Guerre du Pacifique : Épisode 4 – L’Amérique contre-attaque (partie 1/2)
Dans notre épisode 3 sur l’avancée japonaise dans le Pacifique (partie 1 et partie 2), nous avons vu que, victoire après victoire, les Japonais ont réussi en ce début de guerre à se tailler un empire immense dans l’Asie avec la conquête de l’Indochine française, une partie de la Chine, la Malaisie, la Thaïlande, Singapour, les bases américaines de Guam et Wake, Hong Kong, les Philippines, la Birmanie et les Indes néerlandaises. Six mois après Pearl Harbor, la réaction des Alliés se fait attendre… La première contre-attaque sera le raid de Doolittle puis la bataille de la mer de Corail avant le grand tournant de Midway…
Quelle sera la prochaine cible ?
A Tokyo, l’armée de terre et la marine ne partagent pas le même avis. Après tant de batailles menées, la première souhaiterait marquer une pause pour que ses troupes se reposent… pour ensuite se concentrer sur la Chine notamment et enfin éliminer Tchang Kaï Chek qui résiste toujours. La marine est divisée. Certains amiraux voudraient pousser vers le sud, c’est-à-dire l’Australie, la Nouvelle-Zélande et la Nouvelle-Calédonie. Quand d’autres souhaiteraient attaquer le cœur du Pacifique et la flotte américaine pour conquérir Midway. A Washington et à Londres, après la perte de la Birmanie, l’Inde et l’Australie semblent plus que jamais menacées d’invasion nippone. La conférence Arcadie avait posé le principe de « l’Europe d’abord » (Europa first) et protéger l’Australie irait à l’encontre… La balle est donc dans le camp des Japonais. Qui de l’armée de terre et de la marine aura le dernier mot au Japon pour trancher ?
A Tokyo, l’amiral Yamamoto à l’origine de la victoire à Pearl Harbor fait autorité et fait basculer la balance. Décision est prise de couper la ligne des communications entre les États-Unis et l’Australie avec le contrôle de la mer de Corail qui passe par la conquête des îles Salomon, Samoa, les Fidji et la Nouvelle-Calédonie. Son plan prévoit aussi de prendre Midway, sentinelle avancée d’Hawaï. La prise de l’atoll serait une menace grave pour l’intégrité du territoire américain en ouvrant une fenêtre sur la côte ouest du pays. Le stratège japonais sait que si Midway est attaqué, les Américains seront forcés d’envoyer tous leurs moyens pour défendre l’atoll. Pour détruire complètement l’US Navy, une embuscade est prévue. Ainsi, serait terminé le travail commencé à Pearl Harbor le 7 décembre 1941 [Cf l’épisode 2 – Pearl Harbor]. Fort de cette suprématie dans le Pacifique, il pense que le Japon pourrait ainsi obtenir une paix de compromis avec les États-Unis. L’amiral Yamamoto sait que le temps joue contre son pays, l’industrie américaine étant largement supérieure au potentiel japonais.
Le raid de Doolittle : l’Amérique contre-attaque !
Préparation d’un bombardement symbolique du Japon
Avant le raid de Doolittle, les Japonais pensaient être à l’abri des bombardiers américains, protégés par l’immensité de l’océan Pacifique. Sans base suffisamment proche de l’archipel, le rayon d’action de l’aviation américaine semblait en effet insuffisante. C’était sans compter sur l’esprit de revanche qui anime l’oncle Sam qui a besoin de remotiver ses troupes et les civils après les défaites dans le Pacifique depuis l’entrée en guerre et le choc de l’attaque de Pearl Harbor. Les militaires désirent mener pour ces raisons un bombardement symbolique du Japon. Le lieutenant-colonel (et futur général) James H. Doolittle se voit ainsi chargé de monter cette contre-attaque surprenante. Le seul moyen pour y parvenir : faire décoller des bombardiers d’un porte-avions. Chef et pilote expérimenté, il sélectionne les aviateurs qui l’accompagneront pour les bombardements de Tokyo. Ainsi durant plusieurs semaines, à la base navale de Norfolk, ce sont 21 équipages du 17e groupe de bombardement qui s’entraînent et adaptent les bombardiers B/25 Mitchell pour décoller très court, dans les conditions d’envol sur porte-avions. La distance normale de décollage pour un B/25 est d’environ 700 mètres et le pont d’envol d’un porte-avions de classe Yorktown est de 200 mètres seulement.
