Manga Taishō – épisode XII : vers l’infini et au-delà !
L’an passé, la mangaka Paru ITAGAKI faisait une entrée remarquée dans le cercle des lauréats du Manga Taishō avec Beastars. En 2019 ils sont treize artistes à pouvoir lui succéder. La liste des nommés a été dévoilée fin janvier à l’issue de la première phase de sélection. Le titre lauréat et le classement final ont été annoncés lors de la traditionnelle cérémonie du prix qui s’est tenue à Tokyo hier en début d’après-midi.
Que les curieux et curieuses se rassurent, cette sélection 2019 ne manque pas de surprises. L’ensemble a bien fière allure et comprend, comme toujours, plusieurs œuvres qui se détachent du lot de manière significative. Quelques vieilles connaissances ont été également invitées à se joindre à la fête.
Avant de vous livrer le nom du manga récompensé cette année, Journal du Japon vous propose une petite présentation des heureux élus et vous dévoile ses coups de cœur !
Préambule : qu’est-ce que le Manga Taishō ?
Depuis sa création en 2008, l’événement a toujours permis à son comité organisateur de poursuivre un objectif double.
En premier lieu, le but est de mettre en lumière des œuvres « récentes » au-delà de toute considération financière. Pour être nommé, un manga doit seulement avoir été publié au cours de l’année précédente et ne pas excéder les huit volumes. Si sa réalisation répond à ces deux conditions, tout(e) mangaka, simple rookie ou artiste expérimenté(e), peut dès lors défendre ses chances. À ce titre, une nomination peut parfois leur offrir une visibilité providentielle. Les libraires accordent beaucoup d’importance aux différents classements et prix manga décernés au cours de l’année et n’hésitent pas à les mettre en avant dans leurs rayons.
La lauréate 2018, la mangaka Paru ITAGAKI avec Beastars a par exemple reçu de nombreuses autres distinctions, dont le prestigieux prix culturel Tezuka et celui du manga Kōdansha, lui offrant ainsi une reconnaissance mondiale méritée. À noter que la série, toujours en cours, est arrivée en France chez Ki-oon depuis. De son côté, Paru ITAGAKI ne s’est pas relâchée pour autant après une année 2018 riche en succès et continue de composer son oeuvre, toujours avec cette audace et cette surprenante maturité qui la caractérisent désormais.
Le prix a également pour vocation de proposer de nouvelles pistes aux lectrices et lecteurs curieux de nouvelles histoires à découvrir. Des suggestions bienvenues dans un monde où les nouveautés se comptent chaque année par centaines. Ainsi devient-il de plus en plus difficile de faire un choix parmi la pléthore de titres disponibles. C’est par ailleurs tout sauf un hasard si le large jury choisi pour établir la sélection n’est composé que de passionné(e)s, parmi lesquels bon nombre de libraires, aux goûts multiples et à l’affut constant de la moindre perle. À ce titre, l’harmonisation de leurs votes a toujours offert des listes variées et révélatrices des potentiels du moment. De quoi assurément inspirer les éditeurs français par la même occasion… Voyez par vous-même avec cette sélection 2019 !
Hokuhokusei ni kumo to ike (Go with the Clouds, North by Northwest), de Aki IRIE
L’histoire commence sur les longues et désertes routes d’Islande. Kei Miyama, 17 ans, se laisse littéralement « guider » par son véhicule : son 4×4 connait bien les routes pour les avoir déjà parcourues avec le grand-père de Kei au volant. Le jeune héros se contente de lui poser les questions adéquates concernant l’itinéraire à suivre. Kei dispose en effet d’un don, celui de « parler » aux choses, qu’il garde secret mais dont il n’hésite pas à faire usage dans le cadre de son activité de détective privé. Retrouver un animal de compagnie perdu ? (Presque) Aucun problème. En revanche, son pouvoir lui suffira-t-il pour retrouver son propre frère disparu depuis peu ?
