Fullmetal Alchemist : retour sur un manga emblématique avec les éditions Kurokawa
Pour célébrer la réédition, en France, de Fullmetal Alchemist dans une édition « Perfect », Journal du Japon est allé à la rencontre de Grégoire Hellot, directeur de collection chez Kurokawa, l’éditeur historique du manga. L’occasion idéale, après notre critique d’hier, pour revenir sur les nouveautés qu’apporte cette édition, ainsi que sur ce qui a fait de l’œuvre de Hiromu Arakawa le manga culte qu’il est devenu en à peine moins de vingt ans.
Bonjour, tout d’abord, merci d’avoir pris le temps de répondre à nos questions, et félicitations pour cette nouvelle édition.
Fullmetal Alchemist, c’est le titre qui a lancé Kurokawa en 2005, et pour commencer, nous aimerions revenir sur cette histoire commune. D’abord, est-ce que vous pouvez nous parler de vos souvenirs du lancement, il y a quinze ans ? Comment vous avez fait d’ailleurs, en tant que nouvel éditeur, pour mettre la main sur un tel titre ?
Grégoire Hellot : À l’époque, Kurokawa était un nouvel éditeur sur le marché, mais il faisait partie du groupe Univers Poche, qui était déjà à ce moment-là leader sur le marché du roman de poche grâce à sa grande puissance marketing. Square-Enix, l’éditeur japonais, était conscient de la puissance de son titre FMA, et ne souhaitait pas forcément qu’il vive chez un éditeur pour qui il serait « un titre en plus ». Chez Kurokawa, nous leur assurions qu’il serait le plus gros titre de lancement du catalogue, et qu’il ne serait pas « un shônen de plus ». Enfin, grâce à l’expérience des équipes de l’époque, nous avons pu leur promettre un lancement exceptionnel, ce qui fut d’ailleurs le cas puisqu’avant FMA il n’existait pas vraiment de matériel publicitaire conçu pour un lancement de série en particulier.
Qu’est-ce qu’il représente pour vous, comment définir le lien particulier entre Kurokawa et ce manga ?
Il s’agit du manga lanceur de Kurokawa. Bien entendu, nous proposions d’autres titres au catalogue, mais c’était de loin le plus emblématique puisqu’il était déjà très connu et extrêmement attendu par la communauté. En plus de cela, nous avions parfaitement coordonné nos agendas avec Dybex, l’éditeur du dessin animé, puisque nous avons lancé le manga une semaine après la diffusion du dernier épisode du dessin animé donc, grâce à cela, l’attente était à son maximum.
Ensuite, on l’a dit, cela fait 15 ans que vous accompagnez la série. Est-ce que, dans cette période, il y a eu des moments particulièrement marquants sur lesquels vous aimeriez revenir ? Surtout, est-ce que vous pouvez nous dire ce qui, pour un éditeur, rend un projet comme FMA prenant, et comment fait-on pour tenir et accompagner une œuvre comme ça sur la durée ?
FMA était toujours en cours lorsque nous le publiions, donc grâce à cela nous vivions en temps réel les événements qui se déroulaient au Japon et nous avons fait en sorte de les accompagner au mieux pour parfaire l’expérience des lecteurs français. Par exemple nous avons réalisé les versions collectors avec des bonus comme le journal de Roy Mustang qui, à ma connaissance, n’ont jamais été faites en dehors de la France et du Japon. Lors de la sortie du film, puis de la seconde saison du dessin animé, Kurokawa a toujours été à l’écoute des fans pour pouvoir leur proposer au maximum l’expérience qu’ont eu les lecteurs japonais.
En parlant du travail d’édition, venons-en à cette Perfect Edition. C’est la troisième édition de Fullmetal Alchemist chez Kurokawa, elle arrive pile dix ans après la fin de la série au Japon. Est-ce que vous pouvez nous parler un peu de ce qu’elle apporte par rapport aux versions précédentes ?