Le 1er avril 1942, 16 B/25 embarquent sur le porte-avion USS Hornet, 4e et dernier de la classe Yorktown (constructions de 1934 à 1941). Allégé et équipé de réservoirs auxiliaires pour la mission, chaque bombardier emporte plus d’une tonne de bombes. La Task Force 16 de l’amiral Halsey, composée de 16 navires avec notamment le porte-avion USS Enterprise et ses avions de chasse embarqués, les rejoint en mer et est chargée d’escorter l’USS Hornet et les B/25 qui doivent se rapprocher le plus possible des côtes japonaises. A l’aube du 18 avril, la flotte est repérée par des chalutiers ennemis à 1 300 kilomètres des côtes du Japon. Le plan prévoyait de lancer l’attaque à 1 050 kilomètres de l’archipel japonais. Pour préserver l’effet de surprise, l’opération doit être lancée d’urgence. Doolittle décolle ainsi immédiatement. Un par un, ses compagnons le suivent. Les 16 bombardiers réussissent le décollage du Hornet. La première partie du plan accomplie, la formation des 16 B/25 se sépare dans le ciel nippon et doit dorénavant arriver jusqu’à ses cibles : Yokohama, Tokyo, Nagoya, Kobe, Nagasaki et Osaka. Il a été décidé de bombarder des cibles militaires et industrielles et d’épargner le palais impérial. Les Japonais ne s’attendant pas à une attaque sur leur territoire, la défense aérienne est ainsi assez faible et les bombardiers ne rencontrent pratiquement aucune résistance pendant leur trajet de 6 heures. Chaque avion largue 1 tonne de bombes soufflantes ou incendiaires.
Réserves épuisées et atterrissage en Chine
A court de carburant, les Américains doivent dorénavant se poser et rejoindre la Chine, en zone sous contrôle de l’armée chinoise. Cette partie finale du plan ne se passe pas comme prévue. L’appareil qui devait normalement indiquer la piste d’atterrissage par signal radio s’est écrasé avant la mission. Les pilotes doivent ainsi repérer de visu un endroit favorable pour atterrir. Avec la nuit qui tombe et la pluie, la manœuvre s’annonce difficile. Trois bombardiers ne parviennent pas à rejoindre les forces chinoises. Un B-25 s’écrase à proximité des côtes chinoises et un autre équipage, faute de carburant, doit se parachuter au-dessus d’une zone chinoise sous-autorité japonaise. Sur les 8 prisonniers de ces 2 équipages, 3 seront exécutés par l’armée japonaise et un soldat mourra de malnutrition. Faute de carburant suffisant pour rejoindre la Chine, un dernier appareil atterrit à Vladivostok, en territoire soviétique : l’équipage est interné pendant 13 mois en URSS avant de pouvoir retrouver les États-Unis.
Les dégâts sont mineurs sur le plan matériel mais le but de cette frappe aérienne était d’avoir un impact psychologique sur l’ennemi et en cela, le raid de Doolittle a été un succès. Aux États-Unis, cette « victoire » redonne du moral aux Américains, la propagande de guerre battant son plein. Au Japon, cette attaque est un choc : le sanctuaire national a été touché ! Tokyo et le palais impérial sont à la portée des bombardiers américains ! En réaction, l’armée impériale japonaise menée par le général Shunroku Hata occupe massivement la Chine pour éviter qu’elle ne serve de repli aux bombardiers. L’armée de 100 000 hommes, en représailles, massacre durant l’été 1942 environ 250 000 paysans des provinces du Zhejiang et du Jiangxi sur la côté est du pays. L’armée japonaise compte alors en Chine un million d’hommes, autant de troupes et d’avions qui ne pourront être mobilisées dans le Pacifique ! L’amiral Yamamoto décide d’agrandir la zone de protection autour de l’archipel sur son flanc est. Cela précipite le stratège japonais dans sa stratégie de la prise de Midway.