Alerte coup de cœur !
Dans les notes inscrites à la fin du premier volume, Aki IRIE révèle avoir pris des vacances – ses premières depuis le début de sa carrière – après avoir bouclé son dernier manga. Cette pause lui a permis de découvrir l’Islande. En parcourir les longues routes en voiture a été l’expérience « la plus incroyable qu’elle ait jamais vécue ». C’est ce voyage qu’elle raconte, en quelque sorte, par l’intermédiaire de son jeune héros Kei. Les décors sont magnifiquement retranscrits et chaque plan regorge de détails. Pour autant, l’effet carnet de voyage ne dessert pas le fond même de l’histoire. Le don de Kei intrigue sans monopoliser toute l’attention et les réponses arrivent, mais à petites doses. Sa personnalité reste l’élément central développé par l’artiste. S’il a beaucoup d’assurance, il doit toujours grandir, gagner en maturité et vivre des expériences nouvelles.
Hokuhokusei ni kumo to ike : du grand art !
Golden Gold, de Seita HORIO
La jeune Hayasaka Ruka, en seconde année de collège, vit à Neijima, une petite île bien connue pour ses légendes divines. Ruka n’a qu’un seul ami, son camarade de classe Oikawa, avec qui elle passe le plus clair de son temps. Elle l’accompagne souvent lors de ses expéditions en dehors de l’île, notamment, lorsque celui-ci se rend à Animate, son magasin préféré. À son grand désespoir, son ami lui fait part un jour de son intention de quitter l’île pour s’installer à Osaka avec son père, dont le domicile se situe à quelques pas d’une boutique Animate. Peu de temps après cette révélation, la jeune collégienne trouve sur la plage une étrange statue, à l’apparence plutôt inquiétante. Après quelques recherches infructueuses, elle décide de se rendre au sanctuaire pour en découvrir davantage sur sa trouvaille. Sur les lieux, Ruka décide de la déposer sur un autel, curieusement vide, qu’elle trouve sur son chemin et prie pour que son unique ami reste à ses côtés. C’est alors que la statue prend vie !
Malgré une dernière place obtenue lors de l’édition précédente, le manga de Seita HORIO continue à séduire les passionnés, preuve en est cette troisième nomination de suite au prix Taishō. L’originalité du concept, la qualité de narration et le dessin superbe du mangaka justifient cette présence dans la sélection. Voir le manga une nouvelle fois en deuxième partie de tableau n’aurait cependant rien de surprenant. Cette oeuvre, avec sa créature tout droit sortie d’un film d’horreur, qui évolue dans un environnement très réaliste qui plus est, peut vite rebuter une fois la surprise passée. L’auteur, fidèle à son style, n’a nullement cherché à en faire une sorte de mascotte (il serait difficile d’imaginer telle créature accrochée à notre porte-clés !). C’est justement ce décalage et le mélange entre plusieurs atmosphères qui font tout le charme de l’oeuvre. Malgré son côté fantastique que vient apporter la petite créature, l’oeuvre en elle-même permet d’en apprendre énormément sur la culture japonaise et ses légendes divines. C’est tout l’art de Seita HORIO.
Sazan to suisei no shoujo, de Yuriko AKASE
Sazan, jeune homme terrien, se déplace chaque jour d’une planète à l’autre dans le cadre de son travail. Un jour, après une mission, il rate de peu la dernière navette spatiale. Le voilà bien embêté : les nuits sont réputées pour leurs températures mortellement glaciales. Sa détresse s’évapore lorsqu’apparaît Miina, une jeune fille aux cheveux rouges. Celle-ci, qui se présente comme une sorte de « cowgirl » de l’espace, lui propose gentiment de le ramener en moto sur sa planète. Seulement, il ne sait pas encore que cette mystérieuse demoiselle possède un puissant pouvoir qui attise la convoitise à travers tout l’univers. Dans quelle drôle d’aventure Sazan s’est-il embarqué ?
