Souvenirs (jap)animés #01 : City Hunter
Bienvenue dans cette nouvelle rubrique de Journal du Japon ! Celle-ci vous propose de ressortir le magnétoscope et l’écran à tube cathodique pour une petite virée au cœur d’un anime japonais diffusé entre 1975 et 2005 qui nous a marqués, et qui vous a peut-être marqué aussi. Pour ce premier numéro, on va se pencher sur une série qui continue de faire l’actualité, même en 2019 : City Hunter, plus connue en France sous le nom de Nicky Larson !
L’anime commence souvent par le papier
Avant de débuter City Hunter, son auteur Tsukasa HÔJÔ s’occupait de Cat’s Eye, l’histoire de trois sœurs voleuses qui agissaient pour récupérer les œuvres de leur père disparu, et ainsi le retrouver à son tour. Une fois celle-ci terminée, en 1985, l’auteur a très vite enchainé avec CH, justement la même année. Le personnage principal, Ryô SAEBA, existait déjà avant, en quelques sortes, car un protagoniste secondaire apparu dans CE en a été la base.
L’anime, puisque c’est ce qui nous intéresse aujourd’hui, a débuté en avril 1987, soit deux ans après le manga. Produit par les studios Sunrise et diffusé sur Yomiuri TV, celui-ci racontait une nouvelle histoire en un ou deux épisodes (pour les plus longues). Il y en a eu 140 au total, diffusés jusqu’en octobre 1991. Des téléfilms et OAV (Original Animation Video) sont aussi sortis et ce jusqu’en 1999.
City Hunter est arrivé en France en 1990 sous le nom de « Nicky Larson ». Dans un ton tout à fait différent et très censuré, cette version voyait quelques épisodes perdre plusieurs minutes et son doublage est vite devenu digne d’une parodie dans les mémoires. C’est probablement la version que le plus grand nombre d’entre nous a vu en premier car elle a été rediffusée plusieurs fois au cours des années, et même encore maintenant sur la chaine TFX.
L’histoire d’un chasseur solitaire
Ryo SAEBA est un pervers. C’est un dépravé qui passe son temps à reluquer les belles femmes, à collectionner les revues et cassettes érotiques et à boire dans les bars à hôtesses… Mais c’est aussi l’un des meilleurs tireurs au monde, si ce n’est le meilleur. Il ne rate jamais sa cible et est prêt à tout pour ses clientes. Il ne craint personne, et encore moins si la fille est mignonne (♪) !
Il vit dans un bâtiment du quartier de Shinjuku à Tokyo, dans lequel il possède deux étages à lui seul. Il travaille avec son meilleur ami Hideyuki MAKIMURA, jusqu’au jour où celui-ci se rend seul à un rendez-vous avec le chef d’un cartel de la drogue. Il se fait alors assassiner en peine rue, lors d’une nuit sombre et pluvieuse. C’est le jour de l’anniversaire de sa sœur Kaori et il ne rentrera jamais pour lui souhaiter. Ryo voit son ami mourir dans ses bras, s’effondrer après lui avoir confié une bague à remettre à sa sœur. Suite à ce triste anniversaire, Kaori décide de devenir l’assistance de Ryo, mais la jeune femme n’a aucune expérience des armes…!
Les aventures vont s’enchainer, de clientes en clientes que Ryo ne se gêne pas pour draguer allègrement… surtout si elles sont mignonnes. Non, en fait, uniquement si elles sont mignonnes, car le City Hunter a comme règle de n’accepter que des jolies clientes ! Ce qui ne va pas aider sa relation avec Kaori, jalouse au possible et toujours prête à le montrer. Être l’« Etalon de Shinjuku », ce n’est pas toujours une mince affaire ! Mais qu’elles lui tombent dessus ou qu’un appel soit posté sur le tableau de la gare de Shinjuku (qui existe vraiment) à l’aide du message XYZ, Ryo ne prend jamais une affaire à la légère (c’est un pro, après tout).
