Comment Akihabara est devenu le quartier des otakus ?
Si vous faites partis des chanceux qui sont allés à Tokyo (cf notre dossier, ici), vous avez certainement dû faire un tour à Akihabara. Ce fameux quartier dans lequel les magasins de mangas, de jeux vidéo et de goodies ont pignon sur rue, à côté des maid cafés et des salles d’arcade, ce qui rend ce district très animé, de jour comme de nuit. Idéal pour les sorties entre amis.
Si, aujourd’hui, Akihabara est considéré comme la capitale de la culture otaku partout dans le monde. Ce n’est que depuis une quarantaine d’années qu’il a ce statut. Car on ne nous le dit jamais, mais Akihabara a beaucoup changé depuis sa création. Et à l’époque, on était très loin du quartier phare de la japanimation.
De no man’s land au quartier otaku que l’on connaît, voici l’histoire d’Akihabara.
La période Edo : la période des incendies et l’apparition du surnom Akiba
Les premières mentions d’Akihabara remontent à la période d’Edo (1603-1868). Anciennement nommé Aioi, le quartier était très animé. Situé entre Edo et Tokaido, un grand nombre de voyageurs arpentait Aioi. Parfois même des seigneurs, mais principalement des samouraïs. D’ailleurs, « les fleurs d’Aioi étaient les bagarres et les incendies » selon les observateurs de l’époque.
Et c’est suite a de genre d’événement que le quartier d’Aioi va être renommé. En 1869, le quartier est rasé pour éviter que les flammes atteignent le palais impérial. Et pour plus de « sécurité », un temple est bâti sur le terrain vague. Le sanctuaire construit honore Akiba-daigongen, une déité qui prévient les incendies. Combiné au terme hara (plaine) et en inversant deux syllabes, on obtient Akihabara. Et également son diminutif, Akiba.
Néanmoins, ne cherchez pas ce temple, il n’existe plus. A la place, on y retrouve la gare JR d’Akihabara.
L’après-guerre : Akihabara, quartier technologique
Au début du XXe siècle, Akihabara va devenir un quartier commercial, grâce à sa localisation (il est situé entre les quartiers d’affaires Asakusa, Ueno et Kanda) et avec la nouvelle gare de Manseibashi, 4e station la plus fréquentée de l’époque. Avec les frets qui transitaient chaque jour, Akihabara était un quartier de primeurs : on y vendait des fruits et des légumes.
Mais tout change après la Seconde Guerre Mondiale : les bombardements détruisirent (à nouveau) Akihabara. Pour pouvoir survivre, des marchés noirs s’établissaient autour des grandes gares de l’après-guerre, celles de Shibuya, Ueno, Shinjuku et Akihabara. Les habitants d’Akiba, proche des usines, se sont mis à vendre des produits électriques : des transistors, des cuiseurs à riz, des bouilloires. Les livres de l’époque considéraient Akihabara comme « la ville du futur ».
À partir de cette époque, Akiba va se développer comme le quartier de l’électroménager. De plus en plus de magasins ouvrent au fur à mesure que les inventions technologiques apparaissent, comme la télévision, la machine à laver, les réfrigérateurs. Tout pour équiper sa maison.
On est toujours loin du quartier que l’on connaît, remplis d’animes et de mangas. Mais c’est avec une technologie majeure que Akiba va devenir La Mecque des otakus.
Les années 70 et 80, le quartier des otakus
Dans les années 1970/1980, les premiers ordinateurs apparaissent à destination du grand public : une technologie qui allait révolutionner les modes de consommation de divertissements. En même temps que l’ordinateur s’installait dans les foyers, les premiers jeux pour ordinateurs sortent, notamment des Visual Novels (ou VNs).
Ces « jeux » possèdent une structure proche des livres dont vous êtes le héros. Composés uniquement d’images et des dialogues, les VNs proposent de suivre une histoire dans la peau d’un personnage. Les joueurs se contentent juste de lire les textes et s’imprégner de l’ambiance. A certains moments de l’histoire, le joueur devra effectuer des choix. Bien sûr, ces choix auront une incidence sur le scénario.
Comme ces VNs étaient limités techniquement, les créateurs ont dû tout miser sur les deux aspects qu’ils pouvaient contrôler. D’abord, les textes rédigés comme des romans. Ensuite, les images qui doivent susciter l’empathie. Et ce sont ces dernières qui vont nous intéresser.
Pour attirer les joueurs, les VNs contenaient (et contiennent toujours) des scènes pornographiques. Ou bien des jolies jeunes filles qui ont besoin d’aide. Les VNs utilisent ces personnages féminins pour émouvoir le public. Ce que des jeux comme Kanon, To Heart et Air ont réussi avec brio. En témoigne leurs succès au Japon.
Le succès de ces jeux a bâti la base de la culture otaku que l’on connaît aujourd’hui. Celle qui repose sur les personnages mignons et les gros robots. Pour satisfaire la demande, de plus en plus de compagnies s’établissent et Akihabara devient leur point de retrouvailles.
En parallèle, les animes commencent à se répandre à la télévision. Avec Akihabara en toile de fond comme Otaku no Video et Di Gi Charat. Ce qui contribue à l’association du quartier avec les animes. Mais l’anime qui va faire décoller l’industrie, c’est bien sûr Neon Genesis Evangelion. De l’énorme engouement autour de la série vont naître tout un tas de produits dérivés : figurines, doujins et VNs issus de la création amateure pour la plupart. Il s’agit du début de l’Akiba, paradis de l’otaku que l’on connaît.