Il souffle comme un vent de nostalgie…
Avec sa création venue d’une autre époque, la rookie Yuriko AKASE apporte une jolie touche vintage et beaucoup de couleurs à cette sélection 2019. L’histoire en elle-même, le style employé et l’atmosphère particulière que l’artiste parvient à insuffler à son oeuvre nous (re)plongent dans les années 80. Il convient également de souligner le choix et la maîtrise des couleurs qui recouvrent chacune des pages et rendent, de ce fait, l’immersion totale.
Sazan to suisei no shoujo ne compte que deux volumes. Le second et dernier tome a été publié l’année dernière. L’histoire, courte et dense, se lit très vite sans laisser le temps de souffler ou de s’ennuyer.
Le manga figure parmi les belles surprises de cette année. L’artiste, pour qui le titre nommé représente la première oeuvre notable, devrait encore faire parler d’elle dans le futur. En attendant, elle nous invite à voyager dans le temps. Une invitation que nous acceptons bien volontiers.
1122, de Peko WATANABE
Ichiko et Otoya, tous deux dans la trentaine, sont mariés depuis presque sept ans mais entretiennent une relation assez particulière. Ichiko aime sincèrement son mari mais ne désire pas – ou que rarement – avoir de rapports intimes avec lui. Ainsi ne voit-elle pas d’inconvénient à ce que son mari aille voir ailleurs. Elle accepte cette situation, estimant cette relation extra-conjugale utile à l’équilibre de leur couple. Les choses vont se compliquer dès lors que son mari, empli de doutes quant au futur de son couple, commence à nourrir secrètement le désir de fonder une famille.
En livrant distinctement les points de vue respectifs de la femme et du mari, Peko WATANABE nous donne un maximum de repères pour comprendre la situation. Les versions se confondent, varient, se contredisent parfois. Les souvenirs marquent les esprits à échelle différente. La mangaka rappelle à quel point les paroles ou gestes peuvent impacter une personne selon ses sensibilités.
L’artiste parvient à décrire de façon sobre et réaliste la situation particulière dans laquelle se trouve ce couple de trentenaires, en prenant le temps de développer chacune des réflexions des personnages. Ce procédé les rend profondément humains. Il devient dès lors facile de s’attacher à l’un ou à l’autre, voire aux deux.
1122 : une bien jolie composition !
Kongōji-san wa Mendōkusai, de Minoru TOYODA
Kongōji, brillante lycéenne et championne de judo au fort caractère, ne peut s’empêcher d’adresser ses conseils aux autres, sur un ton moralisateur et peu amical, lorsqu’elle estime qu’une action, quelle qu’elle soit, n’est pas correctement effectuée. De son côté, le jeune et gentil démon Kabayama désire aider son prochain mais s’y prend toujours maladroitement. Un jour, Kongōji lui vient en aide, à sa manière bien sûr, pour secourir des chats abandonnés puis une femme enceinte en détresse. Il n’en faut pas plus pour que le jeune héros tombe sous le charme de la demoiselle ! Seulement, sa déclaration d’amour lui vaudra une violente et inattendue prise de judo…
Cette année, c’est l’artiste Minoru TOYODA qui nous apporte le traditionnel OVNI de la sélection avec son manga tout droit sorti d’une autre dimension. D’ailleurs, dans son univers, humains et démons cohabitent ensemble suite à un accord pacifique passé entre les deux parties. Il apparaît dès lors tout à fait ordinaire de croiser des démons à la superette du coin, au restaurant ou même en salle de classe. De temps à autre, le mangaka n’oublie pas de fournir quelques explications venant justifier un tel contexte. Ces repères, bien qu’essentiels, passent vite en second plan car, comme le souligne l’auteur dans ses notes, le manga raconte avant tout une jolie histoire d’amour (presque) comme les autres entre deux jeunes adolescents en pleine fleur de l’âge.