XYZ
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Le premier opening, Ai yo kienaide
City Hunter est une série de 140 épisodes de vingt-trois minutes. Chacun (simple ou double) reprend une affaire issue du manga couvrant plus ou moins un tome du manga (entre 200 et 230 pages par tome dans l’édition De luxe de Panini Comics en France). Les histoires ont donc été condensées pour aller à l’essentiel sans pour autant oublier les évènements principaux (le manga prenant plus son temps pour montrer plus de détails et de scènes). Ils sont tous débutés par un opening, sont entrecoupés d’un eyecatch (petite virgule de quelques secondes au milieu d’un épisode pour attirer ou rappeler au spectateur ce qu’il regarde – la publicité était souvent au milieu des épisodes au Japon) et se terminent par un ending.
La plupart des épisodes se déroule de façon assez classique : les héros n’attendent rien (et tentent de trouver du travail), un boulot leur tombe dessus, ils enquêtent et résolvent leur affaire et l’épisode se conclut. C’est un format typique des animes de l’époque et force est de constater que pour une série « à rallonge » comme on en a vu plus d’une dans cette même génération, cela fonctionne toujours aussi bien malgré tout. Il n’y a pas forcément de suivi capital à la compréhension, sauf si bien sûr on tombe sur le deuxième épisode d’un double (il y a cependant toujours un résumé bref en début de chacun).
Le style graphique de HÔJÔ, si détaillé et crayonné, a été modifié pour mieux coller à un aspect animé mais reste très correct, allant en fait du bon au très bon selon les saisons. Il y a eu un ou deux épisodes assez laids faits en sous-main (vous savez, ces épisodes sous-traités ou réalisés à la va vite pour des raisons de coûts ou de retards de production, car il faut respecter les plannings. Ceux qui se souviennent de Nadia comprendront), mais le rendu reste plutôt bon pour l’époque. Malgré le nombre de personnages secondaires (les clientes) et le travail fait pour les adapter à l’anime, il y en a rarement deux qui se ressemblent (ça arrive quand même qu’on se dise « on l’a pas déjà vue, elle ? »). L’anime reste dans un modèle assez « classique » de speedlines (ces plans où l’on ne voit plus le décor mais juste des couleurs et lignes pour simuler un déplacement rapide) et de personnages secondaires immobiles dans les décors.
La bande-son comporte plus d’un thème culte, assez souvent « so 80’ ». On les entend forcément souvent, et ils restent dans la tête à un point où on finit par facilement les apprécier. « Give me your secrets », « Want your love », « Footsteps » ou encore « Suna no Castle no Casanova », tous les thèmes ont quelque chose d’accrocheur, fait pour rendre la série charismatique. Sans parler des openings et endings qui comptent des groupes comme T.M. Network (Get Wild, premier ending), PSYS (Angel Night, troisième opening) ou encore Fence of Defense (Sara, quatrième opening). En France, malheureusement, on a dû se contenter de ça…
Le magnifique générique français… fait avec des images des quatre premiers épisodes
et des paroles percutantes ! (ironie ? Un peu…)
Il faut aussi parler de l’équipe de doublage. En japonais, c’est Akira KAMIYA qui s’occupe du rôle principal. Il était déjà la formidable voix de Kenshirô de Hokuto no Ken et assure ici un Ryô charismatique et drôle quand il doit l’être. À ses cotés, Kazue IKURA (Satori de Ranma ½, pour rester dans la même époque) incarne à la perfection une Kaori douce ou survoltée selon la situation ; Tesshô GENDA (un habitué de Dragon Ball en tant que Shu) donne un Falcon qu’il vaut mieux prendre au sérieux… Le doublage est convaincant et sait être drôle, touchant ou plein de charisme selon les situations.
Du papier à l’anime – les différences que cela implique
Le manga a un découpage assez « fixe » de tome en tome, soit plus ou moins une histoire par volume en moyenne (les deux ou trois derniers chapitres se trouvent souvent dans le suivant pour conserver un suspense). Forcément, faire tenir des histoires aussi « longues » demande des sacrifices scénaristiques. Un épisode dure 23 minutes, et au bout de plusieurs épisodes, chaque chapitre passe en deux parties.
Le changement se fait aussi sentir sur certains personnages, de façon plus ou moins étrange. Ryô, déjà, a une coiffure un peu différente, des cheveux bruns/châtains (selon les couvertures du manga) qui deviennent noirs, avec une coiffure plus… ébouriffée. La policière Saeko NOGAMI, personnage récurrent, troque ses cheveux bruns contre du… bleu.
