Épisode 1 : Prélude à la Guerre du Pacifique (partie 2/2)

Après notre première partie du Prélude à la Guerre du Pacifique, nous nous étions quittés sur la mort de l’Empereur Meiji qui a su insuffler un vent de réformes. Grâce à l’industrialisation rapide du pays, le Japon est passé en quelques décennies d’un petit archipel isolé à une grande puissance asiatique : le Pays du Soleil Levant devance dorénavant l’Empire du Milieu ; la Corée a été gagnée (protectorat puis annexion en 1910) à la suite d’une lutte d’influence avec en premier lieu la Chine (première guerre sino-japonaise de 1894-1895) puis la Russie défaite en 1905 et qui cède ainsi la région de Port-Arthur.

Les Japonais n’ont pas encore satisfait toutes leurs ambitions coloniales : le rêve d’un Grand Japon ne sera accompli que lorsque les troupes impériales auront conquis la Mandchourie et la Chine. Nul doute que les Empires occidentaux et les États-Unis se dresseront sur  le chemin ambitieux du Japon. Journal du Japon revient sur les événements qui amèneront à la Guerre du Pacifique, et la déclaration de guerre entre le Japon et les États-Unis.

Soldats de l'armée du Japon et du Manchukuo lors d'une parade militaire conjointe

Soldats de l’armée du Japon et du Manchukuo lors d’une parade militaire conjointe

L’aubaine de la Première Guerre mondiale

Le Japon avec le Royaume-Uni sur le front oriental contre l’Allemagne

Troupe britannique aux côtés de soldats japonais dans la bataille de Tsingtao contre l'Allemagne

Troupe britannique aux côtés de soldats japonais dans la bataille de Tsingtao contre l’Allemagne. Alliance de façade pour les Japonais qui voient l’occasion de satisfaire leur impérialisme en Asie © Getty Images

En 1914, la guerre éclate en Europe. Après une estimation des forces, le Japon, opportuniste et habile, se range du côtés des vainqueurs, dans le camp de la Triple-Entente (France, Royaume-Uni et Russie). Si l’Empire japonais s’est allié aux Russes, leurs ennemis d’hier, c’est surtout parce que l’archipel y voit un moyen de rester allié au Royaume-Uni (depuis le traité du 30 janvier 1902). Il espère ainsi avoir les mains libres en Chine et dans les colonies allemandes en Asie. De plus, en cas de défaite anglaise, scénario très improbable, l’Allemagne étant beaucoup moins présente et forte dans la zone que l’Empire britannique, cela limite grandement les risques de représailles sur le Japon.

Affiche de propagande allemande anti-japonaise

Dessin anti-japonais de l’allemand Walter Trier « Schuft N°7 » publié dans Lustige Blätter en août 1914

Le 15 août 1914, le Japon envoie un ultimatum à l’Allemagne, la sommant de « retirer ses navires de guerre et ses navires armés de toute sorte des eaux japonaises et chinoises, et désarmer immédiatement tous ceux qui ne pourront pas être retirés » mais aussi de « remettre aux autorités japonaises, le 15 septembre au plus tard, sans condition ni compensation, tout le territoire de Kiautschou qui sera éventuellement restitué à la Chine ». Face au silence de Berlin, le 23 août, le Japon déclare ainsi officiellement la guerre à l’Allemagne.

Dès le 27 août, la flotte de l’amiral Katô bloque Tsingtao et ses environs. Le 2 septembre, le Général Kamio et ses troupes accompagnées de quelques centaines de Britanniques débarquent dans la province « allemande » du Shandong. La zone sera vite occupée et conquise. Le 13 septembre, la gare de Tsingtao est sous contrôle ainsi que les voies ferrées reliant la ville portuaire à la capitale du Shandong, Tsinan. Le siège de Tsingtao débute le 31 octobre avec l’aide des Britanniques. Le général allemand Waldeck se rend une semaine plus tard avec ses 4 500 hommes le 7 novembre. Le 10 novembre, tout le Kiautschou est occupé par les forces japonaises et britanniques.

