80 Jours Japon – dernier volet : expérience d’expat, vivre et travailler à Tokyo
Troisième et dernier volet de notre série d’interviews avec Amandine et Rodolphe de 80 jours Japon où nous abordons, après leur travail et la vie sur la route, leur expérience d’expat à Tokyo. La capitale du pays, mégalopole économique et culturelle, attire autant les Japonais que les expat et les touristes. Fait-il bon vivre et travailler à Tokyo ? Entretien à cœur ouvert et à bâtons rompus.
Journal du Japon : Maintenant, arrêtons nous sur Tokyo où l’un comme l’autre vous avez vécu et travaillé plusieurs années de suite. Mais pour commencer, est-ce que vous pouvez nous dire combien de temps vous avez vécu au Japon, où, et pourquoi vous avez choisi ce pays ?
Amandine : Pour moi, ça fait à peu près quatre ans, avec le séjour 80 jours japon, et j’ai toujours vécu à Tokyo. J’étais venue au Japon parce que je venais de finir mon master et mon alternance à Paris, et j’avais besoin de changer d’air et d’explorer quelque chose de nouveau. D’un point de vue professionnel, c’était le début de ma carrière à plein temps et j’avais déjà de l’expérience, donc je me suis dit que j’allais aller à Tokyo et trouver un job adapté à mes études. Je ne parlais pas la langue, je suis donc allée en école de langue de japonais pendant 6 mois, pour apprendre les bases, et dès la première ou deuxième semaine j’ai trouvé un job à temps partiel pour l’entreprise qui m’avait aidée à trouver une école de japonais. J’ai commencé à travailler pour eux à mi-temps, puis à plein temps. C’était dans une agence qui aide les étrangers à venir étudier au Japon.
Rodolphe : Moi je suis resté en tout un peu plus de trois ans. La première fois, je suis parti en PVT pendant un an parce que j’adore apprendre les langues vivantes à la base, et que j’avais envie d’apprendre une langue asiatique. J’hésitais entre le chinois et le japonais, et le japonais sonnait mieux à mon oreille, je trouvais ça plus agréable à entendre, ce qui est très subjectif. Et puis, j’ai commencé à apprendre juste des mots que j’aimais bien, puis les syllabaires japonais, et de fil en aiguille j’ai commencé à vraiment m’intéresser à la culture et à la langue. J’ai commencé à apprendre tout seul, j’ai appris à la fac, ensuite j’ai fait un passage chez All nippon Airways, l’équivalent d’Air France, à travailler à Charles de Gaulle, l’aéroport à Paris. Et après je suis parti en PVT en me disant que j’allais chercher des opportunités là-bas, et surtout je voulais pratiquer mon japonais pour qu’il devienne bon.
Ensuite, je suis reparti du Japon ; mon expérience n’avait pas forcément été à la hauteur de mes attentes. J’avais des illusions et j’étais peut-être pas assez mature quand je suis parti. Puis, c’est Amandine qui a trouvé mes vidéos et le blog que j’écrivais à l’époque, et elle m’a dit qu’elle avait un job pour moi à Tôkyô, qu’elle voulait bosser avec moi. J’étais à Shanghai à ce moment-là, en Chine. Ils n’arrivaient pas à me faire de visa donc j’ai dit oui. J’ai toujours eu le sentiment que j’avais besoin de faire un deuxième round, et je me suis dit que si on m’appelait comme ça c’est que c’était le destin, donc j’y suis allé, et je suis resté deux ans et demi, j’ai rencontré Amandine, on a fait le projet, et on en est là aujourd’hui.
On va reparler de votre première expérience de Tokyo, mais avant ça, pour commencer, est-ce que vous vous souvenez de ce que vous écoutiez ou de l’œuvre qui vous accompagné pendant votre premier voyage, dans l’avion ?
A : Étrangement, avant de venir au Japon, je regardais beaucoup de documentaires sur le Japon sur NHK, des animes aussi et je lisais pas mal de manga. J’écoutais un peu de musique, et c’est en arrivant au Japon que, au bout de six mois, c’est devenu complètement français et anglophone, parce que le fait de ne pas pouvoir parler français au quotidien, d’être toujours avec du japonais, au bout d’un moment, le cerveau a besoin de décompresser. A la maison j’ai commencé à écouter du rap français, pas mal de musique anglaise etc … Mais avant oui, j’écoutais beaucoup de trucs japonais, d’animés japonais.
R : C’est marrant parce que c’est pareil pour moi. Là, depuis que je suis rentré en France j’écoute beaucoup, beaucoup de sons japonais. J’en ai même fait une vidéo, parce que j’aime beaucoup ce style de musique. Mais c’est vrai que sur place, tu es vite saturé, et comme Amandine dit, j’avais besoin de retrouver un peu de français, et c’est au Japon que j’ai commencé à m’intéresser au rap Français. Avant je n’en écoutais pas du tout, alors que maintenant j’ai une culture rap assez solide parce que je voulais juste écouter des paroles en français à la base, et j’ai bien aimé.
