Aux abords du lac Biwa : à la découverte de la préfecture de Shiga
Situé au centre de l’île de Honshu, le lac Biwa se pose en cadre enchanteur et apaisant que finalement peu de touristes prennent la peine de découvrir. Et c’est bien dommage ! Entre gastronomie généreuse et surprenante, poésie des paysages et sites historiques rares, la préfecture de Shiga, dont le lac est le centre, constitue le lieu idéal pour un week-end de détente.
Autrefois désignée sous le nom de province d’Ômi, la préfecture de Shiga est située à la jonction de l’ouest et de l’est du pays. Une situation stratégique qui valut à la province le proverbe suivant : « Qui contrôle Ômi contrôle le Japon ». Une déclaration qui traduit bien le passé chargé d’Histoire d’une préfecture dont la capitale, la ville d’Otsu fut – brièvement – capitale du Japon. Cependant, même si située dans une région fortement chargée d’histoire, Shiga doit vivre dans l’ombre de ses prestigieuses voisines Kyoto ou Nara, bien plus fréquentées par les touristes étrangers. Pourtant, la préfecture a de quoi séduire et attire sans problèmes les Japonais qui n’hésitent pas à s’y rendre régulièrement en villégiature pour profiter des rives du plus grand lac du Japon.
GastronÔMIe : manger bien, manger Biwa !
Le lac Biwa représente 1/6ème de la superficie de la préfecture de Shiga. C’est le plus grand lac du Japon et l’une des plus importantes étendue d’eau douce du monde. Bien évidemment, le lac joue un rôle important dans la vie de la région. Au-delà des magnifiques panoramas auxquels il donne naissance et des croisières et autres activités nautiques qui sont organisées sur ses plages, il pourvoit naturellement la gastronomie locale en délicieux produits de la pêche. Les poissons d’eau douce comme la truite, la carpe ou le goujon sont légions et se retrouvent communément servis en sashimi. Mais d’autres modes de préparation plus originaux font de ses ingrédients des plats typiques de la région du lac Biwa : Les petits goujons mijotés dans une sauce soja légèrement sucrée sont ainsi un met très apprécié. On trouve aussi souvent dans la cuisine de la région du konjac rouge, plus goûtu et épicé que le konjac classique. Mais plus surprenant et aussi une de nos découvertes les plus délicieuses dans la région : les ebi-mame, souvent servis en amuse-gueule lors des repas. Il s’agit de minuscules crevettes du lac mijotées avec des petits haricots doux, pour un savoureux mélange salé-sucré.
Enfin, on ne saurait oublier la spécialité locale la plus connue dans le pays et qui constitue l’un des éléments de base du régime alimentaire de Shiga : le funazushi ! Il s’agit d’une espèce de carpe endémique au lac Biwa marinée dans du sel puis dans du riz cuit pendant plus de 8 mois. Pendant le processus, le poisson fermente, produisant ainsi des acides lactiques qui lui donnent un goût assez citronné, en même temps qu’une odeur très forte, proche d’un fromage bien fait. Un aspect et une odeur qui ont tendance à rebuter quelque peu les Japonais étrangers à la région, pour une spécialité au goût finalement très fin et, qui plus est, réputée excellente pour la santé une fois qu’on a dépassé l’a priori qu’elle peut susciter de prime abord. Un produit qui rappelle finalement le nattô : on adore ou on déteste ! On ne saurait que vous conseiller de tenter l’expérience. Personnellement, nous avons beaucoup apprécié.
Mais les produits de la pêche sont loin d’être les seules spécialités locales puisque 1/6ème de la surface de la préfecture de Shiga est ainsi consacrée à l’agriculture qui produit thés, riz et légumes de qualité. Et en dehors du funazushi, le produit qui fait la réputation de cette province est le bœuf de Ômi. Il s’agit du bœuf wagyu, le plus ancien du Japon ((Ndlr : bœuf noir du Japon dont l’élevage est institutionnalisé depuis 400 ans) et l’un des trois plus réputés du pays, à l’égal du bœuf de Kobe et du bœuf de Matsusaka. Ce produit fort apprécié est bien évidemment un habitué des tables de la région, et certains établissement proposent une carte lui étant entièrement consacrée. Un vrai délice !