Nouvelle cible : les îles Mariannes, Marshall et Carolines que possèdent l’Allemagne dans le Pacifique. Le Japon s’empare de la Micronésie facilement, en une semaine seulement avec l’appui de la marine britannique. En sous nombre (le rapport de force étant d’1 pour 6), les Allemands (environ 400 hommes) sont défaits par le contre-amiral Matsumura. Le 7 octobre 1914, le Japon occupe l’ensemble des îles habitées de la Micronésie.

Les ambitions japonaises en Chine et les « 21 demandes »

Premier ministre japonais et président de la république de Chine

A gauche : Shigenobu ŌKUMA, Premier ministre de l’empire du Japon. A droite : Shikai YUAN, président de la République de Chine.

Paris souhaiterait l’aide des Japonais sur le théâtre européen. Londres ne se fait guère d’illusions quant aux ambitions nippones. A Tokyo, il est pourtant clair qu’il n’y aura aucune intervention du Japon en Europe, en se réfugiant derrière l’argument que le pays est entré en guerre contre l’Allemagne pour maintenir la paix en Orient. Envoyer des troupes japonaises en Europe n’a pas d’intérêt direct pour la sécurité du Japon et la paix dans la zone. La guerre mondiale occupe les puissances coloniales et Tokyo en profite pour augmenter son influence en Asie et a de grandes ambitions pour la Chine.

Le 15 janvier 1915, le président de la jeune République de Chine Shikai YUAN demande le retrait des troupes permanentes japonaises qui occupent la province chinoise du Shandong et qui représentent une menace à l’intégrité nationale (un risque d’annexion). Le gouvernement japonais répond le 18 janvier avec ses « 21 demandes » visant à faire de la Chine un « protectorat » japonais.

  • Concernant le Shandong : le gouvernement chinois doit donner son accord à toutes les dispositions que les Japonais ou les Allemands pourraient prendre dans cette région ; il doit aussi compléter le réseau de voies ferrées autour de la ligne Tsingtao-Tsinan.
  • Concernant la Mandchourie : le Japon garde une position prédominante ; le bail de Liaodong (avec Port-Arthur) fixé initialement à 25 ans par le traité russo-japonais est dorénavant augmenté à 99 ans ainsi que le contrat de concession du chemin de fer du sud-mandchourien (80 ans initialement) ; toutes les mines de la Mandchourie méridionale et de la Mongolie intérieure sont réservées aux Japonais ; aucune concession ne peut être consentie par la Chine à une tierce puissance sans l’accord du gouvernement japonais.
  • Concernant la Chine centrale : La compagnie qui exploite les mines de Hanyeping doit accepter une participation japonaise ; le Japon a un droit de préemption sur toutes les exploitations possibles de la région.
  • En guise de dispositions générales : la Chine s’engage à ne céder à aucune autre puissance un port, une baie ou une île ; les Chinois utiliseront des « Japonais influents comme conseillers politiques, financiers et militaires » ; la police, ans certaines villes, sera dirigée à la fois par les Chinois et les Japonais (afin de mater pour Tokyo les révoltes anti-japonaises) ; le Japon recevra le droit de construire 3 voies ferrées autour de Nanchang ; pour tout investissement en infrastructures, le Japon doit être consulté en priorité.

D’après Histoire du Japon (1868-1945) de Fabrice Abbad (éditions Armand Colin) – Les « 21 demandes » page 74

Carte de la Chine (1911-1916)

Carte de la Chine (1911-1916) : depuis la proclamation de la jeune République de Chine, le pays est divisé et une proie facile pour l’impérialisme japonais. Source : Wikipedia.

Anglais et Français, occupés en Europe, ne réagissent presque pas. Pas encore impliqués dans la Première Guerre mondiale, les États-Unis tente de jouer un rôle d’arbitre sans recourir à la force. Washington envoie seulement quelques notes à Tokyo pour revoir un peu à la baisse ses demandes. Les Américains demandent aux Japonais d’abandonner les clauses portant atteinte à « l’indépendance, à l’intégrité et à la liberté commerciale » de la Chine. Pratiquement abandonnées, les Chinois résistent tant bien que mal et font traîner les négociations. Plusieurs camps s’opposent au Japon sur la question de la gestion de la Chine. S’appuyant sur les milieux d’affaires, le parti Seiyūkai majoritaire à la Chambre basse s’oppose à la politique de force qui pourrait mener à rompre la réserve américaine. En entrepreneurs, ils prônent une stratégie fondée sur le temps pour dominer économiquement la Chine, l’achat d’actions plutôt que la guerre. Ils sont en rupture avec les membres durs du Cabinet (Premier Ministre et ses Ministres) qui restent sur leurs positions (Shandong, Mandchourie et Chine centrale). La présence militaire est renforcée pour mettre encore davantage la pression.