Cette édition reprend l’édition perfect qui existe déjà au Japon, et qui comme son nom l’indique, se veut être la version ultime de FMA. Il s’agit effectivement d’une version en plus grand format, qui permet de mieux profiter du superbe dessin de l’auteur. En outre, nous avons repris la réalisation des pages, car en 15 ans, nos techniques et notre expérience ont changé. Fabien Vautrin, notre directeur artistique, a par exemple eu la très pertinente idée de proposer les planches originales sans modifier les onomatopées japonaises pour proposer une expérience graphique beaucoup plus « pure » que celle que l’on peut avoir avec l’édition traditionnelle. En outre, nous avons aussi réajusté la traduction. Pas grand-chose, mais il s’agissait de la moderniser un peu, et de réparer quelques petits accrocs historiques comme l’orthographe des noms propres qui ont changé entre les saisons 1 et 2 du dessin animé.
On parle beaucoup, au sujet de FMA, de manga culte. Qu’est-ce qui lui a donné ce statut ? Est-ce qu’il a une importance particulière dans l’histoire des mangas et du shônen ? Est-ce qu’il a changé quelque chose ?
FMA a marqué énormément de gens par la puissance de son histoire, ses choix de narration à contre-pied du véhicule narratif shônen habituel dont il reprend les codes pour mieux les tordre. Le dessin hyper expressif et un découpage incroyablement affûté permettent au lecteur de s’immiscer immédiatement dans l’état d’esprit des personnages et de se sentir très impliqué par la trame de l’histoire, mais aussi par les sentiments qui habitent les protagonistes. Cette histoire, qui se veut aussi parfois cruelle et sans concession, a marqué les esprits à tel point qu’il se dit aujourd’hui que FMA a inventé le genre de la « Dark Fantasy ».
À votre avis, qu’est ce qui justifie qu’il trouve encore son public ? Dix ans après sa fin, qu’est-ce qu’il représente pour ses lecteurs ?
Le scénario de FMA est universel, il s’agit d’une quête familiale qui se déroule à travers les continents et les ethnies, même si tout cela est fictif. Et les valeurs qui y sont présentées et défendues font écho à ce que l’humanité a connu depuis déjà bien longtemps. Hiromu ARAKAWA s’est imprégnée de récits de guerre d’anciens combattants pour donner de l’épaisseur et de l’humanité à son récit dans lequel elle ne glorifie jamais rien d’autre que l’entraide et le bon sens des humains. De plus, son style narratif révolutionnaire pour l’époque est toujours actuel aujourd’hui et ne souffre aucunement de la comparaison avec des mangas contemporains.
FMA n’a pas pris une ride, son histoire est toujours aussi puissante, percutante et touchante. Est-ce que, à votre avis du moins, il y a un futur pour cette histoire ? Ou est-ce que, à un moment, Fullmetal Alchemist ne sera plus un manga actuel ?
FMA est un manga désormais indémodable qui a gagné son statut d’œuvre culte qu’il faut avoir lu une fois dans sa vie, donc même s’il est définitivement terminé, les lecteurs eux n’en auront jamais fini avec lui.
Finalement, comment vous présenteriez FMA à un nouveau lecteur ? Comment vous lui décririez son histoire et ce qui fait son intérêt ?
Une simple phrase : « on ne peut pas se prétendre amateur de manga sans avoir jamais lu FMA ».
Pour aller plus loin : Si l’histoire de FMA compte vingt-sept tomes, elle ne s’arrête pourtant pas là, et comme bon nombre d’œuvres à succès, le manga d’Hiromu ARAKAWA a eu le droit à son lot de produits dérivés. Deux animés, dont la première version, datant de 2003 propose une vision totalement différente de l’histoire, quelques jeux vidéo jamais arrivés en France, mais surtout des romans, écrits par Makoto INOUE et disponibles en France chez Kurokawa, moyen idéal de prolonger les aventures des frères Elric au-delà des 108 chapitres du manga. Pour les plus curieux, Third Edition, sort, dans l’été, l’essai de Mariela GONZÁLEZ, Fullmetal Alchemist : Derrière la porte de la vérité, passionnante et détaillée plongée dans ce qui fait la singularité, l’originalité et la qualité du manga d’Hiromu ARAKAWA. |
Journal du Japon tient à remercier les éditions Kurokawa, tout particulièrement Laure Pedduzi, qui a rendu cette interview possible, ainsi que Grégoire Hellot, bien sûr, qui s’est rendu disponible pour répondre à nos questions.
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