Wan Hazmer, game designer : des studios de Square Enix à Metronomik
En 2016, Square Enix sort Final Fantasy XV sur PS4, Xbox One et PC. Un projet qui aura duré une dizaine d’années et nécessité de nombreux talents provenant du monde entier. C’est sur cet épisode de l’une des sagas les plus importantes du jeu vidéo que Wan Hazmer, game designer malaisien, a travaillé. En 2017, il quitte les studios de la société nippone pour monter son propre studio, Metronomik. Présent à la vingtième édition de Japan Expo pour présenter son nouveau jeu, No Straight Roads, Wan Hazmer a échangé avec Journal du Japon
A la rencontre d’un game designer de talent…
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Mais qu’est-ce qu’un game designer ?
Comme vous vous en doutez, la création d’un jeu vidéo demande un certain panel de compétences et de connaissances. Qu’il s’agisse de la rédaction du scénario, de la création des personnages, des voix, de la musique, etc….
Le game designer – en français, le concepteur de jeu vidéo – a un rôle bien particulier. En effet, ce poste est souvent l’équivalent du chef d’orchestre de l’équipe de création d’un projet. L’équivalent d’un directeur de l’animation sur une anime. C’est-à-dire qu’il va avoir pour mission principale d’élaborer un gameplay attractif pour les joueurs. En plus de l’élaboration du gameplay autour duquel de nombreux éléments vont venir se rattacher, il va également définir et piloter toutes les phases de développement du jeu.
Il va donc rencontrer de nombreuses contraintes au cours d’un projet comme par exemple la technique, la faisabilité, la technologie, le budget, le public, etc…
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Qui est Wan Hazmer ?
Né en 1980 en Malaisie, Wan Hazmer est diplômé Asia Pacific Institute of Information Technology (APIIT) de Kuala Lumpur. Il travaille en tant que game designer chez Square Enix entre 2010 et 2017 sur de nombreux projets comme Final Fantasy XV ou Final Fantasy Type-0. Il quitte Square Enix afin de monter son propre studio de jeux vidéo, Metronomik, et de travailler sur un nouveau projet, No Straight Roads, un jeu d’action dont la musique est l’un des piliers principaux.
Mais place à l’interview du monsieur pour en apprendre davantage sur lui et ce jeu en devenir !
Journal du Japon : Bonjour Wan et merci de nous accorder cet entretien. Vous vous êtes fait un nom en travaillant sur Final Fantasy 15 et Type-0. Est-ce que vous avez connu des gros changements maintenant que vous avez votre propre studio ? Quelle est la différence entre travailler dans un gros studio et avoir le sien ?
Wan Hamzer : Ça change énormément d’un studio à l’autre. Il y avait toujours des conflits avec les grosses équipes, c’était compliqué. A Square Enix, j’étais dans une équipe où à ma gauche, il y avait le directeur artistique de FF10, à ma droite celui de FF13 et derrière moi celui de FF7, j’avais donc un peu la pression. Travailler au Japon aussi c’est différent. La culture de ce pays est très différente. Il faut trouver un équilibre entre se battre pour ce l’on veut et les contraintes de l’environnement. Par exemple à Square Enix, tout était déjà prévu pour les salons et les événements en général, j’avais juste besoin de venir. Maintenant avec mon propre studio, il faut que j’achète les billets, il faut que je pense à tout. Ça me donne beaucoup plus de travail.
Avec toutes ces contraintes qui disparaissent, est-ce qu’au final vous avez gagné en liberté, notamment en liberté créative ?
Je dirais pas une liberté totale, puisqu’il y a beaucoup de choses que Square Enix m’a appris. Ce que je fais c’est que je prends les bons aspects du management de Square Enix. J’ai beaucoup appris de Tabata-san (Tabata Hajime, réalisateur de Crisis-Core : Final Fantasy VII, Final Fantasy Type-0 et réalisateur exclusif de Final Fantasy XV) sur notamment le leadership, le management, etc… et j’aimerais bien que l’on travaille de la même manière qu’à Square Enix. Ma boîte n’aurait pas eu le succès qu’elle a maintenant sans tout ce que j’ai appris là-bas, ça aurait été beaucoup plus compliqué.
Ensuite, sur ce que nous créons justement : j’aime beaucoup la musique, et avec mon cousin (Daim Dziauddin) qui est aussi co-fondateur de l’entreprise qui a travaillé sur Street Fighter V, nous voulions créer un challenge au niveau de la musique. Autre chose, le story-telling visuel. On ne veut pas faire du story-telling avec des cutscene (cinématique non-interactive) mais plutôt par le biais du visuel du jeu. Ça fait 5 ans que nous réfléchissons à ça avec mon cousin à Ikebukuro. Donc pour résumer ma réponse c’est de la liberté, mais de la liberté inspiré de Square Enix et de mes années là bas.
Du coup, est-ce qu’avoir créé Metronomik ça vous a permis de créer le jeu de vos rêves, celui que vous souhaitiez vraiment créer ?
Oui, bien sûr, mais nous n’avons pas qu’un seul rêve, nous en avons plein. NSR est un rêve parmi d’autres. Mais la meilleure chose dans la création de mon studio, c’est que je rencontre des personnes comme Jarold (Jarold SNG, le concepteur artistique de No Straight Roads), des personnes avec qui je ne pensais avoir la chance de travailler un jour. De ce fait, le résultat a dépassé nos attentes, il est mieux que ce qu’on avait imaginé au départ.