Le 25 mai 1915, la Chine signe le traité reprenant la liste des « 13 demandes », Tokyo renonçant aux dispositions générales. Les États- Unis ne reconnaissent pas ces accords. Au Japon, Takashi HARA, chef du Seiyūkai, s’oppose aux militaires. Le gouvernement japonais demande à l’Angleterre, à la France et à la Russie de confirmer ses droits sur ces territoires. L’Angleterre donne son accord dès le 16 février dans le but d’obtenir l’aide du Japon dans la protection de sa marine marchande qui est attaquée par les sous-marins allemands. Suivant les Britanniques, les Français et les Russes confirment aussi les droits de Tokyo sur le Shandong et les archipels allemands du Pacifique. Les Alliés (et surtout les Britanniques) obtiennent ainsi le précieux soutien japonais dans la guerre sous-marine contre l’Allemagne.

Des relations diplomatiques tendues entre Washington et Tokyo

Robert Lansing et Ishii Kikujirō

Robert Lansing, Secrétaire d’État américain et Ishii Kikujirō en mission d’ambassadeur pour le Japon et la reconnaissance des conquêtes nippones dans le Pacifique et sur le Shandong en Chine.

Bien que le Japon joue son rôle dans la guerre, les États-Unis digèrent mal le coup de force tenté avec les « 21 demandes » et le contrôle des possessions allemandes du Pacifique mais aussi et surtout, l’influence grandissante du Japon en Chine. Profitant des divisions entre le nord et le sud de la Chine, les « emprunts Nishihara » (environ 80 millions de yens) sont accordés par le gouvernement japonais pour obtenir des concessions territoriales et des droits dans le nord (chemins de fer mandchous et mines de charbon de la région Mukden), droits qui avaient été exclus finalement du traité du 25 mai 1915 et qui faisaient partie des « 21 demandes ». Les Japonais cherchent une voie diplomatique avec Washington et ils envoient en septembre 1917 Ishii KIKUJIRŌ, ancien ministre des Affaires étrangères (en 1915 et 1916) et diplomate. Après de longues discussions, le Secrétaire d’État américain LANSING qui rappelle l’attachement de son pays au principe de la « porte ouverte » (libre accès au marché chinois) reconnaît finalement le 31 octobre 1917 les « intérêts spéciaux » des Japonais en Mandchourie… Que signifie ces termes ? Que les États-Unis reconnaissent les relations économiques privilégiées entre deux voisins ou bien pour les autres, les militaristes et nationalistes japonais, un droit de préemption sur des conquêtes à venir ? Cet accord n’est qu’un moyen qu’ont trouvé les Américains pour différer le contentieux : les intérêts du Japon et des États-Unis sont clairement opposés et le conflit semble inévitable. C’est juste une question de temps avant que le torchon ne brûle.

Intervention du Japon en Sibérie

Intervention du Japon et des Alliés en Sibérie pour des objectifs stratégiques en Asie de l’Est pour protéger les Armées blanches contre l’Armée Rouge des bolcheviks qui ont négocié la paix avec l’Allemagne.

La chute du Tsar Nicolas II, la paix séparée bolchevik et l’occupation japonaise de la Sibérie

Lénine au 2e Congrès des Soviets le 26 octobre 1917 à Petrograd

Lénine au 2e Congrès des Soviets le 26 octobre 1917 à Petrograd © Vladimir Serov (1954)

Après la défaite de la Russie lors de la guerre russo-japonaise en 1905, le prestige du tsar est écorné. Lorsque Nicolas II s’engage dans la Première Guerre mondiale, il a l’espoir d’une union sacrée qui mettrait de côté les difficultés que rencontre le régime en ressoudant le peuple et l’opposition autour de leur Tsar. La guerre accélèrera la chute du régime à la suite de la Révolution russe.

