L’unification du Japon : de la bataille de Sekigahara à la Pax Tokugawa (partie 2/2)

Dans notre première partie, nous avons vu les raisons de la guerre d’Ōnin et que le shogunat Ashikaga en crise avait favorisé l’éclatement de conflits entre daimyō, révoltes de paysans et de petits seigneurs locaux avec la création de ligues religieuses ikkō-ikki. Au cours de la période Sengoku, trois hommes vont être nécessaires pour unifier le pays et lui apporter la paix. Nous avons déjà vu le projet de conquête de Nobunaga ODA qui se voyait « gouverner tout ce qui est sous le ciel par l’épée » (Tenka Fubu selon sa devise après sa victoire à Okehazama et le siège du château d’Inabayama). Trahi par l’un de ses généraux, il appartient à ses fidèles généraux, Hideyoshi TOYOTOMI et Ieyasu TOKUKAWA, de venger leur défunt chef de guerre et achever l’unification du Japon pour mettre fin à ces décennies de guerres.

Journal du Japon vous propose dans cette seconde partie d’explorer le passage de l’ère Sengoku, époque des provinces en guerre » à celle d’Edo dirigée par la dynastie des Tokugawa pacifiant la société de 1603 à 1868, jusqu’à la Restauration Meiji.

Hideyoshi Toyotomi, la légende du fils de paysan devenu Taikō

Son enfance et ses origines modestes

Château de Kiyosu (Wikimedia Commons)

Château de Kiyosu (Wikimedia Commons)

Hideyoshi naît dans le village de Nakamura en 1536 dans la province d’Owari d’un père Yaemon, fermier et ashigaru (soldat d’infanterie). Il donne à son enfant le nom de Hiyoshimaru qui signifie «Soleil bienfaiteur» pour lui porter chance et surtout pour essayer de faire oublier sa laideur et une caractéristique rare, ses six doigts à la main droite. Les brimades et moqueries sur son physique mais aussi son statut social forgeront le caractère et la volonté du second unificateur du Japon. Instable et turbulent, le jeune Hideyoshi se fait renvoyer d’un temple où il devait recevoir une instruction au bout d’un an : à cette époque, ce sont les moines bouddhistes qui sont les instructeurs. Apprenti forgeron, il se fait encore renvoyer pour indiscipline.

Statue de Nobunaga Oda dans le parc du château de Kiyosu (Wikimedia Commons)

Statue de Nobunaga Oda dans le parc du château de Kiyosu (Wikimedia Commons)

A l’âge de 15 ans, il rejoint les rangs de l’armée de Yukitsuna MATSUSHITA, un des lieutenants de Yoshimoto IMAGAWA, en tant que fantassin ashigaru. En 1558, Hideyoshi reçoit six ryo pour acheter une cotte de mailles pour son maître. Le jeune samouraï s’enfuit avec cette belle somme d’argent qu’il utilise pour s’acheter des armures et des armes légères. De retour à Owari, sa province d’origine, il se met au service de Nobunaga Oda en tant que porteurs de sandales. Ce dernier lui donne des surnoms comme Hage nezumi (« le rat chauve ») à cause de sa calvitie précoce ou encore Roku (« Six ») en raison de ses six doigts à la main droite. La plupart l’appelait Saru, sobriquet simiesque qui est de loin le plus connu. Son nouveau maître est à la recherche d’un surveillant pour son château de Kiyosu dont l’aménagement s’éternise. Ambitieux et intelligent, Hideyoshi réussit sa mission en quelques jours seulement. Cet exploit qui a surpris Nobunaga vient de lancer la carrière du « Singe ». Il prend un nouveau nom : Tokichi Takayoshi.

La campagne de Mino et le clan Saitō

Estampe de Toyonobu Utagawa représentant Horio Yoshiharu menant Hideyoshi et son équipe

Estampe de Toyonobu Utagawa représentant Horio Yoshiharu menant Hideyoshi et son équipe (Wikimedia Commons)

