Stars Align : un anime fédérateur ?

Des thématiques universelles, le constat d’un monde qui ne ménage pas sa jeunesse, mais qui sait aussi s’améliorer et s’entraider. Les spectateurs du monde entier se sont retrouvés dans les jeunes adolescents japonais écorchés par la vie de Stars Align, anime diffusé au Japon lors de la saison d’automne 2019 et dont les 12 épisodes sont disponibles sur la plateforme Wakanim. Ils sont tous très jeunes mais ils ont déjà leurs lots de blessures. Et aucun adulte pour les aider. Kazuki AKANE dépeint une jeunesse réelle et universelle.

Nous ne sommes pas tous nés sous une bonne étoile, à chacun de sortir grandi des épreuves de la vie.

©Kazuki Akane, eightbit/Stars Align Production Committee

Plus qu’un anime sportif…

Si vous aimez mettre des anime dans des catégories vous allez être dérouté par Stars Align. Pourtant au début il a tout l’air d’être un anime de sport. Nous y faisons la connaissance de Tôma Shinjô un garçon œuvrant dans le club de soft tennis de son collège. Même si celui-ci compte beaucoup de membres masculins, le moins que l’on puisse dire c’est qu’ils ne sont pas très motivés. C’est son pendant féminin qui est bien plus mis en avant avec un grand nombre de participantes et des entraîneurs. Les résultats du club masculin étant inexistants, le bureau des élèves semble donc vouloir mettre un coup d’arrêt à cette mascarade. Coup de chance, Tôma rencontre Maki Katsuragi qui lui semble prometteur. Mais ce dernier n’y connait rien et ne peut pas s’inscrire…

En effet, Tôma est un jeune homme qui vit dans une luxueuse maison et qui n’a pas vraiment de problèmes d’argent, mais sa famille ne semble pas très présente. De son côté Maki n’a pas un rond et vit seul avec sa mère. Alors quand Tôma lui demande de rejoindre l’équipe afin de participer au championnat d’été, ce dernier accepte à la condition d’être rémunéré… Mais Maki est loin d’avoir un mauvais fond et, petit à petit, nous allons comprendre pourquoi il a tant besoin d’argent.

Notre petite équipe va alors avancer ensemble et s’entraider. L’amitié qui va tisser entre eux les aideront à se relever de leurs difficultés.

©Kazuki Akane, eightbit/Stars Align Production Committee

 

Une série aux thèmes universels

C’est Kazuki AKANE, connu pour des œuvres telles que Vision d’Escaflowne ou encore Noein, qui est le réalisateur et scénariste de la série. Il avance un anime ambitieux et bien plus profond qu’un simple anime de sport. En effet le soft tennis est ici un prétexte pour regrouper une brochette de collégiens ayant tous des problèmes ou des différences. Certes il est évident que ce n’est pas très réaliste d’avoir autant de cas dans une seule équipe, mais on pardonne aisément cette facilité scénaristique. D’ailleurs il a choisi ce sport car il est plutôt pratiqué à l’adolescence, et rarement par des adultes, ce qui était parfait pour son histoire. Une volonté que l’on retrouve aussi à travers les dessins originaux d’Itsuka, au character design, qui devait garder cette idée de “jeunesse”. L’innocence du design contraste en effet avec la noirceur de ce que vivent chacun des adolescents. Ce parti pris est même mis en exergue via le personnage de la jeune Kanako Mitsue et sa volonté de dessiner ce qu’elle aime (des croquis de ses amis en train de faire du sport) au lieu des dessins plus standards demandés pas ses fans sur les réseaux sociaux. À bon entendeur…

Mais le but du réalisateur était également de plaire aussi bien aux spectateurs étrangers qu’aux spectateurs japonais. Car les problématiques évoquées dans l’anime sont les mêmes partout dans le monde. Un personnage est battu par son père, un autre est rejeté par ses parents, un autre encore a été adopté, etc. Kazuki AKABE a été d’ailleurs surpris que les personnages LGBTQ+ aient connu une réception aussi importante à l’étranger. Il faut dire que le sujet a été traité de façon exceptionnellement claire et attentionnée. D’autant plus qu’il est rare de voir un traitement aussi bien fait d’un sujet aussi délicat pour un personnage non-binaire. Mais AKANE est convaincu par l’idée qu’en intégrant des thèmes sociaux tels que la pauvreté, la minorité sexuelle ou le harcèlement la série s’adressera à tous les spectateurs du monde entier.

©Kazuki Akane, eightbit/Stars Align Production Committee

Il faut donc mettre de côté le fait que tous les membres de l’équipe ont une histoire personnelle compliquée, et n’y voir qu’un moyen – en seulement 12 épisodes, rappelons le – de mettre en scène ces différentes histoires, toutes aussi bouleversantes les unes que les autres. Radiographie de notre société, déviances, nocivités et maltraitances des adultes, Stars Align sonde avec grâce et délicatesse une jeunesse qui souffre.

