 ans (40 ans pour Hervé !) et c’est tout naturellement que nous avons voulu intégrer cette arme à notre pratique du taïko. Proposer des intermèdes au cours desquels le tambour n’est pas au centre de la prestation permet de faire varier le rythme et l’intensité du spectacle et d’amener au spectateur un autre aspect du Japon.
Le lien entre taïko et arts martiaux est évident pour nous, dans les postures, les mouvements de corps et même la frappe qui, dans sa manière d’être exécutée, nous rappelle constamment la coupe au sabre.
Les masques que nous portons évoquent la mythologie japonaise et la naissance du premier taïko. En les portant, nous racontons la légende d’Amaterasu, la déesse du soleil que seule la percussion d’une danse sur un tonneau de sake permet de faire sortir de la grotte dans laquelle elle s’était enfermée. Les masques nous accompagnent généralement lors d’une prestation de claquettes effectuée avec des geta japonaises.
Vous êtes-vous déjà produits au Japon ? En auriez-vous envie ?
Non ! Mais nous en rêvons, pourquoi pas lors du Narita Festival qui permet à pas moins de 800 pratiquants de jouer tous ensemble sur une immense place au milieu des temples shinto !
Depuis plusieurs années déjà, vous proposez des cours de Taïko toutes les semaines et même des journées de stage plusieurs fois dans l’année à Belfort, ville dont vous êtes originaires. Qu’est-ce qui vous a donné l’envie de devenir professeurs et de partager votre savoir pour notre plus grand plaisir ?
Nous enseignons les arts martiaux depuis de très nombreuses années, la notion de partage et de transmission était déjà fortement ancrée en nous. En découvrant le taïko, nous n’avions qu’une envie : l’apprendre à tous ceux qui le souhaitent ! Nos propres Senseïs nous ont proposé leurs connaissances avec une grande humilité et c’est aujourd’hui à nous de continuer la chaîne et de partager le plaisir de jouer au taïko.
Tout le monde peut pratiquer le Taïko ou y a-t-il des contre-indications ?
Le taïko est accessible à tous et à tous les âges à partir de 15 ans (pour des raisons surtout matérielles). Nous avons fait le choix d’enseigner aux adultes plutôt qu’aux enfants, en proposant des cours et des stages qui demandent une certaine rigueur physique. Même si la pratique est parfois physique, chacun peut y aller à sa propre intensité, en y mettant plus ou moins de mouvements et d’énergie. Toutefois, comme toute association sportive, nous demandons un certificat médical d’aptitude à la pratique. Inutile d’être grand sportif pour pratiquer le wadaïko mais lorsque nous nous préparons à un concert, c’est presque la même préparation que pour un marathon…
Qu’est-ce qu’on peut vous souhaiter pour la suite ?
Malgré la crise sanitaire, nous constatons que la volonté d’apprendre le taïko est toujours présente et nous avons de nombreux contacts qui attendent de pouvoir s’initier ou se perfectionner dans la pratique, c’est très motivant. Notre plus grand plaisir, c’est de partager notre art, alors souhaitez-nous toujours plus d’élèves et beaucoup d’autres occasions d’offrir des prestations énergiques et colorées au public !
On vous le souhaite !
Alors êtes-vous tentés par le Taïko ? Pour nous c’est testé et approuvé ! N’hésitez pas à vous rendre sur leur site officiel pour suivre leurs actualités, allez les voir en concert lorsque ce sera à nouveau possible pour des performances riches, et pourquoi pas vous inscrire aux différents cours (hebdomadaires ou se déroulant sur une journée).
Un grand merci à Lucie, Hervé et Bruno pour cette belle transmission de savoir et d’envie d’apprendre.