A : Et sinon, pour le début moi quand je suis arrivée, j’ai beaucoup été influencée par les Ghibli, par exemple, ou tout animé slice of life et onirique comme Mushishi …
Sinon, des trucs du quotidien où tu te rends compte que tu reconnais les paysages. Quand il y a les matsuri ou qu’on connait des endroits comme Shibuya, Shinjuku, que t’as déjà vu avant dans des anime, des dramas ou des films, c’est marrant parce que t’as l’impression de passer à travers l’écran.
R : Moi c’était GTO. Je suis pas du tout ni anime, ni manga, j’en ai lu et regardé que très peu, c’est Amandine qui me fait regarder ça. Il y en a auxquels j’accroche mais je n’y vais pas de moi-même. Mais par contre GTO, j’ai énormément accroché. Je l’ai regardé en français et je trouve que c’est le seul anime qui est valable en français, trop drôle. Et quand je suis arrivé au Japon, il fallait que j’aille à Kichijoji. Je suis allé voir deux, trois endroits qui sont passés dans l’anime, et ça, c’est vrai que pour le coup, ça m’a suivi, parce que c’est un animé qui m’a marqué, et c’était vraiment cool de pouvoir retrouver les lieux. Sinon, en terme de musique, moi, j’écoutais Gazette, Alice Nine, toute cette scène visual key … C’est ça, moi, que j’avais dans les oreilles dans l’avion.
Rodolphe, toi qui fais de la photo, est-ce qu’il y avait des photographes japonais qui t’ont inspirés et que t’as essayé de retrouver sur place ?
R : (Il hésite) Non. En fait, j’ai découvert la photo quand j’étais sur place grâce à ma pote Mutz qui est photographe. Et du coup c’est en traînant avec elle que, de fil en aiguille, j’ai sympathisé et j’ai rencontré des gens. Mais c’est pas des gens qui font des expos ou qui sont connus. C’est vraiment un groupe de potes qui font de la photo. Sinon, il y en a un dont j’aime bien le travail, Tatsuo Suzuki. C’est un mec qui fait de la photo de rue en noir et blanc, et il est très fort dans ce qu’il fait. Il traîne tout le temps à Shibuya. Il fait des portraits de gens dans le quartier.
C’était quoi votre première impression de la vie au Japon ? Les premières étapes de votre installation à Tokyo ? Plus généralement, comment commence-t-on sa vie d’expatrié au Japon, que ça soit sa vie professionnelle, sociale ou même administrative ?
R : Je pense que le terme d’expatrié, tout le monde le voit différemment, mais pour moi c’est quand ton entreprise t’envoie dans un autre pays. Et en ce sens-là, il ne nous colle pas parce que nous, on est partis seuls. Moi, je ne suis même pas parti pour faire une école de langue, je suis parti en PVT, je n’avais rien et j’ai découvert sur place, tandis qu’en tant qu’expat, ton entreprise va te faciliter certaines démarches, tu auras certainement un appartement et d’autres trucs.
A : Pour moi, en expat, quand c’est l’entreprise qui t’envoie, tout est beaucoup plus facile. Au niveau financier, tu as une sécurité financière sur place. Moi, quand je suis partie au Japon, j’avais pas grand-chose sur mon compte, et les premiers mois ont été hyper difficiles parce que je voulais tout faire moi-même, et ne rien demander à mes parents. Et je pense que pour le coup, c’était plus une situation d’immigrée. Tu n’as rien dans les poches, tu te débrouilles, et tu apprends au fur et à mesure. Tu trouves des gens qui peuvent t’aider, te donner des conseils. C’était la vraie galère au début.
R : Ce n’’était pas vraiment la galère pour moi, c’est juste que la shared house dans laquelle je me suis retrouvé pendant ma première année était une catastrophe. J’avais vécu un an en Angleterre dans une maison avec quatre autres personnes et on s’éclatait. Au Japon je n’ai pas du tout retrouvé ça. Il ne faut pas faire de bruit, les murs sont fins, pas de bruit après 22h, les gens te disent à peine bonjour. C’était très froid et j’étais très déçu de trouver une ambiance comme ça, parce que les shared houses au Japon, c’est soit tout blanc, soit tout noir. Y en a dans lesquelles tu peux te faire des potes et tu vas t’éclater, d’autres, comme celle où j’étais, où c’est la mort du fun. C’est un dortoir et rien d’autre, et faut pas déranger les autres. Après, quand je suis retourné au Japon depuis Shanghai, j’ai dormi chez des potes pendant presque six mois avant de trouver un appart, parce que je ne savais pas combien de temps j’allais rester au Japon. Puis, quand j’ai vu que j’allais rester longtemps, j’ai rencontré un pote qui s’appelle Thibault, qui est un très bon ami. Il se trouve que l’appartement à côté du sien était libre, du coup il a demandé à son proprio si personne ne le louait et je l’ai pris. J’ai eu énormément de chance pour tout ce qui est appart, je suis passé à travers les mailles du filet. Au Japon, c’est très dur, il faut toujours payer l’équivalent de trois loyers, ce n’est pas une caution, c’est un cadeau que tu fais au proprio ! Et il y a des frais assez conséquents quand tu emménages. Après pour tout ce qui est paperasse, je parle Japonais, et, c’est vrai que la paperasse c’est chiant dans tous les pays, mais au Japon c’est très clair, c’est assez facile. Et il n’y a pas ce côté comme en France … Au Japon c’est le client avant tout … Mais ça reste chiant car il y a des choses qu’on ne te dit pas forcément quand tu es immigré et que c’est à toi de faire seul et de découvrir … Mais tout se fait assez facilement, et si tu as des gens de la même nationalité que toi déjà implantés, il faut leur demander.