Mais le plaisir gustatif ne fait pas tout et l’ancienne province d’Ômi a bien d’autres choses à offrir.
Otsu et ses lieux sacrés : Capitale de la poésie
Capitale de Shiga, Otsu ne paie pas de mine mais possède de véritables joyaux dont, notamment, ses nombreux lieux sacrés.
De 667 à 672, Otsu a brièvement été Capitale Impériale sous le règne de deux Empereurs, Tenji et Kobun. L’Empereur Tenji, qui a transféré la capitale à Otsu a ainsi eu une importance déterminante sur la ville et certains temples et sanctuaires lui sont consacrés.
On en a retenu plus particulièrement trois : deux temples Bouddhistes et un sanctuaire Shinto d’importance historique et dont les larges domaines dégagent un enchantement certain qui fut source d’inspiration pour de nombreux poètes classiques.
Le Mii-dera tout d’abord, situé au pied du Mont Hiei, est un des quatre plus vastes temples du Japon. Fondé au VIIème siècle pour honorer la mémoire de l’Empereur Tenji après son décès, il constitue le siège de la secte bouddhiste Tendai. Fort de 40 édifices, son bâtiment principal est classé Trésor National. Le temple doit son nom à la source sacrée qu’il abrite et qui a fait office d’eau baptismale pour plusieurs Empereurs, Mii-dera se traduisant par ‘Temple des trois puits’.
Parmi ces nombreux pavillons, on trouve notamment une magnifique bibliothèque censée renfermer l’ensemble des sutras du bouddhisme. Rien à voir ici avec une bibliothèque de type « occidentale », jugez plutôt :
Mais le Mii-dera est aussi célèbre pour sa cloche, partie intégrante de la légende de Benkei, personnage historique qui a acquis un statut quasi-mythique et dont les exploits se racontent encore à l’heure actuelle. Ainsi, l’homme à la force herculéenne et au caractère tempétueux vécut au XIIème siècle et fut moine guerrier du Enryaku-ji, autre temple de la secte Tendai concurrent du Mii-dera et situé sur les hauteurs du mont Hiei. On raconte que, suite à un différent entre les deux temples, Benkei vola la cloche de 2 tonnes du Mii-dera et la traîna en haut de la montagne jusqu’au Enryaku-ji.
Un pavillon est consacré à cette cloche encore présente et sur laquelle on peut observer les éraflures censées être consécutives de son aventure !
Le Mii-dera offre sur ses hauteurs un magnifique point de vue imprenable sur Otsu et le lac Biwa.
Bien qu’incontournable, Mii-dera n’est pas le seul grand domaine bouddhiste d’exception d’Otsu. On ne saurait compter sans le Ishiyama-dera.
Construit sur une montagne de Wollastonite, le temple de la montagne de pierre a été fondé au milieu du VIIIème siècle à la pointe sud du lac Biwa. Ce grand complexe religieux qui recèle de magnifiques pavillons, dont la plus ancienne pagode du Japon, est très souvent célébré pour sa nature foisonnante. La végétation y est omniprésente – pruniers, cerisiers ou encore camélias et azalées- ce qui lui vaut le surnom de ‘temple des fleurs’, et la montagne, à l’automne, moment de notre visite, comme au printemps, se pare de magnifiques couleurs.
La légende veut que c’est dans ce cadre enchanteur que Murasaki Shikibu trouva l’inspiration pour écrire le Genji Monogatari, souvent considéré comme le premier roman de l’Histoire et décrivant les passions d’un noble de la cour de Heian dont l’auteure faisait elle-même partie.
Plusieurs endroits du temple sont ainsi consacrés à la romancière du XIème siècle.
A la découverte de ces lieux emprunts de poésie, on comprend aisément ce qui, dans la région du lac, a inspiré poètes(ses) et auteur(e)s. Ainsi, nombreux endroits de la régions sont liés à des poèmes du Hyakunin Isshu, très célèbre recueil de 100 compositions classiques par 100 auteurs différents datant principalement de la période Heian (794 à 1185). Une période qui représente l’apogée de la culture de cour japonaise ; une culture de raffinement des arts, en particulier la littérature et la poésie dont elle constitue un age d’or.
