YonYon : un pont entre le Japon et la Corée
YonYon fait partie des jeunes pousses qui grimpent sur la scène électro japonaise. Habituée aux DJ sets live, animations événementielles branchées et house warming en tout genre, elle évolue depuis un an et sort régulièrement des productions personnelles. Elle et 7 autres artistes japonais étaient invités à La Magnifique Society cette année.
Depuis 3 ans, le festival rémois La Magnifique Society s’efforce de mettre en avant des artistes musicaux japonais sortant des sentiers battus. Si vous êtes Japonais et que vous voulez être programmé à Reims, il y a quelques règles à suivre : avoir des atomes crochus avec le tourneur japonais Creativeman (partenaire du festival), avoir du talent (évidemment), et faire autre chose que de la musique au kilomètre. Pour cette raison se croisent et se sont croisés sur les scènes de La Magnifique Society tant des pointures d’envergure internationale comme Wednesday Campanella, et des formations plus confidentielles comme les CASIO Turkey Onsen.
YonYon se situe à mi-chemin entre ces deux archétypes. Habituées aux performances live puisqu’elle pratique le DJing d’ambiance depuis plusieurs années maintenant, sa carrière prend actuellement un nouveau cap, fait de sessions en studio. La jeune femme n’en est pas à son premier rang d’essai avec La Magnifique Society, puisque lors de l’édition 2018 de La Magnifique Society Tokyo (le warmup du festival qui a lieu quelques semaines avant, au Japon), elle se chargeait de l’animation musicale à l’Institut Français du Japon, rien de moins. En 2019, elle a transformé l’essai et est venue mixer en France, à deux reprises : une première fois devant un large public, puis une deuxième, devant un comité beaucoup plus restreint, dans l’Xcess CLUB, une caravane aménagée en mini boîte. Deux salles, deux ambiances. Une configuration de choix pour cette artiste qui jongle avec les identités – elle est d’origine coréenne mais a passé l’essentiel de sa vie au Japon – et qui dans ses projets musicaux actuels veut créer des passerelles entre rappeurs et beatmakers de ses deux pays de cœur. Pour mieux la connaître, nous avons profiter de la Magnifique Society 2019 pour aller à sa rencontre…
Journal du Japon : Bonjour et merci pour votre temps…Comment se retrouve-t-on à mixer et à produire des artistes japonais quand on est coréenne ?
YONYON : Je suis née en Corée, mais j’ai été élevée au Japon : j’ai passé l’essentiel de ma vie dans ce pays. C’est comme ça que je suis devenue DJ là-bas, tout simplement ! Mais pour expliquer comment j’en suis arrivée à mixer, il faut que je rentre dans des détails administratifs. Au Japon, l’année fiscale commence en avril. Or, après la catastrophe du Tohoku, qui a eu lieu le 11 mars 2011, les gens ont fait preuve de dignité et de retenue. Du coup, il n’y a pas eu de cérémonie d’entrée des classes festive comme il y en a chaque année. Comme je j’entrais tout juste à l’université, j’ai proposé d’organiser moi-même une fête, sans impliquer l’université elle-même. J’ai donc loué un grand espace, qui se trouvait être un club. C’est à ce moment-là que j’ai découvert ce qu’était le clubbing. Jusqu’ici je n’avais jamais mis les pieds en boîte. En continuité, j’ai rejoins un club de DJing à la fac, où j’ai commencé à mixer.
Mais je ne suis pas que DJ. Je rappe également, j’anime une émission de radio, je suis organisatrice d’événements en faisant venir des artistes étrangers au Japon… J’ai une multitude de casquettes, mais toutes tournent autour de la musique.
Vous venez donc du DJing, mais aujourd’hui, vous êtes aussi productrice. Comment s’est faite la transition ?
Avant de mixer, donc avant l’université, je faisais partie de groupes au collège et au lycée. Jouer de la musique, en composer, ça faisait déjà partie de ma vie. A cette époque, je composais sur mon synthé, je chantais aussi. La composition c’est mon truc depuis assez longtemps en fait. Quand j’ai terminé mes études, mes activités musicales, de groupe ou de DJing, se sont arrêtées, puisqu’il s’agissait d’abord d’activités entre amis. Cependant, comme j’avais un peu plus de temps, je me suis mise à mixer seule. C’est à partir de ce moment que je me suis dite que je pouvais produire ma propre musique.
Oui, et donc aujourd’hui, vous mixez, vous produisez, mais aussi vous rappez ! Et même plus, vous rappez en japonais et en coréen !
De fait, je me considère pas vraiment comme rappeuse. C’est une partie de mon expression, de la façon dont je transmets ma musique. Mais ça n’est pas mon identité. Et depuis peu, je mène un projet qui s’appelle LINK, qui a lieu entre la Corée et le Japon. L’idée est de toujours inclure un artiste japonais, un artiste coréen et moi-même, qui suis une synthèse des deux.
Vous avez travaillé avec Taichi MUKAI, qui était présent sur le festival cette année, avec SIRUP, avec hitomitoi, avec KIRINJI… Comment est-ce que se sont faites ces rencontres ?
Je suis le moteur de LINK. Taichi MUKAI, SIRUP et hitomitoi sont des artistes japonais que je suis allée chercher parce que je voulais qu’ils apparaissent sur ce projet. C’est comme ça que l’on se retrouve avec SIRUP sur le morceau Mirror, par exemple. Dedans, il rappe en japonais, puisque c’est la seule langue qu’il parle. C’est pour ça que sur ce morceau, je rappe en coréen, pour que les deux publics que je vise trouve chacun leur compte.
Quant à ma collaboration avec KIRINJI, ce sont eux qui sont venus me voir. C’est d’abord leur morceau avant d’être le mien.
Le projet LINK continue. Pour l’instant, j’ai 3 morceaux avec des interprètes japonais. Et donc je vais en faire 3 autres avec des interprètes coréens. Chaque morceau est sorti ou sortira sous la forme d’un single. Et quand j’aurai sorti l’ensemble des 6 morceaux, je pourrai préparer un maxi. J’aimerais d’ailleurs organiser une soirée de lancement pour ce maxi en Corée et au Japon, pour créer une scène transversale.
Pour finir, comme c’est votre première performance en France, avez-vous une attente vis-à-vis du public ?
Avant de venir à Reims, j’ai fait un set d’une heure chez Rinse France, où j’ai mixé de la K-pop et de la J-pop. J’ai voulu présenter les cultures des deux pays. Et j’ai remarqué que chez Rinse, les stagiaires étaient beaucoup plus réceptifs à la K-pop. Ce que j’aimerais, c’est de pousser à la découverte de ces musiques méconnues.
Après l’interview, YonYon est partie mixer devant un public qui ne la connaissait, pour l’essentiel, pas. Mais elle a tôt fait de les convaincre et de rameuter davantage de spectateurs, avec un set mélangeant une multitude de bangers du moment, brassant tant du Travis Scott que du Kendrick Lamar en passant par ScHoolboy Q et A$AP Rocky. Preuve que la jeune femme a compris que pour faire danser les foules, il faut partir sur des bases connues de toutes et tous, avant de passer de la trap japonaise ou du baile funk.
Retrouvez Yonyon sur son site internet yonyon-musiq.com ou suivez son actualité sur les réseaux sociaux Facebook, Twitter, Instagram ou Sound Cloud.
Merci à Yoko YAMADA qui a assuré la tradution du japonais vers le français, et aux équipes de La Magnifique Society pour leur disponibilité.