A : Ou même sur internet, sur les groupes Facebook d’entraide d’étrangers au Japon, les gens s’entraident pas mal.
R : Ouais, je pense qu’aujourd’hui grâce aux réseaux sociaux, c’est un des bons côtés, il y a beaucoup de groupes d’étrangers dans différents pays, et il y a pas mal de gens qui postent de l’aide parce qu’on passe tous par là. Comment avoir son téléphone, comment payer son loyer, ses factures … Mais ça s’apprend assez vite. Je pense qu’au bout de 3 ou 4 mois, une fois que t’as tout réglé, tout devient très naturel.
Justement, après cette première période, une fois que vous aviez pris vos marques, à quoi ressemblait votre quotidien à Tokyo ?
A : Déjà on était plus jeunes, donc pour moi c’était pas mal de sorties, de resto, de bars …
R : Je ne pense pas que ça ait à voir avec le fait qu’on était plus jeunes
A : Par rapport au début de notre aventure au Japon et la fin, c’était un peu différent. Je sortais tous les soirs par exemple.
Voir cette publication sur Instagram
R : Je ne sais pas, ça a toujours été pareil pour moi… Peut-être le célibat qui joue…
A : (Elle rigole) Ouais, peut-être le célibat. Le truc au Japon c’est que vu que tu habites dans un petit appartement ou une petite shared house, toute la vie se fait en dehors de la maison, même pour manger. Les cuisines sont microscopiques, tu n’as pas le temps de cuisiner, et si tu veux manger équilibré et bon ça coûte cher de le faire soit même. Donc, tout se fait dehors, et moi je passais mon temps dehors, et je rentrais que pour dormir et me laver quoi.
R : Pareil pour moi. Et d’ailleurs quand je cherchais un appart je m’en tapais complètement : tout ce que je voulais c’était avoir un endroit où dormir et qui soit un peu cosy. Mais je n’avais même pas de wi-fi chez moi, par exemple. J’étais tellement peu chez moi … ça ne m’intéressait pas, je passais ma vie dehors. Et c’est vrai que quand j’y pense aujourd’hui, et quand on me demande si le Japon me manque, je réponds toujours la même chose : que ce n’est pas le Japon qui me manque, c’est mon cercle d’amis là-bas et mes potes qui sont dans le même milieu que moi, la photo et la vidéo …
Justement, comment vous avez fait ces rencontres sur place ?
R : Perso, c’était pendant mon PVT au tout début. Je me souviens, j’avais rencontré des Français à Tokyo et j’avais rencontré un mec qui voulait faire modèle au Japon. il m’a dit que je devrais essayer de faire modèle. A l’époque, j’avais zéro confiance en moi et j’y croyais pas une seconde, mais je me suis dit qu’il avait l’air de savoir ce qu’il disait…alors qu’il en savait rien. Mais du coup je me suis dit pourquoi pas, et il m’a présenté une photographe qui lui avait fait des photos. Et cette photographe, c’est Mutz, qui est une de mes meilleures amies aujourd’hui. Quand on s’est rencontrés, je pensais qu’elle allait me faire payer le shooting, et en fait, pas du tout. Elle m’a invité chez elle, on a parlé, et on s’est très, très bien entendus. Elle a 46-47 ans, je crois, et elle a vécu 11 ans en Angleterre ce qui fait qu’elle est Japonaise que sur la carte d’identité, mais pas dans sa tête. Ça a très vite collé entre nous, et donc on est devenu de très, très bons amis très vite, et grâce à elle, j’ai rencontré pas mal de gens dans ce milieu. Sinon, Youtube, Instagram, ça m’a beaucoup aidé. Youtube, ça m’a permis de rencontrer les autres youtubeurs Japon. On se connaît tous plus ou moins, avec plus ou moins d’affinité, mais en général on s’est tous rencontrés au moins une fois. Guillaume ou Amine de Ichiban Japan et Japania, ce sont des potes et quand on est à Tokyo, on se capte, et voilà. Via eux, j’ai rencontré d’autres gens. J’ai un autre pote qui s’appelle Alan qui est photographe. Lui m’avait contacté sur Insta en me disant qu’il venait d’arriver à Tokyo et voulait devenir pro ici. Il m’a proposé d’aller shooter ensemble, j’ai dit ; « Ouais, carrément !». Il est toujours là-bas, ça marche super bien pour lui … Je pense que c’est une question de réseau, de contact, et surtout de sortir très souvent, en fait.
Voir cette publication sur Instagram
Pour toi Amandine, c’était à peu près pareil ?