Un sanctuaire shinto d’Otsu est d’ailleurs intimement lié à la poésie et au Hyakunin Isshu : le Ômi Jingû.
Beaucoup plus récent que les deux temples présentés plus haut, le sanctuaire Shinto Ômi a été fondé en 1940 pour honorer, lui aussi, l’Empereur Tenji dont l’esprit est censé habiter le sanctuaire en tant que Kami. C’est un magnifique temple dont le style tranche avec celui plus dépouillé des deux précédents aux pavillons principalement en bois nu. Ici, le portique d’entrée comme le bâtiment principal sont peints d’un rouge-orangé vif.
Le sanctuaire commémore aussi l’intérêt de l’Empereur Tenji pour l’horlogerie avec un musée de l’horlogerie ainsi que de nombreuses horloges originales ou reproductions d’antiquités, offertes au sanctuaire par les plus grands horlogers du monde comme Rolex ou Seiko, dont une horloge à eau dite ‘Rokoku’ reproduisant la plus vieille horloge du Japon, justement mise en place par l’Empereur Tenji, ou encore une reproduction d’une antique horloge chinoise à feu, représentant un dragon.
Mais ce qui fait actuellement la renommée du Ômi Jingû, c’est le jeu de Karuta !
Le lieux-saint du Karuta
En effet, le sanctuaire en est considéré comme la terre sainte. Ce jeu de carte traditionnel qui tient autant du sport que du jeu de mémoire se base justement sur les poèmes du Hyakunin Isshu, dont le premier est une composition de l’Empereur Tenji lui-même. Il s’agit d’un jeu de rapidité dans lequel deux joueurs s’affrontent à qui reconnaîtra les poèmes lus par un récitant le plus rapidement possible. Chaque joueur à devant lui 25 cartes – 50 cartes sont donc en jeu – reproduisant chacune la seconde strophe d’un des poèmes du Hyakunin Isshu. Le récitant lit la première strophe et c’est à qui retrouvera et éjectera la carte correspondante en premier, le gagnant étant celui qui a réussi à débarrasser son propre camp. Un jeu traditionnel pratiqué depuis plus d’une centaine d’années, qui permet de garder un lien avec la poésie classique et que chaque enfant japonais connaît puisque des compétitions sont organisées dans toutes les écoles.
C’est dans l’enceinte même du sanctuaire que sont organisées les plus importantes compétitions de karuta : celle qui couronnera le Maître et la Reine, plus hauts rangs pour un pratiquant ou une pratiquante de Karuta, ainsi que la compétition nationale lycéenne du jeu. Lors de notre visite, nous avons d’ailleurs pu assister à une compétition internationale lors de laquelle des équipes du monde entier ont pu s’affronter. C’est d’ailleurs l’équipe française qui l’a emporté. Cocorico !
Des cérémonies y ont également lieu et on peut admirer dans le temple d’antiques modèles de jeu de karuta.
De plus, depuis quelques années, la popularité du manga Chihayafuru et de ses adaptations en anime et en films live a rejailli sur le sanctuaire qui constitue un des principaux décors représentés dans l’œuvre de Yuki SUETSUGU. On trouve ainsi dans le sanctuaire, et surtout dans le bâtiment où se tiennent les compétitions, des effigies des personnages du manga ainsi que tout un tas d’objets commémoratifs aussi bien du manga que du tournage des films. Affiches dédicacées par les acteurs, dessins réalisés par l’auteure. On peut aussi y acheter des jeux de cartes, des goodies consacrés à la série, ou représentant la mascotte de la ville d’Otsu : l’adorable Hikaru-kun, qui se retrouve ici à côtoyer les héros de Chihayafuru.
On retrouve d’ailleurs Hikaru-kun un peu partout à Otsu. La petite mascotte reprend en version kawaii le héro du Genji Monogatari : Hikaru Genji, le représentant souvent en train de composer un poème, jouer au Karuta, ou encore faisant du patin à roulette, clin d’œil à l’autre célèbre Hikaru Genji, le plus grand boy’s band japonais des années 80-90 !
