Bokko-chan : découvrez le maître de la micro-nouvelle, Shinichi HOSHI !
Le Japon ne cessera donc jamais de regorger d’auteurs à découvrir. Shinichi HOSHI, vous connaissez ? Jusqu’à il y a peu, nous non plus. Mais grâce à l’éditeur Omake Books, le premier recueil de cet auteur quasi-institutionnel japonais débarque en France, l’occasion de découvrir aussi le format short-short (alias la micro-nouvelle) dont il a fait sa marque de fabrique.
Après avoir dévoré cet ouvrage entre science-fiction et fantastique, entre Black Mirror et la quatrième dimension comme le dit son éditeur, nous sommes donc allés posé quelques questions à Florent Gorges, gérant d’Omaké Books et très grand fan de HOSHI. L’occasion de tout savoir sur Bokko-chan : ce projet risqué, sa réalisation et, évidemment, son auteur !
De Florent Gorges à Shinichi HOSHI
Né en 1926 à Tokyo et décédé en 1997, Shinichi HOSHI est l’un des auteurs les plus admirés et lus au Japon ! Il est l’inventeur d’un genre littéraire au Japon appelé le « short-short » et qui fait aujourd’hui encore la joie des écrivains lors d’innombrables concours. Écrivain spécialisé dans la science-fiction et les histoires fantastiques, il est considéré comme l’un des conteurs les plus influents du siècle passé au Japon. Il a écrit et publié plus de 1000 histoires courtes lues par toutes les générations depuis 60 ans. Ses recueils sont devenus d’immenses classiques et sont de nos jours encore très populaires. En 2017, son éditeur annonçait avoir franchi l’incroyable barre des 32 millions de livres vendus rien qu’au Japon ! Il est considéré comme le père de la SF au Japon.
Florent Gorges est un passionné de jeu vidéo, et de la firme Nintendo notamment, il possède les casquettes de traducteur, de beaucoup de manga autour du jeu vidéo, journaliste, ancien animateur sur No-life, biographe et aussi éditeur… puisqu’il est le gérant de Omaké Books, qui publie Bokko-Chan, le sujet de notre rencontre…
Journal du Japon : Bonjour Florent Gorges et merci pour votre temps… En plus de toutes vos activités vous préfacez donc Bokko-Chan, de Shinichi HOSHI. Un éditeur qui préface l’un de ses livres c’est le signe que c’est un projet auquel il tient vraiment beaucoup… Avant de parler du monsieur lui-même, c’est quoi votre histoire à vous avec Shinichi HOSHI, celle qui vous a conduit à cette publication ?
Florent Gorges : Bonjour Journal Du Japon ! En effet, Bokko-Chan, c’est un projet de cœur avant tout. Cet auteur, je l’ai découvert quand j’avais 17 ans, lors de mon premier séjour au Japon. J’étais alors lycéen et j’apprenais le Japonais en immersion totale dans un lycée près de Nagoya. Et j’ai immédiatement adoré. C’était parfait pour l’étudiant que j’étais, les textes sont rédigés dans une langue limpide, c’est très court et la chute est toujours surprenante. Et je n’ai jamais cessé de lire cet auteur depuis cette époque, en 1997…
Si on en croit la préface, publier du Shinichi HOSHI, ça aurait du être fait depuis des années mais personne n’a jamais osé le faire… Mais c’est qui, déjà Shinichi HOSHI ?
Oui, Shinichi HOSHI est un auteur culte au Japon. Plus de 32 millions de livres vendus de son vivant (il est décédé en 1997) ! Il a inventé un genre, le short-short, des histoires qui se lisent en 10 minutes maximum et dont la chute intervient à la dernière ligne. C’est vraiment surprenant et toujours très original. C’est simple, tous les Japonais l’adorent, mais il n’a jamais été traduit en français sous prétexte que… les histoires courtes ne se vendent pas bien en France. Quel gâchis ! Donc j’ai décidé de publier un premier recueil avec ma propre société.
HOSHI est un maître du short-short, alias la micro-nouvelle. Pour les lecteurs qui ne connaissent pas, une micro-nouvelle c’est juste une toute petite histoire, de moins de 10 pages, ou c’est plus que ça ?
Ça dépend un peu des besoins de l’histoire, mais oui, concernant Shinichi HOSHI, c’est généralement une lecture qui ne dure pas plus de dix minutes. C’était parfait pour des lectures dans le métro. Et aujourd’hui encore, ça répond à une vraie demande, dans une société où l’on n’a jamais autant zappé !
Au-delà du format en quoi HOSHI se démarque et pourquoi il a rencontré le succès au Japon, avec plus de 32 millions d’exemplaires vendus ?
Son incroyable imagination ! Il a longtemps détenu le record du monde du nombre de textes littéraires publiés dans la presse (journaux, magazines). Il a écrit plus de 1000 short-short ! Et aucun ne se ressemble. Mais si ça a toujours plu, c’est encore une fois parce que la chute qui intervient à la dernière ligne parvient toujours à faire mouche. On est toujours bluffé par la conclusion, à laquelle on ne s’attend jamais. C’est un tour de force littéraire.
Dans la préface quand vous parlez des Japonais qui vous parle de HOSHI, on a l’impression que tout le monde en a déjà lu au moins une fois… Est-ce que vous pouvez nous en dire plus sur sa place dans la culture japonaise ?
© 1971 by The Hoshi Library / SHINCHOSHA Publishing Co.,Tokyo
Bokko-chan : entre La quatrième dimension et Black Mirror
HOSHI a publié plus de 1000 histoires… vous en présentez cinquante. Vous les avez sélectionnés vous-même ? Etes-vous parti d’un ouvrage japonais qui l’avait déjà fait ?