A : Non pas vraiment. Vu que j’étais en école de langue, la plupart de mes amis étaient tous étrangers. Il n’y avait pas ou très peu de Français mais il y avait toutes les nationalités. Et pareil, via mon travail. Du coup, mes amis venaient du monde entier, et, étrangement, ça a été plus facile de me faire des amis étrangers que français parce qu’il y avait cette mentalité internationale que je préférais. Je sais pas comment l’expliquer…Les gens, en général, sont beaucoup plus ouverts quand ils viennent de l’étranger qu’en France, en particulier sur toutes les questions qui pourraient porter préjudice dans des amitiés françaises. Donc j’avais beaucoup d’amis étrangers, très peu d’amis français. J’avais des amis d’amis, mais voilà.
Parmi tous ces gens que vous avez rencontrés, est-ce qu’il y a une œuvre qu’ils vous ont fait découvrir qui est restée avec vous après ?
A : Je dirais que ça serait plutôt une découverte de l’art, parce qu’à Tokyo, et au Japon, il y a pas mal de musées. Ils sont un peu plus cher qu’en France, mais il y en a énormément, et les expositions changent constamment. J’ai vu beaucoup d’exposition … Par exemple de Yayoi KUSAMA, ou des expositions vivantes.
Les Japonais adorent quand il y a un groupe de représentations complètement random, où tu te demandes quel est le but. Il y en a partout, dehors comme dedans, dans les musées … Ce sont des performances, avec de la musique, traditionnelle ou pas … D’ailleurs, ils aiment bien tout ce qui est musique un peu destroy comme le « noise » par exemple. C’est ça que j’adore au Japon, ils sont hyper flexibles quand ça a un rapport à l’art, et c’est vachement accessible, parce que parfois, il y a des expos juste dans un café ou n’importe où, et c’est trop bien.
Et pour toi, Rodolphe ?
R : J’ai mon pote Yuji qui mettait tout le temps les mêmes sons à chaque fois qu’on se croisait. C’est un très bon ami que j’ai en commun avec Mutz, et qui est photographe aussi, mais plus jeune, il a 26 ou 25 ans. Son père est japonais, sa mère vient de Californie, métisse donc. Il écoutait tout le temps, LUV, l’artiste américain super-pop.
A : Ouais, il met que de la pop-house.
R : Ouais, tout le temps des trucs comme ça. Et du coup, j’écoute moi aussi parce que ça me rappelle les soirées qu’on a passées ensemble. Et sinon, il y a un mec que j’ai rencontré, mais c’est autre chose, c’était à Fukuoka. Il s’appelle Rickie-G. Je l’ai rencontré via un mec que j’avais rencontré dans un bar à Osaka mais qui habite à Fukuoka. On s’était retrouvé là-bas et il y avait cet artiste, qui faisait un concert deux jours après à une beach-house, un resto bar sur la plage. Et encore aujourd’hui, j’écoute ses sons, c’est vraiment posé, super cool. Je trouve qu’il est original parce que ce sont des sons en japonais mais c’est un style qui fait pas du tout japonais. Ça fait plus son des îles, un peu reggae … Ça fait plus jamaïcain que japonais, et je trouve que ça passe super bien.
Toujours sur le sujet de la vie à Tokyo, est-ce que vous pouvez me parler un peu plus de ce que c’est la vie en tant qu’étrangers, ou gaijin, là-bas ?
R : (Amandine rigole) On l’a senti différemment parce qu’Amandine est une femme et moi je suis un homme, et donc c’est très différent, donc je vais la laisser commencer …
A : Étrangement, au début de mon expérience, c’était il y a 4 ans, début 2016 … En fait, ces deux dernières années, le tourisme au Japon a vachement évolué, et même en vivant au Japon tu le sens. On a vécu le changement. Au début … Enfin, la première fois que je suis allée au Japon, c’était il y a dix ans, et il y a dix ans, tous les Japonais venaient te voir, te demandaient d’où tu venais, voulaient t’aider … Ils étaient aux petits-soins. Quand j’ai commencé à y vivre en 2016, ils étaient beaucoup plus habitués aux étrangers et il y avait très peu ce genre de choses. Et vers la fin, par contre, tu sentais de l’exaspération. Moi, je me prenais des coups dans les transports. Des salarymen un peu vénères le soir, ils en profitent pour donner des petits coups à des meufs étrangères ou japonaises d’ailleurs (NDLR : Rodolphe approuve). Mais dans les restaurants, on se faisait recaler tous les deux, alors que moi je ne m’étais jamais fait recalée de ma vie dans un restaurant au Japon. Ils nous disaient : « No english, no English » mais je n’avais jamais eu ça au début de mon aventure, que ça soit avec des étrangers ou des gens japonais avec moi. On a vraiment vu l’évolution de l’exaspération des habitants par rapport au tourisme de masse.
R : Après il y a un truc qui joue aussi, c’est quand tu arrives en tant que couple d’étrangers. Si tu arrives en couple avec un ou une Japonais.se ça sera un peu différent, parce que même si la personne en face n’aime pas trop les étrangers, vu qu’il y a une personne du pays, il ne pourra rien dire. Donc quelqu’un qui est en couple avec un ou une Japonais.se ne ressentira pas forcément ça …
A : Mais même avant, quand j’étais avec des groupes d’amis étrangers, il n’y avait pas ça … C’était vraiment vers la fin que ça a commencé.
