Lectures estivales : portraits de femmes
Vous ne savez pas quels livres emporter dans votre valise cet été ? Pas de panique, Journal du Japon vous propose une sélection de lectures mettant en avant les femmes japonaises. Lisez cet article et faites votre choix !
Confession amoureuse de Chiyo Uno : l’homme qui aimait les femmes
Ce roman publié pour la première fois dans les années trente montre le talent qu’a Chiyo Uno pour se glisser dans la peau d’un homme, comme c’était le cas pour Ohan, auquel Journal du Japon a déjà consacré un article.
Cette fois-ci, c’est Joji, un artiste japonais célèbre, qui tient le rôle principal. Il a une femme qu’il n’aime plus et un enfant (toujours appelé « l’enfant » et dont on sait très peu de chose si ce n’est que sa mère l’a élevé seule pendant plusieurs années, Joji étant parti chercher l’inspiration en Europe !). Le couple n’arrive pas à se mettre d’accord sur les conditions du divorce (la pension qu’il doit verser à sa femme en particulier pose problème à cet artiste toujours un peu fauché). Lorsqu’il reçoit un message mystérieux d’une femme, il trouve cela un peu cavalier, mais finit par céder à la tentation après plusieurs lettres insistantes.
Je vous attendrai demain soir, entre six heures et six heures et demie, à la sortie de la gare Sendagaya. J’aurai dans les cheveux une fleur artificielle, une rose rouge…
La jeune Takao disparaîtra aussi vite qu’elle est apparue. Mais Joji ne s’en alarme pas et trouve en Tsuyuko un nouvel objet d’amour. Car ce Don Juan japonais aime aimer et être aimé, tomber amoureux, faire la cour, aller à des rendez-vous galants. Et quand les parents des jeunes filles ne sont pas favorables à cette relation, cela la pimente et lui plaît peut-être encore davantage.
D’aventure en aventure, il pense parfois trouver la femme idéale avec laquelle vivre confortablement dans une belle maison, puis il s’ennuie, rêve, sort.
Les événements et les péripéties s’enchaînent. Le lecteur découvre avec plaisir ou dégoût tout ce qui passe par la tête de cet homme parfois touchant mais souvent agaçant voire méprisable. Et c’est bien là tout le talent de Chiyo Uno : peindre un homme avec tous ses travers, toutes ses faiblesses.
Le lecteur est bluffé par la modernité de ce roman qui brosse un portrait d’homme comme il en existe encore beaucoup presque un siècle plus tard !
Quelques extraits pour découvrir Joji et ses pensées sur les femmes :
Sur Takao : « Mais le lendemain je n’avais plus envie d’aller la retrouver. Son physique était trop sain, son caractère trop direct pour que je puisse tomber amoureux d’elle, et d’ailleurs elle n’avait suscité en moi que bien peu d’émotion. Et puis, à vrai dire, j’étais encore attaché à mon idéal de jolie fille, et je ne la trouvais pas assez belle pour lui courir après. »
La belle Tsuyuko : « Je dus attendre quelques instants à l’Eskimo avant de voir arriver Tsuyuko. Avec ses cheveux nattés et son léger kimono de soie blanche, elle avait l’air, dans l’éclairage indécis de la ville, d’un mirabilis épanoui. »
Tomoko : « Je faillis éclater de rire. Il n’y avait rien de tout cela dans notre vie ! Sans doute Tomoko s’était-elle contentée de décrire des scènes qu’elle avait vues au cinéma. Mais peut-être ces images, restées vivaces dans son cœur, représentaient-elles sa vision du mariage idéal. À cette pensée, je ne pus m’empêcher de la trouver à la fois risible et pitoyable. Pendant ce mois de vie commune, nous n’avions fait que nous sourire quand nous étions ensemble, mais chacun d’entre nous, dès qu’il se retrouvait seul, tournait son regard ailleurs. »
Un être en quête de sens à sa vie, qui hésite entre passion dévorante et vie calme, entre piment d’une évasion et chaleur d’un foyer, dont les amis ont du mal à comprendre le fonctionnement, qui charme ou effraie ceux qui le côtoient. Ce qui est sûr, c’est qu’il ne laisse pas le lecteur indifférent !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
La mère du révérend Jôjin : journal intime d’une mère éplorée
Ce court livre en format poche plonge le lecteur dans le Japon de la fin du XIème siècle. Le moine bouddhiste Jôjin, « maître de pratique », décide de quitter le Japon et son temple pour se rendre en Chine et y effectuer un long pèlerinage. C’était une tradition répandue à cette époque. Il laisse sa mère âgée de plus de quatre-vingts ans derrière lui. Et c’est le journal intime de cette dernière que le lecteur découvre, mêlant réflexions et poèmes (174 wakas, poèmes qui étaient alors d’usage pour les échanges sociaux). Sous-titré « Un malheur absolu », ce récit alterne entre nostalgie, chagrin, espoir et lassitude.
