Loin de moi, près de toi : la double vie d’une collégienne amoureuse
Après le Mystère des pingouins sorti l’année dernière, le studio Colorido est de retour cette année avec son nouveau film d’animation. Réalisé par Jun’ichi SATO, Loin de moi, près de toi – A Whisker away pour la version internationale, Nakitai Watashi wa Neko wo Kaburu en version originale – est arrivé en trombe sur Netflix dans un contexte marqué par la crise sanitaire du Covid-19. Un film qui parle de chats, d’amour et de fantaisie.
Fuis-moi et je te suis…
Avec une sortie prévue initialement le 5 juin dans les salles japonaises mais compromise par les mesures de confinement, A Whisker Away a finalement été acquis par Netflix qui l’a rendu disponible sur sa plateforme depuis le 18 juin, en lieu et place de sa sortie cinéma. Après Les Enfants du Temps, dernier succès en date de Makoto SHINKAI sorti début janvier dans l’hexagone, voilà peut être le second film d’animation incontournable de l’année 2020.
Miyo Sasaki est une collégienne de la ville de Tokoname amoureuse de son camarade de classe Kento Hinode. Cependant malgré toutes ses tentatives pour que ce dernier la remarque, rien ne semble fonctionner. Bien qu’encouragée par son amie Yoriko à se déclarer au jeune garçon, cela semble tourner à une obsession malsaine pour les autres élèves, qui la considèrent comme l’excentrique de la classe. Qui plus est, la jeune fille a un secret : elle possède un masque Noh qui lui permet de se transformer en un adorable petit chat blanc. Et tous les soirs, elle va rendre visite à Kento sous cette nouvelle forme, que celui-ci décide de baptiser Tarô. Contrairement à Miyo, Tarô réussit rapidement à se rapprocher du jeune garçon et découvre la passion de ce dernier pour la poterie. Peu à peu, la jeune fille se persuade qu’il vaudrait peut-être mieux continuer à vivre en tant que chat… sans se douter que cela pourrait bien se réaliser…
Des thèmes variés et d’actualité
A Whisker Away est un film qui s’avère plus mature que ce qu’il laisse entrevoir de prime abord, en abordant plusieurs thématiques difficiles. Outre celui de l’amour de jeunesse mis en avant par le synopsis, le film parle notamment des difficultés de vivre dans une famille recomposée. En effet Miyo a du mal à accepter le fait que son père se soit trouvé une nouvelle compagne après s’être fait abandonner par sa femme. La jeune fille se réfugie donc derrière son excentricité pour cache son mal être, la distance avec sa mère ainsi que sa gène envers cette belle-mère qui a pourtant un comportement bienveillant avec elle. Le harcèlement à l’école, qu’elle a subit en primaire, fait également partie des épreuves que la jeune fille doit traverser. Et ses maux ne s’arrêtent pas là puisque la solitude et la difficulté à pouvoir exprimer ses sentiments pour celui qu’elle aime constituent d’autres freins pour elle. Enfin, à travers l’histoire de Miyo et par extension celle de Kento, ce sont les thèmes de l’affirmation de son identité et des difficultés qui se dressent sur notre chemin pour atteindre nos rêves qui seront également explorées.
Mais si les thématiques constituent l’un des points forts du film, on pourra éventuellement regretter son rythme. De ce point de vue, le début de l’histoire s’avère quelque peu poussif. On nous présente la vie quotidienne de Miyo qui se révèle assez plate en dehors de ses interactions avec Kento à l’école. Sa relation avec sa belle-mère met par exemple du temps – trop de temps – à être mise en place. Une grande part du film est ainsi consacrée à sa vie d’écolière, constituée de ses tentatives répétées (et de ses échecs) pour capter l’attention du jeune garçon. On déplorera donc une narration qui prend trop son temps pour nous mener aux mésaventures que rencontrera notre jeune protagoniste.
Au fur et à mesure que l’on avance dans le film cependant, on fini par être pris par l’histoire qui revêt un ton très poétique. En effet il ne s’agit pas d’une opposition entre un protagoniste et un antagoniste mais plutôt, à l’image de ce qui a été fait dans Les Enfants du Temps, d’un récit qui raconte comment un personnage fait face aux aux aléas que la vie met sur son chemin. Une vie au départ assez banale mais qui révèle une plus grande complexité lorsque nous faisons mieux connaissance avec la jeune Miyo.
Une animation splendide
Le Studio Colorido à l’oeuvre ici ne parlera sans doute pas au plus grand nombre. Ce jeune studio ne peut pas encore s’enorgueillir d’une longue liste d’œuvres produites puisque leur premier film, moyen métrage du nom de Shashinkan, remonte seulement à 2013. Son palmarès se compose ensuite essentiellement de projets courts jusqu’à l’été 2018, où sort au cinéma Le Mystère des pingouins, adaptation d’un roman de science fiction qui débarquera dans les salles françaises un an plus tard. Prochainement, ils seront également à la baguette de Burn the Witch, le film adapté du one-shot de Tite KUBO (auteur de Bleach) prévu pour l’automne.
Si le studio peut à priori sembler manquer d’expérience, ce n’est clairement pas le cas du staff à la tête d’A Whisker Away. En effet, à la réalisation, on trouve un nom d’ores et déjà rassurant en la personne de Jun’ichi SATÔ. Vétéran de l’animation japonaise, celui-ci a derrière lui une longue carrière et bon nombre de séries, aussi bien au poste de réalisateur (Sailor Moon, Magical Dorémi, Aria…) qu’à l’ouvrage sur des storyboards d’épisodes de monstres tels que Evangelion, Escaflowne ou Cowboy Bebop, parmi bien d’autres. Mais ce n’est pas tout puisque l’écriture du film profite également de la grande expérience de Mari OKADA, aussi à l’aise sur les adaptations (Black Butler…) que dans les œuvres originales (Anohana, Kiznaiver…) comme c’est le cas ici. Sans compter son récent passage réussi à la réalisation avec Maquia !
Du point de vue technique, le film profite donc d’une belle animation, notamment en ce qui concerne l’expressivité des personnages. Les dessins sont particulièrement réussis, notamment le rendu des décors, bluffants, qui retranscrivent de façon très réaliste une ville japonaise. Cela s’inscrit bien dans la continuité des beaux films d’animation de mouvance slice of life vus ces dernières années, tels que Les Enfants du Temps ou encore Your Name. On notera également une bande son excellente qui nous berce tout au long du film et réussit à nous transmettre la tension que ressentent les personnages à certains moments-clés. Une douce expérience musicale à mettre au crédit de la compositrice Mina KUBOTA, complétée par le duo rock japonais Yorushika qui interprète le générique d’ouverture Hana ni Bôrei et l’ending Usotsuki.
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Loin d’être ennuyeux, près d’être un chef-d’oeuvre, A Whisker Away reste une belle satisfaction, tant sur le plan de l’histoire que sur celui de l’animation. On lui reprochera peut-être un antagoniste qui manque de charisme mais qui, au final, s’inscrit dans la poésie que le film tente de construire. Il vous emmènera dans le quotidien de personnages pleins de doutes, d’espérance, mais surtout à qui l’on n’aura pas de mal à s’identifier.