Le Japon réanime sa filière nucléaire
Le nucléaire fait timidement son retour, alors que le pays pourrait jeter les déchets de la centrale de Fukushima dans la mer. Quels sont les tenants et les aboutissants de la filière nucléaire au Japon, bientôt dix ans après le triple désastre du 11 mars 2011 (séisme, tsunami, explosion nucléaire) ? Journal du Japon fait le point. Le Japon n’est pas résolu à abandonner le nucléaire. Pointé du doigt par les défenseurs de l’environnement et ses voisins, le gouvernement nippon n’attend plus que l’évaluation de l’Autorité de régulation du nucléaire pour rejeter dans la mer les déchets de la centrale de Fukushima.
La part du nucléaire augmente depuis 2014
Le 11 mars 2011, un violent séisme de magnitude 9 sur l’échelle de Richter secoue le Tohoku, région du nord du Japon, faisant environ 20 000 morts. Le tsunami qui s’ensuit dévaste et provoque l’explosion de trois des six réacteurs de la centrale de Fukushima Daichi, toujours en cours de refroidissement. Le Japon s’est alors retrouvé à 0 % de nucléaire en 2014, du jamais vu pour cette filière axée sur le modèle du parc français. En parallèle, l’import de GNL (gaz naturel liquéfié) et la part des énergies renouvelables (essentiellement l’énergie solaire) ont augmenté.
Est-ce à dire que le pays du soleil levant cherche à se verdir ? Pas vraiment. Car le nucléaire repart aussi à la hausse. Avant la catastrophe de 2011, 54 réacteurs étaient en marche au Japon. Après l’accident de Fukushima, toutes les centrales du pays ont été progressivement mises à l’arrêt, pour se soumettre à de nouvelles normes et procédures en vigueur depuis 2013. Au 13 octobre 2020, neuf réacteurs nucléaires (dans cinq centrales différentes) ont reçu l’autorisation d’une reprise des opérations, d’après l’Agence japonaise des ressources naturelles et de l’énergie. Sept autres réacteurs sont eux déjà conformes aux nouvelles normes et en attente d’une telle autorisation, onze sont encore en voie de standardisation. Enfin, seuls 24 réacteurs sont destinés au démantèlement.
En contrepoint, les énergies renouvelables — essentiellement composé du solaire — augmentent de moins en moins. On s’aperçoit alors que leur augmentation est un pis-aller voire une solution temporaire pour le Japon, alors que le parc nucléaire se réanime fortement depuis 2014, après la mise en place des nouvelles normes.
Le nucléaire au Japon : une vieille histoire
Pendant le miracle économique nippon, comparable à des « 30 glorieuses japonaises » qui commencent dans les années 1960, le pays subvenait à ses besoins énergétiques grâce au pétrole. Pourtant, avec le choc pétrolier de 1973, le Japon s’est vite rendu compte qu’il fallait sortir de sa dépendance vis-à-vis des pays pétroliers, avec entre autres un nouvel objectif : 50 % de nucléaire pour 2030. Dès cette époque, bien avant les accidents de Tchernobyl et de Fukushima, le pouvoir faisait face à la méfiance et à la réticence de la population… les 6 et 9 août 1945 restent en effet gravés dans les esprits, et l’énergie atomique est tout de suite très mal perçue. L’État cherche donc à se légitimer. Les Européens et l’Agence internationale de l’énergie atomique l’exhortent à créer sa propre agence de sûreté autonome. Le but ? crédibiliser la nouvelle énergie auprès du grand public. Le Japon se pourvoie plus tard d’une telle agence, mais en gardera largement le contrôle via le ministère de l’Industrie, pro-nucléaire, jusqu’en 2011 où s’opère un simple transfert de tutelle vers le ministère de l’Environnement. Depuis, l’État ne présente aucune alternative. Sans le nucléaire, comment subvenir aux besoins d’un pays si énergivore ?
Fukushima : où en est-on aujourd’hui ?
Le refroidissement du site n’étant pas encore fini, les déchets nucléaires de Fukushima Daichi continuent d’affluer. Ce sont des effluents liquides, riches en uranium et substances dangereuses issus des combustibles usagers. Ils sont enfouis plusieurs centaines de mètres sous terre, après avoir été vitrifiés. À Aomori, préfecture au nord du Japon, 1 800 conteneurs sont par exemple déjà définitivement stockés. Les gestionnaires des déchets se démènent pour trouver les terrains propices au stockage dans tout le pays, l’État allant jusqu’à subventionner à hauteur de 2 milliards de yens les municipalités qui se portent volontaires. C’est le cas de Suttsu, à Hokkaido (l’île septentrionale de l’archipel), où le maire Haruo Kataoka estime que la manœuvre représenterait « des avantages financiers ». Pourtant, il est peu probable qu’un examen soit mené, tant les habitants s’opposent à cette initiative. À Iitate, à quelques kilomètres de Fukushima Daichi, 1,5 millions de sacs en vinyle remplis de terre salissent aussi le paysage… Face à des populations découragées et opposées, le Japon a pris sa décision : il « faut » se débarrasser des déchets dans l’océan.
Le Japon se retrouve dans une situation aux tenants paradoxaux. Il s’agit du seul pays à avoir souffert de la bombe atomique, mais il a pourtant développé l’un des plus importants parcs nucléaires au monde, conscient des risques sismiques. Les explosions de Fukushima Daichi n’auront rien changé : pour le Japon, l’atome reste la seule alternative capable d’assurer son indépendance énergétique. Même avec de nouvelles normes et une reprise beaucoup plus contrôlée des opérations, comment la population pourrait-elle avoir confiance en une autorité de sûreté qui reste sous la tutelle de l’État, résolument pro-nucléaire ? Malgré de nombreux démantèlements, le pays ne démord donc aucunement sa filière. Au contraire, il la redémarre doucement mais sûrement, à l’encontre même des voix qui s’élèvent au pays qui a connu deux bombardements atomiques (Hiroshima et Nagasaki), et la catastrophe du 11 mars 2011.
Sources :
Agency for Natural Resources and Energy, METI, (en japonais)
Article du Monde du 16 octobre 2020
Atlas du Japon, l’ère de la croissance fragile de Rémi Scoccimarro en 2018
Carte des centrales nucléaires au Japon en 2020 sur Nippon.com
Carte des centrales nucléaires au Japon en 2020 de l’Agency for Natural Resources and Energy METI
Processus d’obtention d’une autorisation (fichier en japonais)
Les Japonais de Karyn Nishimura Poupée
Courrier international, semaine du 8 octobre 2020
Tempura, automne 2020
Un article à vous dégoûter du Japon… même si ce n’est pas mieux ailleurs.
Et pour la consommation énergétique ? Bah peut-être arrêter de laisser les lumières/ordis/téléphones allumés sans arrêt et éteindre les lumières des villes au maximum.
Augmenter le tarif de l’électricité pour investir dans des énergies renouvelables etc…