Mal équipée et mal préparée, l’armée russe est défaite par les Allemands dès le 30 août 1914 à Tannenberg. En 1915, l’Allemagne occupe la Pologne et la Lituanie. L’armée russe a perdu 1 million d’hommes et 900 000 ont été faits prisonniers. A ces nombreuses pertes s’ajoute un grand nombre de blessés. C’est la fin des illusions d’une guerre courte et facile. La Russie n’a pas les moyens d’assumer cette guerre totale qui s’enlise. Toutes les offensives russes échouent. Les troupes russes sont démoralisées et les désertions se multiplient.

La situation économique en Russie est catastrophique et les tensions sociales apparaissent à cause de la pénurie, du rationnement et de la flambée des prix. Tout cela aboutit à la révolution et à la chute du régime tsariste en février 1917. Un double pouvoir se met alors en place : un gouvernement provisoire de modérés qui souhaitent continuer la guerre aux côtés des pays de l’Entente et le Soviet de Petrograd où les Bolcheviks menés par Lénine deviennent de plus en plus influents et souhaitent l’arrêt immédiat de la guerre, une « paix blanche » sans vainqueur ni vaincu. Le gouvernement provisoire poursuit la guerre et est incapable de lancer une contre-offensive. Les Allemands progressent même dans les territoires russes. Face à cette impuissance, Lénine et Trotsky lance l’insurrection et la révolution d’octobre 1917. La Russie des Bolcheviks signe le traité de Brest-Litovsk le 3 mars 1918 mettant fin aux combats sur le front est avec l’Allemagne. Dès le printemps 1918, les pays de l’Entente décident de faire le blocus de la Russie et d’envoyer des troupes en Sibérie combattre aux côtés des Armées blanches contre l’Armée rouge. L’objectif est de maintenir un front en Russie pour éviter le transfert vers l’ouest des troupes auparavant occupées à l’est en Russie.

Il s’agit aussi de tuer dans l’œuf la révolution bolchevik et éviter qu’elle ne se propage dans d’autres pays en Europe. Le 11 août 1918, débarquent ainsi 7 000 Japonais et autant d’Américains qui facilitent ainsi l’occupation de la Sibérie. Le 11 novembre 1918, ce sont 72 000 soldats impériaux japonais qui se trouvent en Sibérie orientale au bord du lac Baïkal.

Le traité de Versailles de 1919 et la conférence de Washington (1921-1922)

Federal Immigration Act de 1924

Federal Immigration Act de 1924 : après le California Alien Land Law de 1913 et 1920, l’immigration en Amérique est verrouillée pour les Japonais. Source : https://www.venicewlajacl.org/history

Le traité de paix signé le 26 juin 1919 détermine les lourdes sanctions prises à l’encontre de l’Allemagne (restitutions de territoires conquis, perte de ses colonies, lourdes réparations économiques et d’importantes restrictions sur le plan militaire) et annonce la création de la Société des Nations (SDN) qui vise à préserver la paix sur le continent européen. Dans le dépouillement de l’Allemagne, le Japon se voit officiellement confirmer ses droits sur les concessions allemandes en Chine et les petites îles du Pacifique (avec l’interdiction de les fortifier). Le Japon a su conquérir ses territoires sans grandes pertes mais les Européens et les Américains n’oublient pas le comportement arriviste de l’archipel qui ne s’est pas complètement impliqué dans la guerre aux côtés des forces occidentales… et nourrissent d’ailleurs un certain mépris.

La guerre terminée, l’Extrême-Orient redevient au centre de leur attention. Mis au ban par les vainqueurs, le Japon est humilié dès que chaque occasion se manifeste. A la création de la SDN, la résolution japonaise réclamant pour les nations l’égalité légale « sans distinction de race » est repoussée à plus tard par les États-Unis et l’Australie. La discrimination anti-japonaise s’amplifie en Californie avec la suppression aux Japonais du droit de naturalisation et des mesures limitant l’exercice professionnel des fermiers d’origine japonaise établis aux États-Unis (California Alien Land Law de 1913 et de 1920). En 1924, tous les Japonais se voient refuser l’immigration en Amérique.

