Ragna Crimson : les coulisses du projet de Daiki Kobayashi
Alors que le tome 4 vient tout juste de se poser dans les rayons de nos librairies, nous revenons sur l’origine du projet Ragna Crimson à travers l’interview de son auteur : Daiki KOBAYASHI. Gagnant du Prix Shônen Gangan, il est aujourd’hui l’un auteur phare des éditions Square Enix, et l’arrivée de son manga aux éditions Kana en février 2019 a beaucoup fait parler d’elle. Entre les story et les posts journaliers sur les réseaux sociaux, sans compter le stand au dragon fumant à la Japan Expo, il est fort à parier que ce titre ne vous soit pas inconnu.
Mais avez-vous sauté le pas et vous êtes-vous plongé dans cet univers complexe et impressionnant ? Cette fois encore, Journal du Japon s’est intéressé au phénomène et a cherché à en savoir plus sur sa réalisation.
Ragna Crimson, en quelques lignes
En résumé : « Les chasseurs de dragons tuent leurs proies avec leur épée d’argent afin de toucher une récompense. Parmi eux, il y a Ragna, un jeune homme plutôt faible faisant équipe avec Léonica, une chasseuse de génie qui peut se vanter d’avoir tué bien plus de dragons que n’importe quel chasseur. Ragna n’a qu’un seul désir : rester pour toujours à ses côtés.
Mais, suite à l’apparition d’un ennemi impitoyable, le souhait du jeune homme ne pourra jamais être exaucé… Seul un être puissant peut défier ces créatures. Pour s’opposer au terrible destin qui s’annonce et changer le cours de l’histoire, Ragna n’aura pas d’autre choix que de passer un pacte avec l’ennemi… ! »
Ce que l’on peut certainement dire, c’est que ce titre de dark fantasy se détache des autres. Le jeu de contraste est particulièrement bien pensé, et le niveau de détails est dans le haut du panier de la production actuelle. L’auteur joue habilement avec l’épaisseur du trait pour faire ressortir les ombres et créé des ambiances sans que tout cela ne rende le dessin illisible. Le design des personnages est également une réussite : agréable à l’œil, elle porte la patte japonisante des productions Square Enix avec ces personnages fins, aux coupes de cheveux anguleuses et aux regards sombres, accompagnés de bouches très expressives qui peuvent venir déformer la morphologie du visage pour y exacerber une émotion. Les décors, simples, sont même parfois remplacés par un simple fond blanc ou noir pour faire ressortir le personnage, mystérieux voir mystiques.
Le point intéressant avec cette mise en scène du chara-design et cette priorité qu’ont les personnages dans le visuel d’ensemble, c’est qu’il reste difficile de leur attribuer une réelle identité. Le personnage de Crimson peut sembler par exemple très ambiguë : homme, femme, aucun des deux ? Cela ne fait que ressortir les traits d’un personnage plein de caractère et de mystère : plus il en dit et plus il il semble multiplier les pistes quand à son dessein ou ses vrais intentions, et c’est ce qui pousse le lecteur à enchaîner les tomes. Et si certaines pages nous donnent un peu le tournis avec des bulles saturées de textes, elles restent assez rares et ne rendent pas la lecture désagréable. Au contraire, elles font même sourire car elles ont pour seul but d’accentuer le côté absurde des tirades… Et des personnages qui en abusent !
Enfin en ce qui concerne le scénario, et sans vouloir en dire trop, il est à l’image des dessins : d’apparence complexe, et pourtant, assez efficacement ficelé pour ne pas se perdre dans le récit. Pourtant l’idée d’un un retour dans le temps est loin d’être facile à mettre en scène. Pourtant, Ragna Crimson arrive à gérer cette difficulté de manière efficace.
En bref, Ragna Crimson est un coup de cœur artistique et scénaristique qui ne se démens pas au fil des tomes qui devrait plaire à un grand nombre d’amateurs de mangas sombres bien comme il faut.
Rencontre avec le père des Dragons : Daiki Kobayashi.
Lors de la Japan expo, les éditions Kana nous ont donné l’occasion d’en apprendre plus sur l’auteur de la série. Comment ont été ses débuts ? Quels secrets se cachent derrière la création des personnages principaux ? Le mangaka s’ouvre à Journal du Japon.
Journal du Japon : Monsieur Kobayashi bonjour, merci de nous avoir accordé cette interview. Vous vous êtes fait connaître en gagnant l’un des prix du célèbre magazine Shônen Gangan de Square Enix. Est-ce que vous pourriez nous en dire plus sur ce projet qui vous a révélé ?
M. Kobayashi : Le projet que j’ai présenté racontait l’histoire d’une jeune fille maudite qui doit tuer pour survivre. A côté, son grand-frère qui souffrait de sa situation, l’aidait malgré tout dans sa survie. L’histoire tournait autour de leur amour fraternel et ce sujet-là m’a permis d’obtenir un prix.
Comment se sont passés vos débuts en tant que mangaka ? Était-ce que vous imaginiez ?
Pour être honnête, non, ce n’est pas exactement ce que j’imaginais. J’en suis à ma troisième série publiée au Japon, mais je pensais que c’était bien plus simple.
Vous êtes aujourd’hui publié par les éditions Kana en France. Quelle a été votre réaction quand vous avez su que vous alliez être lu de l’autre côté du monde ?
