Épisode 1 : Prélude à la Guerre du Pacifique (partie 1/2)
Après l’épopée de l’Histoire japonaise l’an dernier, Journal du Japon a décidé de se lancer dans un autre pan d’histoire du Japon avec un dossier sur la Seconde Guerre mondiale et plus précisément la Guerre du Pacifique, guerre dans la guerre si l’on peut dire entre les forces alliées dirigées par les États-Unis et les armées impériales du Japon en Asie.
D’avril à août, chaque mois, un article abordera un épisode de la guerre avec comme point final, les terribles bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki les 6 et 9 août 1945 et l’armistice. En France, à l’école, le front asiatique est peu abordé dans les cours d’histoire (cf programme d’histoire sur la Seconde Guerre mondiale) qui se focalisent essentiellement sur le front européen avec en particulier la Shoah (génocide des Juifs) et le devoir de mémoire ainsi que la Résistance et le général de Gaulle (mis en opposition avec la collaboration et le régime de Vichy). Nous avons décidé d’y remédier en rédigeant des articles qui se voudront abordables et synthétiques. En guise d’introduction à ce cycle sur la Seconde Guerre mondiale, nous aborderons les faits antérieurs à l’entrée en guerre du Japon contre les États-Unis. Nous verrons l’émergence d’une puissance dans le concert des nations.
Le Japon qui jadis avait pour exemple l’Empire du Milieu a réussi à devancer la Chine et est même en passe de devenir l’égal des puissances occidentales depuis son fort développement industriel initié depuis la Restauration de Meiji. Retour sur les guerres russo-japonaise et sino-japonaise qui ne seront que les prémisses à la constitution de l’Empire du Grand Japon (Dai Nippon Teikoku).
La naissance d’une grande puissance moderne
La Chine, phare civilisationnel du continent asiatique et du Japon
De tout temps, la Chine a été le modèle en Asie et dans l’archipel nippon. A son grand et puissant voisin continental, le Pays du Soleil Levant a beaucoup emprunté. Le japonais, auparavant uniquement langue orale, s’est vu écrite grâce aux idéogrammes chinois (hanzi, « caractères de la dynastie Han » littéralement). A ces milliers de kanji, certains transformés donneront naissance à de nouveaux caractères pour former deux syllabaires, les hiragana et katakana, pour parachever l’écriture japonaise.
Les Japonais doivent aux Chinois aussi ces deux sagesses de l’orient, à savoir le bouddhisme et le confucianisme que l’on retrouve dans de nombreux éléments de la vie quotidienne et qui régissent les règles de vie en société et même au sein de la cellule familiale. Outre la religion et la morale confucéenne, les Japonais ont adopté les canons artistiques chinois et des techniques artisanales (estampe, papier, laque, céramique et soie notamment) qu’ils assimilent et développent aussi par un phénomène d’appropriation. Au cours de la période d’Asuka (milieu du 6e siècle à 710), l’empereur Kōtoku met au point une série de mesures, la Réforme de Taika (645-649) qui vise à réviser les impôts et taxes, l’administration et la répartition des terres agricoles dans le but de mettre fin à l’hégémonie des clans pour créer un gouvernement centralisé sur le modèle chinois de la dynastie des Tang. Petit et isolé, l’archipel nippon a toujours réussi à garder son indépendance vis à vis de son voisin chinois qui a tenté de l’envahir en 1274 et 1281 (lire à ce sujet notre article sur la période Kamakura et l’épisode des invasions mongoles) par deux fois à la demande du « Fils du Ciel », l’empereur de Chine, sans succès. Le célèbre kamikaze (« Vent divin » littéralement), un puissant typhon salvateur repousse et détruit les troupes d’invasion et les navires de Kubilai Khan.
La guerre d’Imjin
L’arrivée des Portugais a eu un impact significatif sur l’unification du Japon débutée par Nobunaga ODA grâce à l’arquebuse qui révolutionne les batailles où le Roi Démon se montre visionnaire et s’illustre par son adresse politique mais qui voit son rêve de conquête du pays échouer à mi-chemin, trahi par son général Mitsuhide AKECHI. Hideyoshi TOYOTOMI continue la conquête du pays pour son défunt maître, l’unifie et tente de le pacifier. Le pays enfin unifié après de rudes batailles menées entre daimyō, le Singe entreprend le pari fou d’envahir la Chine des Ming en passant par la Corée. Quand l’empereur de Corée, Seonjo de la dynastie Chosŏn refuse de laisser le passage aux Japonais, le Taikō décide donc d’envahir la péninsule coréenne et envoie 200 000 hommes à Busan les 25 et 26 mai. Ainsi commence la guerre d’Imjin en cette année du « dragon d’eau » de 1592 en Corée. Surprise, désorganisée, en sous-nombre et mal préparée, l’armée coréenne perd du terrain. Les troupes japonaises progressent rapidement et atteignent Séoul le 12 juin. Des pillages et destructions se produisent et des Coréens sont vendus aux marchands d’esclaves portugais.
