Atelier du Mochi, le rendez-vous aixois (1/2) : rencontre avec les créateurs
Les amateurs de sucreries nippones vont être ravis : la ville d’Aix-en-Provence accueille depuis août 2020 une boutique de mochi confectionnés à la main le jour-même par un couple de passionnés. Journal du Japon vous emmène à la rencontre de Mathilde et Joris, les créateurs de l’Atelier du Mochi.
Journal du Japon : bonjour Mathilde et Joris, et merci pour le temps que vous nous accordez. Pouvez-vous vous présenter ?
Mathilde : je m’appelle Mathilde Bouvier, j’ai 25 ans et je suis d’origine lyonnaise. J’ai quitté ma région en 2012 pour rejoindre Joris dans le Var et commencer une vie à deux. Je suis issue d’un bac L puis j’ai fait un BTS en communication. Mais la grande passion de ma vie depuis toute petite reste la pâtisserie. J’en crée pour mes proches et ma famille depuis que j’ai 8 ans. J’ai toujours eu énormément de plaisir à leur présenter mes petites douceurs de toute sorte et je leur demandais même de me donner des notes. À chaque événement, mon entourage m’appelle pour me demander de faire les gâteaux. Je suis considérée comme « miss pâtisserie » par ma famille et mes amis.
Joris : je m’appelle Joris Brun, j’ai 28 ans et je suis d’origine stéphanoise. Je suis issu d’un bac S puis j’ai continué mes études dans l’immobilier. J’ai fait la connaissance de Mathilde en 2011 dans le sud de la France (j’y réside depuis tout petit) et nous nous sommes épris très rapidement l’un de l’autre. J’ai eu différents emplois de commercial dans le secteur du prêt-à-porter. Mathilde m’a rejoint en 2012 puis nous avons beaucoup voyagé tous les deux pour grandir, apprendre et découvrir les merveilles de différents pays.
D’où vous vient cette passion pour les mochi ?
Mathilde : nous avons découvert le Japon en 2012. Nous y sommes partis en amoureux durant 20 jours suite aux conseils de mes parents qui avaient adoré ce pays, et ce fut pour nous un véritable coup de cœur aussi bien sur le plan culturel et sur leur mode de vie que sur la gastronomie et la pâtisserie. Nous nous sommes littéralement identifiés à leur culture et la découverte du mochi a été une véritable révélation.
Joris : comme nous sommes de grands amateurs de dessert, nous avons cherché à découvrir le plus grand nombre de pâtisseries possible durant notre voyage. Nous avons eu l’occasion de participer à un cours de confection de mochi à Kyoto, et c’est après celui-ci que l’idée a commencé à germer. Nous nous sommes dit que le mochi était un dessert pas assez connu, ou du moins pas à sa juste valeur, voire même souvent méconnu car réduit aux mochi glacés que l’on trouve en occident, et nous avions pour idée d’y remédier.
Mathilde : à notre retour en France, j’ai recontacté la personne qui nous avait fait l’atelier à Kyoto, et je lui ai demandé de devenir mon sensei (maître ou professeur). Après plusieurs mois de négociation, je suis partie vivre chez lui pendant 3 mois pour apprendre le métier. C’était une expérience incroyable et inoubliable, qui est le fondement de notre projet.
Quel a été votre parcours entre l’idée et la réalisation de l’Atelier du Mochi ?
Mathilde : j’ai toujours eu un esprit d’entreprenariat. Initialement, nous avions comme projet d’ouvrir un petit restaurant assez atypique à Paris. C’était en 2014. Tout était prêt : nous avions le local, l’investisseur, le chef cuisinier, etc. 24 heures avant la signature, notre investisseur s’est retiré et la banque a arrêté de nous suivre. Nous avons perdu toutes nos économies, et notre projet est tombé à l’eau. Nous avons dû retrouver un travail et un logement, puisque nous avions quitté nos emplois et notre appartement dans le Var pour la réalisation de ce projet. Ce fut un moment très difficile, nous étions très frustrés.