Bataille aéronavale en mer de Corail (4-8 mai) : l’invasion de l’Australie annulée
Le plan des Japonais
Avant le raid de Doolittle, l’amiral Yamamoto avait planifié la prise de Port-Moresby et des îles Salomon pour mettre un peu plus la pression sur l’Australie. Le Japon disperse ses forces et ne revoit pas ses ambitions en mer de Corail, bien décidé à mener de front les batailles en Papouasie et dans les îles Salomon mais aussi dans le Pacifique, à Midway. Forts de leurs succès, les amiraux et généraux japonais ne voient-ils pas trop grand ? N’ont-ils pas attrapé la « maladie de la victoire » ? L’opération reste programmée début mai et Midway, première semaine de juin. Un plan bien ambitieux qui démontre l’optimisme des Japonais ! L’amiral Yamamoto confie le commandement des opérations à l’amiral Inoue, commandant de la 4e Flotte. Pour le débarquement à Port Moresby, la force d’invasion dit « détachement des mers du Sud » est composée de 11 navires de transport avec à leur bord 5 000 soldats sous escorte d’un croiseur léger et 6 destroyers. Est prévu aussi un petit détachement pour occuper l’île de Tulagi, au nord de Guadalcanal, où doit être construit un terrain d’aviation. Pour protéger les deux débarquements (Tulagi et Port Moresby), l’amiral Gotō commande une force de couverture composée du porte-avions léger Shōhō, 4 cuirassés et un destroyer. Pour contrôler l’accès à la mer de Corail et apporter une couverture aérienne à la force d’invasion, les porte-avions Shōkaku et Zuikaku constituent une force de frappe censée briser les ambitions américaines. L’amiral Inoue s’attend à une demi-résistance. Pour lui, les appareils américains en Australie jugés trop éloignés ne représentent pas de danger immédiat. De plus il pense, à tord, que l’un de ses sous-marins a coulé le porte-avions Lexington. Il estime aussi qu’ont été impliqués 3 porte-avions pour le raid mené contre Tokyo. En principe, de retour de Pearl Harbor, il est impossible qu’ils arrivent à temps.
Décryptage et interceptions radio : le Yorktown et le Lexington à la rescousse…
Si la Marine japonaise est mal renseignée, c’est que les Américains ont réussi à percer le système de communication des Japonais, en particulier leur code naval JN 25. A Pearl Harbor, l’équipe de décryptage du capitaine Rochefort déchiffre les communications ennemies. Avec ces précieuses informations, l’amiral Nimitz reçoit ainsi régulièrement du capitaine de corvette Layton des cartes des mouvements de la flotte nipponne. Un réseau de surveillance côtière en Nouvelle-Georgie et à Bougainville surveille aussi les passages de navires au large des Salomon. A la fin du mois d’avril, les interceptions radio indiquent les intentions japonaises : Port-Moresby est visé et 3 porte-avions se dirigent vers le Pacifique sud. L’opération baptisée MO doit se dérouler les 2 et 3 mai. Les Américains savent donc où et quand les Japonais passeront à l’attaque. Dans la zone ou les abords, se trouvent deux porte-avions, le Yorktown et le Lexington. Deux Task Forces sont ainsi mises sur pied : la Task Force 17, sous l’amiral Fletcher, autour du Yorktown avec 3 croiseurs lourds et 6 destroyers, au départ de Nouméa qui sert de base aux Alliés, la Nouvelle-Calédonie s’étant ralliée à la France Libre de De Gaulle dès septembre 1940 ; la Task Force 11, sous l’amiral Fitch, autour du « Lady Lex » avec 2 croiseurs lourds et 5 destroyers. Il est prévu qu’ils se rejoignent au point « Butter-cup » (Bouton-d’or) à 400 km au sud-ouest de San Cristobal pour ainsi barrer la route à l’envahisseur japonais.