L’alchimie entre les deux personnages principaux semble évidente et capte toute l’attention. Chacune de leurs interactions donne lieu à des situations amusantes. À ce titre, il faut relever le trait épais et propre de l’auteur qui vient apporter un petit surplus d’humour enfantin à chaque gag raconté.
Après une jolie seconde place obtenue au dernier classement Kono manga ga sugoi, Kongōji-san wa Mendōkusai peut aisément viser le top 3, voire le titre, au Taishō cette année.
Gloutons et Dragons (Dungeon Meshi), de Ryoko KUI
La chasse au trésor au sein du mystérieux donjon tourne court pour Laïos et ses compagnons lorsqu’ils tombent sur un dragon peu accueillant. L’affrontement vire au massacre. Le jeune chevalier perd sa troupe et voit sa sœur Farin se faire dévorer sous ses yeux. Avant de passer à la casserole, celle-ci, dans un ultime effort, parvient malgré tout à lancer un sort magique qui téléporte son frère à l’extérieur du donjon. Nullement découragé, Laïos décide de retourner au donjon pour secourir Farin, avant que son corps ne soit digéré par la bête. Il sera accompagné dans son expédition de Tirchac, son fidèle maître des clefs, et de Marcille, une Elfe magicienne. Pour survivre, rien de plus simple, ils se nourriront des créatures farfelues qui occupent les lieux !
Nouveau record !
Nous retrouvons le manga de Ryoko KUI pour la quatrième fois de suite dans la sélection des nommés, ce qui constitue une première dans la courte – mais intense – histoire du prix. Les votants restent sous le charme de cette drôle de balade gourmande racontée avec beaucoup d’humour et de dérision par une artiste au sommet de son art. La magie continue également auprès des lecteurs et lectrices à en juger les derniers chiffres révélés par l’institut Oricon. Le sixième (et seul volume publié au cours de l’année 2018) a dépassé la barre du demi-million d’exemplaires vendus.
La mangaka ne se repose pas uniquement sur l’effet de surprise que peut provoquer son concept de base. Elle développe son idée, reste cohérente dans ses choix et pense chaque détail pour nous proposer des recettes toujours plus originales. Cette direction permet à l’ensemble de conserver une certaine fraîcheur et de prolonger le plaisir et la curiosité des lecteurs. Le rythme de parution, très lent, ne vient nullement ternir le tableau et rend au contraire chaque chapitre savoureux. Alors, rendez-vous l’année prochaine ?
Pour rappel, le titre Gloutons et dragons est publié en France chez Casterman.
Mystery to iunakare (Do not say mystery), de Yumi TAMURA
Totonou, jeune étudiant à l’université, n’est pas du genre à se faire remarquer, si ce n’est malgré lui en raison de sa grande chevelure bouclée. Un événement bien sordide va malheureusement bouleverser son existence tranquille. Il fait doux ce jour-là. Alors qu’il cuisine tranquillement chez lui, un officier de police débarque et le somme de le suivre au poste. Il découvre, à sa grande stupeur, qu’il est considéré comme le principal suspect du meurtre d’un camarade de classe !
Parmi les nommés de la sélection de cette année se trouve la mangaka Yumi TAMURA, une artiste expérimentée bien connue des amatrices et amateurs de shôjo. Celle-ci s’est distinguée par le passé notamment grâce à ses titres Basara et 7 Seeds, tous deux publiés en France (seulement en partie en ce qui concerne le second cité). Avec son nouveau manga, Mystery to iunakare, elle propose cette fois une histoire qui se rapproche du polar, un peu plus en phase avec notre monde et notre époque.