Sans notre équipe actuelle, sans des personnes comme Jarold, nous ne ne rencontrerions pas le succès que nous avons en ce moment.
Question pour Jarold justement : quel est votre expérience globale, et chez Metronomik, comment vous avez vécu le fait de travailler pour un studio indépendant ?
Jarold : Je suis le directeur infographiste de Metronomik et avant ça j’étais dans une compagnie d’outsourcing (entreprise d’externalisation des compétences) qui travaillait sur le remaster de Starcraft ou sur Guild of Wars. La façon de travailler de l’outsourcing se veut très rapide puisqu’il s’agit de licence déjà existante. A Metronomik, l’accent est mis sur la créativité, tout le monde à son mot à dire dans l’entreprise. C’est un bon moyen d’apporter mon expérience que j’avais sur d’autres jeux, Starcraft Remastered, Sega Sonic Racing All Star, et de diffuser toute mon expérience au sein de cette jeune entreprise.
Habituellement, sur le marché du jeu musical, on a surtout des jeux de rythme, on pense notamment à DDR, Dance Dance Revolution. No straight Roads est le premier dans son genre, comment vous pensez que le public va le recevoir ?
Je sais pas si on peut dire que ça va être un nouveau genre, car quelque chose s’inspire de quelque chose d’autre. Par exemple, on dit que Space Channel 5 a créé un nouveau genre, mais finalement ça reste un jeu de rythme. Donc pour moi, ça ne redéfinit pas le genre, c’est simplement un beat them all avec un univers très musical. J’ai beaucoup joué à DDR dans ma jeunesse, maintenant c’est plus compliqué. Quand j’étais au Japon pendant 10 ans, je dépensais environ 50 euros dans les bornes d’arcade. Je jouais beaucoup aux jeux de rythme, et je jouais même depuis le premier beatmania. Les jeux de rythme ont beaucoup inspiré notre jeu donc, notre plus grosse inspiration doit être Rythm Heaven sur DS.
Concernant NSR, c’est comme jouer à un jeu de rythme mais sans l’equalizer. Les ennemis vont suivre le rythme de la musique mais le joueur est libre de faire ce qu’il veut. Mais j’ai le sentiment que tout le monde à un sens de la musique, et que le joueur sait quand est-ce que le refrain arrive à partir de quatre ou cinq écoutes.
Vous êtes donc malaisien, vous avez vécu à Tokyo, mais on a pas forcément une image de la Malaisie qui soit technologiquement aussi avancée que Tokyo. Comment ça se passe pour apprendre le développement, le character design, en Malaisie ?
En Malaisie, nous avons un gouvernement qui soutient l’industrie du jeu vidéo. Nous sommes dans des incubateurs, des espaces de co-working et nous ne payons pas de loyer. Je pense donc qu’en Malaisie, dans l’industrie du jeux vidéo, il y a beaucoup d’opportunités. Au Japon, il y a tellement de compagnie qui ont atteint un tel niveau d’excellence qu’il est difficile d’y trouver une place. De plus, grâce au gouvernement malaisien, nous avons des écoles primaires spécialisées dans la création de jeux vidéo, beaucoup de lycées et d’universités qui enseignent le game design, le développement, etc. Jarold fait partie d’une de ces universités. J’ai aussi eu l’occasion d’enseigner dans l’une d’entre elles.
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Une dernière question, comment cela se passe-t-il pour recruter de jeunes talents quand on est un studio indépendant ? Normalement, quand on sort d’une formation, n’importe quel développeur va vous dire « je rêve de travailler pour Square Enix, Nintendo« , parce que ce sont des grands noms. Vous, en tant que jeune studio, comment faites-vous ?
Pour moi, le plus important, ce sont pas forcément les leçons académiques. Ce que je voulais avec Metronomik, c’était créer des opportunités avec mon expérience acquise au Japon, de la même façon que Jarold qui a été en Amérique et qui apporte la sienne. Donc dans notre compagnie, la moitié d’entre-nous n’a aucune expérience en développement de jeu. Nous pouvons prendre des étudiants français qui viennent d’obtenir leur diplôme comme des personnes qui n’ont pas de lien avec l’industrie du jeu vidéo. Voici quelque chose que j’ai appris de Square Enix : si la personne sait faire quelque chose et qu’il le fait bien, je l’embaucherais.
Par exemple, notre artiste 3D que nous avons récemment recruté était auparavant comptable. Quand j’étais encore à Square Enix, nous avons travaillé avec une personne qui était chauffeur de camion pendant 7 ans, qui a étudié le design pendant 6 mois puis qui a été pris à Square Enix en tant que game designer. Ce que j’ai bien appris de Tabata-san quand j’étais à Square Enix, c’était d’attribuer les bon rôles aux bonnes personnes. Et ça ne me dérange pas de voir mes employés partir chez Square Enix ou Nintendo si c’est vraiment ce qui leur fait envie. Ce que je veux, c’est que mes employés soit fier de leur CV, que ça les aide à accéder à l’étape supérieure dans leur carrière.
Merci, Wan et Jared d’avoir répondu à nos questions durant Japan Expo ! On souhaite à No Straight Roads tout le succès qu’il mérite !
Twitter de Metronomik, Wan et Jarold
Sites de Metronomik et Jarold