Graphique des constructions navales de combat sur la période 1905-1945

Graphique des constructions navales de combat sur la période 1905-1945 Source : Wikipedia (Données : « Battleships and Battlecruisers of the World, 1905–1970″ de Breyer)

La question chinoise n’est toujours pas solutionnée. La conférence qui se tient à Washington de novembre 1921 à février 1922 aboutit à plusieurs traités importants. Le Traité des 4 puissances signé entre les États-Unis, le Royaume-Uni, la France et le Japon fait suite à l’accord négocié par Robert Lansing et Ishii KIKUJIRÔ pour les États-Unis et le Japon. Les 4 pays s’accordent à respecter les possessions territoriales dans le Pacifique des autres pays signataires et à se consulter dans le cas d’un différend territorial. Dans la zone, l’impérialisme japonais pourrait amener à une guerre contre la France (Indochine française) et l’Empire britannique (colonie des Indes) si le Japon continue à vouloir étendre son influence dans l’Asie du Sud-Est. Ce traité marque surtout la fin de l’Alliance anglo-japonaise de 1902.

Au lendemain de la guerre, dans un souci de non-prolifération des armes et pour mettre fin à la course aux armements navals que se livrent les grandes puissances, le Traité naval de Washington vise à limiter les flottes navales (tonnage et armement des navires de guerre). Si auparavant, l’Empire britannique avait pour règle d’avoir une flotte de guerre égale aux 2ème et 3ème flottes mondiales réunies (« two powers standard« ), la Grande-Bretagne reste la première mais les États-Unis ne sont pas loin derrière. La 3ème puissance navale, le Japon se voit imposer seulement une capacité de 3/5 de la flotte américaine, ce qui met l’Archipel en position de nette infériorité en cas de confrontation avec l’Amérique. A noter que l’honneur est sauf pour les Japonais qui devancent la France et l’Italie. Ce traité aura été une réussite puisqu’il aura permis une pause d’une dizaine d’années dans la course aux navires de guerre toujours plus puissants. Les projets navals ne reprendront qu’à la suite de la crise économique mondiale de 1929 et du tournant militariste du Japon dans les années 1930.

Tonnages autorisés
Pays Navires de bataille Porte-avions Nombre
Empire Britannique 580 450 tonnes 135 000 tonnes 22
États-Unis 500 600 tonnes 135 000 tonnes 18
Japon 301 320 tonnes 81 000 tonnes 10
France 220 170 tonnes 60 000 tonnes 10
Italie 180 800 tonnes 60 000 tonnes 10

La conférence de Washington a abouti au Traité des neuf puissances qui garantit l’intégrité territoriale et administrative de la Chine tout en développant la logique de la Porte ouverte, doctrine économique américaine. Si les États-Unis soutiennent la République de Chine, les intérêts des puissances européennes (Grande-Bretagne et France) et japonaise sont maintenus. Pour garantir la coopération entre les pays en Chine, la commission International Board of Reference est ainsi créée pour jouer le rôle d’arbitre dans les relations entre la Chine et les puissances étrangères mais aussi les éventuels litiges entre les différentes puissances coloniales dans le pays. Le Japon signe un accord avec la Chine où l’Archipel s’engage à restituer le Shantong et à vendre la ligne de chemin de fer Tsingtao-Tsinan (Qingdao-Jinan). Les Américains ont mené les négociations et depuis le premier conflit mondial, Tokyo est avertie que face à ses ambitions, elle trouvera la puissance américaine sur sa route.

La crise mondiale de 1929-1930 et le tournant militariste et nationaliste des années 1930 au Japon

De l’ère Taishô (« grande justice ») à l’ère Shôwa (« paix brillante »)

L'empereur Shôwa (Hirohito)

L’empereur Shōwa (Hirohito)

A la mort de l’empereur Meiji en 1912, c’est son fils Taishō qui lui succède. Sans charisme, il tombe gravement malade. Né en 1901, son fils Hirohito, prince héritier aura très vite de grandes responsabilités. Âgé de 20 ans seulement, en 1921, à son retour de voyage en Europe entrepris en 1920, il devient le régent, la santé de son père étant trop défaillante pour régner. La jeunesse du régent gommera les faiblesses et problème de santé de l’empereur Taishō. Cette période après Meiji a vu émerger la « démocratie Taishō », c’est-à-dire le développement d’un système à deux partis politiques, bipartisme entre le Rikken Minseitō (parti démocrate constitutionnel, libéral modéré) et le Rikken Seiyūkai (Fraternité du gouvernement constitutionnel, libéral conservateur).