A la suite de la victoire inattendue de Nobunaga à la bataille d’Okehazama en 1560 et la déroute de l’armée du clan Imagawa, le daimyō de la province d’Owari se trouve dans une meilleure position et peut dorénavant se concentrer sur son voisin du nord, le clan Saitō dans la province voisine de Mino. En 1549, alors âgé de 15 ans, le jeune Nobunaga est marié à Nōhime, la fille du chef de clan Saitō Dōsan pour donner du répit aux deux clans. Nobuhide, le père de Nobunaga et chef du clan est occupé, avant ce mariage politique, à protéger la province d’Owari au nord et à l’est de ses frontières. Quant au beau-père de Nobunaga, seigneur de Mino, peut se concentrer sur les conflits internes du clan en train d’éclater en factions. En 1555, Yoshitatsu Saitō, le fils ainé de Dōsan, assassine ses deux jeunes frères et en 1556, il se révolte contre son père. Dōsan Saitō choisit ainsi comme héritier légal son gendre Nobunaga Oda. Peu de temps après, Dōsan est tué par l’un des serviteurs de Yoshitatsu à la bataille de la Nagara-gawa. A cette époque, Nobunaga est encore loin d’être le « Roi Démon » et ne peut pas aider son beau-père.

Lune du mont Inaba par Tsukioka Yoshitoshi

Lune du mont Inaba par Tsukioka Yoshitoshi (Wikimedia Commons)

En 1561, Yoshitatsu décède de la lèpre et c’est son fils, Tatsuoki Saitō qui lui succède à la tête du clan. Pour venger la mort de Dōsan, Nobunaga monte des incursions dans le territoire Mino en 1561 et 1563. Ses 700 soldats sont surpassés en nombre et sont repoussés à chaque fois. La stratégie de conquête par la force ne fonctionnant pas, à partir de 1564, Oda Nobunaga envoie son fidèle vassal, Tokichi Takayoshi (futur Hideyoshi Toyotomi), pour convaincre et corrompre des seigneurs de guerre dans la région de Mino de faire défection pour rejoindre le clan Oda. Le « Singe » arrive même à approcher Hanbei TAKENAKA, brillant stratège qui obtient une promesse d’indulgence si jamais Mino tombe. En 1566, en prévision de la prochaine campagne, Hideyoshi propose qu’un château soit construit près du château d’Inabayama pour servir de point de départ aux forces d’invasion. Il obtient la charge de cette construction et fait bâtir le château de Sunomata. Nobunaga le nomme comme intendant du château et lui donne le nom de Hideyoshi.

Septembre 1567, Nobunaga envoie son armée de 5 000 qui traverse le fleuve Kiso. De l’autre côté de la rive, les défenseurs se rassemblent. Deux messagers de Nobunaga sont envoyés aux trois meilleurs vassaux du clan Saitō, le triumvirat Mino. Le trio de généraux dont Hideyoshi avait convaincu de rejoindre le clan Oda apportent ainsi leurs troupes. Les forces d’invasion progressent et arrivent à Inoguchi, en contrebas du château Inabayama. Le siège devant le mont Inaba commence alors. Pendant quelques jours, Hideyoshi collecte des renseignements, notamment auprès des paysans qui méprisent Tatsuoki Saitō. Il obtient l’aide de Horio Yoshiharu qui lui montre un chemin peu connu qui mène au versant nord de la montagne non défendu car le versant est si raide que le passage d’une armée est jugée impossible. Si les envahisseurs ne peuvent pas emprunter cette voie, Hideyoshi peut mener un raid avec une petite équipe. A la lueur de la pleine lune, ils grimpent les pentes raides du mont Inaba puis entrent dans le château. Ils se précipitent pour ouvrir les portes avant. L’armée de Nobunaga peut ainsi entrer. À la fin de la journée du 27 septembre 1567, le château d’Inabayama est tombé et les seigneurs restant de la province de Mino se soumettent officiellement à Nobunaga. Le château est réparé et est rebaptisé Gifu. Il devient la résidence principale et le siège militaire de Nobunaga.

L’ascension de Hideyoshi

Portrait de Kanō Mitsunobu représentant Hideyoshi Toyotomi

Portrait de Kanō Mitsunobu représentant Hideyoshi Toyotomi (Wikimedia Commons)