Tout cela fait du sanctuaire Ômi le lieu sacré favori des jeunes japonais comme des fans étrangers du manga. On peut aussi y louer un kimono et se promener ainsi vêtu dans ce haut lieu du Karuta, à la manière des personnages de Chihayafuru !
Hikone : Maître en son château !
Hikaru-kun nous le rappelle, les mascottes sont un passage obligé au Japon et chaque région a les siennes. A ce titre, la préfecture n’est pas en reste et compte un grand nombre de mascottes. Et Hikaru-kun représentant d’Otsu, doit faire face à une concurrence féroce en la personne de Hikonyan, chat-samurai (chamurai ?!) représentant de la ville de Hikone.
Cette mascotte très appréciée s’inspire d’un chat blanc légendaire censé avoir sauvé d’une violente tempête Ii Naotaka, troisième seigneur de Hikone durant l’ère Edo. La mascotte porte ainsi le casque rouge et cornu des daimyo de Hikone.
C’est d’ailleurs Ii Naotaka qui a présidé à l’achèvement en 1622 d’un lieu central à Hikone et que tout visiteur de la province d’Ômi se doit de visiter : Le château de Hikone !
Situé en haut d’une colline au bord du lac Biwa, le château de Hikone fait partie de la poignée de châteaux japonais a avoir résisté à l’épreuve du temps. Sa construction débuta en 1603 et un certain nombre de ses éléments comme les pierres, les pièces de bois et autres… furent récupérés des châteaux environnant pour le construire. On peut observer les stigmates de ces manœuvres sur les pièces de la charpente du donjon, importées du château d’Otsu après la bataille de Sekigahara.
Il est possible de visiter le donjon. Seules quelques réparations mineures ont été nécessaires au fil du temps comme sur les crépis extérieurs, par exemple, mais ce château appartient à la douzaine châteaux, avec celui d’Himeji et de Matsumoto, a être authentiques. En effet, nombreux ont été démolis suite à la restauration de Meiji en 1868 qui mit fin au système des seigneurs et des samurai, sans oublier ceux détruits par des catastrophes naturelles et autres incendies. Le château de Hikone lui-même était voué à la destruction, mais c’était sans compter sur le soutien populaire local qui convainquit les autorités impériales de le conserver en état. Une formidable chance qui nous permet aujourd’hui de faire l’expérience de l’architecture militaire japonaise de l’époque Edo avec cet exemple typique et parfaitement conservé.
Pour parvenir au donjon, il faut traverser les fortifications d’époque, à commencer par les douves, puis suivre le chemin prévu pour se prémunir des attaques extérieures : une succession d’enceintes concentriques dont le passage s’effectue en colimaçon par des ponts et des voies encaissées laissant les armées ennemis qui tenteraient de forcer le passage à la merci des archers. Un ensemble de mesures extrêmement efficaces, permettant à l’édifice de résister à un siège.
Sans oublier, une fois arrivé en haut de la colline, le magnifique panorama sur Hikone et le lac Biwa, particulièrement saisissant au moment du couchant !
De plus, le domaine du château propose aussi un musée dans lequel on peut notamment admirer les armures des seigneurs de Hikone, ainsi qu’un grand jardin traditionnel.
Il y a donc beaucoup à voir autour du lac Biwa. Loin des sentiers battus mais à seulement quelques minutes de Kyoto, l’ancienne province d’Omi apparaît comme une alternative enviable aux passages obligés du touriste en voyage au Japon. En ce qui nous concerne, son calme et sa richesse, tant historique que gastronomique, et son cadre naturel, nous ont définitivement conquis !
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2 réponses
[…] Au final, les succès du manga, puis de l’anime et du film ont permis de relancer le karuta, qui jouit maintenant d’une popularité sans précédent. Morio ASAKA, réalisateur de l’anime, nous expliquait lui même que les compétitions de karuta attiraient maintenant un public bien plus nombreux que ce qui était décrit dans le manga. Une popularité qui rejailli d’ailleurs sur la ville d’Otsu et le sanctuaire Ômi, haut-lieux du karuta où l’on peut maintenant régulièrement croiser des fans de Chihayafuru de tous âges. Chihaya et ses amis sont un peu devenus les portes drapeaux du karuta. Nous avons pu nous même le constater lors de notre visite dans la région du lac Biwa ! […]
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