L’invasion continue vers le nord et les envahisseurs atteignent les fleuves du Yalou et du Tumen, frontières naturelles séparant la Chine et la Corée. L’amiral Yi Sun-sin passe à l’attaque et coule de nombreux navires japonais en comptant sur sa pièce maîtresse, les Bateaux-Tortues (Keobuk-Seon), cuirassés puissamment armés et maniables. L’empereur chinois envoie 5 000 hommes en Corée et tente une négociation : le nord sous suzeraineté chinoise et le sud revenant aux Japonais. L’offre est refusée et la Chine se prépare en fermant ses ports et en envoyant plus d’hommes pour atteindre 100 000 soldats en janvier 1593. Les armées chinoise et coréenne lancent une contre-offensive en février et attaque Pyongyang au nord pour repousser plus au sud les Japonais à Séoul. Les négociations reprennent et une trêve durera 3 ans.
Estimant avoir gagné la guerre, le Singe exige des compensations démesurées dont le mariage avec une fille de l’empereur Wanli. Le dialogue rompu, la guerre reprend en juin 1597. En août, les Japonais atteignent Séoul. La bataille de Myong-Yang, le
L’éveil de Meiji et sa « politique éclairée »
La paix civile retrouvée dans le Japon féodal des TOKUGAWA permet ainsi au pays de prospérer aux 17e et 18e siècles. L’économie japonaise est encore essentiellement basée sur l’agriculture mais il commence à émerger une bourgeoisie, des marchands citadins comme la famille Mitsui qui devient progressivement un puissant bailleur de fonds du shōgun. On pourrait comparer les Mitsui aux Rothschild en Europe au 19e siècle. Les puissances occidentales (empires coloniaux européens et les États-Unis) veulent négocier la réouverture du pays et ne plus se contenter du seul port de Nagasaki. Les Américains obtiendront la fin de la politique d’isolement en ayant recours à l’intimidation grâce aux » navires noirs » (kurofune) du Commodore Perry, navires de guerre dont les puissants canons menacent la capitale nippone où réside le shōgun, Edo, future Tokyo. Contraints, les Japonais signent le traité de Kanagawa le 31 mars 1854 ouvrant ainsi aux Américains les ports de Shimoda (Honshū) et de Hakodate (Hokkaido) en plus de celui de Nagasaki qui était auparavant réservé aux seuls Chinois et Hollandais.
La voie ouverte, les autres puissances obtiennent des traités similaires dits « des cinq nations » (Angleterre, Russie, Pays-Bas, France et les États-Unis). La faiblesse du shōgun dans ces événements vécus par les Japonais comme une invasion occidentale et un péril pour l’intégrité nationale fragilise son pouvoir. L’Empereur apparaît comme étant une alternative au généralissime incapable de chasser les barbares. Les samouraïs se révoltent, principalement ceux du Sud, notamment les clans de Satsuma et de Chōshū. Ce renversement du shogunat et le recouvrement des pouvoirs de l’Empereur, la Restauration de Meiji marque la fin de la féodalité et du shogunat Tokugawa et le début d’une ère industrielle au Japon sous le règne de l’empereur Meiji (de 1868 à 1912), équivalent à la période des Lumières en Europe au 18e siècle. Une ère de réformes s’annonce et une démocratie commence à se dessiner. En 1868, cela est amorcé par la promulgation de la Charte du serment (« Serment des cinq articles ») stipulant les principes et les objectifs qu’intégrera la nouvelle constitution plus tard.
Le Japon devient un État moderne calqué sur le modèle occidental avec la création d’un État national avec une administration centralisée. Terminé le système de provinces et de seigneurs de la période féodal, place à des préfectures (ken) avec des gouverneurs nommés par Tokyo. Dès 1873, un service militaire de 3 ans est obligatoire pour tout Japonais. Auparavant, seuls les samouraïs avaient le droit de porter les sabres. Bien entendu, les samouraïs, déjà entraînés, sont favorisés dans cette nouvelle armée nationale par rapport aux paysans qui manient les armes pour la première fois.