En 1570, Nobunaga est pris au piège par les clans Asai et Asakura lors de la bataille d’Anegawa. Il divise son armée en de nombreux groupes qui rentrent à Kyōtō par des routes différentes. Les deux capitaines de Nobunaga, Hideyoshi et Ieyasu Tokugawa réussissent à éliminer les ennemis en moins de trois ans. En combattant avec succès Yoshikage ASAKURA en 1570, Hideyoshi reçoit 30 000 koku de riz. Un koku correspond à la quantité de riz mangée par une personne en un an et mesure donc la richesse et la puissance militaire des seigneurs. En 1573, lors du siège du château d’Odani, il capture Nagamasa AZAI et reçoit ainsi en récompense la totalité de sa fortune soit 80 000 koku. Il récupère ainsi la fabrique d’armes à feu de Kunimoto. En bon gestionnaire, il développe sa production. Ainsi, Nobunaga comptera sur sa production d’arquebuses pour la conquête du pays comme à Nagashima (1573 et 1574), puis Nagashino en 1575 et Tedorigawa en 1577. En 1574, Hideyoshi se fait construire le château de Nagahama. Il prend alors comme nouveau nom, Hashiba en accolant le nom de deux généraux de Nobunaga, Niwa (Ha) et Shibata. Il choisit comme armoiries le kiri (Paulownia).

Le 21 juin 1582, alors en pleine bataille, Hideyoshi Toyotomi prend le contrôle du fief du clan Mōri à la suite du siège du château de Takamatsu et apprend la mort de son maître Nobunaga Oda. L’un de ses vassaux, Mitsuhide Akechi l’a trahi et profite de la faible escorte du « Roi Démon » pour se révolter et l’obliger à se faire seppuku dans le temple Honnō-ji en flammes. Hideyoshi Toyotomi rentre d’urgence des provinces de l’ouest (Chūgoku) avec à la tête 60 000 hommes. Il mate la rébellion et fait exécuter le traître lors de la bataille de Yamazaki.

Estampe de Yoshitoshi représentant un moine du temple Negoro dont les guerriers étaient reconnus pour leur habileté à l’arquebuse

Estampe de Yoshitoshi représentant un moine du temple Negoro dont les guerriers étaient reconnus pour leur habileté à l’arquebuse

Hideyoshi affirme ses ambitions d’hégémonie et Ieyasu Tokugawa ainsi que d’autres lieutenants de Nobunaga se disputent le vaste héritage de Nobunaga. Les deux hommes demeurent sur un statu quo. Hidenobu, le fils aîné de Nobutada et le petit-fils de Nobunaga, succède à son grand-père. Trop jeune pour régner, son oncle, Nobuo, est nommé régent mais Hideyoshi prend le contrôle après la bataille de Shizugatake en 1583. Il élimine Katsuie Shibata avec le troisième des fils de Nobunaga. Hideyoshi se fait construire un magnifique château à Osaka. En 1584, il affronte les troupes coalisées du fils de Nobunaga et d’Ieyasu à la bataille de Komaki et Nagakute. À peine victorieux, il doit faire face à la rébellion des Negoro-gumi, les moines du temple Negoro de la province de Kii. En 1585, il accède au second rang dans la hiérarchie du pouvoir en étant nommé Naidaijin. Il envahit la même année le Shikoku et s’allie avec les clans Mori et Uesugi.

Ieyasu, en fin politicien, attend son heure de gloire et se soumet à Hideyoshi. Il offre son fils en otage mais obtient en contrepartie pour le clan Tokugawa le droit de ne plus avoir à participer aux guerres de Hideyoshi. Ceci aura son importance et donnera un grand avantage à Ieyasu sur les autres daimyō après le désastre de l’invasion de la Corée. La cour impériale reconnaît la suprématie de Hideyoshi et lui fait l’honneur de lui donner un nouveau nom de famille, Toyotomi. La création du clan Toyotomi fait de sa famille un membre du kuge (aristocratie de cour) et l’affranchit lui et sa famille de toute vassalité pour n’avoir à répondre qu’à l’empereur lui-même.

Le « Singe » devenu Kanpaku

Du fait de ces origines modestes, il ne peut prétendre au titre de Shōgun. Il se voit donc accorder les titres de Kanpaku (Régent impérial) et dajo-daijin, ministre des affaires suprêmes. Il doit encore consolider sa position et Yoshihisa SHIMAZU, puissant daimyō de Satsuma refuse de reconnaître qu’un fils de paysan entre dans la noblesse de cour. En 1587, à la tête de 150 000 hommes, Hideyoshi lance ainsi une campagne militaire contre lui lors de la campagne de Kyūshū. Des mesures importantes sont prises par Hideyoshi. La première : « la chasse aux sabres » ou katana-gari. En 1588, son décret distingue les paysans des samouraïs. Ainsi toute personne souhaitant devenir un combattant se doit de servir son daimyō. Hideyoshi sépare définitivement les paysans et les guerriers, rattachant l’homme à la terre. Le seul district de la province de Kaga rend 1713 sabres, 1540 épées, 160 lances et 700 dagues ! Cette mesure vise à installer une nouvelle ère de paix dans l’archipel en réduisant la circulation des armes. Toute infraction est punie de mort.