R : Bien sûr, mais je voulais juste dire ça parce que quelqu’un qui aujourd’hui est en couple avec un Japonais va dire qu’il ne comprend pas ça et n’a jamais vécu ça, mais c’est normal. Mais c’est vrai que j’ai été très surpris et … Il y a un jeu que j’aime bien, c’est de laisser planer le doute sur le fait que je parle japonais ou non. Des fois, je ne parle pas pour voir si on parle de moi, et c’est très, très amusant parce que les Japonais ont encore du mal à se dire que les étranges peuvent parler leur langue. Ça, c’est un jeu que j’aime bien parce que je suis un vrai gamin, et quand tu rentres dans un restaurant et que le mec me dit : « No english, no english », ça crée une espèce d’ambiance assez bizarre. Et je préfère en jouer un petit peu et manger même si l’ambiance est cheloue et montrer au mec que je parle sa langue et que je ne suis pas un barbare, que de sortir en m’excusant. C’est vrai que c’est déjà arrivé une fois avec Amandine, on est allé dans un resto à côté de chez elle où le mec ne nous a pas dit bonjour, il nous a juste demandé si on savait lire le japonais. Et j’ai été un peu surpris qu’il n’y ait pas de bonjour, pas de « Irasshaimase », rien. Quand je lui ai répondu que oui, bien sûr, il a été surpris et il nous a dit de s’asseoir … Il pensait nous recaler et, en fait pas du tout. Il y avait deux ouvriers dans le resto avec ce monsieur, et les dix premières minutes on a senti que c’était un peu pesant. Puis après, il nous ont un peu oubliés, et la femme du chef était vachement plus cool. C’est elle qui venait à notre table prendre nos commandes. Mais lui, tu sentais que ça l’avait fait chier.
A : Voilà, il y a eu deux, trois mauvaises expériences par rapport à ça, mais, quand même, en général, ça n’arrive pas. C’est minoritaire, mais c’est des trucs qu’on ne vivait pas avant que le tourisme de masse n’explose. C’est un truc qui a changé, et, quand on parle du Japon, on parle souvent de ce que c’était avant le tourisme de masse. Parce que, maintenant, avec ça, c’est hallucinant. Les habitants te regardaient comme si c’était impossible que tu puisses parler la langue ou vivre au Japon, et surtout, c’est encore plus froid.
R : Tokyo, ce n’est pas très chaleureux de toute façon.
Voir cette publication sur Instagram
A : Oui, oui, mais avant ça l’était plus. Les premières fois où j’y suis allée, on venait me voir si j’avais l’air perdue ou quoi que ce soit. On m’a même aidé à porter ma valise et c’est un truc qui n’arrive plus, à Tokyo en tout cas.
Dans le prolongement de cette question, Amandine, quelle a été ton expérience du Japon et de Tokyo en tant que femme, et surtout en tant que femme non japonaise ?
A : (Elle hésite un moment) En fait, c’est un truc que tu ne remarques pas tant que tu ne vis pas les mêmes expériences avec un homme. Par exemple, un jour je suis allée à un café, j’ai demandé le plat du jour avec tout ce qui allait avec. Et la personne qui m’a servie a oublié la moitié des trucs et il ne me l’a pas dit. J’y suis retournée le lendemain avec Rodolphe, et ce n’était pas la même personne, mais cette fois-ci j’ai eu tout le menu. On m’a demandé si je voulais des trucs en plus, et les gens demandaient à Rodolphe, pas à moi. Sinon, niveau professionnel, j’étais marketing manager, donc un poste à responsabilités. Et ce genre de postes, c’est très rare que ça soit une femme qui l’occupe, encore plus une étrangère. Et plus d’une fois, limite si on a cru que je servais le thé, ou que Rodolphe était mon boss alors que pendant un moment il était mon assistant. Et il y a une fois, j’étais tellement en colère, j’ai sorti ma carte à un salaryman avec qui j’avais rendez-vous. Et il ne savait pas que mon nom était un nom féminin, et il a complétement buggé. Il a changé du tout au tout quand il a vu que j’étais une nana et que j’avais des responsabilités. Aussi, une autre fois, pendant le road-trip, on avait rendez-vous avec des gens avec qui on faisait des documentaires, et c’était moi qui avait tout organisé, en anglais. Et la personne ne pouvait pas croire que c’était moi qui envoyais des mails et pas Rodolphe …
Tout ça, comment tu l’as vécu personnellement ? Est-ce que ça t’a affectée (elle éclate de rire) ? Et c’est quoi ta position par rapport à tout ça ?