Les pages assez denses fourmillent de dialogues et nécessitent une attention totale. Cela n’empêche pas le charme d’opérer… Le héros, qui ressemble un peu à Domyogi Tsukasa (Hana yori dango), n’y étant bien sûr pas étranger. La gravité de la situation ne semble pas l’inquiéter outre mesure. Il ne laisse paraître aucune détresse sur son visage, reste calme et essaie de raisonner avec logique. Ce tempérament lui permet de gagner en consistance et de capter toute l’attention de manière positive.
Après une deuxième position obtenue au dernier classement Kono manga ga sugoi, il y a de grandes chances que Mystery to iunakare continue sur sa belle lancée.
Kanata no Astra (Astra lost in space), de Kenta SHINOHARA
L’heure est enfin venue pour l’intrépide Kanata, lycéen de 17 ans, de partir en voyage scolaire sur la planète McPa. Son groupe, composé de façon aléatoire, compte 8 autres membres, dont Funicia, une enfant de 10 ans que les huit apprentis aventuriers ont pour mission de protéger durant les 5 jours du séjour. Aucun adulte ne les accompagnera, le but du voyage spatial étant de leur apprendre à s’affirmer et devenir autonomes. Seulement, l’aventure va vite prendre une drôle de tournure. Quelques minutes seulement après avoir été déposés sur la planète McPa, Kanata et ses huit nouveaux camarades se retrouvent face à une mystérieuse et inquiétante sphère. Celle-ci se met alors à les absorber un à un. À leur grande surprise, ils se retrouvent à flotter dans l’espace. Nos jeunes héros vont vite réaliser qu’ils se trouvent désormais à l’autre bout de l’univers, à quelques milliers d’années-lumière de leur planète d’origine…
L’espace est à l’honneur cette année. Après Sazan no suisei no shoujo, la sélection 2019 propose une deuxième aventure spatiale à découvrir. La série Kanata no Astra, débutée en 2016, s’est achevée l’année dernière à l’occasion d’un cinquième volume qui a fait forte impression auprès de nombreux passionnés, comme l’illustrent cette première – et ultime ! – nomination au Taishō ainsi qu’une troisième position décrochée au dernier classement Kono manga ga sugoi ( dans le top 10 masculin).
L’engouement peut s’expliquer aisément. Bien aidé par un superbe coup de crayon, l’auteur donne vie à un univers riche qui s’apprivoise assez facilement. Les moindres détails de son histoire sont pensés et les explications toujours fournies. Ses notes à chaque fin de chapitre présentant les différents gadgets utilisés par les jeunes héros sont insérées avec justesse. Ce procédé, ludique et intéressant, offre beaucoup de crédibilité à l’ensemble.
Au niveau des protagonistes, la dynamique de groupe fonctionne bien. L’équipe comprend des personnalités et tempéraments différents. Cette variété garantit fréquemment son lot d’interactions électriques entre les personnages. Mention spéciale au jeune héros Kanata, dont la présence et les actions viennent fluidifier les échanges entre les différents membres du groupe et de ce fait assurer un équilibre au sein de la troupe. Celui-ci, fougueux, amusant, éternel optimiste et empli de blessures du passé, représente l’archétype même du héros shônen. De quoi ravir les amateurs et amatrices du genre.
Kanata no Astra constitue une oeuvre de très bonne facture minutieusement exécutée qui mérite toute cette mise en lumière cette année… À noter que le manga vient tout juste de débarquer dans l’Hexagone, chez Nobi Nobi. Et pour faire durer le plaisir, une adaptation animée est prévue pour cette année au Japon !
