Rui HACHIMURA : le futur du basket en japonais
La génération des miracles. Un nom que tous les fans de mangas de sport connaissent. Pourtant, n’en déplaise à Tadatoshi FUJIMAKI, son avènement au Japon est encore à venir, et si quelques athlètes du pays se sont fait un nom chez l’oncle Sam, c’était plutôt batte en main, là où, du côté du basket, le succès n’était pas vraiment au rendez-vous. Pourtant, avec Rui HACHIMURA, premier joueur japonais à être drafté en NBA, les choses pourraient bien changer plus vite que prévu. Le miracle est-il à l’aube de son accomplissement ?
La Génération des miracles
Avec les JO 2020 à l’horizon, le sport est en train de devenir une affaire d’état au Japon, en témoigne cet échange entre le surfeur Kanoa IGARASHI (dont on vous a déjà parlé l’an dernier) et le premier ministre Shinzo ABE : « – Je vous fais confiance. Le Japon vous fait confiance pour gagner l’or olympique. – J’ai l’impression que vous m’envoyez à la guerre. – J’espère que vous le prenez comme une guerre. ». Et de fait, les athlètes japonais sont en train de prendre le monde d’assaut : Kanoa est 6ème au classement général de la ligue de surf. Menée par des joueurs comme Shinji KAGAWA ou Maya YOSHIDA, la sélection nationale de foot a créé l’évènement en sortant des poules pendant la coupe du monde de 2018 tandis qu’en rugby, l’équipe nationale est actuellement première de son groupe de la coupe du monde ayant lieu en ce moment au Japon. En tennis, enfin, Kei NISHIKORI est quant à lui 8ème mondial chez les homme et Naomi OSAKA 3ème chez les femmes.
Il n’y a pas si longtemps encore, le basket semblait être exclu de ce renouveau, puisque si deux joueurs japonais avaient foulé les parquets américains, Yuta TABUSE et Yuta WATANABE, leurs passages, respectivement lors des saisons 2004/2005 et 2018/2019 furent express, l’affaire de quelques matchs, jamais plus. Surtout, ils étaient entrés dans la NBA par la petite porte, comme joueurs non draftés. Néanmoins, le 21 juin dernier tout a changé et le Japon s’est vu subitement placé sur la carte du basket mondial. La raison ? Un homme, Rui HACHIMURA, 21 ans, 2,03m et 104kg, qui a fait son entrée dans la grande ligue par la voie royale, la Draft, , sélectionné en neuvième position par les Wizards de Washington.
Qu’est-ce que la draft ?
Chaque année, en fin de saison, a lieu la draft, un évènement au cours duquel soixante joueurs sont choisis pour intégrer l’une des 30 équipes de la NBA. L’ordre dans lequel les équipes se présentent pour sélectionner le joueur qu’ils recruteront est préétabli par un tirage au sort dépendant des résultats de la saison, ce qui permet aux moins bonnes équipes de récupérer les meilleurs joueurs en premier. Les joueurs appelés le soir de la draft se voient garanti un contrat en NBA, d’autant plus conséquent qu’ils ont été choisis tôt. A titre d’exemple, le premier choix de cette année, Zion Williamson, a signé un contrat sur quatre ans d’une valeur de 44 213 864 $. En comparaison, le 30ème joueur, Kevin Porter Jr. ne touchera quant à lui « que » 9 932 381 $. Être choisi à la draft est donc aussi important d’un point de vue du prestige que financier, et il n’y a pas, pour un joueur NBA de meilleure façon de commencer sa carrière que d’être « drafté » le plus haut possible.
Gros poisson dans une petite marre
Premier joueur japonais drafté, qui plus est dans le top 10, HACHIMURA incarne donc à lui seul le futur du sport dans son pays, un rôle qui semble lui aller comme un gant puisque, malgré la campagne désastreuse de la sélection japonaise de basket, bonne dernière de son groupe lors de la coupe du monde qui a eu lieu, le mois dernier en Chine, lui, a surnagé et prouvé qu’il avait déjà les épaules pour être le leader d’une équipe dont il a fini meilleur marqueur, second rebondeur et troisième passeur. Un scénario qui n’est d’ailleurs pas sans rappeler la coupe du monde U17 de 2014 à laquelle il avait participé, encore lycéen, et dont il était revenu meilleur marqueur du tournoi malgré les six défaites pour une victoire de son équipe.
