[Littérature] Derrière le vernis, à la rencontre du Japon
Ces dernières années, de plus en plus d’approches « ancrées dans le réel » se sont développées et sont publiées, en livre, sur YouTube, via des sites, montrant un vrai Japon, celui qu’on découvre une fois le vernis du Cool Japan retiré, plus authentique que les magazines dont c’est devenu un marronnier. Ici, Journal du Japon souhaite vous présenter le Japon et ses habitants via deux livres.
Il s’agit de Vivre le Japon, de Yutaka YUZAWA et Japonais, Lignes de vie d’un peuple, de Raphaël LANGUILLON-AUSSEL, deux ouvrages récents qui pourraient sans doute être absolument complémentaires, l’un présentant un panorama du Japon en tant que pays, l’autre un panorama de ses habitants.
Vivre le Japon en une page
Vivre le Japon est une présentation par un Japonais de son pays, en présentant une centaine de repères-clefs de la culture et de la civilisation japonaises.
Yuzawa a vécu à l’étranger une très grande partie de sa vie (21 ans, il a fait ses études à Londres et y est devenu avocat au Barreau), et le voilà retourné au Japon, avec un constat qui l’alarme : son pays est très mal connu par le monde et ne sort des frontières que des aspects réducteurs : lolitas, robots, mangas et animes… Il décide alors d’exposer le plus justement possible ce qui compose, selon lui, l’âme de son pays, sans en exclure les zones d’ombres, en prenant un point de vue détaché, ni totalement japonais, ni totalement étranger.
Voilà donc le fruit de son travail et de sa volonté de briser les clichés sur sa culture et son pays. Sa présentation du Japon se fait en plusieurs parties :
- géographie,
- esprit japonais,
- art et culture,
- gastronomie,
- la vie au grand air,
- loisirs,
- vie de famille
- différentes célébrations qui ponctuent l’année.
Artisans, plats venus d’ailleurs, spiritualité, saké, amours, système éducatif, waka… si les articles semblent être on ne peut plus clichés, il s’applique à déconstruire et reconstruire ce que nous pensions savoir, le tout en une à deux pages illustrées de photos ou illustrations.
Clair, concis, précis sans être pédant, la lecture permet de cerner l’essence du Japon, du moins la toucher du doigt sans se tromper. Il explique aussi des concepts essentiels.
Un exemple : l’article sur la randonnée (p.131), où on apprend qu’il est un sport impérial, au même titre que la chasse à courre chez nous, que cela s’appelle le 国見 (kunimi, regarder le royaume). Cette pratique existe toujours, dit-il, puisque le nouvel Empereur avait déjà gravi quelque 170 sommets. Au delà de la famille impériale, c’est une activité populaire, et le Japon s’y prête bien avec ses nombreuses montagnes. On vous décrit aussi les moines et leurs ascèses, les yamabushi (des ermites), le shinrin yoku (le bain de forêt dont les magazines bien-être français nous rabâchent), et surtout la dimension spirituelle du grand air.
Cette présentation des facettes de la randonnée est claire, avec quelques détails mais sans non plus tomber dans la facilité.
Le livre en soit est un bel objet, au papier à grain (dont l’odeur pourra ravir les amoureux des odeurs de papiers…) et à la couverture épaisse et en relief, ce qui n’est pas sans rajouter au plaisir.
Plus d’informations sur le site des éditions Gallimard.
Un panaché de portraits de Japonais
Japonais, lignes de vie d’un peuple, lui, s’attelle à présenter une galerie de personnages tous d’une très grande richesse. Raphaël Languillon-Aussel, géographe (entre autres !) spécialiste du Japon, présente ainsi une approche du Japon par des portraits de Japonais, dévoilant une multitude de facettes trop souvent noyées dans des clichés lissés (souvent propagés par le Japon lui-même).
Ici, c’est la variété des profils qui prime, au gré des rencontres faites partout dans le Japon ; plus d’une vingtaine de profils passionnants sont présentés, et le chercheur parlant japonais, le biais imposé par la langue étrangère n’est pas – il restera toujours peut être des zones d’ombres, mais elles ne sont pas flagrantes ici. Les personnes interrogées semblent se livrer relativement facilement.
L’auteur a tenté de ne pas se centrer trop sur les tokyoïtes, mais ils restent assez nombreux, et la partie nord du Japon est laissée de côté. Il a également commencé par les marges, par Okinawa, plutôt que se centrer sur la capitale, ce qui est une excellente chose, puisqu’elle permet de s’attaquer au sujet par un angle différent.
Ceci mis à part, on rencontre un chercheur en nucléaire, une cosplayeuse de 50 ans, une artiste qui vit en share house, un nikkeijin (des descendants des Japonais émigrés en Amérique du Sud au XXe siècle), des homos, un exemple de surinsularité avec un habitant d’Aguni…
La démarche est simple : partir des clichés et les déconstruire, à nouveau… Et l’exercice est réussi !
Les entretiens et récits des rencontres auraient même une fâcheuse tendance à frustrer le lecteur, tant ils donnent à voir la richesse que peuvent offrir les Japonais (mais n’est-ce pas vrai pour le reste du monde ?). On est entraînés à la lecture, chaque portrait appelant un autre, donnant fortement envie de faire ses bagages et de partir directement à leur rencontre. Vous êtes tentés ? Vous pouvez aller consulter quelques entrevues sur le site du livre.
Ces deux livres constituent des ouvrages essentiels, faciles à lire, et ce de manière fragmentée si le lecteur n’a que peu de temps, qui envoient gentiment balader nos idées préconçues.
Et vous, quels sont les ouvrages qui vous ont permis d’en apprendre plus sur le véritable Japon ? Avez-vous lu ces deux livres ?
Je note aussi le Languillon (j’avais déjà vu le premier). J’ai lu plusieurs livres de Muriel Jolivet, sociologue; c’est excellent.
Merci pour votre commentaire ! J’aime beaucoup les travaux de Muriel Jolivet également, ce sont de très bonnes références.