Joris : suite à cet échec, nous avons repris une vie classique avec chacun un CDI et on s’est stabilisés 3-4 ans. Mais le temps faisant, nous nous sommes rapidement rendus compte que nous n’étions pas heureux et très frustrés. Mathilde travaillait énormément, elle était responsable marketing et faisait 80 heures par semaine. De mon côté, j’étais commercial et j’avais la sensation de n’être qu’un numéro. Il n’y avait rien de stimulant, c’était la routine.
Mathilde : il a fallu 8 années pour oser nous lancer mais le vrai électrochoc a été la perte de mon papa. Il m’a toujours encouragé à réaliser mes rêves car il croyait énormément en cette génération de jeunes entrepreneurs qui prennent des risques pour leurs passions et qui se battent jusqu’au bout pour réussir à en vivre. Il est décédé fin 2018… Nous avons monté notre structure en octobre 2019 avec le choix de vivre une nouvelle vie.
Se lancer dans un tel projet n’est pas chose aisée, quelles ont été et quelles sont vos craintes ?
Mathilde : Il y en a tellement eu et il y en a encore beaucoup ! La crainte de ne pas y arriver, de ne pas tenir le coup sur la durée. Que mes pâtisseries ne plaisent pas. Que le projet tombe à l’eau. Je doute beaucoup, j’ai régulièrement peur mais grâce à ma passion et à notre couple qui reste le pilier de la fondation de l’atelier, nous arrivons à notre échelle à faire découvrir ces pâtisseries qui, pour moi, sont de petits bijoux.
Joris : l’une des plus grosses craintes que nous ayons eu, c’est forcément l’impact du Covid-19. Nous devions ouvrir en mars 2020, et ça a bien sûr était repoussé. On a vu que les gens commençaient à avoir de plus en plus peur, et on s’est dit qu’on avait vraiment mal choisi notre moment. On a aussi dû faire face à un arnaqueur qui devait s’occuper de notre enseigne. Il est parti avec le chèque et maintenant nous sommes rentrés en procédure.
Mathilde : on a aussi eu un problème à cause des pluies il y a quelques jours : le balcon s’est effondré sur notre second espace de stockage et nous avons perdus énormément de marchandises… Entreprendre quand on n’est pas accompagnés, c’est assez difficile. On se retrouve face à de nombreux imprévus et différentes incompréhensions du système, et nous devons nous adapter.
Quels ont été les impacts sur votre vie personnelle en lançant un tel projet ?
Joris : nous avons dû mettre notre vie entre parenthèses pendant plusieurs années afin de réussir à monter ce projet. Cela a été très dur : plus de restaurants, plus de sorties… Il y a eu de gros moments de doute et de frustration.
Mathilde : il y a eu très peu de moments de joie. Comme j’étais dans la quête perpétuelle de « je vais monter ma boîte alors il me faut ci, il me faut ça », je me sentais très vite submergée par plein d’éléments. Il y a eu peu de moments d’évasion. Les seuls étant les moments de pâtisserie pour moi.
Regrettez-vous toute l’implication que vous avez dû fournir pour créer l’Atelier du Mochi ?
Mathilde : absolument pas ! Si c’était à refaire, je le referais ! C’est la meilleure décision que nous avons pris. Nous vivons de notre passion et nous vivons pour nous. C’est extrêmement gratifiant. J’ai le sourire dès que je me lève le matin. Je fais ce que j’aime et ça, ça a vraiment du sens pour moi. Et puis ça n’a pas de prix.
Avec le recul, est-ce que vous estimez que l’échec de votre restaurant à Paris a été bénéfique, ou est-ce que vous en gardez toujours un goût amer ?
Mathilde : je ne regrette absolument rien, et je suis convaincue que ce premier échec a été nécessaire. Quand j’y repense, j’avais 22 ans à l’époque et je ne crois pas que j’aurais eu les épaules assez larges pour gérer une telle entreprise. Un restaurant de 170m² implique de nombreuses choses et beaucoup de gestion, je pense que cela aurait été trop gros pour nous.