Malgré la présence de son autre fils, de ses petits-fils et de nombreux amis, elle semble inconsolable et ses poèmes mêlent beauté de la nature et larmes qui s’écoulent sans fin.
Les jours passent, les mois et les saisons aussi. Les éléments de la nature et les présents que lui apportent enfants, famille et amis lui inspirent de très beaux écrits. La nature est omniprésente sous différentes formes : saisons, phénomènes météorologiques, plantes (fleurs mais aussi fruits, légumes), animaux (nombreux insectes).
Or, depuis que je suis tombée dans une situation que je n’avais pas prévue, je n’ai fait qu’éprouver le sentiment que je ne saurais durer bien longtemps. Si plaisante que m’apparût l’éclatante beauté des pruniers au printemps, celle des fleurs contemplées de loin lors de l’épanouissement des cerisiers, elles me laissaient les yeux tout embrumés de larmes ; j’avais beau les admirer, « Jusqu’à tant qu’ils refleurissent, je ne serai plus de ce monde ! » songeais-je. Les feuillages empourprés des fusains d’automne qui, fût-ce aux plus petites branches du même [arbre], offraient une profusion et une diversité délicieuse, je ne faisais que me dire : « Eux aussi les verrai-je encore ? »
Dans ce journal, il est souvent question de souffrance : physique avec son âge avancé et les maladies dont elle souffre à plusieurs reprises pendant ces années, et surtout morale car la séparation lui est insoutenable et les lettres de son fils bien trop rares pour pouvoir la rassurer.
Au fil des pages, elle se remémore les moments passés avec son fils. Un bébé qui avait toujours besoin d’elle, un adulte dont elle était très proche. Des souvenirs doux qui ne font qu’exacerber la douleur de l’absence.
Ma vie pareille à la rosée
bien que tout évanouie
dure encore
les perles de mes larmes
j’ai grand-peine à retenir
Un livre très touchant, idéal pour une première approche des récits féminins de cette époque, mêlant journal intime et poèmes délicats.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Josée, le tigre et les poissons de Seiko Tanabe : amours de femmes
Les neuf nouvelles de ce livre parlent de femmes actives, qui mènent leur vie professionnelle avec un certain succès, et évoquent leurs relations amoureuses plus ou moins compliquées.
Les histoires se déroulent dans le Kansai, à Ôsaka principalement, mais aussi à Kôbe ou Kyôto. La langue utilisée par Seiko Tanabe a d’ailleurs des accents du Kansai dans sa version originale.
Les portraits sont très différents et les récits aux tons légers voire drôles cachent parfois des blessures plus profondes. Les caractères sont bien campés malgré le format court de la nouvelle, les sentiments et les passés de chacune de ces héroïnes des temps modernes sont brossés par petites touches, tout comme les ambiances de bord de mer, de montagne ou de ville. Il se dégage même parfois une petite pointe d’érotisme.
Dans Un thé trop brûlant, Aguri, une trentenaire qui écrit des téléfilms et rencontre un certain succès professionnel, retrouve sept ans après leur rupture Yoshida, un homme qu’elle a aimé mais qui a eu une autre femme dans sa vie. Les souvenirs affluent, le trouble, la gêne aussi.
« Aguri avait une bonne mémoire des lignes des hommes. Ainsi, elle se souvenait encore du galbe allant de son cou à ses épaules, de cette sensation au toucher dans la paume de sa main, mais la véritable nostalgie ne s’en était pas moins estompée, et seule demeurait une vague sensation de langueur. »
Dans Imperceptiblement, Kozué, vingt-huit ans, célibataire, vit avec sa mère et sa petite sœur. Elle passe beaucoup de temps à rêver devant les robes de mariée des magazines. Un peu rondelette, un peu fleur bleue, elle aime cuisiner en imaginant la joie d’un futur mari à la dégustation de ses plats. Mais lorsque sa sœur cadette lui annonce qu’elle va se marier, elle est troublée. Pourquoi pas elle ?
Dans Le cercueil de l’amour, Uné est une femme au caractère bien trempé, divorcée, travaillant dans un magazine de design d’intérieur. Elle aime que les hommes la regardent, en particulier le jeune Yûji, de dix ans son cadet.
Rien de plus met en scène Kaori, la trentaine, mariée, qui gagne bien sa vie en fabriquant des fleurs artificielles pour des tenues de mariage. Elle fréquente un autre homme, ils aiment bavarder et elle a même une petite marionnette à doigt pour intégrer un troisième personnage dans leurs conversations. C’est drôle, léger, mignon …
Prête à plier bagages raconte la vie de couple d’Eriko et Hideo. Tout irait pour le mieux s’il n’y avait l’ex-famille d’Hideo à gérer, tant sur le plan financier que sur le plan logistique (enfants, maison à maintenir en état).
