Le Japon dans le tourbillon des typhons
Impressionnant, dévastateur, terrifiant, voire fascinant… Les superlatifs ne manquent pour qualifier ce phénomène naturel récurrent au Japon : le typhon. La saison de ces extraordinaires dépressions tropicales étant loin derrière nous, Journal du Japon a souhaité profiter de cette période d’accalmie pour vous livrer quelques clés permettant de comprendre ces cyclones tropicaux.
En matière de typhon, le Japon connaît quelques disparités, à l’image de son climat variant du nord au sud de l’archipel. Dans la majeure partie du Japon, l’été se trouve être la saison la plus pluvieuse de l’année. L’été marque également le démarrage de la période des typhons qui va se poursuivre jusqu’au mois d’octobre.
Cette saison des pluies se décompense en deux parties : une période dite « pluie de prunes » démarrant vers le 15 juin et perdurant jusqu’au 15 juillet. Celle-ci apporte avec elle son lot de fortes pluies, notamment dans le sud de l’archipel. À partir du mois d’août, la deuxième période, très chaude et humide, est annonciatrice de typhons. Ces cyclones tropicaux approchent des côtes de l’archipel et affectent notamment le sud du pays.
Des disparités régionales assez marquées
Selon leur intensité, les typhons génèrent des pluies torrentielles à l’origine de nombreux dégâts. Entourée de montagnes, les villes d’Osaka et Kyoto restent relativement à l’abri alors même que la région de Tokyo reste vulnérable. Et cette saison pluvieuse se poursuit en automne, le mois de septembre étant un mois chaud et humide qui voit les typhons traversant le Japon gagner particulièrement en intensité. Exemple avec le typhon Hagibis, particulièrement destructeur en 2019 :
Face à ces phénomènes météorologiques particulièrement ravageurs, les côtes voient le risque se doubler par des alertes tsunami. Soit des épisodes de vagues hautes et vents violents accouchant de lourds dégâts : inondations, glissements de terrain… Ainsi, les zones les plus touchées sont les îles d’Okinawa au sud de l’archipel mais également les principales îles, en particulier Kyushu, Shikoku et le côté sud d’Honshu. Avant d’arriver dans le nord, dans la région d’Hokkaido, ces tempêtes tropicales perdent en intensité et ne produisent « que » de fortes pluies et vents violents.
Ouragan, cyclone, typhon… C’est pareil ou pas ?
Des pluies abondantes accompagnées de vents très violents dépassant largement la centaine de kilomètres par heure. Avec ces quelques mots on peut tenir la définition très synthétique du typhon… mais aussi du cyclone… et de l’ouragan. Et en effet, ces trois termes regroupent une même réalité. D’après la définition de Météo France, typhon, ouragan et cyclone « désignent un phénomène tourbillonnaire des régions tropicales (entre 30°N et 30°S) accompagnés de vents dont la vitesse est supérieure ou égale à 64 nœuds c’est-à-dire 118 km/h (soit une force 12 sur l’échelle de Beaufort). »
Voilà pour la définition. Pour ce qui est de la distinction terminologique, elle vient juste de la localisation géographique du phénomène. Le cyclone, ou cyclone tropical pour être plus précis, est circonscris à l’océan Indien et au Pacifique sud. L’ouragan concerne l’Atlantique nord et s’étend au Pacifique nord-est et enfin le typhon est un terme accolé au Pacifique nord-ouest, incluant donc le Japon. Les épisodes de tempêtes tropicales ne sont l’apanage des seules saisons énumérées plus haut.
En raison du réchauffement climatique, les épisodes cycloniques tendent à se multiplier et plusieurs cyclones traversent – à l’heure où nous écrivons ces lignes – les régions du Pacifique sud. Pour un pays comme le Japon soumis à de lourds phénomènes naturels récurrents (typhons, tremblements de terre, séisme…), la sécurisation des lieux et des personnes est un enjeu central. Et les derniers typhons ayant traversé l’archipel, et plus précisément la région de Tokyo, ont été les typhons de tous les records.