On précisera cependant qu’initialement l’anime devait se composer de deux parties, pour un total de 24 épisodes. Malheureusement, les producteurs vont se raviser et Kazuki AKANE devra boucler son histoire en 12 épisodes. Le réalisateur se débrouille donc pour que son scénario permette de regarder cette saison tout en se laissant l’opportunité d’en faire une seconde. Après le générique de fin du 12e épisode, une dernière scène nous laisse ainsi sur un cliffhanger qui garde la porte ouverte à une saison 2. Malheureusement celle-ci n’existe pas. Si globalement le scénario boucle les histoires de chacun, il est évident qu’il reste beaucoup de choses à raconter. Le réalisateur demandera alors à la fanbase de l’aider en montrant qu’une suite est attendue. Peine perdue – pour le moment – malgré un très bon retour critique et des fans enthousiastes sur le net, aucune suite n’est prévue pour le moment. Ne reste plus qu’à soutenir la sortie en DVD/BR, à regarder l’anime sur Wakanim et à croiser les doigts.

 

L’animation japonaise en crise

Aux yeux de beaucoup, l’animation japonaise se portent bien car il y a toujours une très grande quantité d’animes et de films. Mais la vérité est bien moins reluisante. Beaucoup sous-traitée en Chine ou en Corée, elle laisse ainsi partir les savoirs faire. Le financement étranger semble être, de l’avis de Kazuki AKANE, l’un des moyens pour les studios de s’en sortir. Il pense que le marché doit s’ouvrir au monde, tout comme le cinéma coréen a su s’ouvrir, avec des thèmes universels. Comme on l’a vu précédemment, il a donc pensé Stars Align comme une oeuvre universelle capable de parler tout autant à un japonais, qu’à un américain ou un français.

Dans cette optique, l’excellente animation des matchs et des entraînements de Stars Align est un souhait affirmé du réalisateur, soucieux de rendre un travail de qualité. Pourtant il a eu toutes les difficultés du monde à trouver de bons animateurs. En effet, les jeunes japonais ne veulent plus trimer pour un salaire dérisoire, et ce même pour l’amour de l’animation. Si rien n’est fait maintenant, le savoir-faire de l’animation japonaise, que des anciens ont construit, sera perdu. Il déplore donc le fait que le marché domestique ne laisse pas le choix de faire des œuvres originales ou plus profondes, se contentant de projets commerciaux sans prise de risque et avec de petits budget. 

Son souhait étant de permettre une meilleure considération et rémunération des animateurs, afin qu’ils ne se détournent pas de l’animation, créer des projets qui peuvent plaire au plus grand nombre est un de ses buts. Ironiquement, ce manque d’argent, ce manque d’animateur, ce cercle vicieux dans lequel se trouve l’animation japonaise est à la fois l’un des éléments qui expliquent que Stars Align existe, mais aussi la raison pour laquelle l’anime n’a finalement pas pu avoir autant d’épisodes qu’il aurait dû.

À la lumière de ces considérations, le générique de fin, Kago no Naka no Bokura wa interprété par AIKI from bless4, est un bel exemple d’originalité, et un vrai petit régal pour les yeux. Chacun des protagonistes y exécute une chorégraphie, chacun à leur manière, certains se passant même de danser ou se lassant vite. Encore une belle preuve que de bons animateurs ça compte. Petit couac toutefois avec deux danseurs dont la chorégraphie a été utilisée sans autorisation. La TBS Entertainment leur présente des excuses officielles et ils sont crédités au générique.

Toujours dans la même veine, la musique a aussi son importance, et a été confiée non pas à un compositeur habitué aux animes, mais à un groupe instrumental : jizue. Créé en 2006, ils débutent en major en 2017 après plusieurs albums indé, et signent ici leur première bande-originale : une partition jazzy qui colle parfaitement à l’ambiance de la série.

 

Kazuki AKANE nous propose une radiographie sincère et réaliste de notre société moderne. Sombre, mais aussi positive et ouverte aux changements, elle nous dit qu’il faut compter sur notre jeunesse pour dépasser nos peurs et avancer. Stars Align est ainsi une oeuvre singulière dans un marché trop homogène et se reposant sur ses acquis. Un peu à la manière d’une série comme Sex Education, qui ose parler du sexe chez les ados, Stars Align ose parler des blessures des ados sans concessions. 

Tatiana Chedebois

Tatiana Chedebois, plus connue sous le nom de plume "Tanja", écrit sur la J-music, les mangas et les anime depuis plus de 25 ans. Tombée très tôt amoureuse du Japon, elle est rédactrice depuis 1997 dans différents fanzines, magazines (Japan Vibes, Rock one), webzines (JaME, Journal du Japon) ainsi que sur son blog (Last Eve). Avec son groupe de visual kei français elle fait en 2004 la première partie de Blood premier groupe de vk à venir en France. En 2019, elle cocrée le podcast du BL Café pour parler de Boys' love aux plus grand nombre. Puis en 2022, elle intègre la team du Cri du mochi pour parler manga et anime généraliste sur Twitch.

1 réponse

  1. 28 mai 2020

    […] commencer par Stars Align ou Hoshiai no Sora sur Wakanim, diffusé en 2019 et dont on vous parlait justement il y a peu. On y suit l’histoire de Maki, nouveau au lycée, qui va devenir le meilleur […]

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