Le tricot et le Japon : une discrète histoire de passion
A l’approche de l’hiver, JDJ a eu envie de se pencher sur le tricot et sa représentation au Japon. Loin d’être une terre de production lainière, l’archipel possède encore quelques filatures en activité et quelques enseignes et artisans revendeurs ou créateurs de leurs propres fils. C’est surtout grâce à la culture du fait maison que le tricot a réussi à se faire une place au Japon et de nos jours, pas mal de créatrices japonaises sont présentes et influentes sur les réseaux sociaux. Elles modernisent et valorisent ainsi les formes basiques de la mode japonaise grâce à la maille de laine. Petit inventaire des styles, magasins et créateurs.
Brève histoire
Même si les autorités japonaises ont poussé au développement de l’élevage ovin jusqu’à la fin du 20e siècle, le Japon n’a jamais été une terre de production de laine. Il faut dire que d’autres pays, notamment ses voisins néo-zélandais et australien, sont des leaders historiques dans le domaine. Actuellement, le cheptel ovin sur l’archipel serait autour de 20 000 têtes principalement élevées pour la viande. La race la plus répandue est le mouton suffolk dont la laine assez rêche est peu pratique à travailler en filature. Les autres races, comme la race mérinos à la laine plus douce et plus facile à travailler, ne peuvent s’implanter à cause des conditions climatiques qui ne leur conviennent pas. Dans ces conditions, la production et le travail de la laine au Japon n’ont jamais été un domaine économique attractif.
Néanmoins, la filière existe, petite mais de qualité, à côté d’une communauté de tricoteurs et tricoteuses passionnés.
Le style japonais en tricot
Loin du simple effet de marketing, le tricot japonais, à l’instar de la couture, possède une véritable identité qui passe par les points, la matière et les formes. Le travail sur le détail et la subtilité prévalent soit par l’utilisation d’un point graphique ou technique soit par le choix d’une laine de qualité ou plus encore, par la recherche de l’équilibre parfait des deux. D’un point de vue général, ressortent l’effet dentelle, le rendu fluide et léger, les torsades, le travail sur les manches et les épaules tombantes.
Il y a un énorme travail sur les couleurs, la qualité de celles-ci mais aussi leur association qu’elles soient complémentaires, composites, en triade ou en nuances. La profondeur ou la douceur d’une couleur unie et le travail de nuance d’un pull multicolore seront mis en avant par le modèle ou par les points choisis et inversement. Les Japonais ne semblent pas avoir cédé à la mode des modèles tricotés en super bulky (en aiguilles à partir de 8) et côté qualité, il s’avère qu’au Japon, les fils doux comme le mohair ou le cachemire ont la côte et il s’agira toujours d’une laine pure ou mélangée avec d’autres fibres naturelles.
Côté design, pas mal de modèles mettent en avant la praticité avec une utilisation deux-en-un comme l’écharpe qui peut être enfilée comme chauffe épaules, la robe en écharpe ou portée sur des pantalons, le pull en poncho et les pulls ou gilets que l’on porte dans les deux sens. On retrouve bien évidemment les formes amples appréciées dans la mode japonaise. S’ajoute à cela beaucoup de modèles d’accessoires : chaussons d’intérieur et chaussettes, écharpes, mitaines, ponchos ou capes et surtout pas mal de modèles de sacs !
Pour en apprendre plus, jetez un œil aux livre-bibles de Hitomi SHIDA sur la technique des points et pour des idées de modèles, le livre de Michiyo (voir photos) et les comptes Instagram et Ravelry des créatrices japonaises que vous trouverez en fin d’article.