Dans La vie sauve, Rié et Munoru sont au bord du divorce. Il part avec une autre femme. Mais ce trentenaire hésitant, gentil mais à l’égoïsme enfantin, n’arrive pas à partir. Il veut que Rié lui prépare encore son bento. Il ne semble pas comprendre ce qu’est un divorce …
Josée, le tigre et les poissons, qui donne son titre à ce recueil de nouvelles, a été adapté en film au Japon. Il met en scène une jeune femme paraplégique (Josée, dont le vrai prénom est Kumiko, mais qui a choisi Josée en lisant Sagan) et son compagnon Tsuneo. Elle le surnomme son « gardien ». Il pousse son fauteuil, la porte, ils voyagent ensemble et vivent de beaux moments. En filigrane, le lecteur découvre le passé de la jeune femme et sa rencontre avec Tsuneo. Une très belle histoire et de belles images dont on comprend aisément qu’elles aient pu donner envie à un réalisateur d’en faire un film.
Les hommes n’aiment pas les muffins, un titre troublant que le lecteur comprendra en lisant cette nouvelle. On y découvre Mimi. Elle a pris quelques jours de congés pour partir dans la villa en bord de mer que possède Ren. Elle attend qu’il l’a rejoigne, mais il est comme toujours très pris par son travail. Entre angoisse nocturne à cause des bikers qui tournent dans le coin et occupations diurnes entre mer, piscine et cuisine, Mimi patiente, mais jusqu’à quand ?
En attendant que tombe la neige fait penser aux nouvelles de Yasunari Kawabata : Iwako, la quarantaine, aime prendre soin d’elle, avoir des hommes dans sa vie (tout en restant célibataire). Elle retrouve son amant du moment dans un établissement à l’écart des tumultes de la ville. Une ambiance et une esthétique très japonaises pour cette nouvelle qui clôt avec délicatesse ce recueil original consacré aux femmes et à leur rapport à l’amour, aux hommes.
Un livre très agréable à lire et qui donne envie de découvrir d’autres écrits de Seiko Tanabe.
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Kiki la petite sorcière d’Eiko Kadono : devenir une sorcière indépendante à 13 ans !
Vous connaissez probablement le chef-d’œuvre éponyme de Hayao Miyazaki. Les éditions Ynnis vous invitent à découvrir les livres qui ont inspiré le film.
Le premier tome vient de paraître et fait découvrir au lecteur les premiers pas de Kiki, une jeune sorcière de 13 ans, dans la vie active. Accompagnée de son chat Jiji (avec lequel elle communique sans aucun problème, un don de sorcière), elle enfourche le balai qu’elle a hérité de sa mère et quitte la boule au ventre son père (un humain ethnologue qui étudie les sorcières) et sa mère (une sorcière installée dans un petit village, qui fournit des potions anti-éternuements aux humains qui en ont besoin).
Kiki doit passer un an loin de sa famille avant de pouvoir la revoir. Elle doit aussi s’installer quelque part et vivre de ses talents. Mais en dehors du vol sur balai, elle ne sait pas faire grand chose.
Qu’à cela ne tienne, elle décide d’aller vers la mer et de s’installer dans la ville de Koriko. Mais elle a l’air peu accueillante … Heureusement qu’elle tombe sur une adorable boulangère. Kiki lui rend un petit service et celle-ci lui propose naturellement une chambre, puis un local pour sa société : un service de livraison !
Au fil des chapitres, Kiki apprend à connaître la ville, à apprécier ses habitants. Elle livre toutes sortes d’objets et rend toujours service, quelle que soit la demande. Elle refuse juste de transporter les cartables des écoliers, et de livrer des mots méchants.
Chaque chapitre de ce premier volume raconte une livraison, une rencontre, un événement marquant. Il y a un tableau à transporter au musée (ce qu’elle réussit à faire avec Tombo, un jeune garçon du club de vol qui aime tout ce qui vole), une lessive géante à faire sécher, une ceinture tricotée à livrer sur un bateau, l’horloge de la ville à faire sonner pour le nouvel an, des instruments de musique à récupérer dans un train … Autant d’aventures que le lecteur découvre avec enthousiasme !
Un livre plein de fraîcheur, avec des personnages très attachants : Kiki qui doute parfois mais rebondit toujours et voit la vie du bon côté, Jiji qui la taquine ou la rassure, Osono qui la soutient en permanence comme une deuxième maman, Tombo qui l’admire en secret.
Après avoir douter, elle se rend compte qu’elle aime profondément cette ville et ses habitants, et qu’elle est même pressée d’y retourner lorsqu’au bout d’un an elle a pu rendre visite à ses parents. Une vie d’adulte qui commence !
Le lecteur referme le livre à regret et n’attend qu’une chose : la sortie du prochain volume !
Certains chapitres sont repris fidèlement dans le film, mais des chapitres « inédits » raviront également le lecteur !
Un livre à découvrir de 7 à 77 ans … et plus !
Plus d’informations sur le site de l’éditeur.
Il ne vous reste plus qu’à choisir pour découvrir de fabuleux destins de femmes !