L’alerte est donnée le matin du 2 mai : des croiseurs qui escortent des navires de transport longent l’île de Bougainville. Des débarquements à Tulagi et à Guadalcanal semble-t-il, sont confirmés et signalés par une reconnaissance aérienne. Sans attendre la TF 11, Fletcher qui entre dans la mer de Corail par le sud remonte vers le nord. Le 4 mai, à 6h30, à 150 km au sud-ouest de Guadalcanal, l’amiral lance les avions du Yorktown. Pensant être seuls et à l’abri, la force de couverture de l’amiral Gotō s’est retirée dès les premiers débarquements effectués. Les Devastator et les Dauntless profitent des nuages pour attaquer par surprise les bâtiments au mouillage et qui terminent leurs mises à terre. Loin d’avoir détruit toute une flotte ennemie, les appareils américains n’ont détruit qu’un destroyer, quelques dragueurs de mines et barges de débarquement ainsi que quatre hydravions. Les Japonais savent dorénavant qu’un voire deux porte-avions se trouvent dans la mer de Corail. Dans la bataille, les Américains ont perdu trois appareils mais tous les pilotes ont pu être secourus. Après avoir récupéré ses avions dans la soirée du 4 mai, la Task Force 17 se retire vers le sud. Malgré cette frappe aérienne, cela ne change pas le programme des Japonais qui poursuivent la construction de la base d’hydravions. Ils pourront ainsi commencer des missions de reconnaissance depuis l’île de Tulagi dès le 6 mai.
Recherches aériennes avant les frappes
Le 5 mai, la TF 17 fait jonction avec la TF 11 et la TF 44 à 590 km au sud de Guadalcanal. Un message provenant du service des renseignements de Pearl Harbor informe l’amiral Fletcher que les Japonais planifient de débarquer leurs troupes à Port Moresby le 10 mai et que leurs porte-avions se trouveront vraisemblablement à proximité du convoi d’invasion. Fletcher décide donc de ravitailler la TF 17 et le 6 mai, il planifie de de faire cap vers le nord en direction des Louisiades et de déclencher la bataille le 7 mai. Les deux porte-avions japonais Zuikaku et Shōkaku contournent les Salomon par l’est et tournent au sud de l’île San Cristobal pour déboucher sur la mer de Corail le 6 mai au matin. A 330 km à l’ouest de Tulagi, les navires de l’amiral Takagi se ravitaillent en vue de la bataille de porte-avions à venir.
À 6h25, le 7 mai, la TF 17 se trouve à 213 km au sud de l’île Rossel. L’amiral Fletcher envoie la flotte de croiseurs et de destroyers du vice-amiral Crace avec pour mission de bloquer le détroit de Jomard afin d’éviter que les Japonais ne profitent des affrontements pour débarquer à Port-Moresby. Les bombardiers des porte-avions ne pourront pas couvrir la flotte de Crace mais l’amiral Fletcher décide de prendre le risque. Un peu plus tôt, à 6h19, dix Dauntless décollent du Yorktown pour reconnaître la zone. Du côté japonais, l’amiral Takagi à environ 560 km à l’est de la position de Fletcher, lance douze torpilleurs Nakajima B5N à 6h00 pour essayer de localiser la flotte américaine. L’amiral Hara pensait que les navires de l’amiral Fletcher se trouvaient au sud et il conseille à l’amiral Takagi d’envoyer des appareils de reconnaissance dans la zone. Les croiseurs Kinugasa et Furutaka lancent ainsi quatre hydravions pour explorer le sud-est des Louisiades.