Le manga, déjà bien « censuré » par rapport à ce qu’il aurait dû être (étant pré-publié dans un magazine destiné aux adolescents, l’auteur a dû baisser le niveau pour coller à son public – autrement dit, la série aurait dû être bien plus sombre et sérieuse, comme le montrent ses cinq premiers épisodes), on peut remarquer que l’adaptation animée suit cette voie. Elle rajoute même une couche en supprimant tous les sous-entendus vraiment érotiques : le « mokkori » de Ryo (on vous laisse vous renseigner, restons tout public nous aussi) n’apparait que très rarement, les rares scènes un peu plus osées disparaissent également. Les quelques sous-entendus homosexuels, eux aussi, sont plus que discrets. En revanche, on voit Ryô ivre de temps à autres dans l’histoire sans aucune gêne… Bien qu’il comporte des scènes difficiles pour les personnages, cet anime reste donc assez « soft » et s’adresse peut-être même à un public un peu plus jeune que le manga.
La version française, entre « massacre » et dialogues « cultes »…
Diffusée dans le Club Dorothée à partir de 1990 en France, « Nicky Larson » subit un certain nombre de changements, encore une fois. Puisqu’à cette époque, les dessins animés étaient destinés à un public enfant peu importe leur classification dans leur pays d’origine, celui qui nous intéresse fut assez « violemment saccagé », surtout au niveau des textes. L’image en soi reste généralement telle quelle, hormis quelques scènes dans des quartiers typiquement japonais qui ont été supprimées. Tout allait encore, tant qu’on ne voyait pas un simple soutien-gorge, qui entrainait quasiment automatiquement une coupure rendant des scènes incompréhensibles. Les écrans des titres et le résumé de l’épisode à suivre ont aussi été supprimés.
Dans cette version française, on n’a plus vraiment de preuve que l’action se passe au Japon, et les personnages prennent tous des noms qui sonnent plutôt… italien ! Kaori MAKIMURA et son frère Hideyuki deviennent Laura et Tony MARCONI, les organisations de « méchants » sonnent plus « mafia » que « yakuza »… Plusieurs clientes ont le même prénom (qui finissent souvent par un A). Falcon, qui est surnommé Umibôzu (Bonze des mers ou éléphant des mers en japonais) par Ryô devient Mammouth, la fameuse Saeko se transforme en Hélène LAMBERTI. Le pire reste que ces deux personnages, plus particulièrement, changent plusieurs fois de nom au cours de la série comme si c’était naturel. Hélène se nommait Tania en premier lieu, et avant d’être Mammouth, notre colosse se faisait appeler Sardos (ce qui n’est pas son nom réel). De quoi être perdu pour pas grand-chose, mais si seulement on pouvait s’arrêter là…
La série étant adressée par défaut à un public jeune en France, les répliques concernant une quelconque violence ont été changées. « Hé vas-y mon p’tit momo, tire-lui uneuh boulette ! Tu vas lui faire bobo ! »… voilà ce qu’on entend à longueur de temps dans la série lors des phases d’action. La plupart des « vilains » a été doublée par feu Maurice SARFATI, ce qui fait que Robert, Roger et Maurice (oui oui, ils s’appelaient presque tous comme ça…) ont à peu près tous la même voix. Mais bon t’en fais pas « mon p’tit lapin » (oui oui, on entend ce genre de phrases dans la version française), de toute façon ce ne sont que des sbires « comme ça »… À nouveau, les références plus matures ont été enlevées, les love hôtels sont devenus des restaurants végétariens… Toute cette accumulation de censure peut prêter à sourire mais finalement, elle devient plutôt lourde. Mais ne soyons pas non plus totalement pessimistes, Vincent ROPION fait un Nicky assez convainquant et les comédiennes qui incarnent Laura (il y en a eu deux pour la série et une troisième pour certains films) parviennent à la rendre assez crédible aussi.