A : D’un côté forcément, ça me saoule et ça me révolte, mais ils sont juste, entre guillemets, « ignorants »**, et ils n’arrivent pas à comprendre qu’une femme peut-être l’égale des hommes. Et je pense que ça vient juste de la société. Au Japon, ce sont les hommes qui font tout et régissent tout, parce que déjà, le gouvernement, c’est quasiment tous des hommes et tous âgés en plus. Donc, c’est la mentalité d’après-guerre. Parfois même, ce sont des gens qui sont nés pendant la guerre. Et, en fait, c’est ça, au Japon, il y a énormément de bonnes choses qui viennent du fait qu’ils sont hyper conservateurs, notamment par rapport aux traditions, par exemple, mais en même temps, ils n’arrivent pas à comprendre que la femme est l’égale de l’homme et vu que ça a toujours fonctionné comme ça, ils ne veulent pas le changer.
R : Et puis, les femmes elles-mêmes ne s’en rendent pas compte ou se complaisent là-dedans. Il n’y a rien du tout qui est fait …
A : (Elle coupe Rodolphe) : Elles essayent. Mais c’est pareil, pour moi, c’est du lavage de cerveau. Toute leur vie on leur a dit que leur rôle ça serait d’être femme, de faire à manger, de se marier et de faire des gosses avant 30 ans, et que leur seule valeur c’était ça. Le problème c’est que le féminisme, ça permet aux femmes de grandir en se disant qu’elles peuvent faire la même chose que les hommes, que c’est le minimum, et ça, ça n’existe pas au Japon. On leur dit « vous faites la bouffe, des gosses et c’est tout, c’est ça votre vie et vous êtes heureuses … ». Et c’est ça pour les femmes comme pour les hommes !?!
R : Oui, parce que les hommes, pour ajouter quelque chose, n’ont pas beaucoup plus de choix. L’homme japonais de base a aussi une vie toute tracée qui n’est pas ouf non plus. Donc, je me dis que c’est la société japonaise qui est comme ça et que ça explique pourquoi ça met autant de temps à changer. Parce que c’est ancré dans leur tête.
A : Oui, c’est hyper catégorisé. L’homme passe toute sa vie dans la même entreprise, fait son taf et ses heures sup, est payé et il a une femme qui l’attend à la maison. Oui. Mais j’ai aussi rencontré pas mal d’hommes japonais qui ne sont pas dans cette mentalité et pour qui il est normal que la femme soit l’égale de l’homme, et qui aimeraient trouver une femme qui se débrouille toute seule et qui ne soit pas juste à la maison en train de les attendre.
Est-ce que tu as suivi le mouvement #Kutoo ?
A : Bien sûr. Avec Rodolphe d’ailleurs, on avait fait la marche pour l’égalité homme/femme et les droits des femmes … Il y avait 30 personnes. Et il y avait pas mal d’étrangères. Rodolphe était un des rares mecs. Mais je trouve ça abominable qu’on puisse dire que la femme doive porter des talons sur son lieu de travail, que c’est nécessaire. A quel moment c’est nécessaire de porter des talons sur son lieu de travail ?
Toi, par exemple, tu devais en porter ?
A : Non. Non, moi, c’était une entreprise étrangère un peu japonaise, donc c’était hyper laxiste sur beaucoup de choses.
Et avec tes boss, les relations elles étaient comment ? Tu as senti le côté patriarcal ?
A : Ouais, ouais. C’était un homme italien qui profitait du côté patriarcal et des lois laxistes. Ça l’arrangeait bien sur beaucoup de choses. Il avait sa mentalité italienne et il était bien content qu’il y ait peu de lois au Japon qui protégeaient les salariés.
Vous avez été relativement critiques par rapport à la vie à Tokyo. C’était aussi vrai dans notre précédente interview. Et même, dans la vidéo bilan de votre séjour, vous avez parlé du côté « bulle », « étouffant » de la ville … Vous pouvez développer sur ce sujet, et sur ce qui fait, à votre avis, que la ville est comme ça ?
R : Pour moi, Tokyo c’est une capitale. Pourquoi les gens viennent à Tokyo ? Pour travailler et trouver un avenir. Les gens qui viennent à Tokyo, ils viennent là pour bosser et ils n’ont pas de temps à perdre. Donc, ça enlève du charme par rapport à une ville comme Fukuoka ou Osaka où il y a plus de locaux qui sont là parce qu’ils aiment leur ville et qu’ils y sont depuis des générations.
A Tokyo, il y a beaucoup de gens qui sont comme à Paris. Tu sais, on dit qu’à Paris les gens font tous la gueule, mais c’est juste parce que c’est une capitale. Les gens sont là pour bosser, ils n’ont pas le temps. Ces villes qui sont très éreintantes pour la condition humaine, je trouve que c’est décuplé au Japon parce que c’est une société qui est comme ça de base. Même si tu vas dans un konbini au fin fond du Japon, le mec va te faire des courbettes. Tu peux lui parler comme de la merde, il est obligé de garder son sang-froid. Tokyo, c’est décuplé parce qu’il y a beaucoup de gens qui sont frustrés, à cause de leur travail, de leur condition, de leur femme, de leur mari, peu importe … Ils rejettent ça dans les transports, ils rejettent ça sur les caissiers, aux pachinko, et ça se ressent. **Et tu sens que c’est une ville où il y a beaucoup de gens, mais beaucoup de gens qui sont seuls. Et ça on l’a ressenti. Même des étrangers sur place qui disent que Tokyo, ça les saoule, et que le seul truc qu’ils aiment c’est se barrer le week-end.