Confusion autour de l’USS Neosho et de l’USS Sims pris pour des porte-avions américains (7 mai)
À 7h22, l’un des appareils du Shōkaku rapporte qu’il a repéré des appareils américains à 302 km de la flotte de Takagi. Un autre appareil confirme rapidement un groupe composé d’un porte-avions, d’un croiseur et de trois destroyers. En réalité, ce sont le pétrolier Neosho et le destroyer Sims. Pensant avoir localisé les porte-avions américains, l’amiral Hara, avec le soutien de Takagi, lance à l’attaque à 8h00 les dix-huit chasseurs Zero, trente-six bombardiers en piqué D3A et vingt-quatre bombardiers-torpilleurs disponibles. À 8h20, l’un des appareils du Furutaka repère les vrais porte-avions et informe le QG de l’amiral Inoue à Rabaul qui transmet le message à l’amiral Takagi. Un hydravion du Kinugasa à 8h30 confirme l’observation. Face à ces rapports contradictoires, les Japonais pensent que les porte-avions américains se sont séparés en deux groupes. C’est pour cela que les amiraux Takagi et Hara prennent la décision de continuer l’attaque des navires au sud (le pétrolier Neosho et le destroyer Sims). La flotte japonaise se dirige aussi vers le nord-ouest pour se rapprocher des navires repérés par l’hydravion du Furutaka.
À 9h15, les 78 avions arrivent sur la zone désignée et repèrent l’USS Neosho et l’USS Sims. Où se trouvent les porte-avions américains ? A 10h51, les équipages du Shōkaku comprennent leur erreur et la confusion entre le pétrolier et le destroyer avec des porte-avions. L’amiral Takagi ordonne à ses appareils d’attaquer immédiatement les navires américains et de rentrer au plus vite sur les porte-avions. À 11h15, les bombardiers-torpilleurs et les Zero retournent vers les porte-avions et les trente-six bombardiers en piqué lancent l’attaque. Le destroyer Sims est coupé en deux par trois bombes et coule immédiatement. Il n’y eut que quatorze survivants sur les 192 membres d’équipage. L’USS Neosho est lui touché par septs bombes. L’un des bombardiers est endommagé par la défense antiaérienne et s’écrase sur le pétrolier, le navire sombre lentement et aura le temps de prévenir de l’attaque l’amiral Fletcher.
La flotte de soutien de l’invasion de l’amiral Gotô repérée et le porte-avions léger Shôhô coulé (7mai)
À 8h15, un Dauntless de l’USS Yorktown signale la présence de « deux porte-avions et quatre croiseurs lourds » à 417 km au nord-ouest de la Task Force 17. L’amiral américain Fletcher pense ainsi avoir débusqué la principale force aéronavale japonaise. Il lance tous ses appareils disponibles contre elle. À 10h13, l’escadrille de 93 avions composée de dix-huit Wildcat, cinquante-trois Dauntless et ving-deuxDevastator est en route. À 10h12, l’amiral Fletcher reçoit un autre rapport envoyé par un groupe de trois B-17 indiquant la présence d’un porte-avions, de dix navires de transport et de seize navires de guerre à 56 km au sud de la position repérée par le pilote du Dauntless. Le pilote du Dauntless s’était trompé dans le message codé de 8h15. Les pilotes avaient en réalité vu la même chose, la flotte de soutien de l’invasion de l’amiral Gotō.
A 10h40, les appareils américains repèrent le Shōhō au nord-est de l’île Misima. Le porte-avions léger est protégé par six Zero et deux A5M. Le premier groupe d’attaque, venant de l’USS Lexington, touche le Shōhō avec deux bombes de 450 kg et cinq torpilles qui causent de lourds dégâts. À 11h, le second groupe de l’USS Yorktown attaque le porte-avions léger en feu et presque immobile avec onze autres bombes et au moins deux torpilles. Le Shōhō coule à 11h35. Par crainte d’autres attaques, l’amiral Gotō retire ses navires de guerre vers le nord mais envoie le destroyer Sazanami pour secourir les survivants à 14h. 203 survivants sont retrouvés sur les 834 marins de l’équipage.