Nagi no Oitoma, (Nagi’s Long Vacation) de Misato KONARI
Nagi, employée de bureau de 28 ans, s’évertue chaque jour à se montrer gentille en toutes circonstances, ne voulant contrarier personne dans son entourage. Ce manque de confiance en elle lui vaut bien des mésaventures au travail. Ainsi ne préfère-t-elle rien répondre lorsque son supérieur la réprimande pour une faute qui n’est pas la sienne ou lorsque sa collègue reçoit des félicitations à sa place. Heureusement, une fois à la maison, Nagi peut souffler et s’adonner à la culture de petits pois, un passe-temps qui lui permet d’économiser quelques sous. Elle peut aussi compter sur son collègue Shinji, avec qui elle entretient une relation, pour lui apporter quelques moments de réconfort. C’est du moins ce qu’elle croit jusqu’au jour où elle surprend une conversation au cours de laquelle celui-ci se montre peu élogieux à son sujet. Ce choc lui vaudra une sévère crise d’angoisse et la décision de repartir de zéro. Elle quitte son travail, son appartement et les réseaux sociaux, bien décidée à reprendre sa vie en main !
Les aventures de Nagi continuent de séduire les professionnels du milieu, en témoigne une troisième place obtenue au dernier classement Kono manga ga sugoi. En ce qui concerne le prix Taishō, il s’agit de la deuxième nomination consécutive pour le manga de Misato KONARI. L’an dernier, la mangaka parvenait à décrocher une belle seconde place, uniquement surclassée par les animaux anthropomorphes de Beastars. Sa présence avait apporté beaucoup de fraîcheur à la sélection 2018 et en amène encore aujourd’hui.
Misato KONARI commence son histoire brutalement en abordant des thèmes tels que la pression sociale, l’hypocrisie au travail, les fausses apparences… Ce réalisme facilite une certaine proximité avec le personnage principal sur qui le sort semble s’acharner. Une fois l’atmosphère oppressante balayée par la mangaka, c’est avec curiosité voire admiration que nous suivons la seconde vie de cette surprenante héroïne, véritable point fort du manga.
Nagi no oitama compte sans aucun doute parmi les grands favoris de cette année.
Metamorphose no engawa, de Kaori TSURUTANI
Pour échapper à la chaleur étouffante qui règne à l’extérieur, Yuki, 75 ans, décide d’entrer dans une librairie. Un peu désorientée par les lieux, qui ont beaucoup changé depuis son dernier passage, elle tombe par hasard sur un manga type « Boy’s love ». Intriguée par l’illustration en couverture, elle décide de l’acheter. De retour chez elle, elle dévore l’ouvrage. C’est le coup de cœur. Il lui faut absolument lire la suite ! Ce récent va-et-vient en librairie va attirer l’attention de la jeune et timide vendeuse, Urara Sayama, elle-même férue en secret de manga Boy’s love. Cet intérêt commun pour le genre va naturellement rapprocher les deux personnages que deux générations séparent. Les débuts d’une improbable et belle amitié !
Alerte coup de cœur !
Le manga Metamorphose no engawa s’est classé à la première place du dernier classement Kono manga ga sugoi (top 10 féminin). Une position que nous approuvons totalement. Cette nouvelle histoire de Kaori TSURUTANI est lumineusement portée par son duo de personnages mis en scène.
Yuki, malgré ses 75 ans, reste animée d’une curiosité de tous les instants. Cette flamme lui confère un charme irrésistible qu’aucune barrière ne saurait contenir. L’embarras éventuel que peut occasionner l’achat d’un manga Boy’s love à son âge ? À vrai dire, elle ne se pose même pas la question. Sans s’en rendre compte et seulement guidée par son innocence, elle entre dans le monde d’Urara. Timide et sans cesse hésitante, celle-ci contient son enthousiasme, et fait preuve d’une retenue peut-être un peu trop adulte étonnamment. Yuki, heureusement, excelle dans l’art de détendre l’atmosphère. Cette faculté à mettre à l’aise et sa bienveillance naturelle viennent d’ailleurs trahir son âge, au-delà de ce que son apparence physique laisse bien sûr deviner. Les deux héroïnes ont beaucoup à apprendre l’un de l’autre. Elles ne se jugent à aucun moment et partagent seulement.
La lecture de cette nouvelle oeuvre de Kaori TSURUTANI offre un véritable moment de plaisir. Le genre d’instant magique que son histoire nous apprend justement à chérir.