La révolution de Meiji est lancée : en 1872, un système d’écoles publiques voit le jour et la loi sur l’éducation rend obligatoire l’école pour tous. La réouverture du pays et les voyages à l’étranger (en France, en Angleterre et en Allemagne notamment) permettent aux Japonais de constater le retard économique et technologique. Pour financer le rapide développement, les infrastructures et le recrutement des meilleurs étrangers dans leur domaine, le Japon emprunte aux banques européennes qui prêtent en confiance. Pour se doter d’une industrie moderne, en 1870, le ministère de l’Industrie est ainsi créé et les premières lignes de chemins de fer mettent sur la bonne voie l’industrialisation du pays faisant ainsi prospérer les grandes industries de base et les mines de charbon, principal source d’énergie. Le progrès économique et l’occidentalisation du pays du Soleil Levant développent des ambitions territoriales, à l’image du modèle occidental, puissances qui n’hésitent pas à user de la force armée pour se tailler de vastes empires. L’industrialisation requiert des matières premières (charbon, minéraux…) : le sol national n’est pas suffisant, aiguisant ainsi les appétits de conquêtes… Plus l’archipel s’enrichit et plus il devient puissant militairement à l’image de sa devise « un pays riche, une armée forte » (Fukoku Kyōhei). Copiant la méthode du Commodore Perry, les Japonais font une démonstration de leur force navale en 1875 et 1876 pour que la Corée ouvre ses ports de commerce grâce au traité de Kanghua le 27 février 1876. En 1879, le Japon annexe l’archipel des Ryūkyū rebaptisé préfecture d’Okinawa. En 1889, la Constitution de Meiji est proclamée. Dans son article 3, « la personne de l’empereur est sacrée et inviolable ». Le Japon adopte un système de démocratie moderne basé sur le modèle parlementaire européen avec une chambre basse de 300 députés élus et une chambre haute rassemblant 176 membres de la noblesses, 100 notables nommés par l’empereur et 45 notables élus pour proposer et voter des lois.
L’Empire du Grand Japon ou l’ambition coloniale
La première guerre sino-japonaise (1894-1895)
La Chine des Qing fermée à l’influence étrangère et au commerce avec les occidentaux (sauf quelques concessions occidentales aux zones côtières) est en plein déclin économique et est une proie idéale pour l’appétit colonial des grandes puissances. Le Japon qui autrefois admirait l’Empire du Milieu le devance depuis qu’il a entrepris sa phase de réouverture au monde et qu’il a initié sa profonde révolution sous l’impulsion de Meiji. L’essor de l’économie japonaise a permis au Japon de moderniser son armée et notamment sa marine avec les précieux conseils de Louis-Émile Bertin, ingénieur naval français.
L’ombre d’elle-même, la Chine n’a pas encore initié sa révolution industrielle et la refonte de ses institutions. Elle n’est plus en mesure de protéger sa sphère d’influence. Japonais et Chinois se livrent ainsi à une guerre d’influence et de séduction avec les Coréens. La situation est extrêmement tendue et un rien peut mettre le feu aux poudres. En 1894, une société secrète japonaise fomente dans l’ombre une émeute, la rébellion paysanne du Donghak. Face à l’ampleur de la révolte, la couronne royale coréenne requiert l’aide de son protecteur chinois. Les Chinois envoient ainsi quelques troupes pour ramener le calme dans le pays. Le Japon envoie aussi des soldats qui débarquent au sud de la péninsule coréenne à Chemulpo. Le 16 juin 1894, Mutsu Munemitsu, ministre des affaires étrangères du Japon rencontre l’ambassadeur chinois au Japon, Wang Fengzao pour discuter du futur statut de la Corée. Wang assure aux Japonais que son gouvernement prévoit de se retirer de la Corée et qu’elle souhaite que le Japon en fasse autant. La Chine nomme néanmoins un gouverneur en Corée pour s’occuper des intérêts chinois dans le pays, réaffirmant ainsi son autorité sur son vassal coréen. La diplomatie entre les deux pays n’arrive pas à résoudre cette crise. Malgré la médiation souhaitée par l’ambassadeur britannique en Chine, la situation n’avance guère.
Le Japon veut s’emparer de la Corée et il le fera avec les armes s’il le faut : fin juillet, presque tous les navires de la marine impériale japonaise forme une flotte en vue d’une guerre imminente. La première guerre sino-japonaise est déclarée le 1er août 1894. La marine impériale chinoise est défaite dans la baie d’Asan, près de Séoul. Le 15 septembre, les Japonais attaquent les Chinois qui se sont enfuis plus au nord à Pyongyang et contrôlent la ville très rapidement, dès le lendemain de l’assaut. Le 17 septembre, une nouvelle bataille navale éclate sur le fleuve Yalu : les navires chinois sont entièrement détruits sauf 2 cuirassés construits en Allemagne. Cette victoire nippone permet ainsi de prendre le contrôle de la péninsule du Liaodong et de la ville portuaire chinoise Lüshunkou (Port-Arthur) où soldats et civils chinois se feront massacrés par milliers du 21 au 24 novembre 1894.