Les appareils américains se posèrent sur leurs porte-avions à partir de 13h38. A 14h20, ils sont prêts à repartir pour intercepter la flotte d’invasion de Port Moresby ou le groupe des croiseurs de l’amiral Gotō. L’amiral Fletcher est inquiet de ne pas savoir la position des autres porte-avions japonais. D’après les services de renseignements, l’opération MO peut impliquer quatre porte-avions ennemis. Il décide de rester dissimulé dans le temps couvert avec des chasseurs prêts à décoller en cas de besoin. La Task Force 17 met le cap au sud-est. Ayant appris la destruction du Shōhō, l’amiral Inoue ordonne le retrait temporaire au nord du convoi d’invasion. L’amiral Takagi reçoit l’ordre de détruire les porte-avions américains. A ce moment, il est à 417 km à l’est de la TF 17. La flotte d’invasion qui se retire est alors attaquée par huit bombardiers B-17 de l’US Air Force. Sans aucun dégât. L’amiral Gotō et le contre-amiral Kajioka se rendent au sud de l’île Rossel.
La flotte de croiseurs et de destroyers de Crace repérée et bombardée (7 mai)
À 12h40, un hydravion japonais repère la force de l’amiral australien Crace à 144 km des Louisiades. La flotte de Crace est aussi repérée par un autre appareil de Rabaul à 13h15. Le pilote se trompe dans son rapport et indique voir repéré deux porte-avions se trouvent à 213 km des Louisiades suivant un cap au 205°. L’amiral Takagi, qui attend à ce moment encore le retour des appareils partis attaquer l’USS Neosho et l’USS Sims, oriente ses porte-avions vers l’ouest à 13h30 et indique à l’amiral Inoue à 15h00 que les porte-avions américains se trouvent à au moins 800 km à l’ouest de sa position et qu’il ne pourrait pas les attaquer avant la nuit comme son supérieur lui demandait. L’état-major d’Inoue envoie donc deux groupes d’attaque de Rabaul, déjà en vol depuis le matin, en direction de la flotte de Crace. Le premier groupe comprend douze bombardiers-torpilleurs G4M et le second dix-neuf appareils G3M d’attaque au sol équipés de bombes. Les deux escadrons attaquent les navires de Crace à 14h30 et rapportent avoir coulé un cuirassé de classe Tennessee et avoir endommagé un autre cuirassé et un croiseur. En réalité, les navires de Crace ont évité par d’habiles manœuvres les bombardements et n’ont pas été touchés. Quatre bombardiers G4M japonais ont même été abattus.
À 15h26, l’amiral Crace indique à l’amiral Fletcher qu’il ne peut pas réaliser sans soutien aérien sa mission d’intercepter la force de débarquement à Port Moresby. La flotte se retire vers le sud à environ 410 km au sud-est de Port Moresby pour s’éloigner de la menace des appareils japonais tout en restant suffisamment proche pour intercepter toute force navale japonaise. Peu après 15h00, le Zuikaku reçoit le message erroné d’un hydravion indiquant que la flotte de Crace a changé de cap en direction du sud-est. L’amiral japonais Takagi suppose ainsi que l’appareil suivait discrètement les porte-avions de Fletcher. Afin de confirmer la position des porte-avions américains, l’amiral Hara envoie un escadron de huit bombardiers-torpilleurs à 15h15 pour reconnaitre une zone à 370 km à l’ouest.
Arrivés sur place, ils ne trouvent pas les navires américains et reviennent donc sur leurs porte-avions. À 16h15, l’amiral Hara envoie vingt-sept bombardiers des deux porte-avions en direction de l’ouest. À 17h47, la Task Force 17 à 370 km à l’ouest de la position de l’amiral Takagi détecte ,sous une épaisse couverture nuageuse, l’escadron japonais volant dans sa direction. L’amiral Fletcher met le cap au sud et envoie onze Wildcat pour les intercepter. Les Japonais sont pris par surprise et les Américains abattent neuf appareils. Trois avions américains sont détruits dans l’attaque. Après cette lourde perte, la mission de l’escadron japonais est annulée et ils retournent à leurs porte-avions. Le soleil se couche à 18h30 : les opérations aériennes sont donc arrêtées. La Task Force 17 se dirige vers l’ouest pour être prêt à lancer son aviation le lendemain dès l’aube. L’amiral Crace s’oriente également vers l’ouest pour rester à distance de combat des Louisiades. Du côté japonais, l’amiral Inoue demande à l’amiral Takagi de détruire les porte-avions américains. Les débarquements de Port Moresby sont repoussés au 12 mai. L’amiral Takagi choisit de poster ses porte-avions vers le nord durant la nuit pour offrir une meilleure protection au convoi d’invasion et pour concentrer ses recherches à l’ouest et au sud.