En réalité, ses histoires étaient publiées dans la presse, les magazines, etc. Et régulièrement, son éditeur compilait ses histoires dans un volume d’environ 50 histoires. Donc Bokko-Chan, c’est l’un des innombrables recueils ! Donc je n’ai pas choisi les histoires, mais j’ai choisi le recueil. J’ai pris Bokko-Chan car c’est le premier que j’avais lu et qu’il m’est très cher. Néanmoins, il est un peu frustrant de ne pas pouvoir faire un « best-of ». Mais là, ce sont les ayants-droits qui ont décidé de procéder ainsi. En tant qu’éditeur français, j’avais le choix de l’ouvrage, mais je ne pouvais pas en réaliser un sur-mesure.
Une fois la sélection d’histoires faite, il faut les traduire… Vous étiez à deux là dessus, vous et Emmanuel Pettini. Parce que c’était difficile ?
Parce que je n’avais pas le temps, en fait… En général, il me faut une journée entière pour traduire correctement une histoire. Donc 50 histoires = 50 jours de travail. Sauf que je ne pouvais pas sacrifier près de 2 mois de mon travail d’éditeur et de traducteur (j’ai beaucoup d’autres traductions à rendre). Et vers la 30e histoire traduite, je voyais la deadline se rapprocher et j’ai réalisé que je n’allais pas être dans les temps. J’ai donc dû m’entourer et Emmanuel m’a filé un précieux coup de main en traduisant près d’une vingtaine de textes. Quant à la difficulté, oui, c’est difficile à traduire car chaque mot compte vraiment. Comme la chute intervient à la toute fin, il faut faire gaffe à ne pas spoiler la fin avec un mot mal choisi. L’auteur, lui, a choisi et pesé consciencieusement chaque mot pour éviter de mettre la puce à l’oreille aux lecteurs. En ce sens, c’est compliqué à traduire.
Pourquoi le titre et la couverture dédié à l’histoire du nom de Bokko-Chan au fait ? Parce que Yoshitaka AMANO ?
Yoshitaka AMANO est un ami, je suis son biographe depuis des années. Et parmi les œuvres récentes, il a une collection qui s’appelle Candy Girl, avec des personnages féminins robotisés et aux couleurs flashy. Or, Bokko-Chan, c’est justement le nom d’une histoire dans laquelle il y a une héroïne robot, une très jolie fille un peu froide (car sans émotion). Et cette illustration d’Amano correspondait parfaitement à l’image que j’avais du personnage Bokko-Chan dans cette histoire.
Puisque l’on parle de choix éditoriaux… Vous allez sans doute me dire “au plus grand nombre” mais a qui s’adresse ce livre, quel est le public que vous visez ?
Au risque de vous décevoir : tout le monde ! Bokko-Chan n’est absolument pas segmentant. Au Japon, il est vraiment lu par les enfants et les adultes. Car aucune de ses histoires n’est violente, sexuelle, polémique.
Même si on reconnaît dans quelques unes des histoires des aspects sociétaux proches du Japon (dans Bokko-Chan ou Une mission de longue haleine) les histoires de HOSHI sont étonnamment peu étiquetable “Japon”… J’avais plus l’impression de lire du Hitchcock que du Murakami ou du Soseki pour le dire autrement. Cela vient de votre sélection où des influences de HOSHI, “entre La quatrième dimension et Black Mirror”, pour citer l’une des phrases d’accroches du livre ?
Oui, là encore, c’est la preuve que c’est un auteur qui touche tout le monde car le plus incroyable dans son œuvre, c’est que ses histoires sont vraiment universelles ! Elles peuvent être lues par un Français, un Italien, un Égyptien sans que rien ne vienne vraiment heurter sa compréhension. Et effectivement, il y a toujours un peu de fantastique dans ses histoires, avec régulièrement une mise en garde envers la technologie non maîtrisée. C’est le côté Black Mirror. Et comme la fin est toujours surprenante, c’est l’aspect Quatrième dimension.
Le livre est sorti il y a 3-4 semaines environ, le 31 janvier. Quels sont vos premiers retours, qu’ils soient de lecteurs ou en terme de ventes ?
Je n’ai pas de retour de vente mais la mise en place a été bonne. Dans les rayons « littérature asie », le livre est bien visible. Pour les retours lecteurs, ils sont pour l’instant tous excellents et beaucoup demandent une suite. Mais pour ça, faudra attendre les ventes concrètes…
Pour finir, on lui souhaite quoi à ce recueil et aux histoires d’HOSHI… D’être adaptées en série sur Netflix ?
Avec plaisir, oui, ça serait chouette ! Sinon, que l’on puisse au moins retomber sur nos pieds afin d’entreprendre la traduction d’un deuxième recueil !
C’est tout le mal qu’on lui souhaite en effet ! Merci !
Retrouvez toutes les informations sur Bokko-chan sur le site d’Omake Books et suivre Florent Gorges sur Twitter.
Remerciements à Florent Gorges pour son temps et ses réponses ainsi qu’à Marion et Wizard Communication pour la mise en place de cette interview.
Très content de mon achat !
Effectivement les histoires sont surprenantes ! La chute est très souvent excellente !
Je vous le recommande chaudement.
Bonjour Romain,
Paul OZOUF, redac chef et auteur de l’article. Merci de nous avoir lu et, en effet, je recommande c’est sympa et le format micro-nouvelle change de d’habitude !
Cordialement