Metamorphose no engawa : notre grand coup de cœur de cette sélection 2019 !
Blue Period, de Tsubasa YAMAGUCHI
Yatora Yaguchi, en deuxième année de lycée, passe le plus clair de son temps libre à faire la fête avec ses amis. Cela ne l’empêche pas pour autant d’obtenir d’excellents résultats à l’école, sans trop d’efforts bien sûr, à la grande surprise de ses camarades de classe. Seulement, ce train de vie animé dont rêverait probablement un grand nombre de lycéens de son âge ne le comble pas. À vrai dire, il ne se sent guère épanoui. Un jour, Yatora retourne au lycée après les cours pour récupérer son paquet de cigarettes qu’il avait laissé en salle d’arts plastiques. Il se retrouve, par hasard, face à une peinture réalisée par une élève de son école. Ce court instant va changer sa vie.
Blue Period nous autorise à faire une petite halte en salle d’arts plastiques. Une pause très enrichissante puisqu’elle nous offre la chance d’assister à de véritables cours de dessin et de peinture offerts par l’artiste Tsubasa YAMAGUCHI. Celui-ci en connait un rayon pour avoir étudié à la très sélective université des arts de Tokyo. Il n’hésite pas à « illustrer » ses leçons d’oeuvres réalisées par ses pairs, offrant de ce fait beaucoup de crédibilité aux phases explicatives. Le contraste dessin manga / peinture classique vient apporter de la profondeur à l’ensemble.
Au-delà du thème traité, le développement du personnage principal, Yatora, constitue incontestablement la grande force de cette histoire. Physiquement proche de Kirua (Hunter X Hunter), il en partage également quelques caractéristiques. L’indécision et l’imprévisibilité l’effraient, pourtant, en lui sommeille une certaine sensibilité qui ne demande qu’à être développée. Il n’est guère pourvu de la personnalité que son regard, perçant et arrogant, laisse penser (le parallèle s’arrête là). Ce n’est qu’un jeune adolescent qui se cherche, ou plutôt se demande si il est en droit de le faire.
Ainsi est-ce à travers ses yeux innocents et son esprit tout fraîchement éveillé que nous suivrons avec grand plaisir sa longue initiation à la peinture. À vos pinceaux !
Minuscule, de Takuto KASHIKI
Hakumei et Mikochi vivent au fin fond d’une grande forêt dans une jolie petite maison en bois située dans un tronc d’arbre. Elles travaillent toutes les deux, prennent les transports en commun, font leurs courses, se rendent parfois en ville, aiment savourer un bon thé avec les copines et partent parfois à l’aventure lorsque l’occasion se présente. Un train de vie qui ressemble beaucoup au nôtre, somme toute. Au détail près que les deux jeunes femmes ne mesurent que neuf centimètres et par conséquent composent à leur échelle : elles se déplacent à dos d’insectes, font appel aux scarabées pour transporter leurs affaires, utilisent des feuilles d’arbres pour fabriquer des parapluies… Dans ce monde miniature peuplé de minuscules êtres, la vie est calme mais toujours amusante !
Parmi les œuvres nommées chaque année, il y a toujours une ou deux histoires, au ton enchanteur, qui propose(nt) d’agréables parenthèses de rêve. Cette année, Minuscule assure la transition avec charme et brio. Le manga, qui fête sa première nomination au Taishō, est déjà bien connu dans le paysage manga. À ce titre, il paraît presque étonnant de voir le titre figurer dans la sélection aussi tard tant l’oeuvre en elle-même dispose de nombreux atouts à faire valoir, à l’instar de Made in Abyss l’an dernier. L’auteur, Takuto KASHIKI, que Journal du Japon avait pu interviewer à l’occasion de l’arrivée de Minuscule en France (publié chez Komikku Editions), nous fait découvrir un monde surprenant à travers les yeux de ses deux jeunes héroïnes, Hakumei et Mikochi, toutes deux hautes comme trois myrtilles. Leur univers fait penser à celui des Schtroumpfs si on s’arrête uniquement au rapport qu’elles entretiennent avec la nature. Il serait presque facile d’oublier que les deux personnages ne mesurent que quelques centimètres. La grandeur des choses autour d’elles vient le rappeler par petites touches subtilement ajoutées par l’auteur. Soulignons le magnifique coup de crayon du mangaka qui rend chaque planche vivante et envoûtante si bien que l’immersion s’effectue naturellement, comme par magie.