L’attaque des porte-avions japonais (8 mai)
La nuit passée, les deux camps peuvent dorénavant lancer des avions en mission de reconnaissance pour repérer la position de l’adversaire. À 8h20, un Dauntless de l’USS Lexington repère les porte-avions japonais à travers un trou dans les nuages et avertit la Task Force 17. Deux minutes plus tard, c’est un appareil du Shōkaku qui repère la TF 17 et qui en informe l’amiral Hara. Les deux flottes sont distantes d’environ 390 km soit une heure de vol. À 9h15, les porte-avions japonais envoient dix-huit chasseurs, trente-trois bombardiers en piqué et dix-huit bombardiers-torpilleurs. Les Américains lancent deux groupes séparés : un escadron de l’USS Yorktown composé de six chasseurs, de vingt-quatre bombardiers en piqué et de neuf bombardiers-torpilleurs qui commence sa progression à 9h15 et le groupe de l’USS Lexington qui comprend neuf chasseurs, quinze bombardiers en piqué et douze bombardiers-torpilleurs et qui se met en route à 9h25.
Les bombardiers en piqué de l’USS Yorktown arrivent au niveau de la flotte japonaise à 10h32 et attendent l’arrivée des bombardiers-torpilleurs plus lents pour mener une attaque simultanée. À ce moment, les porte-avions Shōkaku et Zuikaku sont distants de 9 100 m l’un de l’autre et le second est caché par un rideau de pluie. Ils sont protégés par seize chasseurs Zero. Les bombardiers en piqué de l’USS Yorktown commencent leur attaque du Shōkaku à 10h57. Le navire est touché par deux bombes de 450 kg qui causant de gros dégâts au pont et aux hangars. Aucun des bombardiers-torpilleurs de l’USS Yorktown ne parvint à toucher le navire japonais. Deux bombardiers en piqué américains et deux Zero sont abattus durant le combat. Les appareils de l’USS Lexington arrivent à 11h30. Deux bombardiers en piqué attaquent le Shōkaku et le touchent avec une bombe de 450 kg. Deux autres bombardiers plongent sur le Zuikaku mais leurs bombes tombent à côté. Les autres bombardiers en piqué de l’USS Lexington ne parviennent pas à trouver les navires japonais à cause des nuages épais. Aucune des torpilles des bombardiers-torpilleurs ne trouve sa cible. La patrouille de Zero abat trois Wildcat. Avec son pont d’envol lourdement endommagé et 223 membres d’équipage tués ou blessés, le Shōkaku est contraint de se retirer de la bataille à 12h10.
L’attaque des porte-avions américains (8 mai)
À 10h55, l’USS Lexington détecte les appareils japonais en approche à 128 km. Neuf Wildcat sont envoyés pour les intercepter. Quatorze bombardiers-torpilleurs sont envoyés contre l’USS Lexington et quatre contre l’USS Yorktown. Un Wildcat en abat un et huit Dauntless en patrouille de l’USS Yorktown détruisent trois autres bombardiers-torpilleurs. Quatre Dauntless sont détruits par les Zero. L’attaque japonaise commence à 11h13. Les porte-avions, distants de 2 700 m l’un de l’autre, et leurs navires d’escorte ouvrent le feu avec leur artillerie antiaérienne. Les quatre bombardiers-torpilleurs lancés contre l’USS Yorktown ratent tous leur cible. Les autres appareils contre l’USS Lexington touchent à 11h20 le porte-avions avec deux torpilles dont la première qui a touché les réservoirs de carburant. Quatre bombardiers-torpilleurs japonais sont abattus par la défense anti-aérienne. Trois minutes après le début de l’attaque des bombardiers -torpilleurs, les trente-trois bombardiers en piqué japonais commencent leur plongeon. Les dix-neuf bombardiers du Shōkaku ciblent l’USS Lexington tandis que les quatorze autres s’occupent de l’USS Yorktown. Deux bombes touchent l’USS Lexington et provoquent des incendies maitrisés vers 12h33. À 11h27, le centre du pont d’envol de l’USS Yorktown est touché par une bombe anti-blindage de 250 kg qui cause de graves dégâts structurels au hangar et tue soixante-six hommes. Douze bombes ratent l’USS Yorktown mais tombent suffisamment près pour l’endommager sous la ligne de flottaison.