De mère japonaise dont il dit avoir hérité son éthique du travail et de père béninois qui lui a légué sa taille impressionnante, HACHIMURA a commencé le basket tardivement, à 13 ans, ce qui ne l’a pas empêché de dominer le basket lycéen japonais, remportant trois titres nationaux coup sur coup. Une domination suffisante pour attirer le regard des sélectionneurs universitaires américains et lui ouvrir les portes de l’université de Gonzaga, dans l’état de Washington. Là-bas, il a joué trois saisons, s’adaptant d’abord avec difficulté à un mode de vie nouveau et des entraînements dans une langue qu’il ne comprenait pas, puis trouvant ses marques pour devenir, l’année dernière, l’option offensive numéro une de son équipe.
Plongeon dans le grain bain
Un développement qui a de quoi impressionner et que sa sélection à la draft est venue consacrer de la plus belle des manières, lui garantissant un contrat de quatre ans, période au cours de laquelle il gagnera la coquette somme de 20 millions de dollars. Surtout, elle est l’occasion pour le jeune japonais de se faire une place et un nom sur le devant de la scène et de prouver qu’il est à la hauteur des attentes qui l’entourent et qu’il mérite sa place en NBA. Par ailleurs, l’équipe l’ayant drafté, Washington, est en pleine reconstruction, privée de son meilleur joueur John Wall, blessé au tendon d’Achille. HACHIMURA devrait donc pouvoir y faire ses preuves, et, pourquoi pas, s’imposer comme un coéquipier de choix pour l’autre star de l’équipe, Bradley Beal.
Doté d’un physique particulièrement avantageux, HACHIMURA joue au poste d’ailier fort ou d’ailier selon la nécessité. Doué près du panier et à mi-distance, il est déjà, même si son jeu doit encore se développer, notamment à trois points, un attaquant hors-pair, ce qu’il a prouvé pendant la Summer League (un mini tournoi organisé par la NBA pendant l’été) où il a aligné 19,3 points et 7 rebonds de moyenne. Une ligne de statistiques tout à fait honorable pour un rookie (ndlr : un joueur qui débute en NBA) et qui laisse augurer le meilleur.
Rui HACHIMURA rejoindra-t-il les rangs des nouveaux visages incontournables du sport japonais ? Pour répondre à cette question, il faudra attendre ses débuts en saison régulière et son premier véritable match de NBA le 23 octobre, contre les Mavericks de Dallas. Néanmoins, alors même qu’il n’a pas encore fait ses preuves, le poids qu’il porte sur ses jeunes épaules est d’ores et déjà immense, celui d’une double communauté, japonaise d’abord, le jeune homme étant devenu, depuis sa sélection, une star que les médias s’arrachent et qui a fait des apparitions dans des émissions comme Terrace House, mais aussi, au sein de son pays même, des hâfu. En effet, comme Naomi OSAKA, Rui HACHIMURA est un hâfu, un métisse, qui, lycéen, a eu du mal à gérer sa différence, et qui, maintenant qu’il a un pied dans la plus grande ligue de basket du monde, compte bien devenir un exemple capable d’inspirer les autres hâfu et de donner l’exemple.
Alors qu’il n’était qu’un jeune lycéen, son coach a pointé Rui HACHIMURA du doigt, affirmant qu’il jouerait en NBA. Le 21 juin dernier, c’est ce même coach que le jeune homme a appelé, pour le remercier. Sa prédiction s’est réalisée, et HACHIMURA jouera en effet dans la meilleure ligue du monde, chargé d’attentes et d’ambitions que ses quelques 100 kg ne seront pas de trop pour supporter et mener à bien. La suite ? Ce sera au jeune homme de l’écrire, de match et en match et, espérons-le, de saison en saison.