Seul le Kantō, les régions de l’Est, lui résiste encore. En 1590, il attaque les daimyō Ujimasa HOJO  et Masamune DATE pour les soumettre également. La dernière étape de l’unification du Japon est le siège d’Odawara en 1590 mobilisant 200 000 hommes menés par Hideyoshi. Au bout de trois mois, les troupes entrent et les dirigeants du clan Go-Hōjō se font seppuku. En 1592, Hideyoshi cède la place à son fils adoptif, Hidetsugu Toyotomi. Il prend alors sa demi-retraite et assure la tutelle de son successeur sous le titre honorifique de Taikō.

Redoutant l’influence des Occidentaux et des missionnaires jésuites, Hideyoshi se lance à la chasse aux chrétiens. Les vingt-six martyrs de Nagasaki crucifiés en 1597 est un triste épisode de cette persécution religieuse. A ce sujet, nous vous conseillons de lire le roman Silence de Shûsaku Endô sur lequel nous étions revenu lors de la sortie de son adaptation cinématographique réalisée par Martin Scorsese en 2017 dans notre critique « Silence : le chemin de foi ».

Gravure des 26 martyrs de Nagasaki par Wolfgang Kilian en 1628

Gravure des 26 martyrs de Nagasaki par Wolfgang Kilian en 1628 (Wikimedia Commons)

Après avoir éliminé les derniers clans hostiles et unifié le Japon en 1590, Hideyoshi entreprend la conquête de la Chine et de la Corée.  en 1592 lorsque les troupes du Taikō envahissent la Corée : la guerre d’Imjin éclate en cette année du « dragon d’eau » ! Attaquée par surprise, en sous-nombre et désorganisée, l’armée coréenne perd du terrain. De Busan, les troupes arrivent très vite à Séoul, la capitale qui est pillée et détruite. Les Japonais progressent jusqu’aux frontières séparant la Chine et la Corée. Si les samouraïs ont pris l’avantage sur terre, ce sont les Coréens qui prennent le dessus en mer avec leurs redoutables bateaux- tortues (Keobuk-Seon). L’empereur chinois envoie des renforts et tente une négociation avec le Japon qui échoue. En 1593, les armées chinoise et coréenne lance une contre-offensive qui permet de repousser les Japonais à Séoul et libérer Pyongyang et le nord du pays. Les négociations reprennent et une trêve durera 3 ans. Face aux exigences démesurées de Hideyoshi, la guerre reprend en 1597. Le a bataille de Myong-Yang, les

En 1593, Hideyoshi est père pour la seconde fois. Il accuse alors son fils Hidetsugu de trahison qui se fait seppuku. Hideyori est désigné comme son héritier exclusif. Prévoyant une fin proche, il anticipe sa succession et crée le conseil des cinq sages, Gotairō, avec l’objectif d’assurer la régence en attendant que son fils atteigne l’âge de gouverner. A la mort de son père, l’enfant n’est âgé que de 5 ans ! Hideyoshi a parié sur le fait que les cinq « grands sages » trouveraient un point d’équilibre et qu’aucun ne pourrait prendre le dessus sur les autres…

La bataille de Sekigahara, « la bataille qui décida de l’avenir du pays »

Parmi le Gotairō qui ont la charge de s’occuper de la régence, on retrouve les 5 plus grands chefs de guerres : Toshiie MAEDA ; Hideie UKITA, ancien général de Nobunaga Oda ; Terumoto MŌRI, chef du puissant clan Mōri et bâtisseur du château d’Hiroshima ; Kagekatsu UESUGI, fils adoptif de Kenshin UESUGI et enfin Ieyasu Tokugawa.Toshiie Maeda qui avait la garde du château d’Osaka où résidait Hideyori Toyotomi meurt et son fils Toshinaga rentre ainsi dans son fief. Kagekatsu Uesugi ainsi que Hideie Ukita et Terumoto Mōri en font de même. Ne reste alors à la capitale que Ieyasu qui a la garde du château de Fushimi. Très vite après le décès de Hideyoshi, deux camps apparaissent avec d’un côté, l’alliance de l’Est, Ieyasu Tokugawa et ses alliés, et de l’autre, l’alliance de l’Ouest loyale au fils et héritier de Hideyoshi Toyotomi avec à sa tête Mitsunari ISHIDA. Avant de mourir, Hideyoshi avait déjà des craintes vis-à-vis de Ieyasu et avait ainsi décidé de l’éloigner en lui faisant céder son fief de Mikawa pour venir s’installer à l’est, dans les plaines du Kantō à Edo.

