Les salles d’arcade au Japon : plongée dans les temples du gaming
Les salles d’arcade japonaises font partie des symboles du pays et constituent une expérience immanquable, pour tout amateur de jeux vidéo en voyage au Japon. Ancrées dans la culture populaire depuis l’après-guerre, elles sont pourtant aujourd’hui en déclin dans l’archipel. Elles doivent ainsi se renouveler pour ne pas disparaître. Journal du Japon vous propose de découvrir aujourd’hui ces temples du gaming, afin de comprendre ce qui les rend si atypiques. Prêts à entrer dans un monde où le bruit et la fureur règnent ?
Salles d’arcade, une tradition bien ancrée en voie de disparition
Les salles de jeux d’arcade sont très présentes au Japon et elles font partie du décor. Impossible de les manquer. Elles occupent souvent des espaces conséquents. Elles ont pignon sur rue et leurs enseignes scintillent de mille feux pour attirer les joueurs. Quoi de plus naturel, avec 100 yens en poche, que d’aller passer le temps sur une borne de Tekken, sur un jeu de rythme ou sur l’un des nombreux autres plaisirs vidéo-ludiques qu’elles proposent ?
On les croise aux 4 coins du pays, de manière plus marquée dans les métropoles comme Sapporo, Tokyo, Osaka, Sendai ou Fukuoka, mais également dans des villes plus petites comme Akita, Morioka, Matsuyama ou Kagoshima, voire dans certaines petites agglomérations où elles sont certes moins imposantes mais tout aussi fréquentées. Depuis l’après-guerre, période à laquelle elles hébergeaient des centres de bowlings et de divertissements, jusqu’à leur explosion en 1978 avec la sortie de Space Invaders, les salles d’arcade occupent une place particulière dans la culture japonaise. C’est là que se retrouvaient les groupes d’amis, les jeunes déscolarisés, les travailleurs qui avaient quelques minutes à perdre en attendant leur train et des personnes plus âgées qui trouvaient dans ces lieux un passe-temps inédit. Une mixité sociale qui perdure encore de nos jours et qui étonne quand on visite ces salles pour la première fois.
Dès les années 80 et 90, elles vont prendre un essor nouveau avec la sortie de titres qui deviendront mythiques comme Asteroids, Street Fighter II ou Pac Man, jusqu’à devenir des lieux de divertissements habituels. Toute une génération de gamers naît durant cette période considérée comme l’âge d’or de ce secteur. Et ce sont eux qui deviendront les premiers consommateurs de consoles de jeux qui vont plus tard entraîner, en partie, le déclin des salles d’arcade japonaises.
Si en 2000, on dénombrait environ 14 000 salles de jeux dans le pays, on en recense désormais moins de 5000 (en 2017) dans tout le Japon. Parmi les fermetures les plus remarquées en 2019, notons celle de la Kawasaki Warehouse qui reproduisait l’ambiance de la citadelle de Kowloon de Hong Kong. Quelles sont les raisons de ce déclin ?
Le déclin inéluctable de salles de jeux
Plusieurs facteurs peuvent expliquer pourquoi les salles de jeux ferment les unes après les autres dans l’archipel comme elles ont déjà pu fermer dans le reste du monde. Le premier d‘entre eux est sans nul doute l’avènement des consoles de salons.
Auparavant, entrer dans une salle de jeux signifiait découvrir des titres inaccessibles ailleurs, que cela soit en termes de graphisme ou au niveau de la jouabilité et donc de l’expérience offerte. Si certains jeux restent beaucoup plus fun à jouer en salle puisqu’ils bénéficient d’installations qui placent le joueur en situation réelle. C’est le cas pour Mario Kart et la plupart des jeux de courses avec leurs combo volant /siège baquet mais aussi les jeux musicaux avec guitare, batterie, tambour. Il est maintenant possible de se procurer certains accessoires pour s’amuser chez soi et de profiter du soft comme on le faisait face aux bornes d’arcade. Ajoutez à cela les dernières générations de consoles et de PC qui offrent un rendu visuel qui n’a rien à envier aux jeux proposés dans les salles de jeux limitant ainsi encore plus l’attrait pour ces lieux.