Au sein de l’armée impériale cohabitent deux factions nationalistes la Kōdōha, faction radicale et favorable à l’expansion en Asie et à un gouvernement totalitaire et militariste et la Tōseiha, plus modérée. L’Empereur n’a pas de pouvoir sur la Chambre basse et nomme ainsi automatiquement le Premier Ministre sorti des urnes. Son influence est par contre grande sur la Chambre haute en nommant des personnes fidèles et loyales à l’empereur à des postes-clés dans l’administration et dans l’armée. Hirohito va savoir tirer profit de deux événements :

  • Le 1er septembre 1923, un terrible séisme d’une magnitude de 7,9 sur l’échelle de Richter ravage les pleines très peuplées du Kanto et détruit Tokyo. Le bilan est dramatique avec 200 000 morts et 500 000 bâtiments détruits faisant 2 millions de sans-abris. Dans le vent de panique, les Japonais accusent les Coréens présents dans la région de Tokyo d’entretenir les foyers d’incendie alimentés par le souffle du typhon qui passe sur la capitale. Une chasse à l’homme s’organise alors. L’instauration de la loi martiale permet un retour au calme. En quelques jours, ce seront 6 000 Coréens qui seront massacrés tout de même. Le régent Hirohito organise personnellement les secours en l’absence d’un premier ministre (Tomosaburō KATŌ meurt le 24 août 1923 d’un cancer du colon). Gonnohyōe YAMAMOTO est nommé Premier Ministre le 2 septembre.
  • Le 23 septembre 1923, Hirohito échappe à un attentat, l’incident de Toranomon. Tenu responsable de l’échec de la sécurité, le scandale oblige le Premier ministre Yamamoto à démissionner. Le 7 janvier 1924, Keigo KIYOURA est nommé Premier ministre. Le régent en profite alors pour faire nommer dans le gouvernement le général Ugaki comme ministre de la guerre. Acquis à Hirohito, il a été son précepteur. Hirohito lui confie la lourde tâche de tenir sous contrôle l’armée.

L’empereur Taishō meurt le 25 décembre 1926. Débute ainsi le long règne de Hirohito, âgé de 25 ans, sous le nom de Shōwa (1926-1989).

L’incident de Moukden et l’invasion de la Mandchourie en 1932

En 1929, le Krach boursier américain finit aussi par frapper le Japon qui entre alors en crise. Le pays, faible en matières premières, a du mal à nourrir une population qui augmente d’un million de citoyens tous les ans. Le chômage augmente brutalement et des krachs financiers se produisent en chaîne. Les jeunes officiers d’origine modeste adhérent à des groupuscules ultra-nationalistes comme la « Société de l’océan noir », la « Société du dragon noir » ou le « Groupe du lagon brumeux ». Les militaires préparent des coups d’État qui échouent en 1927 et en 1931.

En 1931, les nationalistes se regroupent dans la Société pan-japonaise pour la lutte unifiée des patriotes (Nikkyo) qui reçoit le soutien financier de riches sympathisants et de l’armée, notamment cantonnée en Corée et le long du chemin de fer en Mandchourie. L’armée du Kwantung postée en Mandchourie prépare en secret, dans le dos de Tokyo et du pouvoir civil, une invasion de la région. Dans la soirée du 17 septembre 1931, les Japonais font exploser une section de voie ferrée appartenant à la société japonaise des chemins de fer de Mandchourie du Sud près de Moukden. Accusant « des bandits chinois », l’armée japonaise riposte et envahit la Mandchourie et sa capitale, Moukden. La Société des Nations ne reconnaît pas l’état créé par le Japon, le Mandchououo où a été placé en 1932 par Tokyo Puyi, le dernier empereur chinois d’origine mandchoue.