Si l’anime est arrivé à nous par le Club Dorothée de TF1, on peut dire qu’il a bien voyagé depuis. D’abord rediffusé sur Fr2 dans DKTV avec un nouveau générique (qu’on va épargner à votre cœur, mais YouTube est votre ami), les chaines Mangas et NT1 (toutes deux du groupe AB) ont repris le flambeau. En 2007 et 2008, Nolife passait un nouveau cap en diffusant plusieurs OAV puis City Hunter 3 et ’91 (les deux dernières saisons, donc) en version originale sous-titrée et non censurée – une première pour la série en France. Actuellement, c’est TFX qui passe les épisodes en VF, « comme à l’époque ». Enfin la plateforme de streaming ADN propose aussi de visionner tout cela en VOSTFR.
City Hunter Legacy
City Hunter ne sortit pas du papier que via un anime mais aussi en un jeu vidéo plutôt méconnu. Cette production signée Sunsoft mettait forcément le joueur dans la peau de Ryô et demandait de traverser cinq niveaux de long en large en tirant sur tous les vilains qui passaient. On devait faire le tour des niveaux vaguement labyrinthiques pour trouver différents objectifs. On tire, on court, on saute, et c’est à peu près tout. C’est un peu soporifique et c’est un peu dommage. Ryô apparait aussi dans le récent Jump Force (critique disponible ici) en tant que personnage jouable.
L’anime, en revanche, continua de plus belle grâce à divers OAV et téléfilms. Certains tenaient plutôt des épisodes doubles un peu plus fournis, tandis que d’autres étaient de véritables films d’animation. Les deux derniers, Goodbye my Sweetheart et Live on Stage (1997 et 1999) se rapprochent bien plus du manga et même la version française reprend les noms originaux japonais des personnages. Il y en a eu six au total – sans compter le tout récent Shinjuku Private Eye qui vient de sortir et dont nous vous parleront très prochainement dans nos pages ! Une suite alternative, Angel Heart, existe aussi et a été portée du manga à l’anime, tout comme la série originale.
Les aventures de Ryô ont aussi franchi la barrière du réel avec plusieurs adaptations cinématographiques avec de vrais acteurs. Le premier, signé Jing WONG, met en scène Jackie CHAN en tant que Niki Larson (oui oui… c’est aussi le titre du film) et ressemblait vaguement au téléfilm Bay City Wars. C’était finalement plus une parodie qu’autre chose mais pourtant, cette adaptation se terminait avec une illustration officielle de l’auteur ! À coté de cela, un deuxième film chinois nettement moins connu est sorti en 1995 sous le nom Mr. Mumble. Plus discrètement proche des origines, les personnages tendent pourtant à être un peu plus ressemblants que dans le film précédent. Mais ce n’est toujours pas l’adaptation que l’on peut espérer, surtout que celle-ci est totalement non-officielle.
La série continue avec un drama sud-coréen nommé tout simplement City Hunter, mais à part un vague fond, on ne peut pas vraiment parler d’une adaptation qui suit l’histoire à la lettre. Et là, il y a quelques mois, en février, sortait Nicky Larson et le Parfum de Cupidon, long-métrage français tiré du dessin animé… dans sa version française. Autant dire, une parodie « à la française » avec ses détails bien vus et une pointe de trahison qui rappelle trop que c’était peut-être juste « pour s’amuser », « parce qu’on avait envie » plus qu’autre chose (mais que l’auteur a pourtant approuvée et appréciée lui-même…). Pour finir, signalons le manga City Hunter : Rebirth (en cours au Japon depuis 2017) reprend lui-aussi le thème de l’histoire parallèle pour donner de nouvelles aventures.
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T.M. Network réinterprète Get Wild en 2013.
City Hunter a beau être une « vieille » série, elle montre qu’elle plait toujours en continuant à exister et faire l’actualité plus de trente ans après ses débuts. Manga, anime, film, jeu vidéo, 2019 est une année plus que prolifique pour le gentleman (ahem) tireur de notre enfance, et on espère que ça ne soit pas près de s’arrêter ! Sur ce, à bientôt pour une nouvelle charge d’anime. Otanoshimini !
Super cette nouvelle rubrique !
Je trouve l’article très complet, c’est cool d’avoir en plus de la présentation de l’animé un mot sur le manga avec les comparaisons entre eux.
J’ai hâte de voir les prochains numéros ^^
Merci pour ce commentaire!
Et oui, l’anime commence souvent par le manga », donc c’était important d’en parler.
J’ai hâte de lire le prochain aussi!