Paravent représentant la bataille de Sekigahara Collection of The Town of Sekigahara Archive of History and Cultural Anthropology

Paravent représentant la bataille de Sekigahara (Collection of The Town of Sekigahara Archive of History and Cultural Anthropology – Wikimedia Commons)

Les deux alliances parcourent alors la région avant l’affrontement qui à l’origine devait opposer 120 000 hommes de l’ouest à 80 000 hommes de l’est. Mais Mitsunari Ishida ne parvient pas à se déplacer avec toute son armée lors de sa marche. Son nombre de troupes est réduit à environ 90 000 hommes. Pendant ce temps, Ieyasu Tokugawa correspond avec des généraux ennemis et tentent de les convaincre de rejoindre ses rangs pour la bataille à venir. Le 21 octobre 1600 débute la bataille de Sekigahara, « la bataille qui décida de l’avenir du pays », dans le brouillard et dans la province de Mino, au centre du pays et de toutes les attentions. L’armée de Ieyasu charge bien qu’en infériorité numérique et en position moins élevée et subit donc de lourdes pertes. Sous la pluie, dans la boue et dans le sang, les samouraïs s’entretuent par millier. La victoire semble acquises pour les forces de l’ouest qui font une percée vers le camp de l’Est. Ieyasu n’a pas dit son dernier mot : il a obtenu que le clan Mōri ne participe pas au combat. Il joue aussi sa dernière carte ans sa main : il fait feu sur son allié secret, Hideaki Kobayakawa qui n’intervenait toujours pas pour qu’il trahisse enfin l’Alliance de l’Ouest. Placées sur l’aide droite du camp de l’Ouest, ses troupes chargent le camp de l’Ouest. La supériorité numérique bascule alors dans le camp de Ieyasu et les troupes de Mitsunari Ishida sont massacrées. L’armée de l’Ouest est en déroute et Misunari parvient tout de même à s’enfuir. Mais très vite, il est est capturé et sa tête ainsi que celles de ses généraux alliés sont exposées dans la capitale. Ieyasu Tokugawa affiche ainsi la défaite de l’Alliance de l’Ouest et fait savoir qu’il est le nouveau maître du Japon.

De l’époque Sengoku à celle d’Edo, la Pax Tokugawa

Portrait de Ieyasu Tokugawa peint par Kanō Tan'yū

Portrait de Ieyasu Tokugawa peint par Kanō Tan’yū (Wikimedia Commons)

Après sa victoire, une nouvelle ère s’apprête à débuter au Japon, celle d’Edo. Ieyasu Tokugawa, unifie définitivement le Japon et met enfin un terme à un siècle de guerre civile. Il prend le titre de shōgun en 1603. Les clans vaincus durant la bataille de Sekigahara voient leur territoire confisqué et on leur attribue des domaines réduits au profit des alliés de Tokugawa. Pour être considéré comme un daimyō, le fief doit avoir une capacité de production de 10 000 koku. A titre d’exemple, le fief des Toyotomi passe de 2 200 000 koku avant la bataille de Sekigahara à 600 000 koku après leur défaite. Et l’essentiel du fief appartient à Hideyori Toyotomi et sa mère. La maison Toyotomi conserve tout de même une certaine influence à la cour. Ieyasu organise le mariage de sa petite-fille Senhime alors âgée de 7 ans et de Hideyori. Entre les deux clans, il existe des divergences politiques : les Toyotomi veulent un système où la cour serait au centre de l’autorité tandis que les Tokugawa veulent créer une nouvelle entité féodale et administrative, le baku-han, combinaison du pouvoir central du shogunat et du gouvernement des daimyō, le han.

Ieyasu entame de nombreuses réformes et poursuit l’affirmation de son pouvoir afin de donner lieu à un gouvernement stable et puissant au centre du Japon. Dès 1603, le bafuku d’Edo renoue avec la tradition de Kamakura : la cour se situe à l’ouest et le shōgun à l’est (à Edo qui deviendra plus tard Tokyo).