La multiplication des jeux mobiles accessibles à toute heure et depuis n’importe quel endroit a également porté un coup violent au monde de l’arcade. Dorénavant, il suffit de sortir un smartphone pour jouer lorsque le joueur a un moment à perdre. Si le ressenti est incomparable, les personnes qui n’allaient qu’occasionnellement dans les salles n’ont pas eu beaucoup de mal à passer d’une méthode de gaming à l’autre.
Comme nous allons le voir, le monde de l’arcade nippon est conscient qu’il doit se réinventer s’il ne veut pas disparaître. Pour le moment, les salles de jeux existantes tiennent bon et une petite visite de ces lieux de divertissements s’impose !
Bienvenue dans les salles de jeux nippones
Le marché de l’arcade est dominé par quelques marques, éditeurs de jeux pour la plupart : KONAMI, NAMCO, TAITO, CAPCOM ou SEGA qui profitent de leurs établissements pour
promouvoir leurs titres principaux et marquer les esprits. On retrouve par exemple des musées Tekken dans les salles NAMCO pour célébrer le titre phare de l’éditeur et certains jeux ne sont disponibles que dans l’une ou l’autre de ces salles. Immanquables, car les enseignes s’affichent en grands au sommet des buildings, ces salles de jeux représentent un monde à part qu’on vous propose de découvrir via cette description d’une salle telle qu’on peut en trouver au Japon.
1er étage : des peluches et des figurines
Depuis l’extérieur, le son qui émane des salles est déjà perceptible mais ce n’est rien en comparaison du vacarme assourdissant qui nous assaille lorsqu’on franchit le seuil. Le bruit des machines est souvent accompagné de J-Pop et on s’entend à peine, alors qu’on erre dans les couloirs où trônent les UFO Catcher. Les machines à pinces ou à peluches et à figurines, peu importe le nom qu’on leur donne, sont nombreuses et on peut attraper les dernières nouveautés des licences à la mode comme DBZ, One Piece, Idol Master, et autres shonen ou shojo populaires, ainsi que des objets variés qui vont du badge aux balles anti-stress à l’effigie des personnages les plus célèbres des animés ou des jeux vidéo japonais. Parfois, on peut même récolter…des friandises !
Si les systèmes de pinces classiques sont bien présents, on trouve aussi des mécanismes différents où il faut pousser l’objet désiré, le faire passer entre deux barres de plastique ou le décrocher de la barre auquel il est bien fixé. De quoi rendre addicts les collectionneurs qui verront leur stock de pièces de 100 yens fondre comme neige au soleil. Et si vous êtes à cours de pièces, les changeurs de monnaie automatiques seront là pour transformer vos billets en pièces…
2e étage : stratégie, cartes et mechas
Après avoir fui ce premier étage et ses nombreuses tentations, vous parviendrez à un niveau plus calme avec du vrai jeu vidéo. Les bornes affichent des titres de stratégie militaire historiques pour lesquels il faut parfois utiliser des decks de cartes, des jeux de guerre sur de vastes map pour des batailles multi-joueurs intenses ou des actions-RPG qui bénéficient parfois d’un écran tactile. Sans notion de japonais, l’expérience est quasi-inaccessible pour les étrangers. Seuls les habitués de ce genre pourront trouver leurs marques.
Souvent, à cet étage, vous croiserez des bornes alignées avec 4 sièges de chaque côté des rangées, sur lesquels sont assis les amateurs de jeux de mecha (comme Gundam Extreme Versus) et les fans d’affrontements en décors ouverts, à la Dissidia Final Fantasy NT. C’est le lieu où se retrouvent les otaku les plus doués, pour des joutes très animées !
3e étage : de la baston et du rythme
C’est l’étage le plus populaire, où les joueurs s’affrontent sur les bornes de jeux de baston classiques et les nouveautés du moment. C’est aussi là où l’on peut voir les performances les plus impressionnantes sur les jeux musicaux. Une partie de la légende qui entoure les salles de jeux japonaises à l’étranger vient des exploits quasi-surnaturels de certains pratiquants de Dance Dance Revolution qui se déhanchent à une vitesse folle sur le tapis de jeu. Le soir, cela se transforme en véritable exutoire pour certains salarymen qui ne prennent même pas la peine de retirer leur costume. (Sachez que filmer sans l‘autorisation explicite du joueur est un comportement déplacé).