Quelques adresses
Les marques, producteurs et magasins de laine
Atelier yarn : Site internet / @atelieryarn
Yoshie SHICHIJI est une créatrice de laines teintes à la main principalement avec des plantes endémiques du Japon qu’elle cultive elle-même ou en collaboration avec des fermiers voisins. D’ailleurs, le rose obtenu à partir de fleurs de cerisier, nommé cherry, est son plus gros succès. Son compte Instagram reflète le travail et la passion de cette artisane pour la teinture. Sur son site internet, partiellement traduit en anglais, vous trouverez les adresses où acheter sa laine, les informations sur les ventes éphémères et les ateliers de teintures ou de tricot qu’elle organise sur Tokyo. Bon à savoir, Yoshie SHICHIJI vient faire des ateliers et des ventes sur Paris tous les ans.
Amirisu : Site internet / @amirisushop.
Cette marque est l’histoire d’une passion commune de deux amies japonaises pour le tricot et qui ont su développer tout un univers autour de cette activité manuelle. Amirisu est surtout connu pour son magazine de modèles de créatrices japonaises et internationales disponibles en anglais. Leur site internet, également disponible en version anglaise, est une véritable caverne d’Ali Baba des tricoteurs et tricoteuses, très complet pour s’équiper, apprendre – avec notamment une page de tutoriels en ligne- ou développer ses compétences. Les produits qu’elles proposent reflètent leur travail soigné à choisir leurs collaboratrices, les modèles, les laines et accessoires. Pour exemple, la marque a d’ailleurs développé ses propres laines, absolument magnifiques, dont la parade créée pour les saisons chaudes et la genmou conçue avec la filature japonaise Daruma. Amirisu possède également deux magasins au Japon connus sous le nom de Walnut shop à Tokyo et à Kyoto, celui de Tokyo accueillant plus régulièrement des ateliers.
Pour compléter la liste des boutiques et revendeurs, citons encore le magasin Puppy qui produit également sa propre marque de laine en plus de vendre celle d’autres marques. Il existe un magasin à Tokyo et un à Hiroshima à côté d’une boutique en ligne. Keito est une enseigne connue des tricoteurs et tricoteuses à Tokyo, ainsi que moorit et April présente à Tokyo et Kyoto et qui a la particularité de vendre toutes sortes de fils (laine, coton, bambou,etc) au poids et non en pelotes ou écheveaux. Eylül yarn est une boutique à Osaka à ne pas rater si vous y passez avec une gamme très complète de marques de laines et d’accessoires, de magazines et de livres. Adresse plus généraliste mais tout aussi intrigante, Maito est une marque créateur qui travaille plusieurs fibres naturelles dont la laine et qui possède ses propres ateliers de tissage et de teinture contigus à leur boutique tokyoïte.
Un mot maintenant sur les producteurs: la filature daruma vend également en ligne la laine qu’elle fabrique dont la fameuse genmou citée ci-dessus. Autre filature, historique, Hamanaka dont vous pouvez commander la laine en ligne sur le site anglais ou trouver une carte des revendeurs sur le sol japonais sur leur site japonais. Et, enfin, les marques de laine japonaises Ito, Habu et Noro sont disponibles à la vente sur des sites français facilement trouvables après une recherche sur la toile.
Et pour conclure, sachez que le Tokyo yarn crawl est un tour organisé des meilleurs boutiques de laine de Tokyo que vous réalisez en autonomie et qu’il est plus intéressant de faire sur une période de 15 jours en novembre, période durant laquelle des événements et des promotions sont mis en place par les boutiques. La plupart des boutiques citées dans cet article sont sur la feuille de route de ce tour.
Les designers sur les réseaux sociaux
Voici une liste des créatrices repérées sur Instagram ou Ravelry.
eritml : @eritml / compte ravelry
Eri est une créatrice connue avec 17 000 abonnés environ sur Instagram. Ses designs ont des lignes simples, des manches souvent longues pour un effet coocooning avec toujours un travail sur le petit détail comme l’ajout de points dentelles sur une encolure ou de points ajourés sur la couture des épaules et le long des côtes. Haiyuki est le genre de pull dans lequel on aimerait se lover en cette période de froid. Modèles disponibles en anglais.