Après, je ne suis pas la meilleure personne pour parler de ça, parce que je n’étais pas vraiment dans l’engrenage du Japon. J’avais mon boulot là-bas, mais j’avais mes potes étrangers ou français et on faisait nos trucs. Je n’avais pas un boss japonais au-dessus de la tête. Mes trois ans là-bas ont été archi-cools et relax, et j’ai été super content. Donc, je l’ai super bien vécu, mais j’ai ce côté où des choses qui ne m’affectent pas directement me touchent quand même, et c’est vrai qu’au Japon, à Tokyo en tout cas, parfois c’est pesant. Ce qui est pesant aussi, c’est que les gens ont le même avis sur tout, c’est le tatemae (NDLR : le comportement et les opinions publics, fait pour n’offenser personne). Ça c’est vraiment une facette de la société très importante, et c’est très compliqué d’avoir une vraie discussion avec quelqu’un de japonais, parce qu’il y a ce côté, préserver l’équilibre de la communauté et pas donner notre avis même si on n’est pas d’accord. Ça fait que les conversations tournent vite en rond et sont toujours les mêmes. A la fin, on rigolait avec mes potes et on disait que si tu parlais à trois Japonais à Tokyo tu avais parlé à tous les Japonais. Ce n’est pas vrai, il y a des gens plus originaux, des gens qui vont être plus francs … Mais c’est vrai dans une certaine mesure quand même. Quand tu sors à Tokyo, tu vas parler à 15 personnes, si tu es étranger, ils vont tous te dire que tu parles bien japonais, que tu es beau-gosse, te demander combien t’as de copines … Tous. C’est systématique, et de 20 à 65 ans. Ça c’est un truc qui m’a vraiment marqué à Tokyo, et c’est ce côté authentique qui y manque. L’authenticité et la spontanéité des gens que je retrouvais en France mais pas à Tokyo.
A : Justement, on fréquentait pas mal de gens un peu underground, qui avaient voyagé etc, et avec eux, ça, on ne le ressentait pas. C’est les gens qu’on croisait vite fait dans des bars ou des restaurants, qui te tapent la discute parce qu’ils ont bu qui te disent la même chose. Mais quand tu commences à chercher des « groupuscules » on va dire, un peu underground, là par contre c’est complètement différent, parce que c’est des gens qui ont l’esprit beaucoup plus ouvert et qui sont déjà un petit peu en marge de la société, du fait qu’ils aiment les choses underground. C’est tout de suite plus intéressant.
C’est parfait parce que c’était ma question suivante, vous m’avez préparé le terrain. Pour équilibrer tout ce qu’on vient de dire, Amandine, tu disais que les événements saisonniers te donnaient du « baume au cœur ». Rodolphe tu parlais du côté cosmopolite et artistique de la vie là-bas … Tout n’est pas négatif, loin de-là, il y a aussi du positif et des choses cools, et je suis curieux maintenant de vous entendre là-dessus, et justement sur cette vie underground de Tokyo. Comment vous y êtes entrés, et comment c’était d’y vivre et d’en faire partie ?
A : Je ne sais pas si c’est dû au fait qu’on est étranger, mais pour nous c’était hyper facile. Dès qu’on voyait un petit événement ou les portes d’un magasin qui avait l’air stylé, on n’hésitait pas à y aller et, si les gens avaient l’air intéressant, à parler avec eux. Je ne sais pas si tu vois mais, en général, en France, si t’es pas un métalleux, tu vas pas aller dans un bar métalleux, parce qu’il y a une sorte de mur imaginaire, communautaire, et on va te regarder de travers. Il y a ça aussi au Japon, mais pour les Japonais. Il y a beaucoup de Japonais qui se mettent des murs imaginaires pour beaucoup de choses, et je pense que c’est pour ça qu’ils ont les mêmes opinions, parce qu’ils font et aiment des choses qui sont accessibles à la majorité. Les gens qui passent par la porte de l’underground et vont vers des trucs plus pointus, que ça soit la culture otaku, la musique reggae, métal ou le véganisme, tu sens qu’ils sont un peu différents parce qu’ils ont passés une étape pour sortir de la masse, en tout cas à mes yeux. Et une fois que cette étape est passée, trouver un hobby, un truc que tu aimes, ils sont plus ouverts. Mais, pour nous, en tout cas, vu qu’on est étranger, on n’avait pas ce mur imaginaire et on pouvait aller partout où on voulait, on parlait à tout le monde sans gêne. Le fait d’être étranger, te donnes l’impression d’être une « spécial », parce que tu es en dehors de leur monde et ils te traitent différemment. C’est une sorte de racisme positif : parce que tu es étranger, ils te traitent un peu mieux.
Voir cette publication sur Instagram
R : Parce qu’on est des étrangers blancs. C’est tout bête mais faut le noter. J’ai des potes noirs et pour eux, c’était plutôt 50/50. Ils vivaient aussi ce que nous on vivait, mais y’avait aussi des trucs moins cools. Quand tu es blanc, c’est plus positif en général.