4e étage : les simulateurs géants
Venir dans une salle de jeux, c’est vouloir vivre une expérience impossible à trouver ailleurs et rien de telle que les simulateurs de pilotage de mecha pour cela, avec des titres qui vous placent aux commandes des robots géants, grâce à des installations imposantes. Idem pour les simulations de train, des jeux 100 % nippon dans lesquels vous devrez mener vos passagers de station en station sur les lignes de train actives au Japon. Il y a aussi des machines qui vous plongent dans un film (Jurassik Park), une série (The Walking Dead) ou au cœur de l’action, bien armés, comme le font les séries Time Crisis ou House of The Dead.
5e étage : les simili-machines à sous
Les amateurs de machines à sous et de jeux à gain fréquentent cet étage. Si les jeux d’argent sont interdits au Japon, gagner des médailles à échanger contre des jetons ou des prix est autorisé. C’est un système qu’on retrouve dans les très populaires salles de Pachinko du pays.
Les machines disponibles sont souvent à l’effigie de héros de manga ou de jeux vidéo populaires et la variété est de mise avec du poker, du black jack, ou des pousses-pièces qui permettent de gagner les objets qui tombent. Le plus étonnant reste sans nul doute les simulateurs de courses de chevaux, avec leurs écrans géants qui retransmettent les courses virtuelles et devant lesquels les parieurs peuvent passer de longues heures.
6e étage : du Purikura… interdit aux hommes !
Les Purikura (de la contraction Purinto Kurabu, Print club) sont des photomatons dans lesquels on peut personnaliser à outrance ses photos, à coup d’éléments kawaii qu’on ajoute à l’aide d’un stylet tactile. Une fois votre création validée, vous pourrez l’imprimer et avoir une série de photos autocollantes à partager avec vos amis. Fun et convivial, il faut généralement être avec une fille pour avoir accès à cet étage !
Ces salles de jeux ont leurs codes et leurs habitués qui ont souvent les cartes de fidélité de chaque enseigne. Regroupées sous des IC card portant la mention de e-AMUSEMENT PASS, elles permettent aux joueurs de sauvegarder leur progression, de bénéficier de bonus et de nouveautés et bien sûr de reprendre leur partie dans l’ensemble des salles de jeux. Des cartes mémoires spéciales arcade à acheter directement dans la salle, pour éviter de reprendre à zéro à chaque visite.
On peut, dans ces lieux où il est facile de passer plusieurs heures, acheter un snack ou une boisson dans l’un des nombreux distributeurs à disposition des clients. On peut également fumer dans certaines salles, notamment dans les étages supérieurs. Pour les fumeurs en manque d’espace pour assouvir leurs envies au Japon, c’est toujours bon à savoir !
Quelques jeux symboliques de l’arcade japonais
Certains titres ont plus marqué les joueurs de salles d’arcade japonaises et pour nombre d’entre eux, ils figurent au rang des incontournables encore aujourd’hui. Voici une petite liste non-exhaustive de titres à essayer à tout prix.
Taiko no tatsujin de Namco
Le jeu de tambours traditionnels de NAMCO est certainement l’exemple le plus criant du divertissement en salle de jeux. Munis de 2 baguettes, il faut taper en rythme sur les percussions au son des musiques les plus connues issues des animés, des jeux vidéo, de la Pop ou de la musique classique.
Accessible à tous, grâce à des modes de difficulté bien dosés, tous les types de gamers peuvent y jouent : de l’enfant qui fait ses premiers pas dans cet univers au hardcore gamer surentrainé, c’est un classique !
MaiMai de Sega
Autre jeu musical à succès qui s’est décliné en plusieurs versions depuis 2012, MaiMai demande au joueur debout face à l’écran de tapoter l’écran tactile en rythme, de préférence avec des gants pour effectuer les mouvements glissés plus facilement.
Vous pouvez affronter votre voisin et tenter d’enchaîner les combos les plus fous, afin de faire grimper le score. Pour une réussite maximale, vous serez obligé de vous déhancher !
Initial D Arcade Stage de Sega
Basé sur le manga Initial D de Shuichi SHIGENO qui met en scène des courses de rue, le soft est un jeu de voiture bien pêchu, dans lequel il faut négocier le moindre virage avec soin pour ne pas finir dans le décor. L’ambiance du manga est retranscrite à merveille, avec l’intervention des personnages durant les joute. La musique qui accompagne le jeu donne le ton.