En 1614, le clan Toyotomi reconstruit le château d’Osaka et un sanctuaire proche, incluant une cloche, sur laquelle se trouve une inscription disant : « Puisse l’État être pacifique et prospère ; à l’Est il salue la pâle lune, et dans l’Ouest fait ses adieux au soleil couchant. » Ieyasu, installé à l’est à Edo, interprète ceci comme une insulte. La tension resurgit entre les clans Toyotomi et Tokugawa. Hideyori rassemble une force composée de rōnin et d’ennemis des Tokugawa à Osaka. Ieyasu décide de  la détruire préventivement en envoyant 194 000 hommes. Ainsi débute la campagne d’Osaka. En 1615, le siège aboutit à la défaite de Hideyori, qui fait seppuku dans son château, à l’issue de la bataille de Tennōji. La dernière menace pour Ieyasu disparaît alors en même temps que le château des Toyotomi et Ieyasu Tokugawa peut alors mettre en place une législation qui régira la vie du pays durant 250 ans.

Accompagné de son bras droit, le moine zen Konchiin Sūden qui vécut de 1569 à 1633, voici les règlements mis en place en 1615 par Ieyasu Tokugawa.

1er règlement de 17 articles : kinchū narabini kuge shohatto concernant la noblesse et la maison impériale :

  • L’empereur doit dédier sa vie aux études : le confucianisme et la poésie
  • Le rang de cour des guerriers est attribué par le shōgun qui dispose également du droit de justice y compris sur les nobles
  • L’empereur et les temples ne peuvent entretenir que des relations minimes
  • L’ordre de préséance à la cour est défini
  • Les tenues vestimentaires doivent être simples et non ostentatoires.

2ème règlement de 13 articles : buke shohatto concernant les guerriers :

  • La législation shogunale est supérieure à celle des daimyō
  • Il est interdit de cacher des criminels recherchés par le shogunat,
  • Une demande de permis pour construire ou réparer un château est obligatoire
  • Interdiction totale de former des coalitions
  • Une demande de mariage nécessite l’aval du shōgun
  • Les costumes sont règlementés et le luxe est interdit
  • Discipline et obéissance sont imposées aux daimyō qui ne peuvent posséder qu’un seul château par domaine.

Après la guerre d’Ōnin, une nouvelle période de guerre civile s’est ouverte avec l’ère Sengoku. Dans ce chaos où les daimyō et tout l’archipel prend les armes, un petit seigneur, Nobunaga Oda dont personne ne pouvait prévoir l’ascension fulgurante et ses nombreuses conquêtes a lancé l’unification du Japon avec de puissants généraux, Hideyoshi Toyotomi et Ieyasu Tokugawa. Trahi par l’un de ses généraux, Nobunaga Oda n’aura pas eu le temps de « gouverner tout ce qui est sous le ciel par l’épée » mais ces successeurs, le « Singe » puis Ieyasu Tokugawa, à la suite de la bataille de Sekigahara, parachève le projet de son ancien maître et installe les bases d’un shogunat qui garantira la paix durant plus de 250 ans !

 

1 réponse

  1. 30 juillet 2020

    […] L’ouvrage passe en revue les unités de combat en commençant par les unités spéciales avec les hatamoto puis les unités de samouraïs à pieds (kahizamurai) ou montés (kibamusha) et les unités d’ashigaru constituées par spécialité (corps de lanciers, d’arquebusiers et d’archers). Puis vient le déroulement des batailles. Le Japon étant une terre de superstitions populaires et de religions aux influences shintō, bouddhistes et taoïstes, les généraux n’oublient d’adresser leurs prières aux kami et aux bouddhas avant de partir à la guerre. Citons en exemple : Hachiman, kami de la guerre ; le kami de leurs ancêtres ; Fudō Myōō, divinité associée au feu et à la colère qui est l’un des cinq rois du savoir et gardiens de la loi bouddhique. Des astrologues et maîtres du ki (ou chi) d’inspiration taoïste conseillent et indiquent aux seigneurs les jours fastes ou néfastes pour partir à la guerre. L’époque Heian et de la guerre de Genpei est loin, finies les armées dépassant rarement le millier d’hommes. Tout au long de la période Sengoku, les batailles passent de petites escarmouches entre voisins à de grandes campagnes d’unification du pays sous Nobunaga ODA  puis Hideyoshi TOYOTOMI à la mort de son défunt maître. Nous vous conseillons d’ailleurs notre article en deux parties sur les trois unificateurs du Japon et cette période célèbre et passionnante du Japon : de la guerre d’Ōnin à la période Sengoku et de la bataille de Sekigahara à la Pax Tokugawa. […]

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