Rentrée littéraire jeunesse : albums et roman, émerveillement !
Comme tous les ans, après notre sélection littéraire pour les grands, Journal du Japon vous propose une sélection de livres jeunesse pour cette rentrée littéraire !
Les poissons dorés de Ghislaine Roman et Marjorie Pourchet : un conte écologique et des illustrations comme des estampes
Les éditions Akinomé dont nous vous avons déjà parlé dans cet article ont publié un très bel album jeunesse qui parle de Japon, de mer, de poissons dorés et d’un père et son fils.
Izumo est un pêcheur veuf. Il habite dans un petit village au bord de la mer, non loin de la grande ville (la première page s’ouvre sur un paysage magnifique : la mer du Japon avec des îles et des îlots, des villages accrochés aux rochers et une grande ville avec son phare, son torii rouge).
Tous les matins, il part pêcher et son fils l’observe depuis le ponton. Ce dernier admire son père qui sait où capturer de merveilleux poissons dorés que les restaurants élégants s’arrachent à prix d’or : une crique de toute beauté qu’il lui fait découvrir en plongeant avec lui.
Mais les autres pêcheurs jaloux l’espionnent et découvrent ce lieu de pêche secret. Et la catastrophe arrive : tous les bateaux du coin envahissent la baie, ratissent les fonds marins en arrachant les algues blondes dont les poissons dorés se nourrissent. Il ne reste derrière eux qu’un énorme tas de déchets. Et comme tous les pêcheurs proposent du poisson doré, les prix baissent, tout le monde s’en détourne et les poissons finissent en nourriture pour chat !
Izumo et son fils passeront des mois, des années à restaurer la crique : ils y installent leur maison, plantent des boutures d’algues blondes et patientent …
Au final, leur patience sera récompensée, les poissons dorés reviendront, mais cette fois, le secret sera bien gardé et le vieil Izumo (dont les cheveux ont blanchi et qui a désormais du mal à se déplacer) pourra à nouveau profiter du magnifique spectacle des poissons dorés nageant et sautant dans cette baie préservée.
Les textes sont poétiques, sensibles, comme ceux des contes traditionnels japonais. Et les illustrations qui les accompagnent sont d’une beauté à couper le souffle ! Le lecteur aura l’impression d’entrer dans des estampes japonaises, avec une petite touche de modernité et un petit peu d’art naïf. L’harmonie est parfaite !
Et comme pour le précédent livre pour enfants publié chez Akinomé, le lecteur bricoleur trouvera en annexe trois activités pour créer les plus beaux poissons : un poisson d’avril, un koinobori et un poisson doré en origami particulièrement joli. Et pas besoin de se casser la tête à trouver de beaux papiers, ils sont fournis dans le livre ! De quoi ravir les petits et les grands et penser avec nostalgie aux vacances à la mer …
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Les chroniques de l’érable et du cerisier (Livre I – Le masque de Nô) : une éblouissante épopée dans le Japon du XVIIe siècle par Camille Monceaux
Voici un excellent roman pour adolescents (et pas que) qui devraient combler les lecteurs férus d’aventure, de samouraïs, de théâtre et de rebondissements en tous genres. Ce n’est que le premier volume d’une saga publiée chez Gallimard Jeunesse, dont on a déjà hâte de dévorer la suite !
Ichirô est un jeune garçon qui vit avec un maître du sabre et une vieille domestique qu’il adore. Il est heureux dans ses montagnes, vit au fil des saisons entre étude, voie du sabre, cueillettes, cuisine, promenade au sanctuaire. Il a été recueilli bébé par le maître et ne sait rien de ses origines. Il garde juste précieusement un pendentif en forme de feuille d’érable de ses parents.
Mais cette vie idyllique prend fin dramatiquement et le voilà livré à lui-même alors qu’il entre à peine dans l’adolescence. Il découvre alors que les humains ne sont pas tous aussi bienveillants que le maître et la vieille servante. La vie à Edo pour un vagabond comme lui s’avère très compliquée. La faim, la peur, les coups … rien ne lui est épargné. Mais heureusement, il y a parfois des rencontres salvatrices, des amitiés profondes : Daichi le poète, Shin le vendeur d’éventails, Hiinahime la mystérieuse jeune fille recluse portant en permanence un masque de Nô.
Le livre est impressionnant par la qualité des descriptions, aussi bien du contexte historique (Edo avec son shogun et ses samouraïs qui font régner la terreur et tuent les étrangers, les chrétiens, et Osaka qui tente de résister), que des ambiances des rues, boutiques, théâtres (les pages sur le théâtre kabuki sont passionnantes !). Les personnages sont attachants, et le lecteur connaît aussi bien leur physique que les tourments de leur âme. Il ressent le froid, la faim, la douleur, la joie … s’émerveille de la fraîcheur d’une cascade dans la moiteur de l’été, ou des flocons de neige qui tombent sur un pavillon de thé.