Janvier 1895, la Chine souhaite ouvrir les négociations de paix. En février et mars, la série de victoires du côté japonais continue avec les batailles de Weihaiwei et de Yingkou. Le 26 mars 1895, les troupes japonaises envahissent Taiwan (Formose) et les petites îles Pescadores voisines. Le 17 avril 1895, la Chine signe avec le Japon le Traité de Shimonoseki et lui cède ainsi Taiwan et les îles Pescadores, la péninsule de Liaodong avec Port-Arthur et reconnaît l’indépendance de la Corée. La Chine doit aussi payer une indemnité de guerre et ouvrir ses ports aux commerçants japonais. La Triple intervention (Russie, France et Allemagne) du 23 avril annule finalement ce traité. Face à ces trois puissances européennes qui trouvent leurs intérêts en Asie du Sud-Est, le Japon doit s’incliner et quitte la péninsule de Liaodong contre une indemnité de 450 millions de yens. Taiwan reste japonaise néanmoins. L’empire de Russie obtient de la Chine la concession de Port-Arthur pour une durée de 25 ans. Le Japon a montré au reste du monde son nouveau visage, un Empire qui peut compter sur sa nouvelle armée moderne en réussissant à battre l’armée d’un pays beaucoup plus grand. La Corée est à un emplacement stratégique dans la zone que tous convoitent : pour obtenir cet accès à la mer de Chine et à la mer du Japon, l’Empereur sait dorénavant que le Tsar de Russie est son premier concurrent pour contrôler la zone.
Dans une Chine fragilisée par cette défaite éclate la Révolte des Boxers dans un combat opposant conservatisme et colonialisme à réformistes et indépendantistes. Initialement opposés à la dynastie mandchoue des Qing et à la domination des Occidentaux, l’impératrice douairière Cixi réussit à rallier ses opposants à sa cause en les exhortant de chasser les étrangers. Les légations occidentales de Pékin sont assiégées dès juin 1900 et les insurgés se lancent dans une chasse aux étrangers. Les Occidentaux réagissent et organisent un corps expéditionnaire pour mater la rébellion : l’Alliance des huit nations est née. La capitale Pékin est sous contrôle de l’alliance le 14 août. Le protocole de paix signé à Pékin le 7 septembre 1901. Cette révolte soutenue par la Cité interdite coûtera cher à la Chine et aboutira à la chute des Qing et du pouvoir impérial avec la proclamation de la République de Chine en 1912. Une vague de modernisme touche la Chine très en retard sur le Japon et les puissances occidentales.
La guerre russo-japonaise (1904-1905)
Les Japonais n’ont pas du tout apprécié la rétrocession à la Russie de Port-Arthur et de sa péninsule de Liodang. Animés par un désir de revanche, un programme décennal d’intensification des armements est mis au point dans l’archipel. Armée de Terre et Marine réclament plus de moyens. Le pays se met en marche pour la guerre : 300 millions de yens sont alloués à l’augmentation des armements. L’armée de terre voit ses effectifs doublés et la Marine se voit dotée de 6 nouveaux navires de guerre de 15 000 tonnes (navires de classe Huji) ainsi que 6 croiseurs cuirassés de 10 000 tonnes. Pour financer ces investissements en vue de la guerre, Tokyo emprunte à New York, Londres et Berlin : 80% de l’effort de guerre nippon est financé par les capitaux étrangers.
Face à une Chine impuissante, l’Empire de Russie qui cherche à avoir un accès sur l’Océan Pacifique et la Mer du Japon vise pour objectif le contrôle de la Mandchourie et de la Corée. Les Russes sont particulièrement actifs dans la zone avec la construction du Transsibérien, vaste réseau de chemins de fer permettant d’envoyer rapidement des soldats en Mandchourie ; la concession d’exploitation de la péninsule de Liadong est accordée par la Chine en 1898 puis protectorat de la Mandchourie en 1900. Face à cette menace russe, le budget militaire est multiplié par 4 à 5 pour avoir la première flotte du Pacifique. En 1902, le Japon signe une alliance avec le Royaume-Uni lui donnant l’assurance qu’il n’interviendra pas si celui-ci venait à attaquer la Russie. La voie ainsi dégagée, sans déclaration de guerre préalable, le Japon attaque Port-Arthur par surprise dans la nuit du 7 au 8 février 1904. La flotte de l’amiral Heihachirō TÔGÔ coule dans la rade 7 navires. L’empereur du Japon déclare la guerre à la Russie le 10 février. En mars, des soldats nippons débarquent en Corée. La conquête est rapide et dès août 1904, les Japonais assiègent Port-Arthur. Le 2 janvier 1905, les Russes de Port-Arthur capitulent.