L’attaque terminée, les appareils japonais se replient sont sous le feu des Wildcat et des Dauntless en patrouille. Dans ces duels aériens, les Américains perdent trois Dauntless et trois Wildcat tandis que du côté japonais, trois bombardiers-torpilleurs, un bombardier en piqué et un Zero sont abattus. À partir de midi, les escadrons américains et japonais rentrent vers leurs navires respectifs. Malgré les dégâts, les deux porte-avions américains sont capables de récupérer leurs avions. Dans le camp japonais, ce sont quarante-six appareils sur soixante-neuf qui reviennent et qui se posent sur le Zuikaku. Trois Zero, quatre bombardiers en piqué et cinq bombardiers-torpilleurs trop endommagés sont jetés à la mer. A 12h47, une explosion retentit à bord du Lexington. Puis une seconde à 14h42 et une troisième à 15h25. Les incendies sont incontrôlables et l’équipage abandonne le navire en feu dès 17h. Le sauvetage effectué, une torpille américaine coule la « Lady Lex ».
Bilan et comptes de la bataille de la mer de Corail
Chaque camp a eu des pertes. Du côté japonais : 77 appareils, 1 porte-avions léger de 12 000 tonnes (le Shōhō). Sans oublier, un porte-avions endommagé (le Shōkaku). Et du côté américain : 66 appareils, un pétrolier (Neosho) et surtout un porte-avions de 40 000 tonnes, le Lexington. Le Yorktown est endommagé seulement. En ne tenant compte que du tonnage des navires détruits, la bataille de la mer de Corail est une victoire pour la Marine japonaise. Cela n’empêchera pas les Américains de clamer victoire bien qu’ils aient plus souffert : à noter qu’ils cacheront pendant plusieurs semaines la perte du Lexington. Mais objectivement, la bataille peut être vue comme une victoire américaine. En effet, l’amiral Inoue n’ayant plus qu’un porte-avions en état (le Shōkaku doit retourner au Japon pour subir les réparations), se montre prudent et décide d’annuler l’invasion de Port-Moresby. Les navires japonais remontent au nord. A minuit, l’amiral Yamamoto ordonnera quand même de poursuivre les forces américaines. Avec seulement un porte-avions, l’USS Yorktown, l’amiral Fletcher a lui aussi décider de quitter le zone et file vers le sud, hors d’atteinte des avions de reconnaissances et des navires japonais. En contrecarrant les plans japonais de conquête vers le sud, de contrôle de la mer de Corail pour approcher l’Australie, ne peut-on pas parler en effet de victoire pour les États-Unis qui viennent ainsi de mettre un terme aux revers successifs ?
Si depuis l’attaque de Pearl Harbor, les Japonais vont de succès en succès. La réponse américaine commence enfin à arriver. L’armée nipponne pensait que le Japon était hors d’atteinte des États-Unis. Le raid de Doolittle a permis de démontrer le contraire et de redonner du moral aux Américains. Si les bombardements de Tokyo, Yokohama, Nagoya, Kobe, Nagasaki et Osaka n’ont pas fait beaucoup de dégâts, cette atteinte au sanctuaire national est un avertissement annonçant la contre-attaque américaine à venir. Avec la bataille de la mer de Corail, les Américains réussissent pour la première fois à arrêter l’avancée japonaise dans le Pacifique. Avec cette bataille, les Américains viennent de sauver l’Australie. Cela est plutôt de bonne augure pour la bataille décisive de Midway à venir…
Voici un documentaire sur la bataille de la mer de Corail qui revient brièvement sur l’avancée japonaise et la première bataille entièrement aéronavale de l’histoire :
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