Yuka : @sio2_yucca / compte ravelry
Yuka est la reine de la chaussette, tabi comme classique. Elle réalise toujours un gros travail sur le choix du point et accorde beaucoup d’importance aux choix de la qualité et des couleurs de laine. Tout est cohérent dans son travail et le résultat est souvent visuellement équilibré. Elle créé aussi des modèles de tours de cou et d’écharpes au rendu très graphique. Vous craquerez sûrement pour une de ses créations comme les tours de cou Momo ou la paire de chaussette tabi Nene. Modèles disponibles en anglais.
Yuko SHIMIZU : @teshigotokiroku / compte ravelry
Comparée aux autres créatrices, Yuko a peu de modèles mais quels modèles ! Le modèle sunburst rencontre d’ailleurs un très beau succès dans la communauté internationale des tricoteurs et tricoteuses. Adepte des torsades et du jacquard qu’elle déploie sur des pulls oversized, Yuko n’en oublie pas pour autant de proposer des modèles classiques aux finitions ou au détail soignés, comme le baker sweater ou les gilets mimosa et ajisai, exemples de belles pièces casual wear. Modèles disponibles en anglais.
Ayano TANAKA : @ichiboku / compte ravelry
Ayano TANAKA est une créatrice encore peu connue dans la sphère des tricoteurs et tricoteuses instagram mais elle propose des modèles qui font directement mouche. Repérée par le duo d’Amirisu, elle a d’ailleurs déjà publié un modèle, Sunday market, dans leur magazine. Ses modèles de paires de gants sont aussi différents les uns des autres que beaux et quant aux hauts, le design alterne d’un modèle à l’autre entre un travail sur le point et un travail sur la forme. C’est en tout cas toujours très élégant. Modèles disponibles en anglais.
Midori HIROSE : @knit_cafe_midori / compte ravelry
Midori HIROSE vit un peu plus proche de nous, en Allemagne. Assez connue sur instagram avec un peu moins de 11 000 abonnés, elle a déjà créé des modèles pour le magazine d’Amirisu et pour la marque de laine américaine Stone wool (Dot dot dash pullover). Ses modèles sont à l’image de son tricot : adaptables et variés. Ainsi, elle offre entre autres tout une gamme de pulls qu’elle présente avec différentes longueurs ou types de manches et différentes grosseurs et natures de laine multipliant ainsi les possibilités d’un seul et même modèle. Ses modèles sont idéaux en oversized et elle aime beaucoup travailler les encolures. C’est aussi l’une des rares à proposer des modèles pour enfants, hauts comme accessoires. Modèles disponibles en anglais.
Junko OKAMOTO : @junkookamoto212 / compte ravlery
Junko OKAMOTO est la gourou de la forme ample, celle que l’on pourrait qualifiée de très japonaise. Ses modèles sont un brin excentriques, en ton uni ou intelligemment colorés. Elle joue avec le jacquard proposant des modèles élaborés souvent dans des jeux de couleurs soignés mais toujours équilibrés. Elle propose notamment de beaux modèles de robes ce qui est assez rare pour être précisé. Difficile de ne pas craquer pour autant d’originalité. Modèles disponibles en anglais.
Sai CHIKA : @saichikaknit
Sai CHIKA est déjà populaire au Japon où elle organise des ateliers et créé pour des magazines ou des livres de tricot. Ses modèles ne sont pour le moment disponibles qu’en japonais et autant mieux la suivre sur instagram pour savoir quand ils le seront en anglais. Ce qui est intéressant chez Sai c’est son style unique qui ne laisse pas indifférent. Elle possède un tricot élaboré et technique avec un gros travail sur le point qui va parfois jusqu’à structurer le vêtement même. Avec elle, la notion de choix de la laine faisant partie intégrante du design prend tout son sens. Côté conception comme rendu, y a du niveau !
Merci pour ce très bel article qui me font découvrir de magnifiques créations venues du pays du soleil levant