A : Oui bien sûr. Mais dans notre cas, tout le monde nous parlait, nous demandait d’où on venait etc … Du coup c’était très simple d’aller où on voulait et de parler avec n’importe qui. On n’a jamais eu de gêne.
Pour finir sur ce chapitre sur Tokyo, c’est quoi l’œuvre, qui, pour vous, incarne le mieux la ville ?
R : Enter the void (il éclate de rire) ! Non, en vrai, ça dépend quel Tokyo. Le Tokyo de la nuit, les boîtes de nuit tout ça, tout ça, ça me saoule très vite, donc j’ai un regard assez critique dessus. Et donc, Enter the Void ça me parle plutôt bien. Après, pour un truc plus objectif et relax …
A : Pour quelque chose de plus onirique, je dirais The Garden of Words, de Makoto SHINKAI, le réalisateur de Your Name. Je trouve que c’est la version onirique du Japon qui est plutôt pas mal.
R : C’est intéressant parce qu’avec le road-trip et ce que j’écoute comme musique, j’ai des trucs qui me propulsent au Japon, mais jamais à Tokyo je me rends compte.
Donc on reste sur Enter the void et The Garden of words ?
R : Ouais, mais faut préciser que Enter the void, c’est le monde de la nuit (il rigole encore) (NDLR ; Enter The Void, de Gaspar Noé, est un film particulièrement dur, qui pourrait heurter la sensibilité des spectateurs les plus sensibles). En fait, pour moi, c’est intéressant parce que ça montre un côté du Japon que … vu qu’il y a beaucoup de Français qui idéalisent le Japon et en font tout un truc dans leur tête, c’est important aussi de se souvenir qu’il y des gens pas nets là-bas aussi, des gens qui vivent dans la misère et que tu n’es pas à l’abri d’aller boire une bière et d’avoir des problèmes.
A : Juste, pour ajouter en positif, les événements simplement parce qu’ils rendent heureux, et que c’est pour ça qu’il y en autant à Tokyo, pour que la population puisse se détendre. Les fêtes de la bière quatre fois par an, par exemple …
R : C’est vrai que c’est une ville qui est pleine de matsuri en fait, de fêtes, d’événements, et ça c’est un truc qu’on retrouve pas à Paris. Au Japon, les saisons sont très marquées, et il y a des événements pour chacune. Les illuminations en hiver, les matsuri où on se jette de la flotte dessus en été … Et ça met vraiment de la vie dans la ville. Et là, tu retrouves ce truc japonais où la communauté est importante. La rue est à tout le monde, donc faut qu’elle soit propre, et du coup elle est propice à faire des événements. Et ce genre de choses, tu ne les retrouves pas à Paris où c’est l’individualisme qui prévaut et y’a très peu d’événements. Ils ne vont jamais bloquer République pour faire des matsuri, par exemple. Et ça c’est vrai qu’au Japon, au début, tu trouves ça magnifique, puis tu finis par presque t’y habituer.
A : Ah non, moi j’ai toujours adoré. Vu que chaque saison c’est différent, tu attends la prochaine ou l’an prochain, parce que tu dois attendre un an. Par exemple, quand il y a les sakura, tu es là : « Ouais il va y avoir les dango et tout … » Et même au niveau de la nourriture, elle évolue vachement par rapport au temps. Tu as des plats accessibles seulement à un certain moment de l’année, et donc tu attends l’année prochaine avec impatience. Les marrons en octobre, par exemple.
R : C’est vrai que ça, c’est très positif pour le coup. Mais en fait, pour moi, le négatif, c’est l’effet qu’a Tokyo et son espèce d’emprise psychique sur les gens, avec laquelle j’ai beaucoup de mal. S’ils avaient une mentalité plus relaxe, et si leur gouvernement était bien plus jeune, je pense que le Japon irait un peu mieux …
C’est intéressant de voir que le problème ne soit pas lié au pays mais à un biais psychologique précis.
R : Clairement, mais il y a un conflit de générations, je pense. Au Japon, une personne sur trois est senior de plus de 65 ans, dans le gouvernement, ce sont des hommes qui ont limite vécus la guerre du Pacifique et qui détestent les étrangers… Ces gens-là qui gouvernent, ne sont pas en 2020, ils ont encore la guerre de Corée sous la dent … Et ça se ressent dans les lois qu’ils passent, ce qu’ils ont fait avec la Corée y’a pas longtemps, l’embargo qu’ils ont posé … C’est puéril comme truc. Et je trouve que ce côté vieux rancuniers leur porte préjudice.
Merci à vous deux pour votre temps et vos précieux retours d’expérience. On vous souhaite bonne continuation.
Photo de Une de Louie Martinez pour Unsplash
2 réponses
[…] le troisième et dernier épisode de ce cycle d’interviews avec Amandine et Rodolphe demain avec leur expérience de vie et de […]
[…] leur chaîne youtube. Retrouvez aussi la suite de notre rencontre avec Amandine et Rodolphe, ici et ici. Deux interviews consacrées à leur vie sur […]