J’étais très heureux, mais pour être honnête, j’étais aussi un peu inquiet. Je me demandais si mon manga allait plaire au public français. Mais j’ai eu de très bons retours de la part des fans ici. J’ai eu l’impression qu’ils analysaient bien ce que j’essayais de faire ressortir de Ragna Crimson. Que ce soit dans la gastronomie ou dans la lecture de mangas, je trouve que les français sont de vrais gourmets.
La précision et le détail de vos dessins sont impressionnants, on a pu en avoir un aperçu avec les dragons de Ragna Crimson. Mais les mangakas sont souvent assez humbles et sont gênés par les compliments donc on vous demandera plutôt : qu’est-ce que vous aimeriez encore améliorer dans votre dessin et quels sont les mangakas dont le dessin vous fait rêver et qui vous inspire ?
Il y a beaucoup de choses que je voudrais améliorer ! (Rires). Pour commencer, je n’ai jamais été très à l’aise pour dessiner des filles. Il y a beaucoup d’auteurs qui sont très doués pour dessiner de jolies filles, j’aimerais beaucoup savoir en faire autant.
Autrement, j’aimerais aussi améliorer le design de mes personnages. Je vois beaucoup de jeux mobiles avec des personnages très détaillés et très soignés. C’est aussi un point sur lequel je voudrais progresser mais d’un autre côté, si j’en fais trop, ça risque d’être compliqué à dessiner dans un manga mensuel. Je dois faire attention à ça aussi. Mais en somme, c’est principalement sur ces points que je voudrais faire des progrès.
Votre support de dessin est principalement numérique. Avez-vous tout de suite commencé le dessin sur tablette graphique ou par des méthodes plus traditionnelles ?
Au moment de ma toute première série, je dessinais avec de l’encre et je faisais les finitions – comme le tramage par exemple – en numérique. Mais je suis vite passé entièrement au dessin numérique parce que, lorsque je suis devenu officiellement mangaka et que j’ai pu tester le matériel habituellement utilisé par les professionnels, j’ai trouvé que les plumes étaient dures à manier et peu pratiques. Alors quand j’ai pu essayer les outils numériques, ça m’a fait l’effet d’une révélation. Donc je suis passé au numérique dès que j’en ai eu l’occasion.
En ce qui concerne le scénario de Ragna Crimson, il semble à la fois complexe et parfaitement maîtrisé. Entre les flash-back et les retours dans le temps, on devine qu’il n’a pas été facile d’élaborer ce titre. Est-ce un projet auquel vous réfléchissez depuis longtemps ?
Oui et non. (Rires) Le fait d’avoir des dragons aux caractéristiques de vampires avec pour ennemis des humains qui se battent avec de l’argent était un concept que j’avais déjà depuis longtemps. Mais je n’avais pas encore de héros pour réaliser cette histoire, alors j’ai laissé le projet un peu de côté. Mais dès j’ai eu l’idée du premier chapitre avec le voyage dans le temps et le « Moi du futur » qui confère son pouvoir à Ragna, tout s’est dénoué assez vite et j’ai réussi à trouver un moyen de raconter l’histoire. Alors d’un côté oui, j’ai laissé le projet mûrir pendant un certain temps, mais c’est aussi assez récent en ce qui concerne le réel développement de l’histoire.
Le personnage de Crimson est présenté comme étant le dragon le plus mystérieux et redoutable de la série. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur la conception de ce personnage clé ?
Crimson est un personnage que j’avais conçu déjà à l’élaboration de mes premières idées sur la série. A l’époque j’étais totalement pris par l’univers du manga Drifters, et j’étais particulièrement intéressé par le personnage de Nobunaga qui est un chef très intelligent qui adore la manigance et manipuler les gens. En voyant ça j’ai aussi voulu intégrer un personnage comme lui dans ma série. C’est comme ça que j’ai créé le personnage de Crimson. A la base il devait être une fille, mais mon éditeur m’a fait remarquer que l’histoire était aussi destinée à un public féminin et il voulait que Ragna devienne un homme. Il a failli devenir un personnage travesti, mais au final, j’en suis arrivé à le développer comme quelqu’un qui sait à la fois être un homme et une femme donc qui n’a pas un sexe défini et fixe.
Quel est votre dragon préféré et pourquoi ?
Mon préféré, je ne sais pas trop. Mais je trouve que Grumwelte représente très bien les dragons à travers son design, et il est aussi très utile pour la promotion de la série. (Rires) C’est lui qui crache de la fumée sur le stand Kana de la Japan Expo !
Et enfin, avez-vous déjà d’autres projets que vous souhaiteriez faire publier au terme de Ragna ?
Pour l’instant je suis très pris par l’univers de Ragna Crimson alors je n’ai pas le loisir de me consacrer à autre chose. Donc rien… pour le moment ! (Rires)
On suivra tout celà de près alors, bon courage avec Ragna Crimson !
Toutes les informations sur la série sur le site internet des éditions Kana Vous pouvez aussi suivre Daiki Kobayashi via son compte Twitter. Et pour ceux qui sont déjà conquis n’oubliez pas que le 4e tome est sorti depuis le 25 octobre en libraire !
Merci beaucoup monsieur Kobayashi pour cette interview ! On remercie également son interprète Yuki Takanami et Stéphanie Nunez pour la mise en place de l’interview.