Ikoku Nikki, de Tomoko YAMASHITA
Depuis la mort de ses parents, la jeune Asa, 15 ans, vit avec sa tante Makio, une romancière de 35 ans. Celle-ci, malgré les rapports compliqués qu’elle entretenait avec sa sœur, s’est résolue à accueillir sa nièce chez elle. Seulement, Makio semble avoir oublié un détail important au moment où elle a pris cette décision. Très timide de nature, elle ne se sent guère à l’aise lorsqu’il s’agit de converser et passe le plus clair de son temps dans sa chambre, plongée dans son travail. La jeune adolescente, d’abord intriguée puis séduite par la personnalité et le rythme de vie de sa tante, va pourtant vite accepter cette nouvelle vie qui lui est offerte.
Alerte coup de cœur !
Plongés une nouvelle fois dans l’intimité d’un appartement, nous suivons cette fois la vie de deux personnages que le destin a réuni au sein d’un même espace. Suite à un tragique concours de circonstances, la tante et la nièce doivent vivre ensemble et apprendre à se connaître. Chacune à sa manière, elles s’analysent, s’apprivoisent et s’acceptent peu à peu. Makio, en particulier, dont la personnalité s’avère en théorie incompatible avec une quelconque cohabitation, cherche à se convaincre de ses propres forces. L’alchimie est évidente pour nous lecteurs et lectrices. Seulement, elle ne l’est pas encore du point de vue des personnages. Elles ont seulement besoin de temps. Tomoko YAMASHITA raconte son histoire avec beaucoup de pudeur et sobriété. L’ensemble se lit comme un joli poème assorti de quelques notes mélancoliques. Une merveille.
Résultats 2019 : et les gagnants sont…
Les votants ont tranché… C’est donc Kanata no Astra qui succède à Beastars ! Le prix vient récompenser un auteur ô combien talentueux qui a su conclure sa série de la meilleure des manières avec un cinquième volume explosif.
Quant à nos coups de cœur, ils n’ont pas vraiment fait l’unanimité auprès des votants lors de cette deuxième et ultime phase de sélection. Si Ikoku Nikki s’en sort plutôt bien avec sa médaille en chocolat (4e), notre grand favori, Metamorphose no engawa, ne figure qu’en huitième position. Hokuhokusei ni kumo to ike fait un peu mieux avec une sixième place décrochée.
Pour autant, le podium ne manque pas de panache avec Mystery to iunakare et Blue Period, respectivement second et troisième, qui viennent accompagner Kanata et ses compagnons d’aventure. Pas de surprise pour les « vieilles connaissances », Gloutons et dragons, Golden Gold et Nagi no oitama, qui se suivent en deuxième partie de tableau. Leur présence parmi les nommés de cette année a malgré tout permis d’assurer ce petit soupçon de folie propre à l’événement dont on ne lassera jamais.
Des virées dans l’espace, un road-trip en Islande, une balade dans une forêt pleine de surprises… Cette édition 2019 nous a fait beaucoup voyager cette année et permis de découvrir de nombreuses pépites, comme toujours. Un grand bravo à tous les artistes !
Vous pouvez retrouver le classement final sur le site officiel de l’événement : www.mangataisho.com
Pour jeter un œil à nos présentations précédentes, c’est ici !
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