Joris : cet échec a été très formateur pour nous. Nous avons appris tout ce qui touche à l’administration et à la création d’entreprise, et tout cela nous a servi pour l’Atelier du Mochi. C’était dur, mais aujourd’hui nous sommes contents que cela nous soit arrivé, sinon l’Atelier du Mochi n’aurait pas vu le jour.
Pourquoi avoir choisi de s’installer à Aix-en-Provence ?
Joris : nous nous sommes installés à Aix-en-Provence suite à la réalisation de notre étude de marché et cela nous a paru être un bon choix. Mathilde étant originaire de Lyon, nous voulions continuer à vivre dans une ville dynamique, accessible et cosmopolite.
L’Atelier du Mochi : mélange des saveurs traditionnelles et occidentales
Quelles sont les valeurs que vous cherchez à partager à travers votre atelier de création de mochi ?
Mathilde : la douceur et le calme japonais, la gourmandise, la grâce qui est très présente dans la pâtisserie nippone, le silence parfois, le raffinement, le travail de produits nobles et le savoir-faire japonais revisité à la française. Pour les daifuku par exemple, la noisette et l’amande ne sont pas forcément des saveurs travaillées au Japon alors que chez nous, il existe beaucoup de déclinaisons autour de ces produits.
Comment se passe une journée type pour vous ?
Joris : on a chacun nos rôles. Moi, je m’occupe des prestataires et je gère toutes les collaborations avec les restaurants. Quand Mathilde pâtisse, je suis à la caisse. Cela dure toute la matinée et empiète parfois même sur le début de l’après-midi. Une fois que Mathilde a fini de pâtisser, elle prend le relais et je pars en démarchage, je m’occupe aussi de toutes les démarches administratives et du développement de la société. Je suis assez polyvalent. On va dire que Mathilde s’occupe de la boutique, et moi je m’occupe de tout ce qu’il y a derrière.
Mathilde : je commence la journée à 6h. J’arrive à l’atelier et je prépare ma pâte et mes garnitures. Je pâtisse jusqu’à 14h environ, parfois plus. Pendant tout ce temps je ne me permets aucune pause : je reste à l’atelier et je pâtisse. Une fois que j’ai fini, je vais prendre le relais à la caisse. En général, je n’ai pas le temps de manger, j’enchaîne tout de suite et cela jusqu’à la fermeture, soit 19h30. Une fois qu’on a fermé, on nettoie et on prépare pour le lendemain avant de rentrer chez nous.
Joris : ça c’est notre programme du mardi au samedi, le lundi c’est différent. On ferme la boutique et on s’occupe de la confection des mochi glacés toute la journée.
Si je comprends bien, votre seul jour de repos est donc le dimanche. Arrivez-vous à déconnecter ce jour ?
Mathilde : absolument pas. Je pense tous les jours et toutes les nuits à mes mochi. C’est d’ailleurs un sujet assez délicat car il va bien falloir que j’arrive à déconnecter à un moment ou un autre. J’espère que cette situation se limitera à nos débuts, et qu’avec le temps j’arriverais à me détacher.
Parlons un peu de vos créations ! Comment avez-vous choisi les différentes déclinaisons de vos mochi ?
Mathilde : pour les mochi glacés, les saveurs ont été assez simples à choisir. On reste sur du classique : chocolat, noix de coco, caramel beurre salé, thé vert, fleurs de cerisier, vanille, etc. En revanche, pour les daifuku, les saveurs ont été travaillées par nos soins. Tout commence d’un point de vue assez personnel : je travaille les saveurs que je préfère jusqu’à ce que je sois satisfaite du résultat. Ce moment est assez long car je dois m’y reprendre à de nombreuses reprises pour avoir l’équilibre qui me semble parfait. Une fois ma recette trouvée, j’en confectionne plusieurs que je fais goûter à mon entourage. Si mes proches valident la recette, alors c’est parti ! Si je reçois des avis plus mitigés, je continue à travailler mes mélanges jusqu’à avoir l’approbation de mon entourage.
Comment sont confectionnés vos mochi ?