La bataille fait ensuite rage dans les plaines mandchoues de Mukden. La prise de Port-Arthur donne l’ascendant moral aux troupes japonaises et permet au maréchal Iwao ŌYAMA de réunir ses armées. Les 1ère et 3e armées de Mandchourie sous les ordres du général Kouropatkine mal coordonnées se font anéantir le forçant à ordonner la retraite. Le 10 mars 1905, les Japonais occupent Mukden. Après cette défaite, l’armée du tsar abandonne la Mandchourie. La flotte russe de la Baltique composée de 45 navires est anéantie en 2 jours seulement lors de la bataille de Tsushima du 27 au 29 mai 1905 ! La Russie a perdu la guerre. Inédit, une armée asiatique a gagné contre une puissance européenne et non des moindres ! Au traité de Portsmouth, le 5 septembre 1905, le Japon gagne la Corée (protectorat), la région de Port-Arthur, la moitié sud de l’île de Sakhaline au nord d’Hokkaido. La Chine récupère la Mandchourie que les Russes doivent évacuer. Octobre 1909, un patriote coréen assassine le Résident général, l’ancien premier ministre japonais Hirobumi ITŌ. Les nationalistes réclament la colonisation de la Corée : le traité d’annexion est signé en août 1910. Le japonais devient la langue officielle et les libertés du peuple coréen sont supprimées par le colonisateur nippon. L’empereur Meiji meurt le 30 juillet 1912. Le futur empereur Taishō sera-t-il à la hauteur pour succéder à son défunt père ?
En l’espace de quelques décennies, sous l’impulsion de la Restauration de Meiji, le Japon a entrepris en premier en Asie sa révolution industrielle. A l’arrivée des « bateaux noirs » du Commodore Perry, les Japonais ont compris leur retard technologique et ont tout mis en œuvre pour restructurer l’État japonais et entreprendre les réformes nécessaires pour préserver le sol national de la colonisation. Jadis, les Chinois avaient échoué lors de leurs tentatives d’invasion, et les puissances occidentales n’ont pas réussi non plus. Meiji a pleinement réussi sa mission.
Après les guerres sino-japonaise et russo-japonaise, l’Empire du Grand Japon est devenu une grande puissance et la première nation asiatique. L’Asie du Sud-Est est en pleine mue : autrefois, grande et puissante, la Chine impériale est en déclin tandis que le petit archipel isolé qu’était le Japon est devenu un puissant empire en pleine phase d’ascension grâce à l’annexion de l’archipel Ryūkyū (Okinawa) et de la Corée qui gravitaient autour de l’influence chinoise, mais aussi grâce à sa présence dans la péninsule de Liaodong, Port-Arthur. Dans la lancée, il sera difficile de contrer les ambitions coloniales de l’Empire du Japon qui n’en restera pas là. Les Européens et les Américains ont compris depuis la défaite de la Russie que leur suprématie en Asie est menacée : la racisme anti-japonais qui sera particulièrement important en Amérique et le « péril jaune » seront abordés dans la seconde partie de ce prélude à la Guerre du Pacifique.
Image de la photo en Une de l’article : Promulgation de la Constitution de l’Empire du Japon par Toyohara Chikanobu, 1889.
4 réponses
[…] notre première partie du Prélude à la Guerre du Pacifique, nous nous étions quittés sur la mort de l’Empereur Meiji qui a su insuffler un vent de […]
[…] satiriques du 20e siècle ont réutilisé ces figures pour ridiculiser l’ennemi pendant la guerre russo-japonaise. Nous aurions pu aussi nous attarder sur le mouvement de défense des arts populaires des années […]
[…] directement la Seconde Guerre mondiale, nous avions choisi de consacrer un premier épisode (partie 1 et partie 2) en guide de prélude au second conflit mondial. En remontant dans le temps, à […]
[…] utilisé pour parler des Coréens qui ont débarqué dans l’archipel dès 1910, suite au traité d’annexion de la Corée qui a fait du pays une colonie […]