Le Japon quitte alors la SDN. Mai 1933, l’armée occupe alors le Jehol. La conquête du continent chinois avec le doublement des dépenses de l’armée est le moteur de la politique de relance entrepris. La production industrielle fait un bond grâce à la relance budgétaire financée par l’emprunt. La dette de l’État japonais passe de 5 milliards de yens début 1931 à près de 10 milliards en 1935. Industrie lourde, usines chimiques et sidérurgiques se développent pour répondre à la demande de l’armée impériale en matériel et en munitions. Dans les terres occupées mandchoues, les grandes entreprises japonaises investissent des sommes colossales. Pour orienter et contrôler le développement de la Mandchourie, le Bureau des affaires industrielles de Mandchourie est créé en 1936 avec à sa tête Nobusuke KISHI (qui deviendra Premier ministre de 1957 à 1960) qui a pour interlocuteur militaire le chef d’état-major de l’armée du Kwantung, le général Tōjō (premier ministre de 1941 à 1944). Kishi et Tōjō ont pour ambition de transformer la Mandchourie en grande puissance industrielle. Le principal investisseur est Nippon Sangyō, plus connu sous le nom de Nissan.

Le début de la guerre sino-japonaise (1937-1945)

La guerre entre le Japon et la Chine éclate le 7 juillet 1937 avec l’incident du pont Marco-Polo. Les troupes de l’armée du Kwantung s’entraînent ce jour près de Wanping, à l’extrémité du célèbre pont Marco Polo. Les Japonais accusent alors les Chinois d’avoir enlevé un de leurs soldats. En fait, celui-ci réapparaît 2 heures plus tard, après avoir fait un tour dans une maison de passe. L’armée japonaise se met alors en marche, officiellement pour « protéger des biens et des vies japonaises ». A quelques kilomètres seulement, Pékin capitule. Le gouvernement chinois à Nankin décide de ne pas s’incliner. L’armée impériale japonaise se dirige alors vers le sud. Après de durs combats, la ville de Shanghai tombe au mois de novembre. Une expédition punitive de grande envergure est montée contre la capitale chinoise, Nankin. La résistance acharnée chinoise fera 110 000 morts du côté japonais. De part l’ampleur du massacre de Nankin, cet événement reste encore aujourd’hui un point de blocage dans les relations sino-japonaises. Après la bataille de Nankin, à partir de décembre 1937 et pendant 6 semaines, des centaines de milliers de civils et soldats désarmés sont assassinés. Le Tribunal de Tokyo qui jugera les grands criminels de guerre japonais a établi un chiffre de 200 000 victimes chinoises.


Dans le camp des vainqueurs de la Première guerre mondiale, le Japon allié aux Britanniques a réussi à tirer profit du premier conflit mondial en combattant l’Allemagne pour coloniser les possessions de l’Empire germanique, Shandong  et la Micronésie (les îles Mariannes, Marshall, et Carolines notamment). Sans prendre de risque, cette expansion territoriale animera de vifs débats et reproches des puissances occidentales alliées jugeant le Japon opportuniste et déloyal. La question de ces territoires conquis puis le commerce en Chine ne seront en partie résolus qu’au Traité de Versailles où l’Allemagne est dépecée et partagée entre les vainqueurs puis à la conférence de Washington en 1921 et 1922. La Société des Nations (ancêtre de l’ONU) et le Traité naval de Washington tenteront de préserver la paix. La limitation des flottes navales mettra un frein à la course aux armements mais cela ne durera qu’une décennie…

La crise mondiale de 1929 amènera le Japon vers le chemin de l’impérialisme et du militarisme avec l’invasion de la Mandchourie par l’armée du Kwantung et la guerre en Chine. Au début de la guerre sino-japonaise, l’armée impériale japonaise se livre à la barbarie en massacrant à Nankin, la capitale chinoise, plus de 200 000 chinois, essentiellement des civils. Au ban des nations, la guerre avec les États-Unis, fervents défenseurs de la doctrine de la Porte ouverte et du libre échange, est sur le point d’éclater.

Prochain épisode : « Pearl Harbor et l’entrée en guerre du Japon contre les États-Unis ».

David Maingot

Responsable Culture à JDJ et passionné de la culture et de l'histoire du Japon, je rédige des articles en lien avec ces thèmes principalement.

1 réponse

  1. 30 mai 2019

    […] la Seconde Guerre mondiale, nous avions choisi de consacrer un premier épisode (partie 1 et partie 2) en guise de prélude au second conflit mondial. En remontant dans le temps, à l’époque de […]

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