Les intrigues, combats, rebondissements tout au long de la lecture la rendent passionnante et il est très difficile de fermer le livre même pour quelques minutes. Après chaque chapitre, on se lance dans le suivant … Prévoyez donc un week-end pour dévorer ce livre impressionnant dans lequel vous découvrirez de magnifiques héros, des amitiés puissantes, mais également des trahisons, des passions dévorantes, de la jalousie, de la haine et tellement d’autres ingrédients savamment dosés pour passer un moment précieux au cœur du Japon du XVIe siècle.
Le style de Camille Monceaux est à la fois fluide et précis, poétique et dynamique. Entre descriptions minutieuses et dialogues vifs, c’est un tourbillon qui emporte le lecteur au temps des samouraïs !
Une enfance dans la nature :
« Les premiers rayons du soleil percèrent enfin la canopée, et ce furent là des minutes magiques. Les troncs des arbres se mirent à luire comme de l’or, tandis que l’air se chargeait d’une poussière délicate que l’on croyait pouvoir saisir d’un geste de la main. »
La magie du théâtre :
« Lorsque les premières notes de musique retentirent, la pièce fut plongée dans le noir. Hypnotisé par l’atmosphère de sacralité qui était descendue sur la scène, je retins mon souffle. Je n’y voyais encore rien. L’obscurité était complète, d’une épaisseur parfumée et veloutée dans laquelle les notes de musique résonnaient comme dans la caisse d’un tambour. Il me sembla que j’étais sous l’emprise d’une illusion.
Une note aigüe déchira le silence, suivie d’un coup sec. Je devinai Kotoe quelque part dans le noir, en train de jouer du shamisen, les joues rougies par la concentration. Une lumière bleuâtre surgit des ténèbres, accompagnée d’une voix sépulcrale. À mesure que le cercle de lumière grandissait sur scène, je vis apparaître Yuya, méconnaissable sous un maquillage cadavérique. Sa lente danse désarticulée fit remonter un frisson d’effroi le long de mon dos. »
Une saga qui s’annonce digne des meilleures écrites sur le Japon … Si vous avez aimé Le Clan des Otori, vous adorerez Les chroniques de l’érable et du cerisier !
Vivement la suite !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
L’herbier philosophe : Agnès Domergue et Cécile Hudrisier invitent les lecteurs à voir le beau et à méditer
Si Agnès Domergue commence à être une habituée de nos colonnes, c’est bien aussi ce duo qui nous avait déjà enchantés avec le merveilleux livre leporello (un livre en accordéon, NDLR) intitulé La ballade de Koïshi, et il revient en cette rentrée avec un livre tout aussi original, un herbier dans lequel les fleurs aquarellées deviennent sujet de réflexion à la façon des Koan japonais (de courtes phrases, anecdotes ou énigmes, pour méditer et provoquer ainsi « une étincelle d’éveil » selon les mots de l’éditeur).
Une trentaine de plantes et fleurs sont ainsi dessinées et peintes en grand format sur la page de droite, tandis que le nom et le koan sont écrits en grands caractères en page de gauche (ainsi qu’un dessin de la silhouette de la plante accompagnée de son nom courant et de son nom latin en bas de page).
Ces plantes ont en effet des noms très inspirants : herbe aux fous, immortelle, pensée, arbre aux écus, diable dans le buisson ou angélique entre autres. Et immédiatement, ces noms suscitent des idées plus ou moins drôles ou étranges. Ainsi le délicat compagnon blanc (silene latifolia) invite à cette réflexion : « Parfois, la solitude t’accompagne. Tu es son compagnon. Mais que devient-elle sans toi ? » Et pour le myosotis également appelé Ne m’oubliez pas : « Quels souvenirs as-tu de tes instants oubliés ? »
C’est subtil, troublant, enthousiasmant … mais ça ne laisse pas indifférent.
Quant aux peintures des fleurs, on retrouve les petits détails et la structure des plantes faits de traits noirs très fins, ensuite enluminés de belles touches de couleurs pour donner à la fleur finesse et beauté. Des petits détails accompagnent ces plantes : une échelle sur un pot, un insecte qui s’envole, un oiseau qui regarde, mille petits grains qui semblent vivre dans la plante, une souris et quelques feuilles de papier, une chaise posée sur un rocher, une toile d’araignée bien installée et tant d’autres petits détails merveilleux qu’il faut prendre le temps de débusquer.
Ce livre est un très bel objet. La couverture en carton très épais fait penser aux presses à fleurs dans lesquelles on dépose les spécimens cueillis lors d’une promenade. L’ouvrir, c’est pénétrer dans un univers botanique et s’émerveiller comme un enfant en reconnaissant une pensée, un bouton d’or ou un perce-neige. Les couleurs se diluent comme s’il venait de pleuvoir, le papier bien épais est agréable au toucher, et les fleurs se laissent caresser.
Un livre à garder toujours à portée de main pour pénétrer à tout moment dans un jardin enchanté !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Des lectures pour tous les âges, de l’émerveillement pour une rentrée lumineuse !
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