2019, Tokyo : deux typhons à moins d’un mois d’intervalle
L’échelle de Saffir-Simpson allant de 1 à 5 permet de mesurer l’intensité d’un typhon, 5 étant le niveau le plus élevé. Classé en catégorie 4, le typhon Faxai qui a frappé l’archipel japonais le 8 septembre 2019 aura été particulièrement dévastateur. Les vents atteignent les 216 kilomètres par heure, lorsque Faxai touche les terres japonaises. Record atteint dans l’histoire de la région tokyoïte. L’agence de météo japonaise ayant prévu des niveaux records, les autorités ont émis des consignes d’évacuation non obligatoires pour près de 400.000 personnes. Cela n’aura pas empêché de nombreux dégâts matériels dans la région de Tokyo (Chiba) et on déplorera la mort de 2 personnes et plusieurs dizaines de blessés. Plusieurs semaines durant, environ 900.000 clients étaient privés de courant, principalement dans la préfecture de Chiba.
Et ce n’est pas l’arrivée du typhon Hagibis, évoqué plus haut, en pleine coupe du monde de Rugby le 12 octobre 2019, qui allait atténuer les voix qui commencent à s’élever. Elles soulignent particulièrement les failles de l’état japonais en matière de gestion de crise face à ces phénomènes extraordinaires. Une nouvelle catastrophe qui touche donc la capitale en moins de 2 mois. En dehors des pertes et dégâts matériels, Hagibis, 19e cyclone tropical de la saison, classé troisième super typhon, aura causé la mort de plus de 70 personnes et la disparition d’une dizaine de gens (comptage officiel de l’agence japonaise de gestion des catastrophes).
Ces phénomènes sont, bien entendu, observés et anticipés par les autorités japonaises. Ainsi, la population est informée plusieurs jours avant de l’arrivée d’un typhon sans pouvoir néanmoins prédire précisément l’intensité de l’impact et les conséquences réelles (pluies diluviennes qui vont suivre le typhon, glissement de terrain, éboulement, débordement des rivières, coupures d’électricité…) Et on en veut pour preuve le fait que le jour même où Hagibis frappait le Japon, un séisme avait lieu dans le même moment dans la région de Tokyo poussant à son paroxysme l’alerte tsunami sur les côtes concernées.
Le flegme japonais entre en action
Toujours est-il que ce que ces derniers phénomènes naturels ont mis en lumière est le flegme particulièrement remarquable dont font preuve les Japonais. Les rayons alimentaires se vident dans les supermarchés, les 100 Yens Shop écoulent leur stock de piles et autres lampe torche dans un calme impressionnant. Un comportement à imiter pour ceux qui résident ou sont présents au Japon au moment de pareils événements (sans oublier les alertes et infos régulières sur les téléphones portables dotées d’une carte sim japonaise).
Dans un second temps, ces deux typhons de tous les records auront surtout mis en lumière les faiblesses de l’état japonais. Des foyers privés d’électricité plusieurs semaines, des ordres d’évacuation non obligatoires dans des zones inondables où les maisons sont ouvertes aux quatre vents car toujours dans l’attente de rénovation (toit arraché, fenêtres cassée…).
Mais ce qui a surtout secoué une partie de la société japonaise c’est le refus des autorités locales (dans la préfecture de Taito) de laisser les sans-abris se réfugier dans les centres de secours au plus fort du passage du typhon. Pour accéder à ces lieux espaces sécurisés, il était demandé aux gens de justifier d’une adresse d’habitation… Autant dire que cette discrimination faite aux personnes les plus vulnérables que sont les sans-abris durant ces cyclones tropicaux laisse pantois. Un événement qui a forcé le Premier Ministre Japonais ABE Shinzo à prendre la parole sur le sujet. Et ce dernier de préciser que refuser le refuge aux sans-abris est un geste discriminant, image que ne mérite pas les services publics japonais. En ajoutant que ces derniers doivent venir en aide à tous les citoyens, et plus particulièrement au moment d’une catastrophe. On ne peut qu’être d’accord…