Un jeu culte pour les amateurs de courses en multi-joueurs qui se retrouvent dans les salles pour s’affronter sur l’asphalte…virtuel.
Chunithm de Sega
Présenté fin 2014 à Akihabara, le jeu de rythme le plus excitant de ces dernières années est sorti en juillet 2015 dans le reste du pays. Et il remporte toujours le même succès, à en croire les files d’attente qui se forment pour y jouer, dans les salles les plus fréquentées.
Face à un clavier tactile, le joueur doit tapoter, effleurer ou maintenir les touches en fonction des notes qui défilent à l’écran à un rythme démentiel dans les modes de difficultés les plus élevés. Pour compliquer le tout, il faut parfois lever les mains pour être détecté par le capteur de mouvement placé à hauteur du torse.
Ne vous laissez pas impressionner par les pratiquants habitués au titre qui jouent souvent avec leurs écouteurs pour une immersion totale, et tentez l’expérience !
Gunslinger Stratos de Square Enix
Depuis 2012, les bornes de Gunslinger Stratos occupent l’espace de nombreuses salles de jeux. On vous recommande de vous essayer à ce jeu de tir à la 3e personne, qui permet de combiner les deux pistolets disponibles pour former de nouvelles armes et ainsi faire de plus gros dégâts. Le sentiment de puissance qui ressort de ce gameplay est jouissif !
Entre le défouloir et le jeu d’action qui demande un minimum de réflexion, la série des Gunslinger Stratos a trouvé un bon compromis.
Quel avenir pour ces lieux communautaires ?
Durant leurs heures de gloire, les salles d’arcade nippones attiraient principalement les jeunes, mais leurs intérieurs sombres et l’ambiance qui semblait réserver le lieu aux passionnés ont peu à peu laissés place à des environnements plus lumineux à même de séduire les familles et les plus jeunes, les couples et les curieux peu familiers avec le monde du gaming. Un changement de décor qui permet de compenser le déclin de ces établissements dans le pays.
Si les plus anciens se plaisent à fréquenter les salles de jeux spécialisées en rétro-gaming, comme la célèbre salle Mikado située dans le quartier étudiant de Takadanobaba à Tokyo, c’est bien pour attirer une clientèle nouvelle et plus variée que les salles cherchent à se renouveler. Elles proposent des jeux pour tous les âges, avec parfois même des espaces dédiés uniquement aux plus petits et dans lesquels Anpaman ou Doraemon font figure de partenaires de jeu, des espaces de Purikura toujours plus sophistiqués pour attirer les étudiantes, ou des bornes d’arcade imposantes destinées à proposer des expériences impossible à reproduire chez soi, malgré les évolutions techniques en matière de consoles de jeu. Suffisant pour éviter de disparaître ?
Certains éditeurs préfèrent miser sur l’aspect communautaire du lieu en développant de nouveaux titres jouables jusqu’à 20 joueurs en simultané, comme Namco et le dernier titre issu de la série de manga Jojo’s Bizzare Adventure qu’il a présenté à Japan Amusement Expo 2020 en février. D’autres pensent que la VR sauvera les établissements de jeux et installent des zones de Réalité Virtuelle dans les salles. Pour l’instant, cette technologie prometteuse n’a pas totalement séduit le grand public, du fait notamment du coût élevé des accessoires, et les salles de jeux pourraient être le meilleur endroit pour imposer de nouvelles formes de gaming. Pendant longtemps, elles servaient de salles de test grandeur nature pour les éditeurs qui proposaient leurs nouveaux jeux, afin d’évaluer les possibilités d’adaptation sur consoles et faire de même avec la VR pourrait leur redonner un second souffle.
Les salles de jeux au Japon ont les ressources pour affronter les évolutions qui touchent le monde du jeu vidéo, mais elles doivent pour cela miser sur la nouveauté et attirer de nouveaux joueurs. À terme, il serait dommage de voir disparaître les salles d’arcade, qui font partie du paysage dans les grandes villes japonaises. En attendant, profitez de votre prochain voyage au Japon pour pénétrer dans cet univers à part et dépenser les quelques pièces de 100 yens qui encombrent vos poches… !
Sources :