Mais, car on l’oublie beaucoup, Akiba ne se résume pas de nos jours aux animes, et possède quelques beaux lieux à visiter, dont voici une petite liste pour finir cet article !
Akihabara : 4 idées de lieux à visiter
Kanda Myojin
Tokyo est une ville qui abrite de nombreux temples et sanctuaires et, à côté du sanctuaire d’Asakusa, celui de Kanda occupe une belle place dans le cœur des toyoïtes. Établi en 730, il aura été détruit (et reconstruit) de plusieurs fois (la dernière en date remonte en 1934). Ce qui en fait aujourd’hui le sanctuaire le plus ancien de Tokyo. Situé à quelques minutes de la station Suehirochô, il est accessible après une longue montée d’escaliers, que vous aurez peut-être reconnu si vous êtes fans d’animes.
A l’intérieur, on y prie principalement Daikoken et Ebisu, deux des sept dieux de la fortune dans la mythologie shintoïste. Pour cette raison, beaucoup d’entrepreneurs viennent pour espérer obtenir un commerce prospère. Ainsi que… la protection de leurs données. Le sanctuaire a beau être millénaire, il ne reste pas loin des facéties d’Akiba.
A la boutique, vous pourrez acheter des charmes pour que les Dieux veillent sur vos données personnelles. Et si vous voulez écrire votre vœu sur un Ema, n’hésitez pas à faire un beau dessin avec. Après tout, le sanctuaire a collaboré avec Love Live et Sword Art Online. Comme quoi, un lieu millénaire peut attirer les jeunes.
Yushima Seido
Pour rester sur les lieux de culte, à quelques rues du Kanda Myôjin se trouve un temple singulier à deux titres. D’abord, ce n’est pas une divinité qui est honorée, mais un homme. Et ensuite, contrairement aux sanctuaires très ornés et colorés, celui est noir.
Le Yushima Seido est un temple dédié à Confucius, très grand philosophe ayant influencé les mœurs asiatiques. Bâtie par Tokugawa en 1632, l’enceinte était le lieu des études supérieures concernant le confucianisme. A ce titre, le Seido est considéré comme la première université que le Japon ait connue. D’ailleurs, le Seido est à l’origine de plusieurs universités, notamment la plus prestigieuse, l’Université de Tokyo (ou Todai).
Si vous visitez ce temple, ne vous étonnez de voir beaucoup de jeunes. À cause de l’histoire du lieu, les étudiants viennent prier pour obtenir de bonnes notes à leurs examens. Donc, si vous êtes étudiant et que vous êtes de passage, profitez-en pour faire une petite prière.
Origami Kaikan
Vous connaissez forcément l’art du pliage de papier ou origami. Ces magnifiques moments où vous avez galéré pendant 30 minutes à faire une grue qui ne ressemblait à rien. Pour ceux qui veulent améliorer leur compétence en origami, l’Origami Kaikan est là pour vous.
Situé sur la Kuramae-hashi Dori, non loin de la station Suehirochô, le bâtiment fait la promotion de l’origami sur plusieurs étages. Vous pourrez admirer les œuvres des élèves dans les expositions gratuites. Mais aussi apprendre à faire des origamis avec des maîtres experts, et si vous avez de la chance, avec le patron en personne.
Enfin, l’Origami Kaikan possède une large boutique dans lequel vous pourrez acheter du papier fait maison, des guides (en anglais) ou encore du matériel comme des pinces. Amoureux du travail manuel, l’Origami Kaikan n’attend que vous.
Manseibaishi
Pour terminer ce petit tour des lieux d’Akihabara et ses environs, celui-là s’adresse aux amoureux de l’expoloration urbaine (ou urbex). Si on vous dit qu’une station de métro abandonné pas loin de la rivière Kanda existe, est-ce que ça vous tente d’y jeter un œil ?
En revanche, ce que nous avons oublié de spécifier, c’est que cette station « abandonnée » retrouve un seconde jeunesse en tant que centre commercial depuis 2013. Pour être plus précis, des trains circulent toujours, mais sans s’y arrêter. Du coup, pour le côté frisson, on repassera. Mais pour l’aspect historique, le lieu a beau s’être modernisé, il n’a pas renié son prestigieux passé.
Plaque tournante du transport de gros, Manseibaishi a finalement fermé ses portes en 1942 avant d’être réhabilité en 2013 en centre commercial. En hommage à son histoire ferroviaire, le lieu abrite des commerces exposant des maquettes et vendant des produits en rapport avec les trains. Des magasins cohabitent avec des boutiques de vêtements, des libraires ou des restaurants.
Et petit spot photo sympathique, l’ancienne gare possède des balcons près de la rivière, accessibles au public.
Akihabara est aujourd’hui un lieu qui fait rêver beaucoup de monde. Les magasins à perte de vue, les salles d’arcades, les maids cafés. Autant d’attractions qui rendent le quartier très attirant. Pourtant, ce quartier bicentenaire n’a pas du tout été comme cela. De l’époque où ce n’était qu’un terrain vague, le quartier a pris la forme que l’on connaît en moins d’un siècle. Grâce aux technologies émergentes, Akihabara est devenue la ville de l’électronique, avant de transiter vers le quartier de la culture otaku avec l’apparition des ordinateurs. Mais Akiba ne se résume pas aux animes et aux produits dérivés, comme nous venons de l’évoquer. Donc à votre prochaine visite, n’hésitez pas à sortir des sentiers battus !
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