Mathilde : la production des mochi glacés se fait grâce à une machine que nous sommes allés chercher en Chine. Joris est parti visiter plusieurs grosses usines sur place et a choisi le modèle, avec l’aide d’un professionnel qui l’a accompagné dans les démarches. Il y a suivi une formation pour utiliser la machine car c’est très complexe, autant pour la confection que pour le nettoyage car nous devons entièrement la démonter entre chaque saveur.
Joris : nous consacrons toute notre journée du lundi à la confection des mochi glacés. Nous en produisons environ 500 pièces sur la journée et cela constitue notre stock pour la semaine. Notre lundi est donc dédié aux mochi glacés. On en profite aussi pour tester de nouveaux goûts.
Mathilde : nous pourrions très bien utiliser cette machine pour faire nos mochi traditionnels mais ce n’est pas du tout ce dont nous avions envie. Autant pour les mochi glacés nous n’avons pas vraiment le choix, car sinon nous ne pourrions pas suivre la demande et surtout parce qu’il est très difficile de travailler une pâte chaude avec une garniture froide, ce qui rend très compliqué le travail de la forme. Autant pour les daifuku, je considère que le travail à la main est essentiel. De plus, j’ai suivi une formation de 3 mois chez l’habitant au Japon alors il serait dommage de ne pas mettre à l’ouvrage ce que j’y ai appris. Le projet perdrait tout son sens si nous utilisions cette machine pour confectionner les daifuku.
Joris : le choix des ingrédients a été essentiel dans notre démarche. Nous travaillons avec le minimum : de la farine du riz, de l’eau et une pointe de sucre pour la pâte, et pour la farce nous nous contentons aussi du minimum. Par exemple les daifuku à l’amande sont faits avec une garniture composée de poudre d’amande, de la fleur d’oranger, une pointe de sel, un peu de sucre et de l’eau. Nous avons choisi des produits de qualité et sans gluten, et nous ne voulons pas travaillé avec des produits additifs.
Quels sont vos espoirs et vos attentes pour l’avenir de l’Atelier du Mochi ? Avez-vous des projets en tête ?
Joris : nous espérons devenir un lieu incontournable pour les fans de pâtisserie nippone ainsi que pour les personnes recherchant des pâtisseries plus saines ou ceux qui cherchent un lieu dans lequel ils puissent prendre un moment juste pour eux. Puis pourquoi pas nous agrandir en ouvrant d’autres points de vente, tout en gardant l’essentiel c’est-à-dire la création de nos pâtisseries à la main. Nous avons aussi pas mal de demandes de différents restaurants aixois mais pour le moment, nous sommes assez limités car nous ne faisons pas assez de quantité pour fournir plusieurs restaurants à la fois. Nous avons donc pour ambition de pouvoir un jour suivre le rythme pour avoir plus de collaborations.
Mathilde : aujourd’hui nous cherchons un pâtissier pour m’accompagner à l’atelier afin de me dégager du temps pour confectionner de nouvelles saveurs, nous prenons notre temps car nous cherchons quelqu’un qui restera sur le long terme et qui sera heureux chez nous. Nous aimerions proposer de nouveaux daifuku, et puis le projet ultime serait d’ouvrir un atelier de création où j’accueillerais 3 à 5 personnes maximum pour leur partager ma passion du mochi et les initier à leur confection. C’était d’ailleurs le projet initial, mais nous nous sommes dit que ce serait difficile de ne vivre que de ça, surtout que les gens ne connaissent pas forcément le produit.
Pour découvrir l’Atelier du Mochi, rendez-vous sur leur site officiel, ou suivez-les sur leurs réseaux sociaux Instagram et Facebook.
Une histoire inspirante qui a mené à la création de l’Atelier du Mochi, le rendez-vous aixois que nous validons autant pour la qualité des mochi que pour le parcours de ses créateurs. Les lecteurs assidus auront relevé une information très importante : ces mochi sont le fruit de 3 mois de formation chez l’habitant au Japon, et nous revenons dans cette expérience culturelle enrichissante dans le second volet de cette rencontre.
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[…] que vous connaissez l’histoire de Atelier du Mochi grâce au premier volet de cette rencontre avec les créateurs, Journal du Japon vous emmène directement au Japon, le […]